JOURNALISTE : Vous avez rencontré votre homologue à Kavala après un long travail de préparation. Vous avez abordé des questions qui relèvent de la basse politique, autrement dit de questions qui ne figurent pas dans l’agenda des ministres, comme le plateau continental ou les eaux territoriales. Parlez-nous donc de ces contacts.
M. FRAGOGIANNIS : C’est toujours ce qui se passe lorsque vous avez des différends avec quelqu’un, qui se distinguent en deux catégories : les différends importants qui, parfois, sont insurmontables. Et ceux auxquels vous pouvez faire face. Et je pense que cela aide de passer aux questions moins importantes auxquelles nous pouvons faire face – comme les questions de coopération économique, l’énergie, la communication, le tourisme – et d’y apporter une solution et créer dans le même temps un environnement, un espace permettant à la diplomatie de s’épanouir pour ce qui est des questions les plus importantes. Ainsi, ce que nous avons fait avec mes collègues au ministère, mais aussi au sein de tous les ministères co-compétents et en coopération avec les Turcs, est d’identifier certaines questions demeurées en suspens depuis des années, depuis 17 ans pour certaines.
JOURNALISTE : Allons-nous les énumérer monsieur Fragogiannis ?
M. FRAGOGIANNIS : Il y a sept questions ayant trait à la coopération économique et entrepreneuriale, deux questions technologiques, une énergétique, une touristique ; il y a également des questions ayant trait aux transports et télécommunications, trois à la marine marchande, une à l’éducation, une concernant la sécurité sociale, une la santé et une l’environnement.
JOURNALISTE : Par exemple, pourrons-nous avoir des échanges de touristes ? Que concerne la question touristique ? Pourquoi est-elle importante ?
M. FRAGOGIANNIS : La question touristique concerne la façon dont les citoyens grecs peuvent visiter la Turquie et vice-versa. Outre la résolution de questions précises, on crée un environnement, un espace, un climat favorisant le positif et l’entente. Lorsque l’on bâtit un niveau de confiance et un niveau d’entente, cela permet de passer à la phase suivante et la phase suivante est d’aborder d’autres questions qui peuvent être très importantes.
JOURNALISTE : Votre homologue turc était-il bien disposé ? Voulait-il que ces questions avancent ?
M. FRAGOGIANNIS : Les deux parties étaient très bien disposées. Il y a eu une très bonne préparation, de part et d’autre. Nous avons soumis 15 questions il y a 3 mois, eux en ont soumis 8 et au dernier moment nous en avons rajouté deux. Ce que nous avons réussi à faire en même temps est de créer des groupes de travail interne avec nos ministères afin d’être bien préparés. Et dans 16-17 jours, nous nous reverrons pour voir l’état d’avancement de ces questions, puis un mois plus tard et nous espérons que dans le courant du mois de juillet nous finaliserons tout cela.
JOURNALISTE : C’est bien qu’il y ait une coopération entre deux pays, qui plus est entre deux pays voisins. Mais, est-ce que nous pouvons avancer vers une coopération si les plus grands problèmes ne sont pas surmontés (ex. lorsque la Turquie fait tout le temps sortir des bateaux, lorsqu’ils s’approchent de Kastellórizo, lorsque M. Cavusoglu dans une interview au journal « Vima » affirme qu’ils ne sont pas d’accord avec l’extension de la Grèce à 12 miles, etc.) ? Est-ce que les autres questions peuvent avancer ?
M. FRAGOGIANNIS : « J’ai deux réponses à cette question : résoudre une question qui perdure à Kipoi, Evros et qui concerne l’espace douanier et le pont, pourquoi cela est-il forcément lié aux autres questions ? Plus important encore, s’il y a une possibilité de s’entendre sur les questions importantes, je pense que cette possibilité peut grandir lorsque nous nous sommes entendus sur les autres questions. Donc, ce que nous essayons de faire est de créer un cadre, un espace qui aider la diplomatie nationale et importante.
JOURNALISTE : En ce qui concerne le tourisme, la reconnaissance mutuelle des certificats de vaccination est une condition préalable. Étant donné qu’en Turquie différents vaccins ont été utilisés, pour certains ils n’ont pas été reconnus par l’UE. Est-ce qu’une solution peut être trouvée, un terrain d’entente ?
M. FRAGOGIANNIS : Concernant la reconnaissance mutuelle des vaccins pour ce qui est des déplacements de touristes, il y a des spécialistes au gouvernement et à l’heure actuelle, que ce soit de notre côté ou du côté turc, ils examinent le type de vaccins et la façon dont la reconnaissance se fera. Donc, il y a une volonté des deux parties. Et je pense qu’au cours des 2-3 prochains jours, les différentes questions ayant trait au mode de reconnaissance, au type de vaccins et au mode d’application, seront résolues.
JOURNALISTE : Allons-nous résoudre cela tous seuls ou bien allons-nous demander l’aide de l’UE ?
M. FRAGOGIANNIS : Je pense que nous n’allons pas demander l’aide de l’Europe, je crois que les deux équipes discutent d’ores et déjà de la question.
JOURNALISTE : Personne ne pense que toutes ces questions peuvent être résolues avec un bon climat et une bonne rencontre. Tout le monde comprend que la Turquie, en vue de la rencontre entre Erdogan et Biden et le sommet européen, où l’agenda avec la Turquie sera posé, avait et a besoin de montrer un autre visage. J’ai le sentiment que la Turquie a été contrainte – et fort heureusement – de changer de position. Sommes-nous en train de créer des attentes excessives que des questions qui ont été ouvertement soulevées, comme le casus belli ou les questions concernant la minorité et la démilitarisation, peuvent être également résolues ? Plaçons-nous la barre trop haut?
M. FRAGOGIANNIS : Les problèmes ne peuvent être résolus du jour au lendemain. Une préparation minutieuse est nécessaire et beaucoup de travail. M. Dendias l’a clairement dit hier, à savoir que nous avons nos différends, mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas essayer d’avoir des voies de communication, des ponts à tous les niveaux et de créer un cadre dans lequel nous pourrons finalement nous entendre. La Turquie est notre voisin, que cela nous plaise ou non, c’est un grand pays, une grande économie et nous voulons communiquer avec elle et elle le veut aussi. Tout ce dont vous parlez renferme une grande part de vérité et il se peut que nous nous trouvions devant des attentes que nous essayerons de satisfaire. Mais il n’est pas seulement question de nos attentes, mais également de leurs attentes. Il y a leurs plans et nos plans. Et ce que nous faisons en diplomatie économique, c’est fixer un cadre, un incubateur dans lequel un environnement pourra être créé pour que les autres questions mûrissent.
JOURNALISTE : Je ne peux m’empêcher de poser une question concernant Astypalea. Donnez-nous quelques informations. Nous savons que vous préparez une grande manifestation sur l’île à laquelle le Premier ministre assistera. Que se passe-t-il là-bas ?
M. FRAGOGIANNIS : Le programme Astypalea île verte est en train d’être appliqué. Nous allons nous rendre là-bas afin de montrer ce qui a été fait. Il s’agit d’un programme qui durera cinq ans, donc il est question de son inauguration. Les 4 piliers sont l’électromobilité et les chargeurs, le remplacement des moteurs diesel par des sources d’énergie hybrides, les transports à la carte, autrement dit pouvoir appeler l’ambulance 24 h sur 24 depuis l’endroit où vous vous trouvez, afin que celle-ci vous transporte au lieu où vous souhaitez vous rendre et, enfin, la conduite autonome.
Demain, donc, nous avons l’intention d’aller à Astypalea avec le Premier ministre afin d’inaugurer ce programme. Nous allons présenter au Premier ministre et aux autres ministres et à nos invités les progrès que nous avons accomplis au cours de ces 7 mois et ce qui va se passer.
Il s’agit en réalité d’un programme très novateur qui suscite l’intérêt du monde entier et j’utiliserais une expression pour le décrire : « une photographie de l’avenir avant l’avenir, aujourd’hui ». Et de cette façon, grâce à ce petit programme, la Grèce s’impose comme endroit où l’on peut investir, parler, se faire comprendre et trouver un environnement lui permettant de réaliser ses projets.
La plus grande difficulté de ce programme est la coordination de cinq ministères, de la municipalité d’Astypalaia, la région du Sud de l’Egée et d’une société colossale. Nous sommes habitués, au ministère des Affaires étrangères, à cordonner. Vous savez, nous ne sommes pas un ministère « productif ». Le plus gros travail du projet d’Astypalaia a été fait par le ministère de l’Energie, le ministère des Infrastructures, le ministère des Transports. Donc, nous, coordonnons l’effort afin de pouvoir aboutir à des résultats.
June 1, 2021