Interview accordée par le Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères chargé de la Diplomatie économique et de l'Extraversion Kostas Fragogiannis au journal ELEFTHEROS TYPOS et au journaliste Ap. Chondropoulos (3 juillet 2022)

JOURNALISTE : M. Fragogiannis, que pensez-vous de l'évolution des relations gréco-turques dans la période à venir après les messages envoyés à Ankara par le Conseil européen et le sommet de l'OTAN ?

M. FRAGOGIANNIS : Comme vous l'aurez constaté, M. Chondropoulos, dans aucune des nombreuses discussions de ces derniers jours, la Turquie n'a soulevé de manière provocante une quelconque question concernant la mise en avant de ses propres arguments à l’encontre de la Grèce. Cela n’est pas le fruit du hasard. Il reste à voir maintenant si cela revêt également des aspects internes. En tout état de cause, la Grèce continuera à défendre sa légitimité et sa souveraineté nationale avec sobriété et détermination, sans entrer dans un processus de confrontation rhétorique inutile.  

JOURNALISTE : Dans ce contexte de provocation croissante de la part de la Turquie, quelles peuvent être les perspectives dudit « agenda positif » ?

M. FRAGOGIANNIS : Comme je l'ai souligné à plusieurs reprises, l'agenda positif avec la Turquie est une initiative dans le cadre de la conduite de la diplomatie économique sans toucher aux questions sensibles de nos relations bilatérales avec la Turquie. Il est vrai, Monsieur Chondropoulos, que dans ce climat de tension que la Turquie a systématiquement alimenté ces derniers temps, il est quelque peu inconfortable de poursuivre le dialogue. C'est pourquoi il y a eu un report du prochain cycle de discussions sur les points de l'agenda positif. Il n'est cependant pas question d'annuler l'agenda positif.  

JOURNALISTE : Quel est le bilan de trois années de gouvernance dans le domaine de la diplomatie économique ?  


M. FRAGOGIANNIS : Il faudrait que je parle en chiffres pour donner une réponse correcte à votre question. Ainsi, selon ELSTAT, en 2021, il y a eu une augmentation impressionnante de 72,3 % des investissements directs étrangers (IDE), qui ont dépassé 4,8 milliards d'euros, contre 2,8 milliards d'euros à la même période en 2020, soit les entrées nettes les plus importantes depuis 2002, ce qui confirme que la Grèce a rétabli sa réputation d'économie dynamique fiable et de destination d'investissement attrayante. La diversification des caractéristiques qualitatives des investissements est également remarquable. Au-delà des secteurs traditionnels de l'immobilier et du tourisme, notre pays attire désormais des investissements dans des secteurs de pointe tels que la haute technologie et les sciences de la vie. Cela est confirmé par les investissements phares de géants mondiaux tels que Microsoft, Amazon, Pfizer, Cisco, Google, JP Morgan.  


On estime que les projets inclus dans les investissements stratégiques, de juillet 2019 à ce jour - au nombre de 30 - ont créé 3 740 nouveaux emplois.

JOURNALISTE : Qu'ont donné les missions d’affaires et quelles sont les prochaines initiatives possibles dans cette direction ?

M. FRAGOGIANNIS : Il n'est pas surprenant que nous soyons très actifs dans la région du Golfe, l'échange de missions d’affaires avec l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis étant un excellent exemple. Ces contacts ont déjà débouché sur des accords et des partenariats importants, le Conseil d'affaires Grèce-Arabie saoudite, l'accord Grèce-Arabie saoudite pour la construction d'un système de transmission de données par câble sous-marin et terrestre entre l'Europe et l'Asie, ledit corridor de données Est-Med, l'accord-cadre entre le groupe industriel et d'investissement ADQ, propriété de l'État d'Abou Dhabi, et la Banque hellénique de développement et d'investissement pour la réalisation d'investissements émiratis d'une valeur de 4 milliards d'euros en Grèce.  Nos actions, bien sûr, et nos activités ne se limitent pas à notre voisinage et à la région du Golfe. La présence internationale de la Grèce est de plus en plus renforcée et, dans ce contexte, nous coordonnons déjà une importante mission d’affaires du Japon, qui a exprimé son intérêt pour une visite en Grèce à l'automne.

JOURNALISTE : Quels sont les défis pour la diplomatie économique du pays dans le nouvel environnement international créé après l'invasion russe de l'Ukraine ?
M. FRAGOGIANNIS : Ayant poursuivi une politique énergétique qui vise à maximiser la sécurité énergétique d'une part et à diversifier les sources et les voies d'acheminement d'autre part, nous consolidons et renforçons progressivement la position de la Grèce en tant que plaque tournante énergétique régionale.  L'amélioration générale de l'image du pays, la revalorisation de son rôle géostratégique et les incitations à l'investissement attrayantes désormais proposées ont entraîné une activité d'investissement sans précédent dans le secteur de l'énergie. Le réseau d'infrastructures stratégiques construit ou en cours de construction, comme le gazoduc TAP, le gazoduc IGB et l'interconnecteur Grèce-Macédoine du Nord, ainsi que le terminal d’unité flottante de stockage et de regazéification (FSRU) de gaz naturel d'Alexandroupolis et la perspective de développer d'autres terminaux FSRU dans toute la Grèce, constituent des projets d'importance stratégique pour les Balkans, l'Europe du Sud-Est et la région élargie.

JOURNALISTE : Nous voyons que toute cette incertitude internationale fait que le Premier ministre donne la priorité au besoin de stabilité politique. Quelle importance revêt-elle, selon vous, notamment pour la diplomatie économique ?

M. FRAGOGIANNIS : Dans l'environnement dans lequel nous vivons aujourd'hui, où les crises multiples se succèdent, où le système économique et politique mondial est en crise et remis en question, la stabilité politique intérieure est plus nécessaire que jamais. Je crois que grâce à nos choix, en tant que gouvernement, nous avons réussi à gérer efficacement toutes les crises, renforçant même notre présence et notre voix sur la scène internationale. Je pense que la diplomatie économique a joué un rôle essentiel à cet égard et j'attends avec impatience des résultats toujours meilleurs.  



JOURNALISTE : Êtes-vous intéressé par une candidature au parlement lors des prochaines élections ?

M. FRAGOGIANNIS : Ce qui m'intéresse, c'est de poursuivre mon travail sans relâche dans ce portefeuille critique de la diplomatie économique que le Premier ministre m'a fait l'honneur de me confier, pour le bien du pays et de nous tous, ses citoyens.  Dans l'immédiat, je n'ai pas l'intention de briguer un poste au Parlement.

July 3, 2022