Interview accordée par le Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Kostas Fragogiannis à ethnos.gr et à la journaliste Katerina Kokaliari (10.12.2023)

JOURNALISTE : La rencontre entre le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis et le président turc Recep Tayyip Erdogan à Athènes a montré que des progrès peuvent être réalisés dans les relations entre les deux parties.  Comment les discussions sur l'agenda positif entre la Grèce et la Turquie vont-elles se dérouler à partir de maintenant ?

M. FRAGOGIANNIS : La visite du président turc Erdogan et de la délégation turque à Athènes avant-hier s'est certes très bien déroulée, le président turc ayant fait preuve d'une volonté sincère de coopération. Cela s'est reflété non seulement dans ses déclarations, mais aussi dans sa présence générale, ses gestes, sa posture, autant d'éléments qui révèlent ses véritables intentions.

La déclaration conjointe sur l'amitié et les relations de bon voisinage, signée au niveau des dirigeants, ainsi que la série d'accords importants et de protocoles d'accord entre les ministères et les organes concernés, reflètent le bon climat qui règne dans nos relations avec notre voisin.  Permettez-moi de souligner que l'agenda positif a joué un rôle clé dans l'instauration de ce bon climat. Lorsque l'idée de l'Agenda positif est née, en 2021, le climat de nos relations avec notre voisin était tout à fait différent. En choisissant stratégiquement, en tant que gouvernement, de ne pas se concentrer sur nos désaccords avec la Turquie, mais de rechercher des domaines de convergence où notre coopération serait mutuellement bénéfique, nous avons réalisé quelque chose de très important. Nous avons réussi à maintenir des canaux de communication ouverts, même dans les moments difficiles, grâce aux nombreux thèmes de l'agenda positif, qui couvrent différents domaines de travail du gouvernement.

Les 15 accords/mémorandums/déclarations signés dans les domaines de l'entreprenariat, de la coopération douanière, du tourisme, du sport, de l'éducation et de l'innovation sont le résultat d'un travail acharné des comités et groupes de travail respectifs mis en place pour travailler sur ces sujets. Ce travail acharné a permis de créer un climat de coopération, de compréhension mutuelle et de confiance, qui se renforce et se consolide progressivement. Et qui se propage et influence d'autres aspects des relations. Il est important de souligner que l'Agenda positif est un processus dynamique. Ses thèmes s'enrichissent et d'autres accords viendront s'ajouter aux 15 que nous avons signés le 7 décembre.

JOURNALISTE : Le bon climat qui a prévalu lors de la 5e réunion du Conseil de coopération de haut niveau entre la Grèce et la Turquie ne signifie pas, bien sûr, que tous les problèmes dans les relations entre les deux pays ont été éliminés. Craignez-vous qu'Ankara essaie d'ouvrir de nouvelles questions dans la période à venir et que les « eaux calmes » ne soient pas maintenues ?


M. FRAGOGIANNIS : Il est évident que nous n'avons pas résolu tous nos différends avec la Turquie, mais nous avons néanmoins fait des pas en avant très importants et il existe désormais une volonté exprimée des deux côtés d'approfondir la coopération. Dans mon portefeuille, celui de la diplomatie économique, nous continuerons à chercher des ponts d'amitié et de coopération dans de plus en plus de domaines.
Je suis optimiste quant au maintien du bon climat, car c'est tout simplement dans l'intérêt de tous. Les défis difficiles et sans précédent auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, tant au niveau mondial que régional en Méditerranée, ne laissent aucune place à la confrontation et à la rivalité, mais exigent au contraire coopération et convergence. L'approfondissement du climat positif dans les relations gréco-turques et le développement de nos relations bilatérales contribuent à la prospérité générale de la région.

JOURNALISTE : Vous avez souligné que la Grèce n'est pas seulement une plaque tournante de l'énergie et un point d'entrée, mais qu'elle est également en train de devenir un garant de la sécurité énergétique. Quelles initiatives peuvent être attendues dans la période à venir dans ce sens ?

M. FRAGOGIANNIS : Notre gouvernement a mis l'accent sur sa politique énergétique, qui est bien conçue et orientée vers la diversification des sources et des voies d'acheminement de l'énergie, afin de garantir à la fois la suffisance et la sécurité.  

Avec un certain nombre de projets prévus et en cours de construction sur terre et en mer, le pays consolide de plus en plus sa position en tant que plaque tournante du transport d'énergie et de l'interconnexion entre l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. Le gazoduc trans-adriatique TAP pour le transport du gaz naturel en provenance d'Azerbaïdjan, l'interconnexion gazière Grèce – Bulgarie IGB, l'interconnexion Grèce-Macédoine du Nord, le réservoir de stockage de GNL sur l'île de Revithoussa, le terminal flottant de stockage et de gazéification du GNL à Alexandroupolis et la perspective de développer d'autres terminaux flottants autour de la Grèce, sont d'une importance stratégique pour la région élargie des Balkans et pour l'Europe du Sud-Est.

Les discussions sur les perspectives d'investissement et de coopération dans le secteur des énergies renouvelables (SER) figurent tout en haut de l'ordre du jour de tous nos contacts à l'étranger, dans le cadre de réunions bilatérales et de missions commerciales auprès d'alliés et de partenaires traditionnels, tels que les États-Unis, les pays européens, les pays du Moyen-Orient et d'autres marchés cibles importants, tels que le Japon et la Corée du Sud.

Dans ce contexte, le projet de coopération trilatérale pour l'interconnexion électrique sous-marine Grèce-Chypre-Égypte « EuroAfrica Interconnector », dont la mise en œuvre progresse rapidement. Ce projet contribue à mettre fin à l'isolement énergétique de Chypre, à interconnecter le réseau électrique égyptien avec celui de l'UE et à renforcer la sécurité énergétique de la région.

JOURNALISTE : Dans un contexte de défis économiques mondiaux, est-il facile pour la Grèce de renforcer sa position en tant que destination attrayante pour les investissements ?

M. FRAGOGIANNIS : Et pourtant, dans l'environnement que vous décrivez, ce que je constate - je dois l'admettre avec satisfaction - dans tous mes contacts internationaux, c'est que la Grèce est maintenant fermement dans le radar des investisseurs internationaux. La stabilité politique bien établie dans le pays, combinée aux réformes structurelles réalisées et à l'accent mis par le gouvernement sur l'ouverture de l'économie, ont gagné la confiance des marchés.

Comme je l'ai mentionné précédemment, le secteur de l'énergie suscite beaucoup d'intérêt et d'opportunités. Dans le même temps, le secteur de la haute technologie suscite également un intérêt accru, la Grèce jouant là encore le rôle de plaque tournante pour l'Europe du Sud-Est et le Moyen-Orient.

Ce climat favorable à la Grèce devrait encore se renforcer à la suite de la récente vague - si je puis dire - d'améliorations de la crédibilité de l'économie grecque par les agences de notation internationales, que nous attendions avec impatience et pour lesquelles nous avons travaillé sans relâche.  Permettez-moi de vous rappeler que l’une après l'autre, les agences de notation ont relevé la note de la Grèce, à commencer d'abord par l'agence japonaise R&I, l'agence allemande Scope Ratings et l'agence canadienne DBRS Morningstar, puis par les agences plus prestigieuses comme Standard & Poors, Moody's et, plus récemment, Fitch.

JOURNALISTE : En ce qui concerne les exportations, comment les petites et moyennes entreprises peuvent-elles être renforcées ?

M. FRAGOGIANNIS : L'un des principaux objectifs de la diplomatie économique est d'aider les entreprises grecques à renforcer leur présence sur les marchés internationaux et d'accroître ainsi les exportations de produits et de services grecs.

Afin d'atteindre cet objectif - en effet, nous visons à porter les exportations à 60 % du PIB d'ici 2027 - nous disposons d'un certain nombre d'outils et nous sommes en train de les développer. Les missions d'entreprises à l'étranger et la création de conseils d'entreprises sont de tels outils. Les missions d'entreprises à l'étranger sont l'occasion d'apprendre à se connaître et de discuter des perspectives de coopération entre les entrepreneurs des deux parties, qui plus est avec la « bénédiction » des gouvernements. C'est important car cela crée un sentiment de sécurité pour les hommes d'affaires, qui savent que le climat des relations bilatérales entre les deux pays est bon et que, par conséquent, les perspectives de réussite de leurs activités sont favorables. Ce sentiment de sécurité est particulièrement important pour les petites et moyennes entreprises, qui ne disposent pas de marges importantes et ne sont pas disposées à prendre de gros risques.

Dans le même ordre d'idées, la société de crédit à l'exportation (ECG), aujourd'hui réformée, est un outil important qui offre aux entreprises - en particulier aux PME - des produits importants pour le développement de leurs activités.

Bien entendu, Enterprise Greece est également aux côtés des exportateurs grecs, grâce aux facilités qu'elle offre pour l'accès aux marchés internationaux. L'extraversion de l'économie grecque nous concerne tous : le gouvernement, les institutions du marché et les entrepreneurs. Et je suis satisfait d'avoir contribué, grâce à mon expérience dans le secteur privé, à l'effort général visant à améliorer les relations et la coopération entre les secteurs public et privé au profit de l'économie grecque.

December 10, 2023