Interview de G. Katrougalos, ministre délégué aux Affaires étrangères au journal télévisé de la chaîne ANT1 – Propos recueillis par le journaliste N. Chatzinikolaou

Interview de G. Katrougalos, ministre délégué aux Affaires étrangères au journal télévisé de la chaîne ANT1 – Propos recueillis par le journaliste N. Chatzinikolaou JOURNALISTE : J’ai le plaisir d’accueillir le ministre délégué aux Affaires étrangères, M. Katrougalos. Bonsoir M. le ministre.

G. KATROUGALOS : Bonsoir.

JOURNALISTE : J’aimerais un bref commentaire de votre part sur les nouvelles provocations de la Turquie. Cette dernière a déclaré – et elle le fait d’une manière choquante – qu’ils ont l’intention d’être présents partout où il y a un travail énergétique, et pour le dire plus simplement, soit en Egée, soit en Méditerranée orientale. Ils veulent probablement dire par-là qu’ils participeront au partage, de manière arbitraire, même dans des régions qui ne leur appartiennent pas. Comment réagit la partie grecque ?

G. KATROUGALOS : Notre différence avec l’autre partie ne tient pas au fait que nous avons des intérêts différents, mais à la façon dont nous résolvons les différends internationaux.

En ce qui nous concerne, nous insistons pour appliquer le droit international en diplomatie également. De cette façon, non seulement nous nous sommes basés sur la Convention internationale pour le droit de la mer, mais aussi nous avons développé de manière systématique nos coopérations tripartites avec d’autres pays, avec la République de Chypre avant tout, mais aussi avec l’Egypte et Israël.

Nous avons soutenu la République de Chypre dans son effort visant à confier l’exploitation de ses richesses à de grandes multinationales et comme vous pouvez l’imaginer, ils jouissent du soutien des pays dont elles sont originaires.

En ce qui concerne l’autre partie, nous sommes face à une politique révisionniste et à une rhétorique verbaliste qui de toute évidence est vaine.

Nous continuerons de défendre non seulement nos intérêts nationaux, mais aussi l’application du droit international et le mode de résolution des différends basé sur les conventions internationales et la diplomatie.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, ne craignez-vous pas que les Turcs ne provoquent un incident chaud, soit en Egée, soit dans la ZEE chypriote dans le but de nous traîner à la table et nous forcer à participer à une discussion à laquelle nous n’avons aucune raison de participer ?

G. KATROUGALOS : Nous sommes toujours vigilants pour parer à toute éventualité. Personnellement, je pense qu’il est improbable que l’autre partie choisisse cette option car en ce moment elle essaie de panser ses plaies au niveau économique interne. Et il semblerait qu’elle tente de se rapprocher de l’Occident et de l’Europe.

Il va de soi que la normalisation des relations avec l’Europe passe par la Grèce. Je pense qu’à ce stade, il serait suicidaire pour la partie turque d’adopter une conduite opportuniste.

JOURNALISTE : Il y a peu – pour passer à une autre question, celle de l’accord de Prespès – Bujar Osmani a déclaré que d’ici la fin de l’année, Skopje aura ratifié l’accord, puis ce sera à notre tour.

La question est la suivante : du point de vue du temps, qu’est-ce que cela signifie pour la réunion du Parlement qui ratifiera l’accord en Grèce et pour les évolutions politiques ?

G. KATROUGALOS : Pour être plus précis, le scénario le plus optimiste est vers la fin de l’année, début de l’année prochaine, selon ses dires.

JOURNALISTE : Oui, c’est ce qu’il a dit.

G. KATROUGALOS : Nous sommes dans les temps prévus, à savoir vers le mois de janvier ils s’acquitteront de leurs obligations.

Et par la suite, c’est à notre tour de nous acquitter de notre obligation découlant de l’accord de Prespès sans plus tarder. Donc à partir de ce moment, on peut à juste titre s’attendre à ce que les procédures parlementaires en Grèce soient activées.

JOURNALISTE : Mars ? Début mars ?

G. KATROUGALOS : Mars est la dernière limite. Nous avons donc un délai qui ne peut être défini avec exactitude à l’heure actuelle car nous ne connaissons pas la date précise de commencement. Cela dépend de l’autre partie.

JOURNALISTE : Ratification de l’accord et après élections en mai ?

G. KATROUGALOS : En aucun cas. C’est parce que nous voulons ratifier l’accord que nous sommes certains d’avoir la majorité parlementaire pour cela, mais aussi certains d’avoir le vote de confiance du Parlement.

Et un autre front important, celui de l’économie – car il n’y a pas seulement des questions ouvertes au niveau interne -, il est dans l’intérêt du pays que cette évolution positive ne soit pas interrompue. Et l’heure est venue pour le citoyen grec de voir une différence au niveau de ses revenus, plutôt que d’entendre tout le temps que seuls les chiffres économiques s’améliorent.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, un dernier commentaire avant de clôturer cet entretien. L’affaire du décès de notre compatriote dans l’Epire du Nord, en Albanie : il semblerait que les autorités albanaises ne veuillent pas faire la lumière sur cette affaire. Et je le dis car nous avons vu des points de suture sur les plaies de la victime, une pratique jamais vue par mon collègue Panos Sombolos, reporter de police depuis 40 ans. On les voit prendre du retard, laver le corps, vraisemblablement pour ne pas qu’il y ait de traces des coups de feu, afin que ne puisse être mesurée la distance des coups de feu ou je ne sais quoi. Et tarder à rendre la dépouille à la famille.

Je souhaiterais savoir de quelle façon le gouvernement grec protègera le droit de la famille du défunt de connaître la vérité à propos de son enfant. Quel qu’il soit, quel qu’ait été son comportement, sa famille avait le droit de savoir pourquoi il a été tué, pourquoi ils n’ont pas suivi la pratique civilisée de l’arrestation et au lieu de cela l’ont exécuté.

G. KATROUGALOS : Nous sommes en contact permanent avec les autorités diplomatiques du pays voisin et nos priorités sont celles que nous avons dit depuis le début, à savoir faire la lumière sur cette affaire. Protéger les droits de nos frères grecs là-bas et bien entendu dans le respect des relations entre les deux pays.

Car malheureusement M. Chatzinikolaou une belle fête avait été prévue le 28 octobre, où nous aurions célébré nos défunts tombés au front albanais et qui, pour la première fois, ont trouvé la paix avec leur inhumation, alors qu’une grande fête avait été organisée pour honorer leur mémoire, avec la présence de centaines de Grecs et de la ministre grecque de la culture dans ce village décoré de drapeaux, malheureusement au lieu de garder en mémoire l’image de deux pays qui se réconcilient et honorent leurs morts, nous avons gardé ce goût amer de la mort de l’un de nos compatriotes.

JOURNALISTE : Que répond le ministère albanais des Affaires étrangères à vos demandes de mener une enquête approfondie afin de connaître la vérité ?

G. KATROUGALOS : Ils font également part de leur volonté de faire la lumière sur cette affaire car ils ont à cœur de conserver le bon niveau des relations bilatérales. Ils mettent en avant la question de l’indépendance de la justice et certes nous leur répondons que nous comprenons très bien comment fonctionne l’Etat de droit, mais nous leur précisons qu’il faudra…

JOURNALISTE : Bien sûr M. le ministre, Rama, leur Premier ministre, s’est empressé de condamner le défunt, en le qualifiant de fou et d’extrémiste.

G. KATROUGALOS : Comme vous avez pu le voir, je me suis référé avec prudence à la nécessité pour les deux parties – cela se fait toujours selon le principe de réciprocité – de conserver le bon niveau de nos relations. Cela est fait dans le respect des principes de l’Etat de droit, des principes de bon voisinage.

Nous avons débuté avec ce pays également – comme nous l’avons fait avec l’Ancienne République yougoslave de Macédoine – un effort en vue de résoudre nos différends et nous voulons bien évidemment rendre justice à tout le monde et faire la lumière sur l’affaire du décès de notre compatriote. Nous devons toutefois considérer la question d’une plus large perspective, à savoir la nécessité de protéger les droits de nos compatriotes et les relations de bon voisinage avec le pays voisin.

JOURNALISTE : Oui, c’est ainsi que la partie albanaise et le premier ministre albanais doivent voir les choses.

G. KATROUGALOS : Jusqu’à présent, M. Chatzinikolaou, il y a eu une évolution au niveau de la négociation diplomatique. Voir comment cette histoire avec la justice albanaise évoluera est un test. Je ne voudrais pas préjuger de l’avenir, j’espère seulement que les choses évolueront comme nous l’entendons et espérons.

JOURNALISTE : Merci beaucoup M. le ministre.

G. KATROUGALOS : Merci à vous aussi.

November 1, 2018