Propos recueillis par le journaliste D. Manolis
Vous avez accompagné le Premier ministre lors de sa visite de deux jours en Turquie et vous avez participé aux entretiens élargis à Aksaray. Quel est le bilan de la visite et quels sont ses résultats ?
Les objectifs spécifiques de la visite, à savoir l’apaisement des tensions en Egée et la reprise du dialogue avec une planification systématique et substantielle des prochains pas à entreprendre, ont été pleinement atteints.
Cela sera bientôt concrétisé, la semaine prochaine, en marge de la réunion des ministres de la Défense de l’OTAN, dans le cadre d’une rencontre entre les deux anciens chefs d’état - major des armées : M. Apostolakis, ministre de la Défense et son homologue turc, M. Akar. Des contacts auront par la suite lieu au niveau du Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères de la Grèce et du Secrétaire d’Etat turc aux Affaires étrangères dont l’objectif sera de dresser l’état de la situation et de planifier les prochains pas à entreprendre.
Pouvons-nous en fait espérer, après la rencontre entre Tsipras et Erdogan, une diminution des tensions et des actes de provocation en Egée ?
Nous pouvons être prudemment optimistes. La semaine dernière le nombre de violations a été le plus bas depuis plusieurs années. Par ailleurs, pendant les deux jours qui ont suivi la visite, il n’y a eu aucune violation de notre espace aérien national. On espère que cette situation se stabilisera à la condition que l’intention de l’autre partie à cet égard soit confirmée lors de la prochaine rencontre des ministres de la Défense.
Vous avez visité la Faculté de Théologie de Halki. Cette visite a été qualifiée d’historique. Que pensez-vous de la réouverture de la Faculté de Théologie ?
Il est vrai que cette visite a été historique et tous ceux qui ont participé ont eu ce sentiment d’être en contact avec l’histoire. La réouverture de la Faculté n’est pas seulement une question d’intérêt pour la Grèce ou bien pour l’église orthodoxe mais elle revêt une dimension véritablement œcuménique. La réouverture montrera à tout le monde que l’Islam et le Christianisme peuvent coexister en paix, en unissant et pas en divisant les peuples et que la Turquie est une démocratie qui protège les libertés et les droits religieux. Par conséquent, la présence elle-même du Premier ministre et notamment son discours et celui du Patriarche œcuménique, revêtent un caractère symbolique et ils constituent une garantie importante pour la réouverture future de la Faculté.
La question de la levée du casus belli a-t-elle été abordée ?
Nous n’avons pas abordé le fond de toutes les questions, l’objectif de la visite étant de reprogrammer et de relancer le dialogue. Comme vous l’avez pu le constater par la conférence de presse des deux dirigeants, toutes les questions soulevées par l’autre partie ont été répondues sur la base des positions immuables de la diplomatie grecque, qui plus est en mettant l’accent sur le respect du droit international, pierre angulaire de nos relations.
M. Erdogan a fait une référence particulière aux accords économiques qui seront conclus lors de la réunion du Conseil de coopération de haut niveau qui se tiendra à Thessalonique. Quand estimez-vous qu’auront lieu la réunion du Conseil de coopération de haut niveau et le forum d’affaires entre les deux pays ?
Il a été en effet convenu entre les deux dirigeants d’engager un dialogue politique au plus haut niveau entre les deux Etats, ce qui donnera l’occasion à leurs milieux d’affaires de se rencontrer. Le Conseil de coopération de haut niveau et le forum économique seront l’aboutissement des efforts consentis pour la reprise du dialogue. Je pense que dès lors que l’autre partie fera preuve d’une volonté similaire à la nôtre, il sera possible d’organiser bientôt ces réunions, à savoir au cours du premier semestre de cette année.
Suite à l’accord conclu entre le ministre délégué à l’Economie, Stergios Pitsiorlas et le ministre turc du Commerce sur l’établissement d’une liaison maritime entre Thessalonique et Izmir, existe –t-il aussi l’éventualité d’établir une liaison maritime entre Lavrio et Izmir et une liaison ferroviaire directe entre Thessalonique et Istanbul ?
Bien évidemment. Tous ces projets sont examinés. Par ailleurs, pour ce qui est des liaisons maritimes qui ne nécessitent pas des investissements dans des infrastructures, il existe la perspective bien réelle de rendre opérationnelle cet été la ligne maritime entre Thessalonique et Izmir.
La Grèce consent-elle à la révision de l’union douanière entre l’UE et la Turquie ?
Les relations entre l’UE et la Turquie ainsi que la question de la révision de l’union douanière entre l’UE et la Turquie dans l’intérêt de tous les pays de la région ont été largement évoquées. Le Premier ministre a réitéré la position nationale immuable en faveur de la perspective européenne de la Turquie, à la condition bien évidente que l’acquis communautaire et les intérêts de toutes les parties impliquées soient respectés. Dans ce contexte, nous sommes favorables au lancement de la discussion y relative.
Etes-vous optimiste quant à la reprise des discussions sur la question chypriote ? Quand est-ce que commencera le dialogue préparatoire et que comportera-t-il ?
Il est vrai que les réunions préparatoires au niveau des ministères des Affaires étrangères devraient commencer bientôt, ce qui constitue une demande de la partie grecque depuis 2016. Notre objectif est de valoriser les progrès réalisés à Crans-Montana, pour ce qui est notamment du domaine de la sécurité, de la suppression des garanties, du retrait de l’armée d’occupation, afin de réunifier l’île sur la base des résolutions de l’ONU et du droit international.
La Grèce a ratifié vendredi dernier le Protocole d’adhésion de son voisin au nord à l’OTAN. Quels sont les prochains pas à entreprendre ? Quand est-ce qu’Athènes enverra la note verbale et quand est-ce que le pays voisin devrait notifier à l’ONU et aux autres organisations internationales ainsi qu’aux autres Etats sa nouvelle appellation constitutionnelle sur la base de l’Accord de Prespès ?
Lundi une note verbale sera envoyée par laquelle sera notifiée la ratification de l’accord et par la suite la Macédoine du Nord informera en la matière l’ONU mais aussi tous les Etats membres qui l’avaient reconnue sous son appellation constitutionnelle afin qu’elle soit désormais reconnue sous sa nouvelle appellation constitutionnelle. Et, bien évidemment, à partir de lundi elle doit commencer, comme il a été convenu, à s’acquitter de ses obligations, à savoir changer les appellations des rues, des bâtiments, des documents qui portent l’ancienne appellation.
Par conséquent, dès la semaine prochaine le pays voisin sera-t-il obligé d’utiliser exclusivement sa nouvelle appellation, c’est-à-dire Macédoine du Nord ?
Correct. L’accord de Prespès est explicite et clair à cet égard. Au sein de tous les forums internationaux, de toutes les organisations internationales, au niveau des relations bilatérales et à l’intérieur du pays, par exemple, tous les nouveaux documents porteront la nouvelle appellation constitutionnelle. Et dans le même contexte, le pays voisin procédera, sur la base d’une planification systématique, au changement du nom sur les documents existants ainsi qu’à des actions spécifiques supplémentaires là où cela est nécessaire, par exemple dans le cas de l’attribution de noms aux rues, etc.
Les 12 et 13 février se tiendra un débat en séance plénière sur la révision de la constitution. Quelles sont vos aspirations à cet égard ?
En dépit des voix extrémistes au sein de la Nouvelle Démocratie visant à saper le processus de révision, il y a eu une convergence de vues au sein du Comité de révision ce qui a par ailleurs conduit, dans six cas, à l’adoption par une majorité très élargie des propositions du parti SYRIZA mais aussi de la Nouvelle Démocratie. Bien évidemment, parvenir à une convergence de vues à l’égard de tous les dossiers n’est pas toujours possible, notamment dans les domaines où les divergences sont profondes au niveau de l’idéologie et de la façon de percevoir ce conflit entre les intérêts politiques et sociaux. Voilà en quoi consiste la démocratie, rechercher des solutions là où il existe aujourd’hui une convergence de vues, alors que la confrontation d’opinions continue ce qui donnera lieu à une convergence d’opinions à l’avenir. Je pense donc que lors du vote de la semaine prochaine, sera confirmé cet élan positif au sein du Comité afin de parvenir à une révision à caractère progressiste et démocratique qui renforcera les droits et la souveraineté populaire.
[Seul le prononcé fait foi]
February 10, 2019