Interview de N. Kotzias, ministre des Affaires étrangères, au journal chypriote « POLITIS TIS KYRIAKIS » - propos recueillis par les journalistes Evangelos Aretaios et Giorgos Kakouris

JOURNALISTE : Comment les évolutions après la tentative de putsch en Turquie influencent-elles les relations gréco-turques ?
Ν. ΚΟTZIAS  :  Bien avant la tentative de putsch, j’avais qualifié la Turquie de «  puissance nerveuse » laquelle doit comprendre que son meilleur voisin est la Grèce. Et que, par conséquent, la formulation de revendications révisionnistes aux dépens de l’espace grec ne sert à rien et encore moins son refus d’appliquer le droit international et même les traités et les accords internationaux, tels que la Convention de l’ONU sur le droit de la mer et le Traité de Lausanne. L’histoire nous a enseigné que les révisionnistes ne sortent pas vainqueurs et que les conséquences de leur échec sont « largement ressenties ».
L’objectif de notre politique est d’éviter que la crise intérieure de la Turquie influe sur sa politique étrangère. Eviter aussi que les rivalités entre les deux principaux partis du pays voisin à l’égard du Traité de Lausanne forment un front commun contre le droit international. C’est pourquoi dans notre communiqué j’ai signalé que leur dispute au sujet des îles grecques est une dispute sur une question qui ne les concerne pas.
JOURNALISTE : Êtes-vous préoccupés par l’éventualité d’une tension ? Quelle est exactement votre position à cet égard ?
N. KOTZIAS : Aussitôt que le putsch a éclaté en Turquie, le Premier ministre de la Grèce, M. Alexis Tsipras et toute la direction politique du pays, ont exprimé leur solidarité avec le gouvernement turc élu et avec le peuple de la Turquie. Nous sommes contre tout coup d’Etat et toute action qui sape la démocratie en Turquie. Bien évidemment, nous nous opposons au coup d’Etat, non pas pour soutenir ceux qui sont en pouvoir mais pour défendre et élargir la démocratie et la stabilité des institutions, des règles, des principes et des valeurs sur lesquels doit être axée une démocratie.
Je pense fermement que la Démocratie requiert une organisation aussi démocratique. Dans ce cadre, nous soutenons le parcours européen du pays voisin, en tant que voie de modernisation et de démocratisation ultérieure, d’application du droit international et des règles européennes, à l’égard notamment de Chypre et de la question chypriote.
JOURNALISTE : Le fait que les huit putschistes se soient réfugiés en Grèce est pour vous une source de préoccupation vu les effets négatifs que cela pourrait entraîner ?
N. KOTZIAS : La Grèce est un Etat de droit. Toute personne sollicitant l’asile dans notre pays est traitée par les instances de la justice indépendante grecque conformément aux dispositions et aux règles internationales. Une justice qui prend en considération le rôle éventuel de chaque demandeur dans le putsch avorté. Je ne pense pas que quiconque puisse avoir des raisons d’être en colère ou de se plaindre en raison du fait que nous mettons en œuvre les principes de la civilisation européenne : l’Etat de droit mais aussi la défense de la démocratie.
JOURNALISTE : Est-ce que le coup d’Etat aura des répercussions  sur les pourparlers en cours relatifs à la question chypriote ?
N. KOTZIAS : Le fait que les puissances derrière le coup d’Etat à Chypre ont été révélées, qui plus est des puissances servant dans les rangs supérieurs de l’armée d’occupation, est la preuve que cette armée ne peut pas garantir les droits de quiconque dans Chypre occupée et beaucoup moins dans une Chypre unifiée et libre. D’un autre côté, une autre partie de l’ordre établi en Turquie pense que certaines sections des services secrets étrangers ont été impliquées dans le coup d’Etat ou du moins qu’elles ont fait preuve de tolérance à cet égard.
Dans ce cadre, ils exploitent les remords qu’éprouvent certains acteurs de la politique étrangère des Etats tiers, bien qu’il soit clair que ces derniers n’ont aucune part de responsabilité dans cette affaire. Ils exploitent aussi le dilemme auquel sont confrontés certains militaires occidentaux, à savoir soutenir la politique turque à l’égard de la question syrienne ou soutenir les Kurdes de Syrie. Nous devons faire attention. Il ne faut pas qu’une certaine « contribution » au règlement de la question chypriote soit considérée comme une solution à cette contradiction.
JOURNALISTE : Pensez-vous que, vu la situation volatile en Turquie, Ankara et Tayyip Erdogan contribueront à l’atteinte d’une solution à la question chypriote ? Et si tel est le cas, pour quelle raison ? Pourquoi Tayyip Erdogan souhaiterait-il aujourd’hui une solution à la question chypriote ?
N. KOTZIAS : Je ne peux pas parler de souhaits. Je peux parler de facteurs réels. La Turquie est relativement isolée dans la région. La politique « de zéro problème avec les voisins » a échoué à cause des choix faits par la Turquie elle-même. Si elle veut jouer un rôle dans la région, elle doit contribuer au règlement des problèmes et non à la création de nouveaux problèmes ou à leur perpétuation. Si la Turquie se comporte en tant que puissance qui promeut la paix et l’entente, elle aura beaucoup plus à gagner que si elle se comporte comme une puissance qui promeut la guerre et la violence. En outre, la nouvelle diplomatie géopolitique et énergétique apporte des justifications potentielles afin qu’Ankara baisse le ton et suive une politique en faveur du règlement de la question chypriote.
JOURNALISTE : Par conséquent la Turquie suivra-t-elle une telle politique ?
N. KOTZIAS : Comme l’histoire le prouve, les directions et les institutions ne font pas toujours les choix les plus productifs et rationnels. Pour faire les bons choix, il faut que l’autre partie insiste sur des principes et sur une politique de valeurs. Et, notamment, il ne faut pas encourager les accusations et les demandes désuètes et sans fondement historique faites par des tiers, ou encore par des entités puissantes.
JOURNALISTE : La Turquie veut-elle donc une solution à la question chypriote ou non ?
N. KOTZIAS : La Turquie veut une solution « sur-mesure » à la question chypriote.  Nous devons influencer cette approche du « sur-mesure ». Toutes les parties doivent comprendre que le règlement de la question chypriote ne signifie pas une solution qui apportera des avantages géopolitiques à la Turquie ou à tout autre pays. La solution doit garantir les droits des citoyens des deux communautés et des trois petites minorités. La solution doit résoudre le problème et la cause fondamentale de la question chypriote : l’occupation. La question chypriote ne porte pas essentiellement sur les différends entre les deux communautés mais sur l’occupation étrangère de l’île et la présence de l’armée d’occupation dans des régions où habitent les Chypriotes turcs.
JOURNALISTE : Est-ce la mise en place d’une base militaire turque sur l’île pourrait être une solution à cette question ?
N. KOTZIAS : Le maintien de l’armée d’occupation sur le territoire de l’île ne constitue pas une solution. Car cela ne fait que perpétuer le problème que l’armée est appelée à régler, ne serait-ce que sous une nouvelle apparence. A titre d’exemple, la concentration d’une partie de l’armée d’occupation en une seule base militaire signifie la légalisation de l’occupation illégale de la partie nord de Chypre par l’armée d’un pays tiers. Cela signifie que l’occupation devient permanente et prend une forme légale dans une région de la République de Chypre et d’une occupation temporaire et en cours de négociation, elle se transforme en une occupation permanente tout en obtenant des droits de souveraineté sur les territoires de Chypre. Inutile d’analyser les dangers d’une déstabilisation future de Chypre émanant de la  mise en place d’une telle base militaire.
L’armée d’occupation doit se retirer de l’île dans son ensemble dans le cadre d’un calendrier réaliste. La théorie d’après laquelle l’armée doit se maintenir afin de garantir l’atteinte d’une solution, constitue en réalité la preuve et la reconnaissance du non règlement de la question chypriote.
JOURNALISTE : Dernièrement, on assiste à un mouvement anti-américain et anti-occidental en Turquie, l’OTAN et les Etats-Unis étant considérés par la grande majorité des citoyens turcs comme complices à cette tentative de coup d’Etat. Qu’est-ce que cela signifie ?
N. KOTZIAS : La Turquie est un carrefour de nombreuses civilisations et composantes géographiques. Nous pensons que dès lors qu’elle remplit les critères et modalités, elle pourra appartenir à la famille européenne de l’UE ou plutôt, plus correctement, elle pourra s’y intégrer. Une Turquie démocratique et européenne est dans l’intérêt de tous nos pays. S’agissant de la volonté des autres, je ne suis pas sûr que tout le monde souhaite l’adhésion de la Turquie à l’UE.
Ce mouvement anti-américain en Turquie est lié à certains aspects de son patrimoine historique Mais il n’est nécessaire que ce mouvement domine. Nous devons soutenir et faciliter les forces démocratiques et européennes à l’intérieur du pays. Toutefois, cela doit se faire à travers une politique de principes et non pas à travers des « concessions sous l’emprise de la panique » faites par ceux qui éprouvent des remords ou qui mettent leurs intérêts géostratégiques au-dessus de la nécessité d’une transformation positive de la Turquie. Par ailleurs, je dirais que ces milieux  font de la surenchère à l’égard de la valeur géopolitique de la Turquie et sous-estiment par exemple celle de la Grèce. Probablement considèrent-ils que notre attitude ne changera pas quoi qu’ils fassent. Mais ils se trompent.
JOURNALISTE : En dépit de cela, est-ce que le rôle de la Grèce et éventuellement celui de Chypre est revalorisé aux yeux des Etats-Unis/OTAN et de l’UE en raison des tensions dans les relations d’Ankara avec Washington et Bruxelles ?
N. KOTZIAS : S’ils ouvrent leurs yeux et adoptent une approche dénuée de préjugés, ils constateront que les deux Etats, Chypre et la Grèce, constituent un pôle de stabilité dans la région. Il y a deux ans, j’ai formulé la position que nos pays se trouvent à l’intérieur d’un triangle d’instabilité aux sommets duquel on a l’Ukraine, la Libye et le Moyen-Orient. Les évolutions en Turquie viennent confirmer mes analyses sur le rôle stabilisateur et particulier des deux Etats, de Chypre et de la Grèce. Certains ont commencé à faire preuve d’un pragmatisme plus marqué à l’égard de mes analyses. Mais ils ne sont pas encore nombreux.
JOURNALISTE : Etes-vous préoccupés par les évolutions relatives à l’accord de la Turquie avec l’UE sur la question des réfugiés ? Ankara demande la suppression des visas d’ici le mois d’octobre, pensez-vous que l’UE fera marche arrière ?
N. KOTZIAS : Pour pouvoir être mis en œuvre, un accord doit être soigné.  L’accord entre l’UE et la Turquie sur la question des réfugiés se heurte aux contradictions des deux parties. Du côté européen, ceux qui se sont mis d’accord sur son élaboration, ne s’intéressent pas forcément tous à sa pleine application. Certains ont probablement changé d’avis. D’autres, au moment où ils donnaient leur accord, espéraient que l’heure où l’accord entrerait en vigueur n’arrive jamais. La Grèce et beaucoup d’autres pays doivent œuvrer avec insistance afin que tous se rallient à la mise en œuvre de cet accord. Par ailleurs, on ne doit pas permettre que l’accord soit utilisé comme un moyen visant à proférer des menaces et comme une source de méfiance. Quoi qu’il en soit, il est vrai que la Turquie applique à ce jour l’accord.
JOURNALISTE : Si l’accord n’est pas mis en œuvre, quelle sera à votre avis la réaction d’Ankara et dans quelle mesure cette réaction influera sur la question des réfugiés et les relations gréco-turques ?
N. KOTZIAS : Il est évident qu’une nouvelle vague de réfugiés et de problèmes émanant de ce flux – actuellement le nombre de migrants économiques en provenance du Maroc et du Pakistan dépasse celui des réfugiés de la Syrie – compliquera les choses. Pour éviter cela, on doit contribuer à l’arrêt des hostilités au Moyen-Orient car le problème des réfugiés n’est pas la cause du problème mais une conséquence collatérale. Il faut soutenir les pays voisins de la Syrie et de l’Irak. On doit contribuer à la création de zones économiques en Jordanie et au Liban et de zones de reconstruction à l’intérieur de la Syrie elle-même.
JOURNALISTE : Pensez-vous que l’UE a adopté une position adéquate à l’égard de la Turquie après la tentative de putsch ?
N. KOTZIAS : Certains ont hésité à se rallier à la Turquie en vue de lutter contre le putsch. Certains au sein de l’UE ont pensé que la seule lutte était celle contre les militaires. Ce qu’il fallait faire c’est condamner immédiatement le putsch et soutenir les politiques pour plus de démocratie et plus d’européanisation.
JOURNALISTE : Quelle attitude voudriez-vous que l’UE adopte à l’égard d’Ankara pour la période à venir ?
N. KOTZIAS : Une attitude axée sur des principes et des valeurs. Nous ne pouvons pas oublier nos principes à l’égard des tiers, ni négliger la mise en œuvre de ces principes de la part des tiers. L’UE ne doit pas être bilingue, elle ne doit pas non plus faire semblant de négocier l’adhésion de la Turquie à l’UE et dans le même temps suivre une politique indifférente à l’européanisation de la Turquie tout en pensant que la Turquie ne deviendra jamais membre de l’Union. Je suis en faveur des explications claires et de l’application de tout ce qui émane de ces explications. Si l’on s’intéresse à voir la Turquie adhérer à l’Union, on doit veiller à ce qu’elle puisse y parvenir et dans le même temps, on doit être juste et stricte quant à la mise en œuvre  des critères et modalités. Ceux qui ne s’intéressent pas à la mise en œuvre de ces critères et modalités, doivent arrêter de faire semblant de vouloir que la Turquie adhère à l’UE. Quoi qu’il en soit, tous doivent adopter à l’égard de la Turquie une attitude axée sur des principes et le respect.
JOURNALISTE : Est-ce que la Grèce est prête à faire des propositions concrètes – des propositions susceptibles d’être acceptées – lors d’une éventuelle conférence internationale sur la question chypriote ?
N. KOTZIAS : La Grèce soutient tous les efforts visant à l’atteinte d’une solution à la question chypriote. Elle soutient, sans aucune hésitation, les choix faits par le gouvernement de la République de Chypre. Elle soutient une solution juste et viable, sans le système obsolète des garanties et la présence de l’armée d’occupation. Chypre est un Etat membre de l’ONU et de l’UE. Ce n’est pas un Etat en cours de formation comme pendant la période 1959-1960. Elle n’est plus dans la position d’être jugée, mais c’est elle qui juge l’adhésion par exemple de la Turquie à l’UE. Par conséquent sa position internationale a changé depuis les 57 dernières années. En outre, diverses parties ont violé le régime des garanties et tout d’abord la Turquie. Il s’agit en fait d’une violation persistante.
La Grèce a fait et continue de faire des propositions réalistes concernant des questions sur lesquelles elle a le droit de parole, par exemple, des questions ayant trait au régime des garanties et à l’occupation. Ce ne sont pas les intérêts des tiers qui se trouvent au cœur de notre politique mais les Chypriotes eux-mêmes.
JOURNALISTE : Quelles sont à votre avis les priorités de la Turquie concernant le chapitre des garanties et de la sécurité dans le dossier chypriote ?  Est-ce que ce chapitre constitue une question s’intégrant dans une stratégie substantielle en matière de sécurité ou s’agit-il plutôt d’une question de prestige et de rhétorique ?
N. KOTZIAS : Nombreux sont ceux en Turquie à vouloir légaliser et faire perdurer la présence militaire sur l’île meurtrie. Il existe aussi des forces plus réalistes. La Turquie doit décider ce qu’elle veut en définitive : assurer la sécurité des Chypriotes turcs ou ses propres avantages géopolitiques. Quant à la sécurité des Chypriotes turcs, il existe toujours un compromis bon et constructif. Mais pour les intérêts étroits d’Ankara, cela n’est pas le cas. Notre objectif est le règlement de la question chypriote. La définition d’une solution réelle et authentique ne comporte pas les droits de la Turquie aux dépens de la République de Chypre. Elle comporte des dispositions relatives à la coopération de Chypre avec les pays voisins ainsi qu’une relation d’amitié. Toutefois, les droits d’ingérence de tiers n’y sont en aucun cas inclus.
JOURNALISTE : Quelle sorte de messages recevez-vous de la part de la communauté internationale concernant le cadre de sécurité qui sera établi après l’atteinte d’une solution ? Est-ce que les Etats-Unis, la Grande Bretagne et les puissances européennes sont disposés à insister auprès d’Ankara sur la suppression des garanties ?
N. KOTZIAS : Les puissances dont vous avez parlé souhaitent une solution à la question chypriote. Souvent, pour différentes raisons, ils s’empressent de trouver une solution tout en oubliant que la qualité et l’équité d’une solution n’est pas directement proportionnelle à la vitesse avec laquelle cette solution sera recherchée. Notre devoir est de montrer et de mettre en évidence qu’une solution sans la suppression du régime obsolète des garanties et le retrait de l’armée d’occupation n’est pas une solution et en plus une telle solution va à l’encontre des principes de l’ONU, du droit international et européen, des droits de l’homme et de l’humanisme. Elle n’est pas conforme à un Etat de droit, indépendant et souverain.
JOURNALISTE : Est-ce qu’il est possible d’avoir un cadre de garanties prévoyant un rôle institutionnalisé de la Turquie - ce qui est l’objectif des Chypriotes turcs d’après les informations y relatives -  lequel ne suscitera pas des sentiments d’insécurité et de menace chez les Chypriotes grecs ?
N. KOTZIAS : Maintenir les garanties obsolètes sous quelque forme que ce soit, c’est avouer que la recherche d’une solution réelle à la question chypriote a échoué, dès lors qu’après un accord quel qu’il soit, certains auront soi-disant besoin des garanties extérieures. C’est aussi avouer que la solution recherchée ne prend pas comme critère de priorité les Chypriotes, ni même les Chypriotes turcs mais les aspirations géostratégiques de tiers. Cela ne crée bien évidemment pas un sentiment de justice et de sécurité chez tout Chypriote honnête. Force est de signaler que la moitié de la population chypriote turque a quitté l’île durant la période de l’occupation.
JOURNALISTE : Pensez-vous que la nouvelle approche entre la Russie et la Turquie influe sur la question chypriote ?
N. KOTZIAS : Je ne pense pas que les intérêts de la Turquie et de la Russie convergent pour ce qui est du règlement de la question chypriote. Ce que je vois est que certains à l’Occident, qui sont plus royalistes que le roi, au lieu de défendre les principes et les valeurs contre ceux qui les violent, affirment qu’il serait plutôt préférable pour l’Occident que la Turquie maintienne l’armée d’occupation sur l’île au lieu que la Russie détienne son droit de veto à l’égard de Chypre. Une Chypre unie et libre n’a besoin ni de l’un ni de l’autre. Il est vrai que la présence de l’armée d’occupation n’a jamais contribué à la mise en œuvre des principes pour lesquels l’OTAN prétend avoir été créée. Bien au contraire. Tout ce qui s’est passé avec l’occupation de la partie nord de Chypre, est en totale contradiction avec les principes prônés par le monde occidental, le droit international et européen ainsi qu’avec son système de valeurs.  En outre, la Russie dispose d’un veto en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et pas en raison d’un accord spécial relatif à la question chypriote.
Par ailleurs, l’exercice des droits de veto par les membres du Conseil de sécurité de l’ONU est possible tant qu’une solution juste et définitive n’est pas trouvée à la question chypriote qui est, avant tout, une question liée à l’occupation.
JOURNALISTE : Et ma dernière question : une Turquie moins isolée ne se sentirait-elle pas plus puissante à la table des négociations à l’égard des pressions exercées par les membres permanents du Conseil de sécurité ?
N. KOTZIAS : La vie m’a enseigné qu’une vraie négociation n’est possible que lorsque les deux parties feront les frais du non règlement d’un problème. Certains exercent des pressions unilatérales et veulent dispenser la Turquie de tout coût lié à l’occupation illégale des territoires d’un Etat tiers. Ils veulent même légaliser à posteriori cette occupation. L’objectif n’est donc pas les relations en général de la Turquie avec certaines puissances mais cette tolérance et « compréhension » dont font preuve ces puissances à l’égard des irrégularités commises par la Turquie.
JOURNALISTE : Que pensez-vous des récentes mobilisations devant l’ambassade de Grèce ?
N. KOTZIAS : J’étais étonné de voir les dirigeants politiques chypriotes manifester il y a quelques jours devant l’ambassade de Grèce. J’étais étonné qu’ils aient quitté pour un moment  la lutte pour une cause commune et qu’ils aient oublié  qui est aujourd’hui l’ami de Chypre et qui ne l’est pas. Heureusement, le peuple chypriote démocratique s’est distancié de ce genre d’actions.

October 9, 2016