N. CHATZINIKOLAOU : Nous avons avec nous le ministre des Affaires étrangères. Bonsoir, monsieur Nikos Kotzias. Je commence par ma première question.
Dans ses déclarations d’aujourd’hui, M. Mevlut Cavusoglu, ministre des Affaires étrangères de la Turquie, a qualifié d’absurde la proposition des Chypriotes grecs concernant le retrait de l’armée d’occupation de Chypre et a affirmé que les déclarations faites par l’autre partie, c’est-à-dire Chypre et la Grèce, servaient des intérêts politiques intérieurs. Je suis franchement curieux de savoir quelle a été la base de la discussion en Suisse, quand on voit le ministre turc, d’une manière aussi provocatrice, qualifier d’absurde ce que tous les Grecs et les Chypriotes considéraient comme une condition préalable à ce dialogue, à savoir le retrait de l’armée d’occupation ?
N. KOTZIAS : Je suis ravi de votre question monsieur Chatzinikolaou, question qui atteste de votre connaissance profonde de la négociation que nous avons menée pendant onze jours. Le troisième jour de la négociation, M. Cavusoglu a commencé à demander confirmation des possibilités d’intervention de la Turquie à Chypre. Je lui ai demandé avec insistance la raison pour laquelle il voulait cela, sans le laisser détourner la discussion, comme il faisait habituellement. Finalement, il s’est vu obligé de répondre. Il me dit : « Oui, nous voulons les droits d’intervention pour pouvoir, à notre convenance et lorsque nous le jugerons opportun, intervenir militairement à Chypre ».
Il était manifeste que cette affirmation était révélatrice de leurs aspirations, à savoir qu’ils ne voulaient pas simplement garantir par la voie juridique leur possibilité d’intervenir à Chypre mais qu’ils envisageaient de planifier une intervention de ce genre.
La deuxième discussion révélatrice à cet égard a été engagée le dernier jour, dans la nuit de jeudi à vendredi. Jeudi après-midi, le Secrétaire général de l’ONU nous a annoncé que les Turcs renonceraient à leurs droits d’intervention ainsi qu’à leurs droits découlant du Traité des garanties et qu’ils voulaient exclusivement discuter du Traité d’alliance.
J’ai salué cette évolution et j’ai dit que nous étions disposés à poursuivre notre discussion. Le soir, lors du dîner qui a duré plus de 5 heures, le Président de la République de Chypre, M. Anastassiadis, demandait avec insistance à M. Cavusoglu : «Quels sont les concessions et les compromis que tu as signalés au Secrétaire général de l’ONU»? Il lui a même demandé de les écrire, comme nous l’avons également demandé, ainsi que le Premier ministre, M. Alexis Tsipras. Autrement dit, nous lui avons demandé de rédiger un texte, similaire à celui que notre partie et la République de Chypre avaient soumis. La Turquie évitait de soumettre un texte similaire, tout comme les Britanniques.
Par la suite, M. Cavusoglu m’a dit : « Je ne suis pas en position – et ne veux pas – soumettre des documents écrits. J’ai dit au Secrétaire général tout ce que j’avais à dire». Le Secrétaire général de l’ONU, qui est un homme très sérieux et respectueux - et je dois aussi vous dire qu’il voulait trancher une fois pour toutes le nœud gordien de la question chypriote - a affirmé : «D’accord, je résumerai toutes les propositions en un paragraphe » et il a accepté la proposition grecque – proposition soutenue aussi par les Britanniques et les Chypriotes – concernant la mise en place d’un mécanisme d’application et de suivi du retrait de l’armée turque, la signature d’un pacte d’amitié non militaire sur des questions ayant trait à la paix, à la culture, à l’éducation, à la formation, à la recherche, au développement économique, etc., ainsi qu’un processus régissant le retrait définitif de l’armée turque, la suppression du Traité des garanties etc.
C’était un résumé extrêmement bon et avantageux pour la République de Chypre. A ce stade, M. Cavusoglu est de nouveau intervenu en affirmant : « Non, monsieur le Secrétaire général, je ne vous ai pas dit ce genre de choses. Nous voulons maintenir nos droits d’intervention à Chypre, nos armées et aussi le trait des garanties qui nous donne la possibilité d’intervenir, au moins pour les 15 prochaines années et après cette période il y aura un réexamen – qui sera effectué par nous, en coopération avec nos alliés ou le gouvernement chypriote – pour voir si on partira ou non».
Le Secrétaire général a affirmé : « Permettez-moi de vous dire, de la manière la plus polie qui soit, que j’ai mal interprété vos propos et que nous ne pouvons poursuivre cette discussion ».
J’ai expliqué tout au long des négociations à M. Cavusoglu que sa perception d’une société où l’armée a un rôle et une présence renforcés allait à l’encontre des principes de la civilisation occidentale. Car au sein de la civilisation occidentale, l’armée est sous les ordres de la politique et il ne peut y avoir une armée étrangère à Chypre qui contrôlera la direction politique, chypriote turque et chypriote grecque, sur l’île ».
Je lui ai également dit que j’étais bien étonné de voir la direction politique turque insister tellement sur le maintien de ses armées à Chypre, alors qu’elle avait caractérisé l’armée turque d' armée composée de putschistes et que le chef de l’armée turque ainsi que dix parmi les quinze officiers de haut rang de l'armée d'occupation turque ont été arrêtés en tant que partisans de Gülen.
Comment est-il possible qu’une armée, dont la direction a participé au coup d’Etat, puisse garantir l’ordre, le calme et la sécurité des citoyens de Chypre ?
Je lui ai également dit : « D’après ce que vous m’avez dit il y a une semaine, monsieur Cavusoglu, je comprends que vous voulez avoir l’opportunité à tout moment d’envahir et d’occuper tout le territoire de Chypre, après avoir accroché sur le canon du char d’assaut qui sera en première ligne de l’invasion, le traité que vous voulez que les directions chypriote et grecque signent. Rien de tout cela ne peut se faire. Ce que vous dites va à l’encontre des principes de la civilisation occidentale et ne peut faire partie de ce que l’on appelle règlement de la question chypriote. Car le règlement de la question chypriote signifie mettre fin à l’occupation et à la présence de l’armée d’occupation ».
N. CHATZINIKOLAOU : Il est très surprenant que M. Cavusoglu a également soutenu que les Nations Unies et l’Union européenne connaissaient le responsable de l’échec des pourparlers, en laissant entendre que les responsables étaient Athènes et Nicosie et il a affirmé d’une manière provocatrice: «Il faut qu’ils trouvent un autre prétexte pour ne pas nous laisser adhérer à l’Union européenne».
N. KOTZIAS: Tout d’abord, monsieur Chatzinikolaou – et je vous remercie de votre question – la Grèce est par excellence le pays qui soutient le parcours européen de la Turquie.
N. CHATZINIKOLAOU: Et, désormais, peut-être l’un des seuls pays.
N. KOTZIAS : Oui, c’est vrai et ce, pour la simple raison que Dieu ou Allah – comme j’ai coutume de le dire en rigolant – a fait que les Turcs soient nos voisins et il est dans le plus grand intérêt de notre pays d’avoir un voisin avec une mentalité européenne et une structure d’Etat démocratique.
Par conséquent, le processus d’adhésion à l’Europe apportera ces deux avantages. Mais, je souligne toujours que ce n’est pas aux Européens de décider si la Turquie adhèrera ou non à l’Union européenne. C’est avant tout à M. Erdogan, à M. Cavusoglu et aux autres de décider s’ils veulent se comporter de manière démocratique, s’ils veulent mettre la politique au-dessus de l’armée.
Pour ce qui est de l’ONU et de l’Union européenne, M. Cavusoglu le soir du jeudi à vendredi, lorsque nous avons achevé les travaux à 4 heures du matin, disait que « le Secrétaire général de l’ONU est au courant». Mais, le Secrétaire général de l’ONU disait : « Nous avons pris l’engagement de ne pas vous révéler les propositions des Turcs». Nous avons répondu: «Mais de quel accord parle-t-on, quand la Turquie communique ses points de vue à l’ONU, mais lui interdit de nous dire quels sont ces points de vue, quand cet accord, quel qu’il soit, doit être mis en œuvre par les citoyens chypriotes, à la grande satisfaction ou au grand regret de ces derniers, lesquels doivent savoir ce que comporte l’accord».
A ce stade le Secrétaire général de l’ONU est intervenu et a affirmé : «Je comprends que la Turquie ne veuille pas vous dire ce qu’elle m’a dit, je vais vous dire ce qu’elle m’a dit». Lorsque le Secrétaire général de l’ONU a dit ce que, à son avis, la Turquie avait dit - ou plutôt de quelle manière la Turquie se jouait de lui à ce jour – M. Cavusoglu a affirmé: «Non, ce n’est pas ce que nous avons dit au Secrétaire général, nous lui avons dit autre chose ». Quelle a été ma conclusion? Que la Turquie n’avait pas dit la vérité au Secrétaire général.
N. CHATZINIKOLAOU: L’ONU a-t-elle joué un rôle constructif ou plutôt bizarre? Et je vous pose cette question car c’était vous-mêmes qui avez soulevé une question en Suisse concernant le rôle du médiateur spécial, de M. Eide, qui fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps, à savoir qu’il a joué un rôle bizarre, peut-être pro-turc.
N. KOTZIAS : Je dirais que ce serait une grande erreur d’associer l’ONU à M. Eide. M. Eide est un conseiller, un envoyé spécial pour la question chypriote. Celui qui exprime l’opinion de l’ONU – et pour moi c’est l’ONU – est le Secrétaire général.
N. CHATZINIKOLAOU : Toutefois, monsieur le ministre, il y avait une cacophonie de la part du médiateur.
N. KOTZIAS : Le médiateur ne faisait pas de médiation. Il faisait souvent le lobbyiste ou promouvait des relations unilatérales. Il venait à Athènes nous voir après avoir été en Turquie ou avant d’aller en Turquie. En outre, parfois il avait des rencontres à l’ambassade de Turquie à Athènes avant de nous voir et après nos rencontres, il allait voir des personnes du milieu économique et politique d’Athènes ou encore, il organisait des réunions dans des maisons de la banlieue nord de la ville avec des journalistes, bien connus pour leur rage contre notre politique étrangère. Ce n’est pas un comportement digne d’un médiateur.
N. CHATZINIKOLAOU : Bon, je vois. Abordons maintenant les inquiétudes que suscitent le lancement des travaux de forage dans la ZEE de Chypre et les éventuelles provocations turques et tensions dans les jours à venir.
Etes-vous inquiet et à quel point? A votre avis s’agit-t-il de propos dits pour impressionner ou bien est-ce que l’on pourrait voir d’autres choses encore et comment Athènes et Nicosie se préparent-t-elles à une telle éventualité?
Avez-vous fait un travail de préparation dans les coulisses au niveau diplomatique afin d’éviter cela? Qu’il y ait, en d'autres termes, des interventions aussi de la part d’autres pays européens pour freiner l’attitude provocatrice et agressive de l’autre partie.
N. KOTZIAS : Monsieur Chatzinikolaou, vous posez toujours des questions pertinentes, des questions qui me préoccupent tant moi personnellement que les gouvernements grec et chypriote.
Tout d’abord, nous sommes en coordination avec le gouvernement de la République de Chypre pour ce qui est de la façon dont on procédera et – comme je l’ai annoncé devant le parlement –lundi prochain, après le Conseil des ministres des Affaires étrangères à Bruxelles, avec mon collègue, M. Kassoulidis, un excellent diplomate et homme politique, nous retournerons ensemble à Chypre où on engagera des discussions approfondies sur des questions ayant trait à la perspective future de Chypre et, plus particulièrement, sur la façon dont on devra et pourra relancer des négociations plus efficaces. Car, celles qui viennent de s’achever en Suisse n’étaient pour moi qu’une étape qui a été franchie, mais nous ne devons pas clore la question chypriote ou laisser certains le faire à ce stade.
On discutera, plus particulièrement, des relations de l’Union européenne avec la Turquie car nous avons devant nous une discussion sur l’Union douanière dont la valeur totale est estimée à 50 - 60 milliards d’euros pour l’économie turque, qui est actuellement confrontée à de grandes difficultés. En outre, on discutera de la façon dont le droit international sera consolidé, afin que personne ne puisse contester les droits de la République de Chypre dans sa ZEE et l’application des droits qui découlent du droit international.
Il est plus que manifeste que les Turcs se livrent à des fanfaronnades. Ils pourraient passer à l’acte mais cela leur coutera cher.
N. CHATZINIKOLAOU : Je pense que votre dernière phrase en dit long. Je ne vais pas insister sur cette question, en vous demandant plus de détails. Vous dites donc clairement, si j’ai bien compris, qu’Athènes soutiendra Nicosie dans tous les cas.
N. KOTZIAS: Athènes la soutiendra et je pense qu’il y aura d’autres pays européens qui défendront le droit international et les droits d’un pays européen.
N. CHATZINIKOLAOU : Je vois, vous êtes clair. Dites-moi monsieur le ministre, pensez-vous que les négociations sur la question chypriote pourraient être relancées dans l’avenir proche ou à votre avis l’échec des pourparlers en Suisse assombrit-il cette perspective ? Je vous pose cette question car force est de rappeler qu’il y aura des élections à Chypre et des élections présidentielles en Turquie en 2019, Erdogan brigue de nouveau le poste de chef d’Etat. Pensez-vous que d’ici aux élections les discussions sur la question chypriote pourraient être relancées ? Toutes les parties pourraient-elles s’asseoir de nouveau autour de la table des négociations ?
N. KOTZIAS: La question chypriote, monsieur Chatzinikolaou, demeure toujours ouverte car l’occupation du territoire d’un Etat membre de l’ONU et de l’UE n’a jamais cessé, l’armée d’occupation illégale y est toujours présente et le traité des garanties qui a été établi à Londres et à Zurich pendant la période 1959-1960 continue d’être « valorisé » de manière illégale. Par conséquent, la question chypriote demeure toujours.
Deuxièmement, il existe cette excellente déclaration du Secrétaire général de l’ONU laquelle est aussi incluse dans l’avant-projet de la recommandation faite ce matin par le Secrétaire général au sein du Conseil de sécurité. Dans les paragraphes 4 et 42 de l’avant-projet il est dit que l’ONU est prête à aider et à contribuer au lancement d’une nouvelle discussion.
Je dois vous dire que je ne considère pas ce qui s’est passé en Suisse comme un échec, comme certains l’affirment. Je pense qu’en Suisse – comme cela est aussi dit dans la recommandation du Secrétaire général de l’ONU – a été finalement soulevée la question des garanties et de la sécurité dans le cadre d’un processus de négociation. C’est la première fois que cette question fondamentale et cruciale est soulevée lors d’une négociation sur la question chypriote.
Ce que j’ai souligné lors de la clôture des travaux au petit matin en Suisse est que l’on devrait maintenir notre vision d’une Chypre qui sera un « Etat normal ». Il s’agit d’une formulation que j’ai utilisée et laquelle a été adoptée, à ma grande satisfaction, par le Secrétaire général de l’ONU, ce qui signifie que Chypre sera un Etat souverain et indépendant comme il convient à un Etat membre de l’Union européenne et de l’ONU.
N. CHATZINIKOLAOU : Monsieur le ministre, savez-vous pourquoi j’insiste ?
N. KOTZIAS : Permettez-moi d’ajouter quelque chose. J’ai dit que la prochaine négociation devra commencer par la question difficile des garanties et de la sécurité, et que M. Eide avait de manière profondément erronée géré l'affaire, lequel pendant deux ans et demi disait : « C'est à la fin que nous verrons la sécurité et les garanties ». Je lui ai dit que « c’est le sujet le plus difficile et si nous n’en discutons pas, s’il n’arrive pas à maturité, nous n’arriverons jamais jusqu’à la fin ». Et en fait, ils ont mis cette question à la fin, de sorte qu’en l’espace de trois jours l’une ou l’autre partie se rétracte ».
N. CHATZINIKOLAOU : Monsieur le ministre, j’insiste sur cette question car nombreux sont ceux en Turquie – les partisans de la ligne dure – qui écrivent et disent que « le plan B de la direction politique turque est l’annexion des territoires occupés à la Turquie » et c’est une perspective tout aussi dangereuse que lugubre.
N. KOTZIAS : La théorie selon laquelle la Turquie peut annexer les territoires occupés n’est pas apparue après la Conférence en Suisse.
N. CHATZINIKOLAOU : Dans les territoires occupés, ça existait aussi avant.
N. KOTZIAS : Cela n’est pas apparu après la négociation en Suisse. Depuis deux ans et demi, le pseudo-ministre des Affaires étrangères et pseudo-premier ministre des territoires occupés ne cessent de dire qu’il y aura annexion des territoires occupés dans la partie nord de Chypre par la Turquie.
N. CHATZINIKOLAOU : Peut-être trouveront-il maintenant une occasion, c’est pour cela que je demande.
N. KOTZIAS : Lorsque la discussion avec M. Eide et la République chypriote a eu lieu sur le vote concernant le livre d’histoire à Chypre – lequel, si vous souvenez bien, disait « d’incorporer dans le livre sur Chypre le référendum de 1950 sur l’union Chypre – Grèce » et qui était un référendum historique – j’ai demandé à M. Eide pourquoi il ne réagissait pas avec la même virulence lorsque le pseudo-gouvernement des territoires occupés demande et recherche l’annexion.
A mon avis, l’annexion est la pire des solutions pour la Turquie car le coût diplomatique international est immense et cette solution est contraire au droit international. Tel est mon avis.
N. CHATZINIKOLAOU : J’en viens à ma dernière question. Aujourd’hui, au Parlement, nous avons eu un échange violent entre le ministre de la Défense nationale et le chef de l’opposition sur la question du nom de l'ARYM et la politique nationale. Ma question est simple : Laquelle de ces deux lignes de conduite est-elle valable ? Quelle est la position nationale ? Est-ce celle à laquelle s'est référé M. Panos Kamenos, à savoir la décision prise lors du sommet des dirigeants sous la présidence de feu Konstantinos Karamanlis, alors Président de la République, sur la non-utilisation du terme « Macédoine », même assorti d’un déterminatif géographique? Ou bien est-ce la position suivie, par la suite, par les gouvernements grecs qui acceptent le terme « Macédoine » si celui-ci est précédé d’un déterminatif géographique ?
N. KOTZIAS: Monsieur Chatzinikolaou, j’ai fait une intervention devant le Parlement hellénique, je ne sais pas si vous l’avez vue…
N. CHATZINIKOLAOU: J’avoue que je ne l’ai pas vue.
N. KOTZIAS : J’ai fait les demandes suivantes : premièrement, qu’au moment où nous discutions, dans un esprit d'unité, sur une position commune du parlement hellénique pour Chypre – où il y a eu un consensus et une compréhension mutuelle, et que j'ai d’ailleurs personnellement, dans mon discours mais aussi hier au Conseil national sur la politique étrangère, remercié tous les partis de l’opposition qui ont soutenu notre équipe de négociation en Suisse et les ai remerciés pour cet esprit – le chef de l’opposition a ouvert cette discussion en faisant une remarque, ce que je trouve dommage. J’ai demandé à ce qu’il conclut son propos afin que nous envoyions un message de soutien et de renfort au peuple chypriote.
Deuxièmement, je leur ai dit que nous commençons un nouveau tour de négociations sur la question du nom. Dimanche ou lundi, je verrai à Bruxelles M. Nimetz qui a visité notre région récemment, mais comme j’étais en Suisse je ne pouvais participer à une rencontre qui avait été programmée à Athènes.
J’ai donc dit qu’il n’était pas bon d’ouvrir un front et une discussion sur un objet de la négociation. Et à ma grande satisfaction j’ai entendu, dans la deuxième partie du discours du Premier ministre, la phrase suivante : « c’est avec la même attention, la même responsabilité nationale, la même documentation scientifique que nous négocierons la question du nom, comme nous l’avons fait pour le dossier chypriote » et tout le monde a admis que nous avions fait une très bonne négociation, où nous avons défini un nouvel agenda et avons replacé la question chypriote dans son véritable contexte.
N. CHATZINIKOLAOU : Quoi qu’il en soit, la question de fond demeure et la question de fond est sans rapport avec les personnages, à savoir M. Kamenos et M. Mitsotakis.
N. KOTZIAS : Cela a un rapport avec la négociation et je ne vais pas à une négociation en annonçant au préalable ce que je vais dire.
N. CHATZINIKOLAOU : La question de fond est de savoir quelle est notre ligne rouge s’agissant de la question du nom. C’est la question de fond.
N. KOTZIAS : Vous avez tout à fait raison M. Chatzinikolaou, mais lundi je me rends à une négociation et je commettrai une grande erreur si, quelques jours avant celle-ci, pour des raisons de communication, je prenais position publiquement.
Je vous indique toutefois qu’il y a un an j’ai envoyé, en qualité de Président du Conseil national sur la politique étrangère, une lettre aux partis en leur demandant de me communiquer leur position afin d’engager, après le Conseil, un débat spécial sur la question du nom.
Malheureusement, cette lettre, vous vous souviendrez, a été divulguée au Parlement alors qu’elle était confidentielle. Il s’ensuivit une discussion qui n’était pas du tout productive et c’est pourquoi je suis très prudent quand je parle publiquement de cette question.
N. CHATZINIKOLAOU : Très bien, je n’insisterai donc pas.
N. KOTZIAS : Je peux vous dire la chose suivante : je me suis rendu à deux reprises à Skopje, comme vous le savez, j’ai discuté de la question mais ils n’étaient pas préparés. Ils sont venus en Grèce, encore une fois sans être préparés. La communauté internationale est indulgente à leur égard. A Skopje, j’ai tenu une conférence de presse de quatre heures où je leur ai expliqué ce qui suit, si vous me permettez de vous donner deux exemples.
Je leur ai dit qu’il y a quelques mois j’étais à Alexandrie, en Egypte et les Egyptiens, très fiers, me disaient qu’Alexandrie est une ville – héritage d’Alexandre le Grand. Je n’avais aucun problème à ce sujet, à savoir qu’ils voulaient qu’elle soit l’héritage de la civilisation grecque, car personne en Egypte n’a jamais pensé à dire qu’Alexandroupoli est une ville d’Egypte. Autrement dit, il n’y avait pas d’irrédentisme, mais au contraire un respect vis-à-vis de la civilisation grecque.
Par ailleurs, nous avions été au Pakistan dans le passé et nombreux sont ceux qui disaient qu’ils sont héritiers d’Alexandre le Grand et cela leur est permis, car jamais ils n’ont dit que Thessalonique ou la Macédoine grecque leur appartenait, sous prétexte qu’ils sont les héritiers d’Alexandre le Grand.
Ici, nous avons à faire à de l’irrédentisme et nous ne devons pas permettre que celui-ci s’étende aux Balkans et, en général, nous ne devons pas permettre la propagation des nationalismes dans la région. Ces questions doivent être envisagées avec prudence, avec sérieux et je pense que c’est la première fois en trois ans, depuis que j’occupe les fonctions de ministre des affaires étrangères, que j’accorde une interview lors du journal télévisé du soir. Car je pourrais facilement vous dire ce que je pense, mais après je pourrais difficilement faire la négociation comme je l’entends.
N. CHATZINIKOLAOU : Je vous remercie beaucoup M. le ministre pour cette interview.
N. KOTZIAS : Moi aussi M. Chatzinikolaou. C’était une joie doublée d’un honneur pour moi.
N. CHATZINIKOLAOU : Le plaisir est pour nous.
N. KOTZIAS : Bonne soirée.
July 11, 2017