Interview du ministre délégué aux Affaires étrangères, G. Katrougalos au journal "Real News" – Propos recueillis par le journaliste Foivos Klavdianos (10.02.2019)

Interview du ministre délégué aux Affaires étrangères, G. Katrougalos au journal "Real News" – Propos recueillis par le journaliste Foivos Klavdianos (10.02.2019) JOURNALISTE : Quel bilan dressez-vous de la visite en Turquie d’Alexis Tsipras ? Y a-t-il effectivement une « réactivation » de la relation des deux pays ou bien maintenons-nous une voie de communication ouverte ?

G. KATROUGALOS : C’était une visite particulièrement réussie, qui a été bien préparée et a atteint les deux objectifs fixés, à savoir désamorcer la tension et renouer le dialogue de manière systématique et planifiée. L’autre partie a montré vouloir la reprise du dialogue. Notez que la rencontre en tête à tête entre le Premier ministre et le Président Erdogan qui devait durer une heure, a duré deux heures et demi et au lendemain de la discussion, les violations de notre espace aérien en Egée ont été réduites à zéro. Je n’ai pas le souvenir de pareille chose ces dernières années. Il semblerait donc que les conditions soient réunies pour la reprise d’un dialogue substantiel entre les deux pays.

JOURNALISTE : Qu’incluent les mesures de confiance entre les ministères de la Défense des deux pays ? Pensez-vous que la présence d’Evangelos Apostolakis et de Hulusi Akar à ces ministères soit importante ? Une rencontre entre eux est-elle prévue ?

G. KATROUGALOS : Il y a une série de mesures de confiance qui ont été convenues au cours de ces dernières décennies et qui ne résolvent certes pas les différends qui nous opposent, mais sont utiles au désamorçage de la tension en Egée et au rétablissement d’un climat positif. Il a toutefois été convenu lors de la réunion de procéder à une planification détaillée pour la reprise du dialogue. Les premiers pas seront la rencontre prochaine entre les ministres de la Défense MM. Apostolakis et Akar, qui se connaissent bien en leur qualité antérieure de chefs des états-majors. Lors de cette rencontre, qui se tiendra les 13 et 14 février, dans le cadre de la Conférence de l’OTAN, sera débattue la façon dont nous mettrons en application les mesures de confiance qui ont déjà été prises. Des pas similaires seront faits par les ministères des Affaires étrangères également. Le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères devrait rencontrer le Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères de la Turquie en vue d’identifier les différentes questions et les planifier systématiquement  sur le plan diplomatique. S’ensuivra une rencontre au niveau des ministres des Affaires étrangères puis, en définitive, la convocation du Conseil de coopération de haut niveau et la réouverture des pourparlers exploratoires sur les questions ayant trait au plateau continental.

JOURNALISTE : Le Premier ministre a exprimé le souhait que la tension soit désamorcée et que nous procédions à la reprise des contacts exploratoires. Compte tenu de tout ce qu’a dit l’ambassadeur turc dans une interview à l’APE il y a quelques jours, est-ce que l’éventualité de saisir la Haye a été abordée à Ankara ?

G. KATROUGALOS : La négociation n’a pas encore atteint un tel niveau de maturité. Les contacts exploratoires ont été pratiquement interrompus pendant un grand laps de temps et tout pronostic avant la réouverture de ces contacts est prématuré.

JOURNALISTE : Le Premier ministre a dit qu’il a été convenu d’organiser un forum d’affaires et Erdogan a quant à lui indiqué qu’il s’y rendrait avec des hommes d’affaires. Quand ce forum doit-il avoir lieu ? Se tiendra-t-il en même temps que le Conseil de coopération de haut niveau ?

G. KATROUGALOS : En effet, notre intention est d’organiser à Thessalonique, en même temps que le Conseil de coopération de haut niveau, un forum d’affaires auquel participeront des représentants de grandes entreprises des deux pays. Nous promouvons de manière générale la coopération économique, tant en ce qui concerne les synergies entre les entreprises grecques et turques sur les marchés de pays tiers, que les mesures réglementaires nécessaires. Par exemple, les deux parties sont convenues de la nécessité d’ouvrir la liaison maritime Thessalonique – Izmir et, éventuellement, Izmir – Lavrio.

JOURNALISTE : La question de la réouverture de l’Ecole Théologique de Halki n’est pas bilatérale. Comment jugez-vous le fait qu’Erdogan persiste à associer cette question à la demande d’élection directe des muftis à Thrace ? Pensez-vous qu’il y ait des perspectives de réouverture de la Faculté ?

G. KATROUGALOS : En effet, la réouverture de l’Ecole Théologique de Halki n’est en aucune manière associée à l’élection des muftis, qui est une question interne de la République hellénique. Et le Premier ministre l’a expliqué clairement. Dans son discours historique à Halki, il a mis en avant le symbolisme particulier que revêt l’Ecole Théologique de Halki non seulement pour la Grèce, mais aussi pour l’Orthodoxie et la Turquie elle-même. Sa réouverture transmettra un signe d’envergure mondiale pour la coexistence et le dialogue entre le Christianisme et l’Islam, signe que la Turquie est un pays contemporain qui protège les libertés et les droits religieux. Pour cette raison, le Premier ministre a formé le vœu que lors de sa prochaine visite à Halki, il sera aux côtés du Président Erdogan pour annoncer conjointement sa réouverture.

JOURNALISTE : Le Premier ministre a indiqué que nous devrons nous accorder avec la Turquie sur l’organisation de rencontres préparatoires des ministères des Affaires étrangères concernant la question cruciale de la sécurité à Chypre. Est-ce que la réaction turque était positive ? Quand la première rencontre aura-t-elle lieu ?

G. KATROUGALOS : De manière générale, les réactions ont été positives au sujet de la réouverture du dialogue. Comme je l’ai indiqué, il a été convenu que les deux ministères des Affaires étrangères des deux pays mènent de nouveau des consultations systématiques à tous les niveaux. En ce qui concerne le dossier chypriote, pour nous la question de la sécurité, de la fin du régime inadmissible des garanties et du retrait de l’armée d’occupation, est primordiale. Pour cette raison, il est utile de connaître les positions actuelles de la Turquie. Notre pays a manifestement la volonté de résoudre la question conformément aux résolutions de l’ONU, une solution qui permettra de réunir l’île, en construisant sur les progrès et les acquis de Crans Montana et du cadre Guterres y relatif. Dans un même temps, une initiative pertinente du Secrétaire général des Nations Unies avec son envoyée spéciale, Mme Lute, est en cours et nous devrons nous positionner par rapport à ces réflexions.

Lors de sa rencontre avec M. Erdogan, le Premier ministre a indiqué la nécessité de respecter le droit international en Méditerranée orientale et a souligné le droit de la République de Chypre de valoriser ses sources créatrices de richesses. Il s’est référé à la décision particulièrement importante de la République de Chypre de fonder un fonds étatique pour le partage des revenus émanant de l’exploitation des ressources naturelles entre l’ensemble des Chypriotes, après le règlement de la question.

February 10, 2019