Propos recueillis par le journaliste Alasdair Sanford
JOURNALISTE : Merci de votre présence sur Euronews Now. Les tensions entre les deux pays semblaient s’être apaisées. Pensez-vous que ce dialogue tendu a-t-il ravivé les tensions ? Et comment envisagez-vous de rétablir vos relations maintenant ?
Ν. DENDIAS : Je ne dirais pas que nos relations se sont détériorées. Nous avons eu un échange de vues ouvert avec mon ami, Mevlüt Çavuşoğlu, le ministre des Affaires étrangères de la Turquie, un échange lors duquel les questions ont été ouvertement soulevées. J’ai réitéré les positions grecques qui sont bien claires et dans le même temps j’ai soumis aux Turcs un agenda, un agenda économique comportant 14 à 15 points. Si cet agenda est accepté - et je pense qu’ils ont déjà accepté de le voir – le climat dans nos relations sera amélioré. Toutefois, j’aimerais encore une fois signaler que cet effort visant à l’amélioration de nos relations ne signifie pas que la Grèce ne doit pas réitérer les positions qu’elle soutient de longue date en matière de droit international et de droit international de la mer. Alasdair, permettez-moi de dire que je ne me réfère pas aux questions contestées. Cela est tout simplement clair et net.
JOURNALISTE : Il s’agit toutefois d’une dispute publique. Par contre, d’après ce que je lis dans la presse, vous avez une bonne relation et par la suite vous êtes allés dîner. Cela est-il vrai ? Et si tel est le cas, ces désaccords ne devraient-ils pas être exprimés en privé et pas en public ?
Ν. DENDIAS : Je ne voulais pas, dois-je dire, que cela arrive. J’ai répété ce qui a était d’ores et déjà connu de la partie turque, les positions immuables grecques. Et pour ce qui est notamment des questions relevant du droit international, on ne peut à cet égard avoir de nombreux points de vue. Une chose est légale ou illégale, elle est en conformité avec le droit international ou elle ne l’est pas. Cela dit, nous avons eu bien évidemment un dîner agréable avec mon ami, Mevlüt Çavuşoğlu, le dîner d’Iftar qui marque la fin d’une journée de jeûne dans les sociétés musulmanes et je me réjouis d’avoir participé à ce dîner.
JOURNALISTE : C’est bien que vous soyez allé au dîner. Toutefois, vous avez réitéré les accusations contre la Turquie, à savoir que cette dernière viole les droits de l’homme, ce que la Turquie refuse. Elle refuse aussi vos droits en mer Egée et propose la tenue d’une réunion sur les activités maritimes. Pensez-vous que cela soit une bonne idée ?
Ν. DENDIAS : Tout d’abord, le déni est une chose et la vérité en est une autre. Ce que j’ai dit est une chose qui ne peut être contestée. Quatre cents (400) survols du territoire grec. Il n’existe aucune disposition dans aucun traité international qui autorise les avions de chasse d’un Etat à survoler le territoire d’un autre Etat.
Cela dit, nous n’avons aucun problème de discuter avec la Turquie, nous voudrions que nos relations avancent, mais comme vous le constatez vous-mêmes, il y a un problème là. Pour régler ce problème, il faut respecter les mêmes règles et les règles au sein de la communauté internationale sont bien claires. C’est le droit international et le droit international de la mer. Si nous procédons en fonction des mêmes règles, nous réglerons ces problèmes et j’ose dire qu’il sera assez facile à le faire mais ce qui se passe dans le cas de la Turquie est que cette dernière n’accepte pas ces règles. C’est comme si on essayait de résoudre à l’école le même exercice mais l’un utilisait la géométrie euclidienne qui comporte des parallèles et l’autre la géométrie elliptique qui ne comporte pas des parallèles. Nous ne pouvons pas résoudre de cette manière ce problème de concert. Pour pouvoir résoudre nos différends avec la Turquie, il n’existe qu’une seule règle d’or. La Turquie doit accepter et se conformer au droit international et accepter la Convention internationale de la mer (UNCLOS) qui fait également partie de l’acquis communautaire. C’est ainsi que nous pourrons aller de l’avant et, permettez-moi de dire à cet égard que le gouvernement de Mitsotakis en Grèce souhaiterait cela.
JOURNALISTE : Le problème est que vous êtes confrontés à ces questions graves, mais il semble toutefois que le discours devient de plus en plus tendu. Dans le même temps, Mario Draghi a qualifié le président Erdogan de dictateur. Est-ce que cela aide à réaliser des progrès dans ce sens ?
Ν. DENDIAS : Ce n’est pas à moi de commenter les déclarations du Premier ministre Draghi. Ce que je dis est que sous le gouvernement de Mitsotakis la Grèce essaye de trouver un lieu commun avec la Turquie mais ce lieu commun doit être axé sur une base solide et cette base solide est le droit international et le droit international de la mer. Je dirais que cela serait très important pour toutes les deux sociétés car ce que souhaite la Grèce est un avenir amical avec la Turquie, avec les Turcs et avec la société turque. En tant que voisins étroits, nous pouvons faire ensemble beaucoup de choses mais pour cela il faut avoir une base très solide.
JOURNALISTE : Abordons maintenant encore une question relevant du droit international. Il s’agit de la question migratoire. Il existe un accord, la Turquie affirme l’avoir respecté et accuse la Grèce de refoulements (pushbacks) de dizaines de milliers de migrants ces dernières années. En vue de l’été qui approche, pensez-vous qu’il y aura plus de problèmes à cet égard ?
Ν. DENDIAS : Je dois vous dire que depuis le mois de février et de mars 2020, lorsque des dizaines de milliers de migrants ont été repoussés à la frontière grecque par la Turquie, pour mettre la pression sur l’UE, la Turquie n’est pas en position de nous dicter ce que nous devons faire en matière de protection des droits de l’homme ou de nous donner des leçons dans ce domaine. Je n’irai pas plus loin car comme vous l’avez tout à l’heure dit, nous ne voulons pas détériorer nos relations avec la Turquie. Mais nous voulons parler clairement. Je pense que tout le monde se souvient de ce qui s’est passé en mars et en février 2020.
JOURNALISTE : A l’égard de la question migratoire, comment l’Union européenne pourrait-elle aider ?
Ν. DENDIAS : Beaucoup de choses peuvent être faites. La première est la reconnaissance de la part de tous que l’immigration est un problème paneuropéen et requiert des réponses paneuropéennes. Nous voulons bien évidemment la coopération de la Turquie à cet égard, tout comme la coopération des Etats voisins. Et, à part la Turquie, on doit saluer les efforts déployés par des pays tels que l’Egypte, qui essayent de régler le problème sans demander de l’argent à l’UE et sans essayer de mettre la pression sur elle ou lui faire du chantage.
JOURNALISTE : En concluant monsieur le ministre, la Grèce ouvre le secteur du tourisme après la pandémie. Dans quelle mesure êtes-vous optimiste que la Grèce pourra être un pays sûr pour les visiteurs et le peuple grec ?
Ν. DENDIAS : Nous ne le ferons que si cela ne présente aucun risque pour la santé de la société grecque et de nos visiteurs qui viendront passer leurs vacances ici. Toutefois, j’aimerais signaler que la façon dont la Grèce a géré la pandémie a été exemplaire. Et permettez-moi de dire encore une chose. D’aucune manière la Grèce n’ouvrirait ses frontières si nous n’étions pas absolument sûrs que nous puissions protéger la santé tant de nos citoyens que celle de nos visiteurs.
April 22, 2021