JOURNALISTE : Nous sommes de retour au forum du journal Oikonomikos Tachydromos. Nous allons maintenant aborder un sujet d'actualité qui concerne la politique étrangère. Ici, avec notre collègue Alexandra Fotaki. Nous accueillerons le ministre des Affaires étrangères, M. Giorgos Gerapetritis, qui est à Bruxelles.
G. GERAPETRITIS : Bonjour et merci pour cette communication à distance.
JOURNALISTE : C’est à nous de vous remercier. Vous allez assister à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN, dont le thème principal est l'Ukraine. Pouvez-vous nous donner un aperçu de l'ambiance qui y règne ? Que se passe-t-il sur ce sujet particulier ?
G. GERAPETRITIS : En effet, nous nous trouvons à Bruxelles pour la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN à un moment extrêmement critique pour les développements géopolitiques internationaux. Avec des développements majeurs et significatifs dans les questions de l'Ukraine et du Moyen-Orient, et ce dans un environnement très vulnérable. Et bien sûr, à un moment où l'on essaye de renforcer l'architecture de sécurité internationale, qui a été extrêmement ébranlée ces derniers temps, en raison des deux grandes guerres, mais aussi des grands défis régionaux et internationaux. L'Ukraine sera le principal sujet de discussion. Les relations euro-atlantiques restent fortes. Elles restent au niveau du respect du droit international contre tout révisionnisme et en faveur de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
JOURNALISTE : Après l'arrivée de Trump au pouvoir, pensez-vous qu'il puisse y avoir une pression sur les Européens en termes de défense également, et dans quelle mesure peut-il y avoir une place pour une initiative grecque ?
G. GERAPETRITIS : Malheureusement, il y a un problème de son. D’après ce que j’ai pu comprendre, votre question portait sur les initiatives que la Grèce pourrait entreprendre au niveau international et sur la position de la Grèce à l'heure actuelle sur la scène internationale. Comme vous le savez, Madame Fotaki, dans 27 ou 28 jours, la Grèce occupera le poste de membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. Une position qui est extrêmement critique étant donné les développements géopolitiques au niveau mondial. La Grèce devient un coproducteur de l'architecture de sécurité internationale. Elle sera au centre des développements. Comme vous le savez, la Grèce a fixé comme objectif majeur de sa présence au Conseil de sécurité la restauration de la Charte des Nations Unies en ce qui concerne le règlement pacifique des différends, la protection des catégories vulnérables de citoyens, en particulier les femmes et les enfants en temps de guerre, la sécurité de la navigation, ainsi que d'autres initiatives que nous développerons.
Il est important, je pense, que la Grèce soit en ce moment au cœur des développements internationaux, au cœur de l'Union européenne, au sein de l'OTAN, au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies et probablement avec une très forte présence au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. La conférence se tiendra jeudi à Malte, où la Grèce aspire également à jouer un rôle important.
La Grèce a le privilège, en ces temps difficiles, de parler à tout le monde, d'être le véritable pont entre le Nord, le Sud, l'Est et l'Ouest, de maintenir une position de principe appréciée de tous. C'est pourquoi notre empreinte internationale, notre capital international, est extrêmement important. Nous veillerons à le développer, à la fois pour avoir un effet multiplicateur pour notre pays, pour la paix et la prospérité chez nous, mais aussi pour que cela soit bénéfique à l'architecture de sécurité mondiale.
JOURNALISTE : Puisque vous avez parlé de l'OSCE et il est possible que vous rencontriez M. Fidan, si je ne me trompe pas, en marge de ces deux sommets. Êtes-vous optimiste quant à l'obtention d'un résultat de principe à l'OSCE sur les candidatures ? Et deuxièmement, la réunion aura-t-elle lieu et où en sommes-nous après les derniers développements et la déclaration selon laquelle nous ne pouvons pas discuter, du moins pas encore, de la ZEE et du plateau continental ?
G. GERAPETRITIS : Avec le ministre turc des Affaires étrangères, nous nous trouverons à la fois ici à Bruxelles, dans le cadre de la conférence des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN, et à Malte, dans le cadre de la conférence des ministres des Affaires étrangères de l'OSCE. Nous aurons l'occasion d'en discuter davantage. Il s'agit de questions qui sont actuellement au premier plan des relations gréco-turques, en particulier l'organisation du prochain Conseil de coopération de haut niveau à Ankara. C'est pourquoi nous organiserons nos prochaines étapes. Comme vous le savez, hier et aujourd'hui, les nouveaux tours du dialogue politique et de l'agenda positif se sont tenus à Athènes. Je pense qu'il est extrêmement important de maintenir un élan dans les relations gréco-turques, d'avoir ces contacts, qui définissent également, si vous voulez, un cadre pour de bonnes relations bilatérales. Comme vous l'avez dit, il n'y a effectivement pas eu de terrain d'entente jusqu'à présent sur la discussion de la question majeure. La seule question qui pourrait être portée devant une juridiction internationale, c'est la délimitation de la zone économique exclusive et du plateau continental.
Néanmoins, je pense que nous avons conquis la capacité de discuter, même en cas de désaccord. La Grèce dispose actuellement d'un atout très fort, comme je vous l'ai dit. Son économie connaît une croissance significative, ses forces armées sont puissantes et son empreinte diplomatique internationale est très forte. Actuellement l’existence de la Grèce n’est pas déterminée par des facteurs externes. Elle ne souffre pas de syndromes phobiques. Elle va de l'avant et peut même discuter en termes de force avec tous ses voisins. Et bien sûr, je tiens à dire qu'il y a des problèmes dans les relations entre la Grèce et la Türkiye. Il va sans dire que nous ne nous attendons pas à résoudre en 16 mois des questions qui remontent à des décennies et qui ont tourmenté les relations entre les deux pays.
En revanche, nous essayons, sans se faire des illusions et toujours avec sagesse, de cultiver ces relations pacifiques et d'aller de l'avant. Même si nous ne sommes pas d'accord sur tout, il est important de pouvoir discuter, afin de prévenir les tensions, de prévenir les crises. Et je pense que personne ne peut défaire les étapes importantes qui ont été franchies au cours des 16 derniers mois. La paix dans la mer Égée, sans violation de l'espace aérien grec, la coordination en matière de migration, à un moment où la mobilité due aux guerres et aux crises augmente, le développement des relations entre les deux peuples, avec les visas d'entrée qui ont été accordés pour nos îles, la coopération diplomatique et internationale. Nous espérons qu'avec la Türkiye, nous occuperons jeudi les deux positions les plus critiques de l'OSCE. Je pense que tout cela est important, car en matière de politique étrangère, l'essentiel est d'avoir la sécurité, la confiance et l'assurance dans le pays. Et c'est à cette fin que nous œuvrons au ministère des Affaires étrangères.
JOURNALISTE : Puisque vous avez évoqué le mot « tension », je voudrais revenir sur ce point et vous poser une question. Certains pensent que les interconnexions électriques de la Grèce, à la fois avec Chypre et dans le Dodécanèse, dans le nord de la mer Égée, sont un “crash test“ pour les relations avec la Türkiye. En principe, partagez-vous ce point de vue ? Et deuxièmement, la planification va-t-elle se poursuivre ? Ce qui a été annoncé sera-t-il réalisé ?
G. GERAPETRITIS : Je voudrais faire référence à Chypre. En effet, je pense qu'il s'agissait et qu'il s'agit toujours de la question la plus importante de la politique étrangère nationale grecque, et ce à juste titre. Nous nous trouvons déjà dans une période de mobilité significative sur la question chypriote. Et je voudrais souligner que l'amélioration des relations gréco-turques a été décisive pour permettre la reprise des discussions sur la question chypriote sous les auspices des Nations Unies. Je pense qu'il est absolument crucial de faire tomber les murs à Chypre, de permettre, dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la Fédération bicommunautaire bi-zonale, d'avancer vers une nouvelle Chypre européenne unie, avec le regard tourné non seulement vers le présent, mais aussi vers le futur. Le grand moment de l'intégration de Chypre dans la famille européenne devrait, je pense, se poursuivre.
En particulier, je voudrais souligner le fait que, grâce à la solidarité de la Grèce et de Chypre, nous avons réussi à faire de la question chypriote une priorité majeure au sein de l'Union européenne. Les conclusions du Conseil européen de juin 2023 ont établi un lien entre le développement des relations euro-turques et la question chypriote, tandis que les conclusions d'avril 2024 ont également fait clairement référence au fait que l'Union européenne suivra les processus de résolution de la question chypriote et y participera activement.
Le point de vue adopté par le gouvernement et ses organes collectifs, le Conseil du gouvernement pour les affaires étrangères et la défense et le Conseil des ministres, est que l'ère de l'inaction et de l'inertie n'a pas été bénéfique. Nous devrions avoir une politique étrangère active et multilatérale. Je pense qu'il est temps pour la Grèce d'avoir une politique étrangère réellement active. Je pense que c'est ce que notre position forte exige. Lorsque vous abordez une négociation, vous devez toujours le faire en position de force. Et la Grèce se trouve aujourd'hui dans une position extrêmement forte, avec des alliés solides, avec une empreinte internationale forte et je pense avec un élan qui créera les conditions en faveur de la croissance et de la prospérité non seulement pour le présent mais aussi pour le futur.
JOURNALISTE : Vous m'avez devancé, car c'était la question suivante. Ma question portait sur le câble Grèce-Chypre et sur le fait de savoir s'il s'agissait d'un “crash test“ pour les relations gréco-turques avec la tension qui semblait exister à Kassos. Et si nous allons poursuivre les projets. Le gouvernement grec a-t-il l'intention de poursuivre les projets d'interconnexions électriques qui ont été annoncés ?
G. GERAPETRITIS : Permettez-moi de commencer ma réponse en disant combien il est important que la Grèce ait développé ces dernières années une politique énergétique autonome et une politique d'interconnexion, qui est extrêmement importante. Il s'agit en fait d'une forme de dissuasion intelligente, d'une diplomatie qui a un effet multiplicateur.
Je tiens à rappeler les grandes infrastructures énergétiques que le pays est en train de créer, le gazoduc IGB avec la Bulgarie, le gazoduc EastMed en Méditerranée orientale. Bien sûr, la station de stockage et de regazéification du gaz naturel liquéfié, le FSRU à Alexandroupolis, l'interconnexion électrique Grèce-Égypte. Et bien sûr, la participation majeure, que la Grèce aspire à avoir, au plus grand projet d'interconnectivité, qui est la connexion IMEC, l'interconnexion économique entre l'Inde, le Moyen-Orient et l'Europe. Dans ce contexte, la Grèce a obtenu, conjointement avec Chypre, que l'interconnexion électrique Grèce-Chypre-Israël soit incluse dans les projets d'intérêt mutuel de l'Union européenne. Il s'agit d'une réalisation très importante, car de cette manière, au niveau européen, la demande visant à lever l'isolement énergétique de Chypre et de l'espace énergétique unique de l'Europe est renforcée.
Le programme se poursuivra intégralement et conformément au calendrier prévu. Je comprends qu'il y ait des tensions à cause de cela. Toutefois, ces tensions n'ont pas débouché sur une crise. Et d’après ce qui a été dit concernant un soi-disant recul de la part de la Grèce, il n'y a pas eu de recul. Ce qui s'est passé, c'est que sans aucun recul en termes de souveraineté et de droits souverains du pays, le programme de recherche, en ce qui concerne le programme d'interconnexion, s'est poursuivi normalement. Et il se poursuivra comme prévu. Il est évident que si nous voulons pouvoir aborder avec la Türkiye, la perspective d’une éventuelle discussion sur la délimitation de la zone économique exclusive et du plateau continental, nous devons d'abord et avant tout veiller à ce que le calme règne, à ce que les tensions soient évitées, afin que toute discussion soit également bénéfique.
JOURNALISTE : Oui. Nous souhaitons donc que le calme règne. Monsieur le Ministre, merci beaucoup. Nous vous souhaitons une bonne continuation dans votre travail et dans l’exercice de la politique diplomatique.
G. GERAPETRITIS : Je vous remercie de cet honneur. Portez-vous bien.
[Seul le prononcé fait foi]
December 3, 2024