Interview du ministre des Affaires étrangères Giorgos Gerapetritis à la chaîne de télévision CNBC (Londres, 27.11.2023)

Interview du ministre des Affaires étrangères Giorgos Gerapetritis à la chaîne de télévision CNBC (Londres, 27.11.2023)Propos recueillis par la journaliste Julianna Tatelbaum

JOURNALISTE : Les ministres des Affaires étrangères de l'OTAN se réuniront demain à Bruxelles. Le conflit au Moyen-Orient et la guerre en cours en Ukraine seront en tête de l'ordre du jour de cette réunion.  Giorgos Gerapetritis, ministre des Affaires étrangères de la Grèce, est avec moi en studio. Merci beaucoup, Monsieur le Ministre, d'être avec nous ce matin.

G. GERAPETRITIS : C'est un grand plaisir pour moi Julianna et je vous remercie de votre invitation.

JOURNALISTE : Permettez-moi de vous interroger tout d'abord sur les développements survenus au cours du week-end en Israël, sur l'échange réussi d'otages et de prisonniers qui a eu lieu jusqu'à présent. Êtes-vous encouragé par ces développements en ce qui concerne l'évolution du conflit ?

G. GERAPETRITIS : Nous sommes fermement convaincus que cette pause humanitaire devrait créer une dynamique positive, un élan positif. Et cela signifie que nous devons prolonger la pause humanitaire. Car la vérité est qu'en dehors de l'échange d'otages et de prisonniers, il y a beaucoup de choses à faire. Tout d'abord, nous devons augmenter la capacité de l'aide humanitaire à entrer dans Gaza. Nous devons augmenter les points d'entrée. Nous devons permettre la réouverture des installations clés. Et bien sûr, nous devons soigner les blessés, car ils sont nombreux. Il y a donc beaucoup de choses à faire.

Et surtout, je pense que nous avons besoin d'une pause humanitaire prolongée pour commencer à penser au lendemain. Car l'important est de prévoir un cessez-le-feu permanent et une solution permanente conformément aux résolutions du Conseil de sécurité. Il est important que nous commencions à parler sérieusement du jour d’après.

JOURNALISTE : Comment va-t-on y arriver ? Je veux dire qu'à ce stade, cela semble très peu probable, vu les propos tenus par Benjamin Netanyahu et ce qui se passe du côté du Hamas dans le conflit. Alors, comment pourra-t-on y parvenir ?  

G. GERAPETRITIS : Je pense qu'il est important qu’il y ait un dénominateur commun dans la mentalité de la plupart des gens et de la plupart des gouvernements. Nous pensons vraiment que la situation provoquée par l'attaque terroriste du 7 octobre par le Hamas a créé une situation effrayante. Mais actuellement, ce n'est pas le moment de traiter de la question de la responsabilité. Il s'agit maintenant de trouver un règlement durable de la situation. C'est pourquoi tous les gouvernements font actuellement pression pour prolonger la pause humanitaire.

Je pense qu'il est important de procéder à un examen approfondi de la situation. Toutes les parties doivent le faire. Je comprends parfaitement le droit d'Israël à la légitime défense. La légitime défense doit être exercée dans le cadre du droit humanitaire international. Mais je pense qu'une solution viable ne peut venir que d'un règlement du conflit. C'est pourquoi nous travaillerons demain sur ce projet avec mes collègues de l'OTAN. Je pense qu'il est très important qu'il y ait un niveau minimum de consensus au sein de l'OTAN sur la crise au Moyen-Orient. J'ai moi-même eu l'occasion de me rendre à Ramallah et à Jérusalem il y a quelques jours et j'ai essayé d'exercer autant de pression que possible en faveur d'une pause humanitaire durable. La vérité est que nous devons mettre de côté tous les points de vue extrêmes et permettre une approche plus réfléchie de la question.

JOURNALISTE :  Nombreux sont ceux qui affirment que c'est le rôle des États-Unis dans le conflit qui déterminera en fin de compte la suite des événements.

G. GERAPETRITIS: Les bons offices du Secrétaire d’Etat Blinken sont inestimables. C'est la vérité. Car les États-Unis ne sont pas seulement l'acteur le plus important et le plus précieux de la région, mais ils sont aussi la voix de la modération raisonnable. C'est pourquoi nous devons faire entendre ces voix. Le Secrétaire d’État Blinken est la personne qui parle à toutes les parties, ce qui est absolument essentiel en ce moment. Et je pense qu'il sera en mesure de montrer la voie demain au sommet de l'OTAN.

JOURNALISTE : Parlons un peu plus du sommet de l'OTAN de demain. Outre le conflit au Moyen-Orient, l'Ukraine, j'imagine, est également l'un des principaux points à l'ordre du jour. Selon vous, que devrait faire l'OTAN en ce qui concerne son rôle dans le conflit en Ukraine ?

G. GERAPETRITIS :   La situation se poursuit et la vérité est qu'elle ne va pas bien. Un an et demi de conflit s'est écoulé depuis l'attaque russe contre l'Ukraine. La situation est terrible. Encore une fois, je pense que nous devons essayer d'être aussi forts que possible pour aider l'Ukraine. Nous nous sommes fermement rangés du côté de l'Ukraine dans toutes ces périodes difficiles et nous devrions essayer de coordonner davantage nos activités en faveur de l'Ukraine. La vérité est qu'en raison de toutes les autres crises régionales périphériques, il existe une sorte d'attention partagée. C'est logique. Mais nous ne devons pas sous-estimer ce qui se passe actuellement en Ukraine. Nous devrions nous en tenir fermement à notre conception fondamentale, à savoir que le révisionnisme n'a pas sa place dans le monde moderne et que nous devons appliquer des normes communes à tous les conflits. Malheureusement, ce que nous voyons dans le monde moderne, c'est que de nombreuses régions sont en proie à l'agression et au révisionnisme. Nous devons appliquer des normes communes. Nous devons être très forts. Je pense que l'OTAN et l'Union européenne sont sorties très fortes de toutes ces crises. Parce qu'il y avait manifestement une compréhension commune des choses. Et je pense que nous devons encore renforcer nos liens afin de protéger ceux qui sont attaqués.

JOURNALISTE : Au début de l'invasion de l'Ukraine, l'Europe a réagi de manière très unie. La solidarité était vraiment importante et visible. Cette solidarité a-t-elle diminué, compte tenu des pressions budgétaires auxquelles sont soumis de nombreux gouvernements européens ? Et maintenant, le conflit au Moyen-Orient détourne également une partie de l'attention, à la fois d'un point de vue monétaire et intellectuel.

G. GERAPETRITIS : C'est pourquoi nous devons être proactifs, je pense. Nous devons essayer d'anticiper les conflits éventuels afin de prévenir ces attaques. Mais lorsque ces attaques ont lieu, nous devons nous serrer les coudes. Nous devons nous tenir fermement du côté de tous ceux qui sont attaqués. L'Union européenne a débloqué des fonds très importants pour l'Ukraine. Nous avons des rencontres très régulières avec mes collègues des États membres de l'Union européenne. Nous nous sommes rendus à Kiev il y a quelques semaines. Nous avons exprimé notre solidarité de toutes les manières possibles. Mais je pense que la chose la plus importante aujourd'hui est d'essayer de dire fermement que nous serons aux côtés de l'Ukraine quoi qu'il arrive. A un stade ultérieur, nous devrions commencer à travailler sur la question de la responsabilité. Parce qu'il y a un énorme problème de responsabilité dans cette affaire et que nous devons le résoudre. Et je pense que nous devons le faire dans les plus brefs délais.

JOURNALISTE : Êtes-vous favorable à l'adhésion de l'Ukraine à l'Alliance ?

G. GERAPETRITIS : Absolument. Je pense qu’un élan important a été insufflé à cet égard. Mercredi, nous entamerons nos consultations conjointes avec l'Ukraine. Je pense qu'il s'agit d'une étape importante. Elle apporte de la solidarité, mais elle fait également partie de la nouvelle architecture de sécurité de l'Alliance occidentale. Et je pense qu'il est important que nous accueillions ces États. Il en va de même pour la Suède. Nous nous attendons à ce que la Suède devienne très bientôt membre de l'OTAN. Je pense que, paradoxalement, les liens entre les États occidentaux ont été renforcés par tous ces attentats. Et je pense qu'il s'agit d'une excellente occasion de s'élargir, mais aussi de se renforcer.

JOURNALISTE : Nous en resterons là. Merci beaucoup de votre intervention et d'avoir partagé vos points de vue avec nous. Je vous en remercie beaucoup et je me réjouis de couvrir le sommet de l'OTAN qui se tiendra demain à Bruxelles.

G. GERAPETRITIS : Merci beaucoup, Julianna.

November 27, 2023