JOURNALISTE : Monsieur Gerapetritis, ministre des Affaires étrangères est avec nous. Je tiens à le remercier beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Il m'avait dit qu’il viendrait au studio. Cela signifie pour vous, nos auditeurs, que vous pouvez maintenant commencer à envoyer vos messages et à poser toutes les questions que vous souhaitez. Mais moi, M. Gerapetritis, je voudrais vous poser une question. Qu'est-ce que la diplomatie ? Et en quoi la politique diplomatique d'un pays diffère-t-elle des autres politiques, qui sont la politique de défense ou la politique économique, la politique fiscale et d’autres ? Qu'est-ce qui vous différencie en tant que ministre des Affaires étrangères ?
G. GERAPETRITIS : Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier pour votre invitation. C'est un grand honneur, Monsieur Papadimitriou. Il est évident que je préférerais être ici non seulement pour interagir avec vos auditeurs, mais aussi parce que j'ai toujours été particulièrement honoré d'être ici à la radio. Vous savez que c'est mon média préféré, principalement parce que vous mettez l'accent sur ce que dit la personne interrogée et pas tellement sur l'image. Et je pense que nous devrions toujours mettre l'accent sur la substance et non sur la performance.
En ce qui concerne le ministère des Affaires étrangères, je pense que la grande différence entre la diplomatie et autres politiques est le fait qu'il s'agit en grande partie d'un exercice de scénarios hypothétiques, ce qui est beaucoup plus vrai que pour n'importe quel autre ministère. Pour nous, le quotidien n'est rien d'autre que l'élaboration de stratégies sur la base de tous les scénarios potentiels et possibles. Nous avons renoncé, Monsieur Papadimitriou, à l'idée de pouvoir prédire ce qui va se passer ; l'asymétrie est devenue quotidienne. C'est pourquoi notre première priorité est d'élaborer tous les scénarios, de nous préparer à toutes les éventualités, afin que notre réponse soit immédiate, efficace et bénéfique.
JOURNALISTE : Ce qui est prévisible, c'est ce que l'on appelle la politique étrangère nationale. Nos lignes de base sont toujours les mêmes. Nous l'avons vu maintenant que nous devons malheureusement nous souvenir du coup d'État, du coup d'État traître à Chypre et de toutes ces choses. Nous avons vu que les constantes sont là. Vous avez informé les chefs de partis il y a quelques jours. C'est une constante.
G. GERAPETRITIS : Mais la constante a trait à la stratégie nationale. Elle n'a rien à voir avec les moyens par lesquels cette stratégie nationale sera servie. Il y a plusieurs façons d’exercer la politique étrangère, Monsieur Papadimitriou. Par exemple, il y a des pays qui choisissent une diplomatie essentiellement transactionnelle, en essayant de tirer le plus grand profit possible de l'exercice de cette politique. Je ne suis pas un partisan de cette politique.
Pour moi, la politique étrangère d'un pays comme la Grèce devrait être une politique étrangère de principes. En d'autres termes, elle devrait être fondée sur des valeurs très spécifiques, sur le droit international, sur l'éthique des choses. Elle devrait être basée sur l'effort de forger des alliances internationales et sur l'effort d'avoir une norme unique dans tous les cas. Et vous me demanderez Monsieur Papadimitriou, pourquoi suivre cette pratique et ne pas procéder par de moyens de marchandage pour obtenir ce que nous pouvons ? Parce que la Grèce ne peut que bénéficier de l'application complète et uniforme des principes et, en particulier, du droit international. Le droit international de l'après-guerre s'est construit sur l'idée, Monsieur Papadimitriou, de la défense des petits et moyens États contre les actes arbitraires et la puissance des grands.
Nous devons en tout cas nous efforcer d'appliquer ce droit de manière complète, uniforme et cohérente. Et cela n'est possible que si l'on dispose de normes uniformes. C'est pourquoi je pense qu'aujourd'hui, précisément parce que nous avons cette position de principe sincère dans notre politique étrangère, nous sommes en mesure de parler d'égal à égal avec les grandes puissances, mais aussi avec des camps que l'on pourrait qualifier d'opposés.
JOURNALISTE : Mais si on s’engage à respecter des principes et on a affaire à quelqu'un qui ne respecte pas ces principes, cette relation devient encore plus difficile qu'elle ne l'était après 1821.
G. GERAPETRITIS : Mon avis, M. Papadimitriou, est que cela ne devient pas plus difficile. Elle devient plus facile. Pourquoi ? Parce qu'en politique étrangère, il y a la dimension bilatérale et il y a toujours la dimension multilatérale, le soutien international que vous obtenez.
Donc, dans le cas où vous avez affaire à quelqu'un qui essaie simplement de s'emparer du pouvoir précisément par le biais d'un marchandage international, ce que vous devez faire, c'est être capable, sur la base des principes que vous adoptez, d'obtenir le plus grand nombre de soutiens possible. Je tiens à vous dire, Monsieur Papadimitriou, que c'est exactement ce que j'ai constaté au ministère des Affaires étrangères au cours de l'année écoulée. Plus nous sommes honnêtes, cohérents, utiles, plus nous gagnons du terrain.
Permettez-moi de vous donner un exemple simple, Monsieur Papadimitriou. Lors de notre élection en tant que membre élu du Conseil de sécurité des Nations Unies, nous avons obtenu un pourcentage énorme. Nous avons en fait gagné 98 % des États du monde. En d'autres termes, sur les 190 États – finalement moins d’Etats ont voté - nous avons recueilli 182 votes positifs. Pourquoi ? Parce que nous avons adopté dès le départ un modèle qui ne fait pas de distinction entre les États, mais entre les stratégies, les politiques et les principes. L'attaquant, M. Papadimitriou, a tort et le défenseur doit être soutenu. C'est notre principe de base.
JOURNALISTE : Au cours de ces derniers mois, il y a eu quelque chose de spécial, que je vous attribue personnellement, mais surtout à Kyriakos Mitsotakis, le Premier ministre. Il a finalement trouvé un moyen d'éviter ces tiraillements constants, ces conflits, virtuels et parfois très réels, dans l'air, au-dessus de la mer Égée, parfois dans la mer. Vous nous direz ce qui s'est passé à Kassos immédiatement après. Est-ce que le fait qu'il y ait ce calme signifie que ceux qui sont de l'autre côté comptent sur le fait que nous faisons des concessions, car nous sommes pressés de nous asseoir à la table ? Et par conséquent est-ce qu’ils font semblant maintenant d’être gentils pour que nous puissions nous asseoir à la table où ils feront les méchants ?
G. GERAPETRITIS : Je pense que c'est tout le contraire.
JOURNALISTE : Vous n'êtes donc pas d'accord avec ce que j'ai dit et cela me réjouit.
G. GERAPETRITIS : Après tout, c'est la raison pour laquelle il existe une relation consultative entre nous, Monsieur Papadimitriou. Mais permettez-moi de vous dire ceci. J'ai l'impression qu'en ce moment, la Grèce parle en termes de puissance. Et je le dis en toute sincérité. Elle parle en position de force. Pourquoi ?
D'abord parce qu'elle dispose d'un énorme capital diplomatique. Le capital diplomatique qui s'est accumulé dans le pays aujourd'hui est vraiment très, très fort. Pour un pays comme la Grèce, qui n'est pas l'un des plus puissants au monde, ni en termes de population, ni en termes d'influence de longue date sur l'architecture de sécurité internationale, ce qui est important, c'est de disposer d'un capital international important. Et nous en avons en abondance. Nous sommes présents dans toutes les organisations internationales, nous avons forgé de très importantes relations stratégiques avec les principaux partenaires, nous avons des relations bilatérales avec chacun d'entre eux.
Mais de là découle une autre force, qui est collatérale mais qui renforce absolument notre diplomatie. Il s'agit de la puissance économique et de la puissance de défense. Au cours des cinq dernières années, Monsieur Papadimitriou, nous avons construit une grande force défensive. Malheureusement, pendant la période de la crise, il y a eu un ralentissement majeur dans le renforcement des forces armées, à la fois en termes d'effectifs et d'infrastructures.
Cette tendance s'est complètement inversée. Aujourd'hui, je pense que nous sommes dans une position très renforcée en matière de défense, et d'autre part, nous enregistrons également une amélioration de notre économie assez significative. En d'autres termes, nous ne sommes plus le paria de l'Europe et du monde, mais nous avons une économie qui se trouve dans une phase de croissance dynamique et qui, en fait, s'est stabilisée et suit une tendance continue à la hausse. Ainsi, à l'heure actuelle, lorsque nous parlons d'un capital diplomatique, d'une puissance économique et d'une puissance de défense forts, nous parlons d'une position de force. Il n'est donc pas du tout vrai que nous sommes faibles en ce moment. C'est tout le contraire…
JOURNALISTE : Mais nous allons nous asseoir à la table de discussion.
G. GERAPETRITIS : Nous sommes déjà assis à la table de discussion.
JOURNALISTE : C'est vous qui avez ressuscité cette question. Il n'y avait aucune urgence à s'asseoir à cette table et à recommencer les discussions avec les Turcs.
G. GERAPETRITIS : C'est une politique que le Premier ministre, M. Mitsotakis, a choisie dans la gouvernance après les élections. S'asseoir à la table et discuter avec la Türkiye. Je pense que ce choix était basé non seulement sur la nécessité d'avoir de bonnes relations avec notre voisin. Cela va sans dire. La Grèce souhaite entretenir de bonnes relations avec tous ses voisins. Mais il était également fondé sur la conviction profonde que nous ne pouvons gagner que si nous parvenons à avoir des relations sereines. Qu'avons-nous gagné cette année ?
JOURNALISTE : Ce qui s'est passé à Kassos s'inscrit-il dans le cadre de relations sereines ? Beaucoup de gens vous critiquent aujourd'hui en disant que nous en sommes allés la queue entre les jambes. Nous avons dit au bateau italien de sortir de là parce que nous ne voulons pas de problèmes avec l'autre côté maintenant.
G. GERAPETRITIS : Rien de plus faux.
JOURNALISTE : Quelle est la vérité ?
G. GERAPETRITIS : La vérité est la suivante en ce qui concerne cet incident particulier et ensuite, si vous le souhaitez, nous aurons une discussion plus large sur les relations gréco-turques. En ce qui concerne l'incident de Kassos, la vérité est la suivante. La Grèce doit travailler sur un projet qui a été approuvé par l'Union européenne, à savoir l'interconnexion électrique entre la Grèce et Chypre. Un projet d'une très grande importance, si je puis dire, avant tout pour Chypre et d'une importance géostratégique. Ce projet comprend donc une phase de recherche et ensuite la pose du câble. Pour l'étude, il fallait un plan de la part du navire italien et des contractants du projet.
JOURNALISTE : D'autres navires suivront, je suppose que d'autres études sont nécessaires.
G. GERAPETRITIS : Bien sûr. L'ADMIE (Opérateur indépendant de transport d'électricité) est responsable de la mise en œuvre du projet. Une stratégie a en effet été développée. La recherche, Monsieur Papadimitriou, a été réalisée absolument selon le plan. C'est-à-dire qu'il n'y a eu aucune concession par rapport au projet initial. La recherche s'est déroulée non seulement dans nos eaux territoriales, mais aussi dans les eaux internationales de la zone économique exclusive grecque. À l'heure actuelle, nous avons donc soulevé la question de la possibilité de mener des activités d'exploration en dehors de nos propres eaux territoriales, dans notre zone économique exclusive. Que s'est-il passé avec la Türkiye ? La Türkiye prétend...
JOURNALISTE : Avons-nous dû informer la Türkiye à un moment donné qu'il y aurait des travaux du type de ceux que vous avez décrits ?
G. GERAPETRITIS : Ce qui se passe, Monsieur Papadimitriou, est le suivant. La Türkiye considère qu'elle a des droits souverains dans la région élargie de la Méditerranée orientale sur la base du mémorandum turco-libyen, lequel mémorandum turco-libyen vieux de quatre ans - est invalide et juridiquement non fondé. Il ne produit pas d'effets juridiques, mais la Türkiye elle-même le considère comme la base de sa politique. C'est pour cette raison qu'elle considère qu'elle a des droits et qu'elle a voulu faire passer le message que, dans ce domaine, la Grèce et Chypre ne peuvent mener aucune recherche. Nous sommes inflexibles sur ce point. Nous avons déclaré que les recherches se poursuivraient et seraient menées à terme. Et c'est exactement ce qui s'est passé. Je tiens à vous rappeler que, dans des cas similaires, nous nous sommes trouvés au bord d'un conflit militaire. Il y a eu une très grande tension, une crise qui a conduit les deux flottes à se retrouver ensemble dans les eaux de la mer Égée et de la Méditerranée orientale.
Dans ce cas, Monsieur Papadimitriou, que s'est-il passé ? En vingt-quatre heures, il y a eu une décompression totale. À aucun moment, au cours de ces vingt-quatre heures, il n'y a eu la moindre possibilité de crise. Les navires qu'ils surveillaient ne se sont jamais approchés. Il n'y a pas eu de risque d'incident grave. Et à la fin de la journée, la recherche était terminée. Si je puis me permettre, non seulement ce n'est pas une attitude de concession, mais c'est tout le contraire. Elle a absolument produit le résultat escompté, conformément à la planification initiale du contractant. De plus, nous avons déclaré qu'il s'agissait de notre zone exclusive. Malheureusement, Monsieur Papadimitriou, je tiens à vous dire ceci. Il y a aussi une partie de la presse qui empoisonne l'opinion publique. Elle empoisonne l'opinion publique avec des mensonges…
JOURNALISTE : Il y a des gens qui ont une opinion différente de la vôtre.
G. GERAPETRITIS : Il ne s’agit pas d’une opinion différente. Je suis, vous savez, je suis par conviction une personne très consultative et tolérante. J'ai appris cela dans le cadre de mes études. Vous ne pouvez pas enseigner la tolérance et, d'autre part, ne pas tolérer la critique vous-même. C'est le contraire qui est vrai. Je suis extrêmement tolérant. Je peux accepter n'importe quelle évaluation de la part de n'importe qui. Peut-on me qualifier de termes extrêmement offensants ? Je l'accepte, Monsieur Papadimitriou.
Il y a une chose que je ne peux pas accepter. Qu'il y ait des mensonges qui circulent, qui empoisonnent l'opinion publique. Parce que ce qui s'est passé dans le cas de Kassos, c'est qu’une partie de la presse journalistique – je l'appellerai journalistique -, à mon humble avis, a voulu délibérément tromper l'opinion grecque. En disant quoi ? En disant que le navire est parti sans mener la recherche, qu'il y avait une menace de la part de la Türkiye et que la Grèce a reculé. Ces trois affirmations sont marquées par des mensonges incessants. Parce que la recherche a été menée à bien. Parce qu'il n'y a jamais eu de tension. Et parce que tout le monde sait que nous sommes maintenant à un stade où nous pouvons utilement et efficacement faire valoir tous nos droits.
JOURNALISTE : Mais des critiques ou au moins des questions ont été soulevées de manière plus indirecte ou plus directe sur la politique étrangère du gouvernement actuel aussi par des personnes respectées, telles que les anciens présidents de Nouvelle Démocratie et les anciens Premiers ministres, M. Kostas Karamanlis et M. Antonis Samaras. En tant que ministre des Affaires étrangères, vous n'avez évidemment pas répondu. Le Premier ministre ne répond pas et à juste titre, à mon avis. Mais en général, cela est une source de préoccupation pour ceux qui craignent que si nous nous asseyons à la table avec la Türkiye – c’est-à-dire une fois que les procédures seront achevées afin que nous soulevions réellement les grandes questions, et non à ce stade actuel de préparation - la Grèce soit prête à faire des concessions.
G. GERAPETRITIS : On ne peut jamais savoir quelque chose avant de l'avoir vu. Mais lorsque vous partez du principe que la Grèce va reculer, permettez-moi de dire que c'est une attitude qui sape la paix et la prospérité. Et je ne parle certainement pas des anciens Premiers ministres, qui ont tout à fait le droit d'avoir leur opinion. Chacun des deux Premiers ministres a sa propre histoire, qu'il peut faire valoir.
Ce que je veux dire, c'est que la Grèce est en position de force et que cette période est, à mon avis, une fenêtre d'opportunité historique pour résoudre nos problèmes de longue date. Nous avons parlé tout à l'heure de l'incident de Kassos. Cet incident, qui a été résolu immédiatement grâce à l'existence de canaux de communication, de canaux de communication politiques entre la Grèce et la Türkiye, sans provoquer de crise, ne se serait jamais produit si nous avions délimité les zones maritimes, c'est-à-dire le plateau continental et la zone économique exclusive. En effet, ces eaux auraient évidemment été situées dans la zone économique exclusive grecque délimitée. Les problèmes se posent, Monsieur Papadimitriou, précisément parce que nous n'avons pas cette délimitation. Et je dis clairement et avec conviction, en acceptant les critiques contraires, qu'aujourd'hui nous sommes à un stade satisfaisant pour la Türkiye. Pourquoi sommes-nous à un stade satisfaisant ?
Tout d'abord, parce que nous sommes passés d'un millier de survols illégaux et de violations de l'espace aérien grec à zéro. Parce qu'à l'heure actuelle, nous pouvons apaiser les tensions afin d'éviter les crises et le risque d'un incident grave et d'une guerre. Parce qu'à l'heure actuelle, nous gérons l'immigration de manière efficace. Parce que c'est grâce à la coopération que les réseaux de trafiquants illégaux peuvent être et sont démantelés.
JOURNALISTE : Tout cela est utile, mais les balles sifflent autour de nous. Un garde-frontière a failli être tué il y a quelques jours.
G. GERAPETRITIS : L'incident fait l'objet d'une enquête. Nous ne pouvons pas dire à l'heure actuelle comment il s'est produit. Lorsque l'enquête sera terminée, il y aura bien sûr des annonces. Mais je veux m'en tenir au fait que nous sommes actuellement dans une situation qui crée un sentiment de sécurité et de confiance chez les citoyens et cela personne ne peut le nier.
Vous me demandez si nous ferons des concessions. La réponse est très claire. La Grèce ne renoncera jamais, à aucun stade, à sa souveraineté, qui ne fait l’objet d’aucune discussion. Ce sont des choses simples. Je l'ai dit depuis le début. La Grèce ne discutera jamais de la question de ses eaux territoriales, qui sont actuellement fixées à 6 milles nautiques et que nous nous réservons toujours le droit de les étendre à 12 milles en vertu du droit international de la mer. Elle ne renoncera pas à son droit de gérer ses propres affaires en ce qui concerne les forces armées et leur déploiement ; elle ne renoncera pas à la protection des minorités reconnues.
En revanche, lorsque les conditions seront réunies, j'espère que nous pourrons entrer dans le vif du sujet, afin d'avoir une discussion qui, je vous le rappelle, dure depuis des décennies. Nous avons eu 64 tours de contacts exploratoires, Monsieur Papadimitriou, et à chaque fois, le dernier tour a été pire que le précédent. Les positions exprimées étaient plus extrêmes. En avons-nous vraiment profité ? Au cours des 20 dernières années de contacts exploratoires, avons-nous profité de cette tension, des positions extrêmes ? La réponse est claire.
JOURNALISTE : Je comprends votre réponse. D'un autre côté, vous avez fait un travail, c'est vrai. Nous avons conclu un accord avec l'Italie, nous ne sommes pas encore parvenus à un accord avec l'Albanie. Pourquoi ? Quelle est votre explication ? Alors qu'il semblait que tout était prêt, pour en finir avec la délimitation de la ZEE (zone économique exclusive)et la définition de tous les droits de la Grèce, mais aussi les leurs. Nous avons presque terminé avec l'Égypte. Que manque-t-il encore pour parachever notre accord avec l'Égypte ?
G. GERAPETRITIS : Il manque quelques étapes procédurales qui seront achevées, mais il y a un accord qui est international et contraignant pour les parties et qui a déjà été communiqué aux Nations Unies. En termes de validité internationale, il ne manque donc absolument rien.
JOURNALISTE : Et nous devons régler les questions relatives à Chypre et à la Türkiye.
G. GERAPETRITIS : Ce sont nos deux grandes questions nationales, Monsieur Papadimitriou, et je veux vous dire que depuis le premier jour où j'ai pris mes fonctions, la question chypriote a été ma priorité absolue.
JOURNALISTE : Avant d'aborder la question chypriote, nous allons faire une courte pause publicitaire. Nous reviendrons juste après, parce que je veux savoir ce que nous allons faire au sujet de la ZEE, ce que nous allons faire au sujet du plateau continental, qui sont les grandes questions et la seule raison, M. Gerapetritis, qui vaut la peine de parler à la Türkiye, autre que d'avoir de bonnes relations avec votre voisin. Nous reviendrons sur ce sujet juste après la pause publicitaire et notre bulletin d'informations.
JOURNALISTE : Nous sommes ici avec le ministre des Affaires étrangères, M. Giorgos Gerapetritis. M. Gerapetritis, il y a bien sûr beaucoup, beaucoup de messages. Je n'arrive pas à suivre. C'est tout un art à la radio que d’avoir le temps de parler, de poser des questions, d'écouter, de lire les messages et de les dire. Mais Yannis d'Ilion, qui est un habitué des lieux et un auditeur obsessionnel, nous dit comment avoir le calme dans la mer Égée, car nous n'avons pas de vols turcs. Avons-nous nos propres avions ? Je dis cela exprès à Yannis, parce que Yannis fait partie de ces gens qui, quoi qu'on leur dise, ne peuvent jamais être convaincus sur quelque sujet que ce soit. Vous voyez, nous donnons toujours l'impression d'avoir reculé, et c'est pourquoi Erdogan a reculé.
G. GERAPETRITIS : Les forces armées grecques n’ont interrompu aucune action.
JOURNALISTE : Nos avions de guerre volent-ils en mer Égée ?
G. GERAPETRITIS : Bien sûr, nos avions de guerre volent dans la mer Égée. Ils volent là où la légalité internationale le permet. Il y a un espace aérien, comme vous le savez, de dix miles milles. L'activité des forces armées est totale. Il n'y a pas de retrait. Bien sûr, dans le cadre des mesures de confiance entre les deux pays, il y a une discussion constante, qui a été établie principalement entre les militaires, sous la responsabilité d'un diplomate de haut rang, de sorte que les exercices militaires sont limités, mais il n'y a pas de dégradation ou de recul de la capacité des forces armées.
JOURNALISTE : M. Kostas Tsalikis dit, par exemple, qu'avec trois F-35 et une frégate Belharra, nous couvrons entièrement nos propres besoins dans la mer Égée. Pourquoi tant d'armes ? Sommes-nous en train de remplacer les Américains dans la surveillance des frontières de l'Europe, du monde occidental et maintenant du monde septentrional ?
G. GERAPETRITIS : Permettez-moi de dire que la préparation au combat des forces armées nécessite la mise à niveau des systèmes d'armement. Les F-35 sont des armes très, très modernes, qui créent actuellement une suprématie défensive. Et nous devrions nous rappeler, M. Papadimitriou, que lorsque nous avons pris le relais en 2019, la Türkiye faisait partie du programme des F-35. Nous n'étions même pas dans le programme de modernisation des F-16. Et aujourd'hui, à l’heure où nous parlons, la Grèce est dans le programme F-35, a modernisé les F-16 en Viper, et la Türkiye est hors du programme F-35.
JOURNALISTE : Yannis écrit que tout va bien, Monsieur le Ministre, à Karpathos. Vous êtes aussi originaire de cette île. A Karpathos, avec 5 navires de guerre en face, vous avez encore reculé sans achever le projet. Vous avez donné vie à l’accord turco-libyen non valide.
G. GERAPETRITIS : C’est exactement ce que je vous ai dit tout à l'heure.
JOURNALISTE : Ce que vous expliquiez tout à l'heure. Quand ce projet sera-t-il achevé ? Il y a encore beaucoup de travail à faire.
G. GERAPETRITIS : C'est un projet à long terme. Je le répète. C'est faux. Je ne peux pas le dire autrement. Malheureusement, la propagation du mensonge crée la vérité, comme vous le savez, Monsieur Papadimitriou. Dire qu'il y a eu une retraite et un retour du navire est faux. Le navire a effectué toutes les recherches qu'il était censé faire en dehors des eaux territoriales grecques, dans la zone économique exclusive grecque. Si vous me demandez si c'est une bonne chose que des navires de guerre aient été retrouvés à l'extérieur, il est évident que ce n'est pas une bonne chose. D'un autre côté, je voudrais dire que nous comprenons tous que ni la Grèce ni la Türkiye ne vont changer leurs positions de base. Je ne suis ni un utopiste, ni ne pense que tout va s'arranger d'un coup. Mais ce que nous disons, c'est que ces canaux doivent être disponibles à tout moment, afin que nous puissions discuter et résoudre les problèmes. Je ne suis pas sûr, par exemple, que si une situation similaire se produisait alors que ces canaux n'étaient pas en place, elle aurait le même résultat. Maintenant, je répète. Je veux conclure. À Kassos, et votre auditeur a raison de dire que j'ai un intérêt particulier et je veux rassurer tous les Grecs qui vivent dans les régions périphériques. Il n'y a pas eu de repli grec. Au contraire. La Grèce est actuellement dans la zone économique exclusive, elle a terminé ses investigations et il n'y a pas eu de crise. Je ne comprends pas ce que nous aurions voulu de plus ?
JOURNALISTE : Donc le chef de la diplomatie et le chef de notre dispositif de défense s'entendent, prennent des mesures quand c'est nécessaire. Avec M. Dendias, qui connaît aussi le département d'État, vous vous entendez, je suppose.
G. GERAPETRITIS : Absolument. Nous sommes absolument coordonnés.
JOURNALISTE : Les rumeurs selon lesquelles vous êtes le gentil, celui qui est prêt à faire des compromis, et que M. Dendias est le méchant qui ne fera jamais de compromis, ne sont pas vraies.
G. GERAPETRITIS : Je voudrais vous dire quelque chose, qui correspond à ma lecture de l'histoire grecque. La distinction entre les conciliateurs et les patriotes a entraîné des catastrophes nationales pour le pays. C'est pourquoi j'ai toujours été d'avis qu'il est important d'être utile bénéfique. Ici, nous sommes tout à fait en ligne avec le ministère de la défense nationale et le ministre. Après tout, ce n'est pas moi qui fais la politique, ni aucun ministre. C'est le Premier ministre qui définit la politique et celle-ci est approuvée par le KYSEA (Conseil gouvernemental pour les affaires étrangères et la défense). Pour l'instant, nous sommes donc complètement en ligne. Et je pense que cela a également été visible lors de la tension qui a été provoquée et qui a été immédiatement désamorcée. Les navires de guerre grecs ont été immédiatement mobilisés autant que nécessaire.
JOURNALISTE : Dans un discours que M. Dendias a prononcé il y a quelques jours à Chypre, il a exprimé des choses et des phrases que nous utilisons tous. Le ministère des Affaires étrangères utilise-t-il les mêmes formulations ?
G. GERAPETRITIS : Nous suivons exactement la même stratégie. Je ne peux pas le dire autrement. Mais il n'y a pas de différence.
JOURNALISTE : Ce n'est pas possible, Monsieur le ministre. Il doit y avoir une différence. Nous, les journalistes, nous devons avoir quelque chose à dire pour que les choses se passent bien.
G. GERAPETRITIS : Je suis désolé, mais tant moi-même que l'ensemble du conseil ministériel, y compris évidemment le ministre de la Défense, sommes absolument d'accord sur le fait que la Grèce est certainement en train de discuter avec la Türkiye. Elle souhaite avoir un dialogue bénéfique et productif. La Grèce est tournée vers la paix et la prospérité et non vers la guerre. D'un autre côté, nous ne pouvons pas ignorer l'histoire et en particulier les responsabilités historiques de la Türkiye à Chypre. Et nous ne pouvons en aucun cas venir faire des concessions sur des questions ayant trait à notre souveraineté et sur lesquelles il y a des lignes rouges nationales.
JOURNALISTE : M. Gerapetritis, pourquoi devrions-nous rouvrir l'histoire de la question chypriote maintenant ? Je n'ai pas l'impression que les Chypriotes le veulent non plus.
G. Gerapetritis : J'ai une opinion différente et je suis en totale synergie avec la République de Chypre. Après tout, comme vous le savez, j'ai des contacts réguliers et je me rends souvent à Chypre pour quelques heures afin de pouvoir tâter le pouls du côté chypriote afin de pouvoir recevoir aussi les impulsions de la République de Chypre. Ce qui est vrai, c'est que pendant longtemps il y a eu un arrêt complet et une inaction par rapport au problème de Chypre. Lorsque j'ai pris mes fonctions il y a un an, à la demande du Premier ministre et, bien entendu, en accord avec la République de Chypre, nous avons essayé de mettre le problème chypriote à l'ordre du jour des Nations Unies et de l'Union européenne. Ces deux objectifs ont été atteints. En juin 2023, une disposition a été incluse dans les conclusions du Conseil européen, selon laquelle l'Union européenne sera impliquée dans toutes les étapes du problème chypriote. Et bien sûr, les Nations Unies, par l'intermédiaire de leur secrétaire général, ont donné la priorité au problème chypriote. Il a nommé une envoyée personnelle à Chypre et sa position est actuellement très claire : le problème chypriote est remis sur les rails. C'est également mon sentiment. Je tiens à vous dire que j'ai investi une grande partie de mon énergie et de celle du ministère des Affaires étrangères pour que le problème chypriote soit remis sur les rails. En quoi consiste cette remise sur les rails ? Cela consiste à reprendre les discussions, les discussions entre les deux parties sur la base des résolutions des Nations Unies sur une fédération bizonale bicommunautaire. Je comprends que la position de la Türkiye est...
JOURNALISTE : C'est une autre source de tension avec la Türkiye.
G. GERAPETRITIS : La position de la Türkiye au fil du temps a été beaucoup plus à l'extrême opposé, l'extrême opposé, qui est une position de solution à deux États, ce qu'ils appellent l'égalité souveraine. Il s'agit d'une position qui sort du cadre du droit international tel qu'il est défini par les résolutions et qui ne peut donc pas être acceptée. Ce qui est essentiel, Monsieur Papadimitriou, à ce stade, et ce pour quoi nous travaillons tous avec acharnement, c'est de relancer les discussions. Car s'il n'y a pas de débat, il n'y aura pas de solution. Je dis toujours que l'essentiel est que nous puissions avoir des consultations, que nous puissions discuter. Nous faisons de même avec la Türkiye. Et je pense qu'il est bon que les relations gréco-turques se soient améliorées sur la question chypriote également. Le président de la République de Chypre le reconnaît également.
JOURNALISTE : Comment se sont-elles améliorées lorsqu'il envoie l'armada faire des démonstrations de gymnastique dans la partie occupée de Chypre ?
G. GERAPETRITIS : Je tiens à vous dire ceci. La discussion qui aura lieu sur le problème chypriote, espérons-le, n'aura qu'un seul but, la réunification de Chypre. Chypre doit être unie. Et ce n'est pas nous qui le disons, c'est le droit international lui-même qui le dit. Indépendamment des déclarations ou des opérations qui sont faites de la part de la Türkiye, ce qui est important - et j'ai un espoir viable, une lueur d'optimisme, Monsieur Papadimitriou, que nous pourrons entamer des discussions sur le problème chypriote - c'est qu'il y ait une solution qui soit viable, qui soit bénéfique et qui soit mutuellement acceptable.
JOURNALISTE : Je comprends. Le rapport sur l'État de droit, Monsieur Gerapetritis, Monsieur le Ministre, a moins de péchés à nous raconter contient moins de “ péchés “. Je suis désolé, je suis un peu ironique, mais lorsque je l'ai lu il y a de nombreuses années, j'ai dit que je ne pouvais plus le lire. Mais quand tout ce tapage a été fait et que j'ai vu que j'avais tort et que certains correspondants étrangers, qui pensent que c'est une question très importante et que toute l'opposition a raison, j'ai vu qu'il y avait en effet des questions importantes. Aujourd'hui, dans cette affaire qui est apparue, la Grèce est dans une bien meilleure position. Avons-nous payé de l'argent pour obtenir une meilleure position dans ce rapport ?
G. GERAPETRITIS : Permettez-moi de dire ceci. Si vous regardez les rapports de la Commission européenne sur l'État de droit au fil du temps, vous verrez en effet qu'il y a une très grande amélioration dans presque tous les chapitres. Il y a de nombreux fronts ouverts. Vous savez, la Commission européenne, parce qu'elle a fait les rapports des 27 États membres, a une perception différente des phénomènes. C'est-à-dire, par exemple, qu'elle soulève avec beaucoup d'insistance des questions qui, pour nous, nécessitent une révision constitutionnelle, comme la question de la responsabilité pénale des ministres. Nous comprenons donc tous qu'il y a eu effectivement beaucoup de progrès. Nous travaillons dans cette direction et je voudrais souligner l'intérêt, Monsieur Papadimitriou, de lire les phénomènes historiques dans leur dimension temporelle. Si l'on lit le rapport sur l'État de droit aujourd'hui en termes absolus, on peut trouver des passages qui viendront dire que la Grèce doit encore faire des pas en avant. Mais si l'on regarde dans le temps, l'amélioration est énorme. C'est également vrai dans tous les cas. Vous m'avez dit tout à l'heure...
JOURNALISTE : Et cela est valable pour d’autres Etats.
G. GERAPETRITIS : Et cela s'applique à tous les États. Et je pense que ce qui nous manque, c'est souvent l'approche comparative. Nous ne cessons de parler des déclarations incendiaires d'Erdogan. Bien sûr, les déclarations du président turc sont souvent complètement hors contexte. Mais si nous regardons ce qui s'est passé les années précédentes, il est clair qu'il y a eu une désescalade progressive. Je ne dis pas - je veux être prudent - qu'ils ont abandonné leurs positions de base. Je ne m'attends pas à cela. Mais ce que je dis, c'est qu'il y a clairement eu une réduction de l'hostilité qui existait dans le passé.
JOURNALISTE : Un cas qui a été très critiqué sur ces questions est celui de la Hongrie. Vous n'irez pas à Budapest, comme c'est la norme, dans ce pays où la présidence semestrielle déguise convoque les premiers sommets ministériels. Vous n'irez pas. Vous tiendrez le sommet à Bruxelles. Quel est le problème avec M. Orban ?
G. GERAPETRITIS : Je pense que c'est évident. La Hongrie mène une politique étrangère qui est assez éloignée des fondements de la politique de l'Union européenne, de la politique étrangère et de la politique de sécurité. Nous voyons, par exemple, l'attitude de la Hongrie qui, dans certains cas, est assez ambivalente à l'égard de la Russie et de l'Ukraine. Nous comprenons donc qu'il y a une certaine distance.
D’un autre côté, il existe des institutions qui décident au sein de l'Union européenne. Le Conseil des affaires étrangères de l'Union européenne est chargé de prendre des décisions conformément aux procédures et à la majorité renforcée prévues. Ce n'est la responsabilité d'aucun État membre, ni de l'État membre qui préside. Et donc tout se règle sur la base de la compétence.
JOURNALISTE : Mais ce que M. Orban a en tête, Monsieur le Ministre, et nous le comprenons tous, c'est de trouver une solution, de mettre fin à la guerre que Poutine a déclarée en Ukraine. Ce n'est pas une mauvaise chose.
G. GERAPETRITIS : Ecoutez, ce n'est jamais une mauvaise chose de rechercher une solution, et surtout quand cette solution est viable et consultative. Le problème, ce sont les moyens que l'on utilise pour parvenir à la solution. Je voudrais vous dire cela. À l'heure actuelle, l'ensemble de l'Union européenne aspire à la paix en Ukraine. Et les Ukrainiens eux-mêmes y aspirent certainement. La question est de savoir si cette solution donnera raison à l'agression de la Russie ou à l'Ukraine, qui se défend. En d'autres termes, si nous arrivons maintenant et que nous disons que nous ferons des concessions quant à la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine, nous comprenons tous, M. Papadimitriou, que cela créé un précédent historique.
JOURNALISTE : Cela en dit long sur Chypre que vous voulez dire.
G. GERAPETRITIS : Cela en dit long sur nous tous.
JOURNALISTE : Cela en dit long sur une éventuelle attaque contre une partie du territoire grec.
G. GERAPETRITIS : Bien sûr, oui. Et je tiens à le dire et je vais le dire sur tous les tons. Je pense qu'il est important que nous ayons commencé notre discussion aujourd'hui par cette déclaration et je pense qu'il serait utile d'y revenir.
Nous ne pouvons pas avoir deux poids et deux mesures dans notre politique étrangère. Lorsque nous disons que nous sommes des défenseurs du droit international, des défenseurs de celui qui se défend, des défenseurs de l'intégrité territoriale et de la souveraineté des États, nous ne pouvons pas, d'un autre côté, faire des concessions à ce niveau-là. Pourquoi, Monsieur Papadimitriou ? Parce que le moment venu, et si le moment vient - j'espère qu'il ne viendra jamais - la Grèce et tous les pays qui ont une attitude ambivalente à l'égard de ces questions n'auront plus d'intérêt légitime à les soulever.
La communauté internationale doit adopter une position unie sur l'Ukraine, Chypre, le Moyen-Orient et partout ailleurs. Ce n'est qu'ainsi qu'elle gagnera en crédibilité et qu'elle disposera de normes communes en termes de mise en œuvre. C'est pourquoi nous serons clairs. Oui, nous cherchons une solution en Ukraine. L'ensemble de l'Union européenne et du monde occidental recherche cette paix. En revanche, nous ne pouvons pas accepter que cette paix se fasse à un prix pour l'Ukraine qui justifie l'agresseur.
JOURNALISTE : Jusqu'à quel point notre relation avec Poutine et Moscou est-elle en dessous de zéro ?
G. GERAPETRITIS : Je pense que sur cette échelle, la politique étrangère grecque veut maintenir son sérieux. Nous avons des relations diplomatiques à l'heure actuelle. Notre mission diplomatique à Moscou existe toujours. Elle mène les consultations nécessaires avec les services russes compétents. En revanche, au plus haut niveau politique, nous n'avons pas ces contacts. Je dirais que nous avons les relations diplomatiques nécessaires pour que le lendemain, lorsque la paix sera rétablie en Ukraine, nous puissions discuter dans des conditions qui n'ont pas été rompues. Et nous y veillons.
JOURNALISTE : Monsieur le Ministre, êtes-vous personnellement, mais surtout le Premier ministre, prêt à prendre une initiative ? Il faut voir aussi comment Netanyahou reviendra des États-Unis. Pour avoir la paix, pour empêcher les Israéliens d'avancer. Pour enfin avoir la reconnaissance d'un État palestinien, qui est une condition préalable à la paix là-bas ?
G. GERAPETRITIS : Je voudrais vous dire que, parmi les États européens, nous devons être parmi les plus actifs au Moyen-Orient. Les initiatives que nous avons prises en tant que gouvernement et en tant que ministère des Affaires étrangères sont très, très importantes et bénéfiques. Les deux parties le reconnaissent.
Vous savez, il n'y a pas beaucoup de pays qui ont acquis la crédibilité nécessaire pour pouvoir parler à la fois à Israël et à l'Autorité palestinienne à l'heure actuelle. Nous, nous le faisons. Pourquoi le faisons-nous ? Parce que nous avons cette attitude particulière à l'égard des choses, qui est une attitude de principe. Qu'avons-nous fait de bien dans ce domaine ? Nous avons réussi à établir des canaux de communication avec les deux parties et avec l'ensemble du monde arabe.
Actuellement, sur ma proposition, une task force des ministres des Affaires étrangères euro-arabes est en train d'être mise en place, avec un rôle de médiateur. Sur notre proposition, nous apportons notre expertise à l'Autorité palestinienne afin qu'elle puisse créer les institutions et les procédures nécessaires pour prendre en charge la gouvernance de la Palestine dans les jours à venir. Car vous savez que l'une des raisons qui empêchent actuellement la paix est le fait que l'Autorité palestinienne n'est pas considérée par les Israéliens comme ayant l'intégrité ou l'expertise nécessaire pour prendre en charge l'administration.
Le ministère grec des Affaires étrangères a pris l'initiative d'apporter son expertise. Nous avons proposé - et je pense que cela sera accepté - que l'Union européenne soit en mesure d'accueillir des enfants de Palestine qui sont actuellement blessés ou qui manquent de biens de première nécessité. Nous avons une présence très, très forte et très utile au Moyen-Orient.
JOURNALISTE : Monsieur le Ministre, dans la demi-minute qui nous reste. Répondez, s'il vous plaît. Kamala Harris ou Donald Trump ?
G. GERAPETRITIS : Both and more, je dirais, comme le disent les économistes que vous connaissez mieux que moi, dans le sens où nous avons une relation si profonde, nous sommes vraiment au sommet de notre relation bilatérale avec les États-Unis que je considère comme acquis qu’ils ne seront pas ébranlés le moins du monde. Pour l'instant, la Grèce observe et respecte les décisions du peuple américain. Je voudrais saluer l'attitude du président Biden. Il a fait preuve de grandeur en renonçant à une vanité personnelle qu'il aurait pu avoir. Comme Nietzsche l'a dit avec sagesse, c'est la plus grande vertu que de pouvoir se retirer au moment critique. Et je pense que l'histoire lui donnera raison. Le lendemain, je suis absolument certain que les relations gréco-américaines seront encore meilleures.
JOURNALISTE : M. le Ministre, M. Gerapetritis, je vous remercie.
G. Gerapetritis : C'était un grand honneur et je vous remercie beaucoup, ainsi que vos auditeurs.
July 25, 2024