« La Grèce peut devenir la voix des Émirats arabes unis au sein de l'UE »
JOURNALISTE : Vous avez été un éminent avocat et professeur de droit pendant de nombreuses années. Pouvez-vous nous dire comment cette carrière vous a aidé dans vos fonctions d'homme politique et de ministre ?
G. GERAPETRITIS : Lorsque l'on vient du domaine de la jurisprudence et de la rationalité académique, on peut comprendre l'importance des processus délibératifs et des règles et positions fondées sur des principes. Ceci est parfaitement cohérent avec le noyau de la politique étrangère de la Grèce, qui est une politique étrangère fondée sur les principes établis du droit international et en particulier de la Charte des Nations Unies.
JOURNALISTE : Pouvez-vous nous parler de l'objectif de votre visite et des résultats que vous en attendez ?
G. GERAPETRITIS : Mon voyage ici a été planifié avant les récents développements très inquiétants et le nouveau cycle de violence en Israël et à Gaza, qui doit cesser dès que possible. Ma visite s'inscrit dans le cadre de notre partenariat stratégique global bilatéral, qui a été signé en 2020 et qui a reçu un nouvel élan grâce à la déclaration commune adoptée l'année dernière lors de la visite officielle du Premier ministre grec aux Émirats arabes unis.
Je me réjouis des discussions fructueuses que j'aurai avec les représentants des Émirats arabes unis afin de renforcer nos liens bilatéraux en promouvant la coopération dans un large éventail de domaines, notamment la sécurité, la défense, les énergies renouvelables et la lutte contre le changement climatique.
Il ne fait aucun doute que les Émirats arabes unis sont un pilier de la prospérité et de la stabilité dans l'ensemble de la région. Nous apprécions particulièrement leur contribution au Moyen-Orient et à la Libye, ainsi que leur rôle au sein du groupe I2U2 et du Conseil de coopération du Golfe. La Grèce aspire à devenir un pont entre le monde arabe et l'Europe. De leur côté, les Émirats arabes unis se sont imposés comme un acteur important dans la région.
JOURNALISTE : Lors des visites en Grèce du président des Émirats arabes unis en 2022 et de leur ministre des Affaires étrangères en avril, les deux parties ont discuté du renforcement de leur coopération dans les domaines de l'économie, du commerce, de l'investissement, du développement, de l'énergie renouvelable et de la sécurité alimentaire. En tant que nouveau ministre des Affaires étrangères, comment voyez-vous l'avenir et les possibilités de la coopération dans ces domaines ?
G. GERAPETRITIS : Nos efforts conjoints pour renforcer nos liens économiques bilatéraux ont déjà porté leurs fruits. Selon les dernières statistiques, les flux d'investissement mutuels ont augmenté régulièrement ces dernières années, en particulier à partir de 2022. Plus de 350 entreprises grecques sont actuellement actives aux Émirats arabes unis, principalement dans les secteurs de la construction et du commerce maritime. De même, les entreprises basées aux Émirats arabes unis sont engagées dans d'importantes activités d'investissement en Grèce, principalement dans les secteurs de l'infrastructure touristique, des énergies renouvelables, des soins de santé et des produits agricoles.
JOURNALISTE : Au cours de la visite du ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis, les deux parties ont également examiné le cadre de la coopération conjointe dans le secteur de l'aviation et souligné l'importance de poursuivre les efforts en vue d'augmenter les vols directs entre les deux pays. Pouvez-vous nous parler des progrès réalisés dans ce domaine ?
G. GERAPETRITIS : La connectivité aérienne est vitale pour le développement de nos relations bilatérales. J'ai le plaisir de vous annoncer que la compagnie grecque Aegean Airlines lance une liaison directe Athènes-Dubaï à partir du 10 octobre, avec 6 vols par semaine. Ces vols s'ajoutent aux services aériens existants d'Abou Dhabi et de Dubaï vers Athènes et diverses îles grecques (Mykonos, Santorin, Corfou) opérés par Etihad, Emirates, Fly Dubai et WizzAir. Nous espérons également pouvoir proposer très prochainement des vols directs depuis d'autres villes de Grèce et des Émirats arabes unis, comme Thessalonique et Sharjah.
JOURNALISTE : Quelle est votre opinion sur les relations entre les deux peuples, les relations culturelles et le rôle du tourisme dans ce contexte ?
G. GERAPETRITIS : La culture et le tourisme rapprochent les gens et favorisent la compréhension mutuelle et la tolérance. La Grèce a été l'une des destinations touristiques les plus prisées pour les voyageurs des Émirats arabes unis au cours de l'été 2023, se classant au 5e rang. Toutefois, des améliorations sont encore possibles. Nous explorons les possibilités de renforcer notre coopération, en particulier dans le domaine de la culture. Par exemple, notre ambassade à Abou Dhabi a étudié les possibilités de coopération avec le Louvre d'Abou Dhabi afin de rapprocher la culture grecque des résidents des Émirats arabes unis.
JOURNALISTE : Pourriez-vous nous parler des derniers développements concernant le fonds d'investissement commun de 4 milliards d'euros annoncé par les deux pays en mai 2022 ?
G. GERAPETRITIS : La mise en œuvre du Mémorandum de coopération avec Abu Dhabi Developmental Holding Company (ADQ), qui a été signé lors de la dernière visite du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis aux Émirats arabes unis en mai 2022, est en bonne voie. Les équipes des deux pays travaillent en étroite collaboration et examinent de près les possibilités d'investissement dans tous les secteurs de l'économie grecque. En décembre dernier, nous avons eu la première annonce d'un investissement dans la société immobilière grecque Blueground. Nous espérons que nous aurons bientôt d'autres annonces positives sur un autre investissement de l'ADQ en Grèce. Nous apprécions beaucoup l'approche professionnelle et l'engagement sincère de l'ADQ et nous la considérons comme un partenaire fiable et précieux dans la région.
JOURNALISTE : Les relations bilatérales entre la Grèce et les Émirats arabes unis ont-elles atteint leur plein potentiel ? Pensez-vous que ces relations devraient être étendues à de nouveaux domaines ? Dans l'affirmative, quels sont ces nouveaux domaines de coopération possibles ?
G. GERAPETRITIS : Le partenariat stratégique avec les EAU a porté des fruits significatifs dans des domaines tels que la coopération politique et militaire. Nous aimerions élargir le champ de nos excellentes relations politiques et militaires bilatérales, tandis que dans les relations économiques et commerciales, nous pensons qu'il y a beaucoup de potentiel inexploité. Les domaines de la coopération technologique et culturelle, ainsi que de la coopération dans les secteurs de l'énergie et de l'environnement, revêtent également une importance particulière pour notre pays. Les Émirats arabes unis sont un partenaire stratégique et nous sommes prêts à explorer toutes les possibilités de coopération, tant au niveau bilatéral que multilatéral.
D'autre part, la Grèce peut être un point d'entrée des EAU en Europe. Dans ce contexte, nous pensons que la signature d'un accord de partenariat économique global peut marquer un nouveau départ.
JOURNALISTE : Comment voyez-vous la coopération entre la Grèce et les Émirats arabes unis sur la scène internationale, en particulier au sein des Nations unies et d'autres forums multilatéraux ?
G. GERAPETRITIS : Au fil des ans, les deux pays se sont soutenus mutuellement dans le cadre de leurs candidatures respectives à des postes au sein d'organisations internationales. Nous avons soutenu la candidature des Émirats arabes unis à un siège non permanent au Conseil de sécurité de l'ONU et nous sommes particulièrement reconnaissants aux Émirats arabes unis d'avoir exprimé leur soutien à la candidature actuelle de la Grèce au Conseil de sécurité.
JOURNALISTE : Quelle est votre opinion sur l'importance de la COP28 dans le contexte de l'action climatique mondiale ? Comment voyez-vous la possibilité d'une coopération entre la Grèce et les Emirats arabes unis lors de la COP28 ?
G. GERAPETRITIS : La Grèce est partie à toutes les grandes conventions, traités et protocoles internationaux sur l'environnement et a fait du lien entre le climat, la paix et la sécurité une priorité de sa candidature à un siège de membre non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU pour la période 2025-2026.
En ce qui concerne l'environnement et l'énergie, nous pouvons affirmer avec certitude que la Grèce et les Émirats arabes unis partagent de nombreuses valeurs et objectifs communs. Tout comme les Émirats arabes unis, la Grèce s'est pleinement engagée à atteindre la neutralité climatique d'ici 2050. En Grèce, les énergies renouvelables couvrent près de 50 % de la demande intérieure en 2023, avec un objectif de 80 % d'ici 2030. La Grèce promeut également l'interconnectivité énergétique et un avenir plus vert pour la région de la Méditerranée orientale. En outre, nous avons accueilli chaleureusement l'annonce conjointe des Émirats arabes unis et de l'Union européenne, en juin 2023, d'adopter deux engagements mondiaux : tripler l'utilisation des énergies renouvelables et doubler l'efficacité énergétique.
La Grèce participera activement à la COP-28 et organisera une série d'événements parallèles dans son pavillon national pour promouvoir ses propres priorités, telles que la proposition sur « la lutte contre l’impact du changement climatique sur le patrimoine culturel et naturel », lancée avec le soutien de l'UNESCO et de l'Organisation météorologique mondiale, et la 9e conférence « Our Ocean », qui aura lieu à Athènes en 2024 et examinera les moyens de faire face aux conséquences du changement climatique, de la perte de biodiversité, de la surpêche et de la pollution marine. D'autres événements viendront renforcer la coopération entre la Grèce et les EAU pour lutter contre le changement climatique et la dégradation de l'environnement et promouvoir un avenir vert et durable pour la région.
JOURNALISTE : Y a-t-il d'autres aspects/sujets importants que vous souhaiteriez ajouter ou souligner ?
G. GERAPETRITIS : La Grèce a un partenariat stratégique avec certains pays dans le monde, et les Émirats arabes unis sont l'un d'entre eux. Nous souhaitons donc en tirer le meilleur parti et nous pouvons être votre voix au sein de l'UE.
La Grèce accueillerait favorablement une relation trilatérale avec les EAU et l'Inde, axée sur le renforcement de la coopération économique, le développement des infrastructures et la mise en œuvre de projets communs dans les domaines du transport, de la logistique, de l'énergie et du commerce, dans la perspective du projet de corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe.
October 12, 2023