JOURNALISTE : Bonjour ! Nous sommes ici en compagnie du ministre des Affaires étrangères, M. Giorgos Gerapetritis. Nous allons évidemment discuter de la question des migrations. Mais aussi, bien évidemment, de tout ce qui est écrit sur les « patries bleues » et de votre déplacement à New York. Je pense que ce sont des questions clés qui nous concernent tous et nous en discuterons avec le ministre. En fait, nous sommes à un moment... Bonjour, Monsieur le Ministre, soyez le bienvenu.
G. GERAPETRITIS : Merci de votre invitation.
JOURNALISTE : Je vous remercie également d’être venu. Nous sommes à un moment crucial, le moment où nous voyons en Europe qu'il y a un grand désordre au niveau de la question migratoire, avec l'attitude de l'Allemagne. Il s'agit d'une question de haute diplomatie sur le fond. Ce n'est pas seulement une question d'immigration. C'est aussi une question de partage du pouvoir en Europe. À quel niveau en sommes-nous aujourd'hui ? Quelle est la réaction de la partie grecque ? Allons-nous à nouveau voir un influx de migrants sur nos îles ?
G. GERAPETRITIS : Nous avons deux dimensions. Tout d'abord, M. Stathis, M. Kolokythas, je voudrais vous remercier pour votre honorable invitation et pour l'occasion qui m'est donnée de m'adresser au peuple grec par votre intermédiaire. Je voudrais dire que la question de l'immigration a deux dimensions. Elle a une dimension politique et une dimension réelle.
La dimension politique est la pression exercée sur l'Europe, et en particulier dans certains pays, par la rhétorique anti-immigration de certains partis politiques, notamment de l'extrême droite. Les résultats obtenus dans deux États allemands et les résultats à venir dans le Brandebourg constituent, je pense, un moment décisif pour la manière dont l'Allemagne perçoit la question de l'immigration. N'oublions pas qu'en Allemagne, il y a un gouvernement allié. Et je pense que c'est important dans le sens où il ne s'agit pas d'un gouvernement à parti unique qui serait en mesure d'imposer un programme politique. Les gouvernements de coalition ont toujours les problèmes inhérents à la capacité de fusionner les positions.
Le deuxième élément, le vrai, est la crise qui sévit actuellement dans notre région au sens large. Avec deux guerres dans notre voisinage, avec une situation très volatile en Afrique, et particulièrement en Afrique sub-saharienne. Et vous comprenez que là où il y a des guerres, là où il y a des conflits civils, là où il y a des problèmes liés à la famine ou à l'approvisionnement alimentaire limité, nous comprenons tous qu'il y a une pression migratoire. Ainsi, tant sur le plan politique que dans la réalité, un problème majeur se pose.
Où en sommes-nous aujourd'hui en Allemagne ? L'Allemagne a annoncé qu'elle allait introduire des contrôles supplémentaires à ses frontières terrestres. En pratique, cela signifie que les personnes entrant en Allemagne par la frontière terrestre seront identifiées pour vérifier si elles disposent des documents de voyage nécessaires. Nous comprenons tous qu'il s'agit là d'une rupture relative en matière de libre circulation des personnes et des biens. Et cela crée une question d'unité par rapport au traité de Schengen. Pour l'instant, nous n'avons pas encore de restrictions d'entrée, il ne s'agira que de contrôles. Et cela ne concerne pas la Grèce, dans la mesure où ces contrôles concernent les frontières terrestres et non les frontières aériennes. C'est-à-dire les portes d'entrée des aéroports. Mais comme vous le comprenez...
JOURNALISTE : La question est, savez-vous quelle est la question ? L'Allemagne va-t-elle envoyer des migrants en Grèce ?
G. GERAPETRITIS : La réponse est très claire. Le droit européen prévoit des choses très précises. Qu'est-ce qui est prévu ? Il est prévu qu'une fois qu'un citoyen d'un pays tiers s'est vu accorder le statut de réfugié, c'est-à-dire qu'il a reçu une aide humanitaire, il ou elle est autorisé(e), avec des documents de voyage spéciaux, à se rendre en Europe pendant 90 jours.
Ainsi, à l'heure actuelle, la Grèce, en respectant pleinement toutes les règles européennes et en disposant d'un système très structuré d'octroi de l'asile - je voudrais vous rappeler à quel point il a été amélioré au cours des cinq dernières années, le système d'octroi de l'asile a été rationalisé - fait ce que le traité de Schengen exige.
La réponse est qu'il est impossible que nous nous retrouvions soudainement avec un grand nombre d'immigrants. En réalité, la Grèce veille à ce que les conditions de vie des personnes qui se trouvent en Grèce et qui ont obtenu le statut de réfugié soient tolérables et de bonne qualité. Mais je dois dire ceci. Le problème dans cette affaire n'est pas la Grèce. Nous nous en tenons strictement à ce qui est prévu par le droit européen.
JOURNALISTE : Le problème, c'est évidemment les allocations de l'Allemagne, les conditions.
G. GERAPETRITIS : L'Allemagne a ses propres problèmes politiques internes. Et elle a aussi un statut très spécial, vous savez, parce que le niveau de protection sociale qu’elle offre aux migrants est très élevé et c'est tout à son honneur. Mais nous comprenons tous que ce régime pourrait aussi attirer les migrants.
JOURNALISTE : Permettez-moi de vous poser une question, Monsieur le Ministre. Disons que le réfugié ou le migrant arrive en Allemagne. Là-bas, il lui est interdit d’entrer dans le territoire allemand. C'est son but, de la Grèce il veut arriver en Allemagne. Son objectif est d’entrer en Europe centrale. Là, on lui dit que vous ne pouvez pas entrer. Que se passe-t-il ensuite ?
G. GERAPETRITIS : La réponse est claire. Un État membre ne peut pas refuser l'entrée à quelqu'un qui a déjà obtenu le statut de réfugié parce qu'il est prévu qu'avec des documents de voyage spéciaux, il peut se rendre en Europe pendant 90 jours. Il n'est donc pas question pour l'instant d'une violation à cet égard. Je tiens à insister sur ce point, Monsieur Stathis, car il faut le comprendre. L'Allemagne a annoncé un renforcement des contrôles. Elle n'a pas fermé les frontières, et pour que cela se produise, il faudra peut-être de nombreuses étapes supplémentaires, et il est très douteux que cela puisse se faire de toute façon. Nous en sommes à un niveau de contrôle supplémentaire.
JOURNALISTE : Comment l'Europe réagit-elle à cette situation ?
G. GERAPETRITIS : Il est important de comprendre ce qui suit. Au cours des trois dernières années, l'Union européenne s'est particulièrement intéressée à la question des migrations. Et je pense qu'un point clé a été la gestion, qui a été faite pendant la période de mars 2020, lorsque nous avons eu l'influx de milliers de personnes à Evros. La réaction unanime de l'Union européenne et la position ferme du gouvernement grec ont également conduit à une révision de l'ensemble des réflexions existantes.
Nous disposons actuellement d'une base réglementaire très sérieuse. En d'autres termes, le Pacte sur les migrations et l'asile a vu le jour au cours des trois dernières années. Il s'agit d'un instrument réglementaire qui répartit équitablement la charge entre les pays de premier accueil, tels que la Grèce, l'Italie, l'Espagne, Malte, Chypre et les pays du Nord. Et il crée certaines garanties de normalisation. Ce pacte, qui - avec toutes ses vulnérabilités - constitue désormais la base, a été accepté par tous les États membres et doit être mis en œuvre. Pour le moment, le contexte réglementaire existe et nous devrions tous le respecter.
JOURNALISTE : Si la Türkiye ouvre le « robinet migratoire », ce que nous disons toujours, cette menace que la Türkiye a entre les mains, et laisse beaucoup de migrants venir en Europe, sommes-nous protégés par ce pacte ?
G GERAPETRITIS : Nous sommes absolument protégés. Tout d'abord, M. Kolokythas, parce que nous avons une politique de surveillance des frontières très stricte. La décision que nous avons prise en 2019 - et c'était une décision profondément politique - était de renforcer la surveillance de nos frontières maritimes. Il ne s'agit pas, en fait, d'un choix, mais d'une question d'humanisme. Les garde-côtes grecs ont sauvé plus d'un demi-million de personnes dans les mers grecques au cours de la dernière décennie. Mais le choix s'est porté sur un flux contrôlé. En tant qu'État, nous voulons bien sûr aider ceux qui sont dans le besoin, mais nous ne pouvons pas ouvrir nos frontières. C'était notre première prémisse.
La Türkiye a en effet, comme vous le dites à juste titre, un très grand nombre de migrants sur son territoire. On estime qu'il s'agit de 4 à 4,5 millions de migrants. Comme d'autres pays. Vous savez, l'Égypte, par exemple, qui est également un pays avec lequel la Grèce partage une frontière, compte environ 9 millions de migrants sur son territoire. Nous comprenons donc que le risque de flux migratoires est très sérieux.
Quelle est la réponse de la Grèce ? La réponse de la Grèce est que nous exerçons une surveillance stricte des frontières. En cas de risque pour la vie humaine, nous sauverons des vies humaines. Lorsqu'il existe une véritable raison humanitaire, nous accordons le statut de réfugié par le biais de procédures rationnelles, sérieuses et légales. En cas de migration irrégulière, nous procéderons aux retours. Pour l'instant, la Grèce est donc complètement protégée.
JOURNALISTE : L'Europe va-t-elle répondre d'une certaine manière à l'Allemagne ? L'Allemagne peut-elle imposer ses propres points de vue et promouvoir ses propres intérêts ? L'Allemagne est l'Allemagne, ne l'oublions pas.
G. GERAPETRITIS : Comme vous le dites à juste titre, l'Allemagne a un poids particulier. C'est le plus grand pays d'Europe et c'est un pays extrêmement influent. Mais le droit européen, l'acquis européen, est quelque chose qui transcende les intérêts nationaux. C'est pourquoi il a un caractère transnational. Tant au niveau des institutions de l'Union européenne qu'au niveau des alliances d'États, je pense qu'il y aura une résistance extrêmement forte.
Nous pouvons réexaminer les questions liées aux éléments individuels de la migration. Comment mieux contrôler nos frontières, comment mieux répartir les charges qui nous parviennent, comment coordonner nos actions. Mais le principe de base du Pacte sur l'immigration et l'asile, à savoir un partage équitable des charges entre les pays d'accueil et les pays qui ne sont pas actuellement en première ligne, ne changera pas. Et nous veillerons à cela grâce aux alliances que nous avons et que nous promouvons.
JOURNALISTE : Ces alliances ont-elles été conclues ?
G. GERAPETRITIS : Absolument, oui. Au fil du temps, notre politique en matière d'immigration au cours des cinq dernières années a consisté à construire des alliances très solides afin qu'avec les pays qui partagent les mêmes idées, avec les pays qui ont des problèmes en commun avec nous - et il s'agit principalement des premiers pays d'accueil - nous résistions à tout ce qui pourrait nuire aux intérêts nationaux. Mais je voudrais souligner ici que cela nuit également aux intérêts européens, car les frontières grecques, espagnoles ou italiennes sont des frontières européennes.
JOURNALISTE : Financeront-ils les travaux de construction de la clôture ?
G. GERAPETRITIS : Je tiens à vous dire qu'indépendamment du financement, la clôture sera construite. C'est un choix national. La clôture sera construite comme prévu. Elle progresse déjà dans les délais prévus et sera achevée dans les délais prévus.
JOURNALISTE : Mais nous demandons du soutien.
G. GERAPETRITIS : Nous demandons un renforcement global du paquet économique en matière de gestion des migrations, M. Kolokythas. Et c'est très juste, parce que le budget de l'Union européenne peut être spécifique en termes de montant maximum que l'Union européenne alloue, mais il devrait y avoir une répartition en fonction des besoins.
JOURNALISTE : Nous sommes donc les moins favorisés ?
G. GERAPETRITIS : Non, pas du tout. Ce que nous disons, c'est qu'il faut fournir plus de fonds pour l'immigration en général. Et comme plus de fonds sont accordés à l'immigration, parce que c'est proportionnel à la part que chaque pays a dans cette politique, la Grèce recevra plus de fonds.
JOURNALISTE : Le fait que nous soyons dans une autre phase avec la Türkiye, un autre moratoire, en tout cas, une facilité de communication avec tout ce qui s'est passé - nous poserons des questions plus précises à ce sujet plus tard - est-ce que cela nous facilite la tâche dans cette phase de migration ? Vous en avez donc parlé à Fidan ? Allez-vous en parler à Fidan ?
G. GERAPETRITIS : Nous parlons constamment de migration, M. Stathis. La migration est l'une des raisons constantes qui, selon moi, nécessite une coopération entre les autorités grecques et turques. Après 2020 et la grande crise migratoire, il y a eu une régression progressive Aujourd'hui, en 2024, comme en 2023, le nombre de migrants arrivant en Grèce est très inférieur à celui de 2019. Aujourd'hui et depuis un an, je tiens à vous dire que grâce à la bonne coopération qui existe, en particulier entre les autorités portuaires des deux pays et la police des deux pays, nous avons pu nous attaquer aux racines du problème, c'est-à-dire aux trafiquants illégaux.
Notre grand problème, M. Stathis, M. Kolokythas, c'est que, malheureusement, il y a eu une industrie de la souffrance humaine. Il y a certains intérêts organisés qui sont encouragés, principalement depuis notre Est, mais aussi depuis le Sud, c'est-à-dire depuis la Libye, et qui exploitent le désir des gens d'avoir une vie meilleure.
JOURNALISTE : Nous le voyons à Rhodes en ce moment. Nous avons montré des images hier.
G. GERAPETRITIS : Nous le voyons à Rhodes et je vais en parler. Ce que je veux dire, c'est que si nous ne nous attaquons pas à la racine du problème, c'est-à-dire aux réseaux de trafiquants, nous n'obtiendrons aucune amélioration. Mais je tiens à être très clair. La coopération s'est considérablement améliorée, ce qui a permis de réduire considérablement les flux, la coopération avec la Türkiye. L'infrastructure existante s'est énormément améliorée, de sorte qu'elle est humaine. N'oublions pas Idomeni et Moria, les conditions de vie inhumaines des gens, qui étaient une insulte, une véritable torture. N'oublions pas la théorie des frontières libres. Aujourd'hui, il y a une politique cohérente en matière d'immigration et nous continuerons dans cette voie.
JOURNALISTE : Oui. Revenons un peu sur ce qui a été publié dans la presse aujourd'hui. La « patrie bleue » sera enseignée aux élèves du secondaire comme elle figure dans le nouveau manuel scolaire turc. Des générations entières seront confrontées à ce problème. Nous l'avons entendu de la propre bouche d'Erdogan, nous l'entendons de la bouche des généraux et on se dit que c'est logique, car ils ont d'autres préoccupations. Et cela pendant la période où nous sommes censés parler avec les Turcs. Parce que selon la critique, alors que nous avons un dialogue avec les Turcs eux, ils ne renoncent pas à leurs pratiques habituelles.
G. GERAPETRITIS : Je voudrais vous dire ceci : la théorie de la « patrie bleue », comme la théorie de la démilitarisation des îles que la Türkiye a introduite, remonte à des décennies. La « patrie bleue » est une théorie qui a été développée dans les années 1990 et qui a pris des caractéristiques très spécifiques au fil du temps.
Je voudrais donc vous dire ceci. Nous n'avons pas la naïveté de croire que, du jour au lendemain, les tendances maximalistes fondamentales que la Türkiye a développées au fil des décennies disparaîtront. Cela n'arrivera pas. Ce que nous venons vous dire, c'est ceci. Tant que ces théories maximalistes existeront, nous essaierons pas à pas de construire un forum de dialogue et de consultation. Nous pourrons ainsi mieux comprendre les problèmes, qui sont de moindre importance politique, mais qui peuvent être résolus. Pour disposer d'un mécanisme permettant de désamorcer les tensions afin qu'elles ne débouchent pas sur des crises et que nous comprenions mieux les positions de l'autre partie.
Les grandes questions ont trait aux délimitations. En effet, toute cette théorie maximaliste de la Türkiye n'est dictée que par une seule et unique chose : la nécessité de trouver une solution définitive au grand problème sous-jacent que nous connaissons, à savoir la délimitation des zones maritimes. Si cette question n'est pas résolue, nous aurons toujours ces problèmes. Je voudrais faire une référence spéciale parce que vous avez mentionné la question des manuels scolaires. Vous avez tout à fait raison de dire...
JOURNALISTE : Voici la carte qui a été publiée. C'est celle que nous voyons. C'est la carte que possède Erdogan. C'est la carte d'Erdogan qui montre que la « patrie bleue » s’étend sur la moitié de la mer Égée.
G. GERAPETRITIS : Eh bien, écoutez. Permettez-moi de dire que ce n'est pas celle qui sera incluse dans le manuel. J'ai dit dès le début que nous devions attendre de voir comment elle serait incluse dans le manuel. C'est ce que je vous dis.
JOURNALISTE : Alors, avons-nous réagi à cela ?
G. GERAPETRITIS : Bien sûr, des mesures ont été prises. Nous avons également discuté avec le ministre turc des Affaires étrangères. La « patrie bleue » est une idéologie abstraite. Elle a des caractéristiques qu'elle prend de temps en temps. Ce qui figure actuellement dans les manuels scolaires, si j'ai bien compris, en turc, c'est la « patrie bleue », qui n'occupe pas la mer Égée. Il n'y a pas de carte qui repartit la mer Égée. Elle fait généralement référence à la « patrie bleue ». Si vous voulez mon avis, vous avez raison de dire qu’il ne faut pas imprégner les esprits des enfants de telles théories et idéologies. Parce que cela alimente une plus grande intolérance à l'égard des choses. Quoi qu'il en soit, soyons clairs pour que nous puissions tous comprendre. La « patrie bleue » n'est pas représentée dans les manuels scolaires turcs par une carte sur laquelle figurent des revendications.
JOURNALISTE : Nous pouvons regarder la carte. Allons voir la carte qui figure dans les manuels. C'est ce que nous voyons dans les reportages du journal « Kathimerini ». C'est la carte qui se trouve dans le manuel sur laquelle figure la « patrie bleue », en fait la Türkiye continentale.
G. GERAPETRITIS : Elle se trouve en Türkiye continentale, elle n'occupe pas la mer Égée, elle n'occupe pas la Méditerranée orientale. Et je voudrais dire la chose suivante. Je voudrais que vous prêtiez un peu d'attention à l'admission par la Türkiye de la désignation de la mer Égée. Cela n'allait pas de soi. Comme vous le savez...
JOURNALISTE : Elle l'appelle la mer Égée, en effet.
G. GERAPETRITIS : Il y avait une théorie chez les voisins selon laquelle il s'agissait d'une « mer d'îles ». Ici, comme vous pouvez le voir dans le manuel, il y a une référence claire à la mer Égée, la mer grecque.
JOURNALISTE : Toutefois, le fait que les choses évidentes ne sont pas mentionnées ne constitue pas une victoire.
G. GERAPETRITIS : Il n'y a pas de victoire. Je tiens à vous dire que je ne comprends pas le débat, qui est mené en termes de victoire et de défaite. Je comprends que nous devons avancer pas à pas pour mieux comprendre. Lorsque la question des manuels a été soulevée, j'ai dit qu'il fallait attendre de voir comment cela sera matérialisé dans les manuels.
Personne ne peut se réjouir que de jeunes enfants soient nourris de l'idée d'une « patrie bleue ». Mais, dans l'état actuel des choses, elle ne revendique rien à l'égard de la Grèce. Comme vous pouvez le voir, la carte n'inclut pas...
JOURNALISTE : C'est la rhétorique qui pose problème.
G. GERAPETRITIS : La rhétorique reste problématique. Mais je tiens à le répéter. Il s'agit d'une rhétorique qui remonte à 50 ans et qui ne sera pas éliminée. Et ce n'est pas tout.
JOURNALISTE : Nous ne pouvons pas la changer, vous voulez dire.
G. GERAPETRITIS : Bien sûr. Et vous savez, si quelqu'un me demande d'aller leur dire de renoncer à leur position de base, qui porte sur ces revendications....
JOURNALISTE : Ils vous le disent. Monsieur le Ministre, à votre droite, vous savez très bien - à la droite du gouvernement, je veux dire – qu’on vous reproche une attitude très douce à l’égard de la Türkiye.
G. GERAPETRITIS : Écoutez, tout le monde peut avoir un point de vue fondamental sur les choses. Si l’on pense que notre politique doit être une politique consistant à avoir toujours une arme à la main et qu'à chaque fois nous devons provoquer des crises et des tensions, c'est quelque chose dont on peut discuter. Mais je ne suis pas du tout sûr que le peuple grec soit dans cet état d'esprit en ce moment.
Je voudrais dire ceci. Sans aucune concession à notre souveraineté et à nos droits souverains - je répète, sans aucune concession à notre souveraineté et à nos droits souverains - nous avons réussi à établir des canaux de communication avec la Türkiye, afin de limiter les crises et d'avancer pas à pas vers cette entente. Nous n'allons pas faire un saut considérable, Monsieur Stathis, Monsieur Kolokythas. Nous le savons. Mais nous irons pas à pas, pour ne pas avoir de nouvelles crises de guerre. Et le moment venu, si le moment vient, nous pourrons discuter des choses beaucoup plus difficiles. Vous savez, nos positions demeureront immuables. Et nos positions sont connues, elles sont enregistrées et elles doivent être respectées.
JOURNALISTE : Je ne vais pas parler de l'opposition, je vais parler de Samaras. Il qualifie cette politique étrangère d’indulgente. Par ailleurs, Samaras n’a pas utilisé ce mot exacte sans pour autant dire que ce mot n’est pas largement utilisé.
G. GERAPETRITIS : L'ancien Premier ministre, comme tout ancien Premier ministre, a la liberté absolue de parole et d'expression. Je respecte absolument les positions que Samaras a exprimées. Il s'agit de sa propre position politique. Chacun est jugé sur la base de ce qu'il dit et de ce qu'il fait.
Mais je tiens à dire ceci. Je suis convaincu que ce que le peuple grec veut actuellement, c'est la sécurité, la paix et la prospérité. Et par-dessus tout, il veut que la politique soit menée avec fierté. C'est pourquoi je tiens à dire ce qui suit. J'assure au peuple grec qu'il peut se sentir en sécurité en ce moment.
La direction du Premier ministre tout comme la direction politique et les hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères se penchent sur toute les questions nationales. Nous avons des connaissances approfondies et nous faisons preuve de prudence et de sagesse. Nous resterons immuables sur nos positions fondamentales et nous serons en première ligne.
Je voudrais dire quelque chose qui me donne une grande satisfaction. Le fait que nos questions nationales ne semblent pas, pour l'instant, être une source de préoccupation pour les citoyens. Vous savez, lorsque j'ai également pris mes fonctions, les questions nationales figuraient en tête de la liste des préoccupations des citoyens quant à leur avenir. Aujourd'hui, nous avons réussi à faire disparaître ces questions de l'agenda des préoccupations. Bien sûr, cela intéresse les citoyens grecs.
JOURNALISTE : Beaucoup.
G. GERAPETRITIS : Bien sûr, nous avons tous un intérêt particulier. Les questions clés qui ont trait aux relations gréco-turques, à la place de la Grèce dans le monde, à la question chypriote, sont toujours d'une importance majeure.
JOURNALISTE : À cet égard, nous avons également abordé la question de Kasos il y a quelques semaines. On vous reproche, on reproche au gouvernement, d’avoir fait marche arrière, d’avoir laissé la Türkiye prendre le dessus. Et maintenant, tout d'un coup, nous revenons à une autre histoire portant encore sur le câble. Le projet ne sera pas mis en place parce que la Türkiye ne le veut pas, en bref.
G. GERAPETRITIS : Malheureusement, des choses sont dites qui ne correspondent absolument pas à la réalité. Je vais inverser la question pour que vous me la posiez. Je vous donnerai les données réelles et vous me direz comment vous les évaluez. Que s'est-il passé à Kasos ? Nous avons un programme européen d'interconnexion électrique entre la Grèce et Chypre et je vous parlerai plus tard du câble si vous le souhaitez.
Cette interconnexion électrique signifie qu'il faudra un câble de surface, qui reliera la Grèce et Chypre, et qui nécessitera d'abord une étude et ensuite il faudra un câble sous-marin. Cela se fera dans les eaux territoriales grecques, dans la zone économique exclusive grecque et dans la zone économique exclusive chypriote, respectivement.
Ce qui s'est passé à Kasos, c'est en partie que le navire de recherche se trouvait dans la zone économique exclusive grecque - mais où les Turcs ont également des revendications en vertu du mémorandum turco-libyen. Nous reconnaissons tous que le mémorandum turco-libyen est illégal et non fondé pour de nombreuses raisons en termes de droit international, mais il donne lieu à des revendications pour la Türkiye, qu'elle ne cesse d'invoquer. C'est pourquoi la Türkiye a envoyé un certain nombre de navires de guerre pour qu’ils surveillent à distance.
Que s'est-il passé ? Je vais vous dire ce qui s'est passé objectivement et vous pourrez me donner votre avis. Dans les 24 heures, les navires turcs sont partis. En 24 heures, l'enquête menée par le navire de recherche italien a été achevée à 100 %, comme prévu, et une annonce a été faite à la fois par la société et par le navire.
JOURNALISTE : On a entendu dire qu'il n'avait pas effectué les recherches, qu'il n'avait pas terminé les recherches.
G. GERAPETRITIS : 100% et en fait il y a une annonce explicite de la part de la compagnie que les recherches ont été terminées comme prévu.
JOURNALISTE : La question n’est pas là.
G. GERAPETRITIS : Et la troisième chose, la plus importante.
JOURNALISTE : Y étions-nous présents ?
G. GERAPETRITIS : Absolument aucune revendication de la Türkiye n'a été acceptée, ni de jure ni de facto.
JOURNALISTE : La question n’est pas là. Les Italiens ont-ils demandé la permission à la Türkiye? La permission a-t-elle été demandée à la Türkiye?
G. GERAPETRITIS : Il n'y a eu absolument aucune permission donnée à la Türkiye.
JOURNALISTE : Pas même une demande ?
G. GERAPETRITIS : Nous n'avons reçu aucune demande. Je tiens à vous dire la chose suivante
JOURNALISTE : Pas nous. Les Turcs ont-ils reçu une demande de la part des Italiens pour rester dans la région ?
G. GERAPETRITIS : Il n'y a pas de demande d'autorisation.
JOURNALISTE : Aucune.
G. GERAPETRITIS : Aucune autorisation n'a été accordée. Je peux vous dire, au nom du ministère grec des Affaires étrangères, qu'il n'y a jamais eu la moindre possibilité que nous reconnaissions une quelconque revendication et que nous demandions une quelconque autorisation.
Mais je veux que vous jugiez à ma place. Si - en d'autres temps, vous savez ce qui se serait passé - si je vous dis que, précisément grâce aux canaux de communication avec la Türkiye, nous sommes parvenus en 24 heures à désamorcer la tension sans provoquer de crise et à achever l'enquête sans reconnaître de revendication, considériez-vous que nous avons fait marche arrière ? Comment cela pourrait-être considéré comme un retrait ? Alors, au contraire, je vous dirais, M. Stathis, qu'à l'heure actuelle, nous sommes au point où, grâce à une politique étrangère grecque solide, nous pouvons faire valoir ces positions.
JOURNALISTE : La liste des questions est inépuisable. Nous vous donnons rendez-vous après New York...
G. GERAPETRITIS : Nous nous rendrons à New York, Je vous rappelle que la Grèce devient membre du Conseil de sécurité des Nations unies.
JOURNALISTE : À un moment critique.
G. GERAPETRITIS : Pour une période de deux ans. Nous occuperons le devant de la scène. Nous serons essentiellement des coproducteurs de la politique internationale. C'est, je pense, une nouvelle récompense pour la politique étrangère grecque, une politique étrangère fondée sur des principes. Et je pense que ce n'est pas une coïncidence si nous avons été élus à la quasi-unanimité.
JOURNALISTE : Merci beaucoup, Monsieur le Ministre.
G. GERAPETRITIS : Je vous remercie.
[Seul le prononcé fait foi]
September 13, 2024