Propos recueillis par la journaliste, K. Balis
« Le dialogue sur la base du droit international est la seule façon de régler les problèmes avec la Turquie », insiste le ministre des Affaires étrangères en dépit de l’escalade des tensions de ces derniers jours. Giorgos Katrougalos est convaincu que les incidents d’Imia ne se répèteront pas, tout en indiquant toutefois qu’ « on doit être vigilant à tous les niveaux ». S’agissant de la crise en Albanie, le ministre des Affaires étrangères forme le souhait que l’ensemble des forces politiques investissent dans un dialogue crédible en vue d’un retour à la normalité ».
S’agissant des objections de l’Allemagne à l’invitation adressée par la Commission à l’Albanie et à la Macédoine du Nord en vue de l’ouverture des négociations d’adhésion, M. Katrougalos signale que le changement d’attitude de la part des Européens ébranlerait la crédibilité de l’UE. « Nous n’avons pas le droit de demander la mise en œuvre de réformes radicales, de réclamer le respect de l’acquis communautaire et par la suite de faire marche arrière », souligne-t-il.
K. BALIS : Face à la réapparition du danger ou à l’alarmisme concernant un incident grave en Egée, votre réponse est « qu’il faut faire preuve de vigilance et ne pas avoir peur ». Sur quoi axez-vous votre approche ?
G. KATROUGALOS : Je ne peux savoir la raison pour laquelle M. Simitis a choisi ce moment particulier pour faire publier son article. Toutefois, je suis convaincu que personne ne veut un conflit grave en Egée. Les incidents d’Imia ne peuvent pas se reproduire pour la simple raison que la situation actuelle dans la région est complètement différente : l’isolement de la Turquie est très marqué, alors que le prestige international de notre pays et nos alliances diplomatiques se sont renforcés. Nous constituons un facteur de sécurité et de stabilité et cela est reconnu par l’ensemble des partenaires et des alliés. Une simple comparaison avec l’attitude de ces derniers lors de la crise d’Imia, où ils ont gardé la même distance à l’égard des deux parties, suffit pour le prouver. Par conséquent, nous n’avons pas peur pour les raisons que je vous ai tout à l’heure expliquées, car la stratégie de la Turquie demeure traditionnellement une stratégie de révisionnisme.
Κ. BALIS : Le gouvernement insiste sur la nécessité de garder les canaux de communication ouverts et de faire avancer les mesures de confiance avec Ankara. Est-ce que cela a apporté des résultats ?
G. KATROUGALOS : Il serait complètement étranger à la logique qui caractérise notre politique de suspendre notre coopération avec la Turquie, d’autant plus en plein milieu de tensions. Nous voulons la désescalade de la situation car s’il est vrai qu’aucune partie ne souhaite un incident grave, l’accumulation des tensions comporte toutefois le risque d’un accident.
Quoi qu’il en soit, nous pensons que le dialogue engagé sur la base du droit international est la seule façon de résoudre les problèmes.
Κ. BALIS : La politique étrangère grecque va traditionnellement dans le sens que « Chypre décide et la Grèce la soutient ». Cela sera-t-il aussi valable dans le cas où Nicosie choisit, en se laissant conduire par les événements, la division ?
G. KATROUGALOS : Je ne réponds jamais à des scénarios hypothétiques. Néanmoins, je peux vous dire que la division n’était jamais dans les intentons d’aucun gouvernement, ni de la Grèce ni de Chypre. La position de la Grèce est immuable et connue de tous : nous soutenons Chypre face aux actions provocatrices de la Turquie et nous considérons le respect du droit international et des résolutions des Nations Unies comme étant la seule base de discussion acceptable. L’un des exploits de notre gouvernement était le fait que ce dernier a mis en avant la dimension internationale de la question chypriote, la suppression des garanties et le retrait de l’armée, en tant que questions fondamentales pour le règlement de la question chypriote. Dans ce cadre, nous avons une convergence de vues absolue et nous élaborons de concert notre stratégie. Toutefois, nous n’intervenons pas dans les questions liées aux aspects intérieurs du dossier chypriote puisque ceux-ci relèvent de la compétence exclusive de Nicosie.
Κ. BALIS : La crise en Albanie ne semble jamais finir. Etes-vous préoccupés par une nouvelle escalade ? Estime-t-on que cette situation pourrait … dépasser les frontières ?
G. KATROUGALOS : Nous suivons de près les développements en Albanie et nous évaluons la situation telle que celle-ci évolue. Nous pensons que l’ensemble des forces politiques dans ce pays doit investir dans un dialogue crédible, en vue d’un retour à la normalité. Nous n’avons aucune intention d’intervenir dans les affaires intérieures du pays voisin. En ce qui nous concerne, nous œuvrons en faveur de l’amélioration des relations bilatérales et nous soutenons son parcours d’adhésion à l’Union européenne, à la condition bien évidente que cette dernière, tout comme les autres pays en voie d’adhésion, remplisse l’ensemble des conditions y relatives et s’acquitte de ses obligations découlant de l’acquis communautaire.
Κ. BALIS : L’Allemagne a «gelé » d’ici en automne l’invitation aux négociations d’adhésion adressée à l’Albanie et à la Macédoine du Nord. Craignez-vous que ce report puisse influer sur la stabilité dans notre voisinage ?
G. KATROUGALOS : Les paris sont toujours ouverts. La position immuable de notre pays est de soutenir la perspective européenne des deux pays, à la condition bien évidente que ces derniers remplissent les critères et les modalités fixés par l’Union européenne elle-même, ce qui est aussi valable pour les autres pays candidats. Pour ce qui est de l’Albanie, il est devenu évident que les problèmes auxquels est confrontée la minorité grecque dans le pays et le respect de ses droits avant tout à l’autodétermination et de ses droits patrimoniaux sont étroitement liés à la perspective européenne du pays.
Κ. BALIS : L’opposition dénonce que la Macédoine du Nord ne respecte pas l’accord de Prespès. Partagez-vous cet avis ?
G. KATROUGALOS : Vous vous référez à l’incident relatif au site web d’une agence de tourisme publique de la Macédoine du Nord. Les critiques exercées sont tout d’abord hypocrites car elles dissimulent le fait que ce n’est que grâce à l’accord de Prespès que nous pouvons maintenant demander à notre voisin de ne pas utiliser le terme « Macédoine », ce que ce dernier faisait de manière systématique dans le passé. Le gouvernement de Zaev essaye de manière consciencieuse de se conformer aux obligations très importantes de l’Accord de Prespès. Chaque fois que nous signalons au gouvernement des omissions ou un retard, comme en l’occurrence, celui-ci répond de la manière appropriée. Tel a été aussi le cas actuellement.
June 16, 2019