Interview du ministre des Affaires étrangères, N. Kotzias à l’Agence de Presse athénienne et macédonienne et au journaliste Sofia Aravopoulou

Interview du ministre des Affaires étrangères, N. Kotzias à l’Agence de Presse athénienne et macédonienne et au journaliste Sofia AravopoulouJOURNALISTE : Une question sur la déclaration faite par M. Juncker. Ce dernier a affirmé en fait qu’un « non » au référendum serait un « non » à l’Europe, tout en signalant aussi que le non serait aussi synonyme de suicide.

Ν. ΚΟTZIAS : Je pense qu’actuellement l’Europe donne l’impression d’être fâchée, car le peuple grec dans le pays qui est le berceau de la démocratie, veut par la voie démocratique répondre aux attaques visant son pays et exprimer sa volonté contre les mesures d’austérité et la poursuite d’une politique qui ont détruit le pays. Par conséquent, le « non » signifie que nous défendons un autre avenir pour le pays, un avenir qui ne sera pas synonyme de l’austérité et de la récession continues, mais d’une croissance dans le cadre de l’UE.

Je m’étonne d’entendre les dirigeants européens dire que le référendum signifie la sortie de la Grèce de l’Europe, alors qu’il existe un bon nombre d’Etats membres de l’UE qui ont tenu il y a des décennies, des référendums, comme le Danemark, l’Irlande (trois référendums), la France, les Pays-Bas, qui plus est des référendums par le biais desquels a été rejetée la constitution européenne. L’Irlande, le 21e pays qui devrait adopter le Traité de Lisbonne, a rejeté ledit traité et une négociation a été de nouveau menée.

Je voudrais signaler encore une fois que ce qui est complètement normal pour tout autre pays de l’UE, est considéré par Bruxelles comme étant une illégalité, un désordre, une intention du pays de quitter l’UE. La France a rejeté la Constitution, la règle fondamentale de l’UE et personne ne l’avait accusée de vouloir quitter l’Europe. L’Irlande a obligé 20 pays qui ont déjà voté de revoter les changements qui ont été apportés au Traité sur la base de ses référendums. C’est seulement le référendum tenu par la Grèce qui soit indigne. Car cela est encouragé par les forces internes qui essayent à travers ce référendum de placer le pays devant des dilemmes artificiels pour ne pas défendre ce qu’ils devraient défendre, mais, il paraît qu’ils ont honte de défendre le contenu de l’accord.

JOURNALISTE : Et Mme Merkel n’était pas aussi « tendre » envers nous. Elle a accuse le gouvernement de ne pas avoir fait preuve d’aucune intention de compromis, tout en affirmant qu’un échec de l’euro serait un échec de l’Europe.

Ν. KOTZIAS : Je pense qu’actuellement Mme Merkel s’intéresse plutôt à qui elle fera endosser tout problème qui apparaît et non pas à trouver une vraie solution aux problèmes. Au lieu d’essayer de trouver des compromis ce qui convient à son rôle de femme politique européenne, elle nous accuse de ne pas vouloir de compromis. Mardi il y a eu des concessions très sérieuses de la part de nos partenaires européens ainsi qu’une proposition de compromis et il a été dit que jeudi on parviendrait à un accord. Mercredi à l’Eurogroupe les puissances en faveur de la récession et de l’austérité sont apparues avec de nouvelles propositions, et ce sous les instructions du FMI. Ils ne doivent pas nous accuser de ne pas vouloir le compromis car nous sommes un gouvernement, un Etat qui a, à de nombreuses reprises, soutenu la culture du compromis, car nous avons besoin de cette culture et nous agissons en fonction de cette culture.

JOURNALISTE : Concernant les réunions d’aujourd’hui que vous avez tenues avec les ambassadeurs des pays européens, y compris la Norvège et la Suisse.

Ν. ΚOTZIAS : J’ai eu des rencontres avec des ambassadeurs des Etats membres de l’UE ainsi qu’avec les ambassadeurs de la Norvège, de la Suisse, d’Israël, de la Russie, de la Chine et des Etats -Unis. Et j’ai eu également une série de discussions avec mes homologues – je viens d’avoir une rencontre avec le ministre allemand des Affaires étrangères, M. Steinmeier et par la suite j’aurais une rencontre avec le ministre russe des Affaires étrangères, M. Lavrov, le ministre français des Affaires étrangères, M. Fabius et beaucoup d’autres.

Lors de toutes ces rencontres, j’essaye d’émettre le message du gouvernement grec, c’est-à-dire que notre référendum porte sur le droit démocratique de notre peuple d’exprimer son opinion sur la proposition des trois institutions que nous considérons inacceptable. Ce référendum n’a rien à avoir avec la position de la Grèce au sein de l’Europe ou cette soi-disant histoire de Grexit. Et, le plus important : il faut arrêter de dramatiser un fait tout à fait normal qui est l’exercice d’un droit de notre peuple à l’égard d’une question brûlante pour nous. Par ailleurs, tout le monde doit comprendre qu’au sein de l’UE, chaque Etat membre dispose de nombreux instruments : recours aux cours européennes, veto, référendums, compromis, négociation. Je ne vois pas pourquoi l’Europe est prise de panique. Est-ce qu’on était un peu imprévisibles ? C’est-à-dire ils attendaient qu’on aille rendre nos armes, c’est pourquoi ils sont maintenant déchus ?

JOURNALISTE : Nous avons lu deux de vos tweet, plus particulièrement celui sur le veto dont dispose la Grèce.

N. KOTZIAS : J’ai écrit depuis longtemps que la Grèce est un pays avec les mêmes droits que tout autre pays. Si des pays, tels que la France qui a mis son veto sur le lieu du Parlement européen à Strasbourg – j’ai assisté à une telle réunion au Conseil des ministres des Affaires étrangères – nous avons nous aussi le droit de le faire pour défendre nos intérêts fondamentaux.

JOURNALISTE : Que répondriez-vous à ceux qui, à l’intérieur du pays et à l’étranger, veulent altérer le sens du référendum en affirmant que la vraie question est : « euro ou drachme », « Europe ou Grexit » ?

Ν. ΚOTZIAS : Il existe en Grèce deux mouvements et je rejette tous les deux. Selon le premier, si l’on veut confronter l’Europe, on doit sortir de la zone euro et selon le deuxième, si l’on ne veut pas quitter l’Europe, on doit nous soumettre à l’Europe. Pour moi, il ne s’agit ni de sortie de la zone euro, ni de soumission à la bureaucratie de l’Europe. Pour moi, l’Europe est un champ de bataille où l’on peut user de tous les instruments prévus par les institutions, les traités et les accords avec l’UE.

June 30, 2015