JOURNALISTE : Nous avons avec nous le ministre des Affaires étrangères qui accorde rarement des interviews.
N. KOTZIAS : Bonjour et merci de votre invitation.
JOURNALISTE : Il s’agit de votre première interview télévisée ou de votre deuxième, si je ne m’abuse.
N. KOTZIAS : Il s’agit de la deuxième – et la première depuis que j’ai de nouveau été nommé ministre après les élections du mois de septembre.
JOURNALISTE : La première était avec Sofia Papaioannou. Nous allons reprendre la discussion de là où la presse internationale l’a laissée. Vous voyez que toute la presse internationale est consacrée à l’accord de Paris sur le climat, qui est considéré comme un accord important, pour que la planète continue de vivre bien et nous avec.
N. KOTZIAS : Il s’agit d’un très bon accord. Tout d’abord il a été signé par 196 pays et j’espère que bientôt les 2/3 le ratifieront afin qu’il puisse avoir une force juridique. J’espère également que le président Obama aux Etats-Unis pourra faire adopter l’accord par les chambres parlementaires car, comme vous le savez, Clinton n’a pas pu faire entériner l’accord précédent. Par ailleurs, vous devez savoir qu’il a été décidé d’accorder 100 milliards par an aux pays en développement pour la protection de leur environnement. Mais il y a une discussion en cours pour savoir quels sont ces pays. Sur la base des décisions du début des années ’90, tombent dans cette catégorie : la Corée du Sud, Singapour, la République populaire de Chine. Aujourd’hui, la Corée du Sud et Singapour sont considérés comme des pays très riches, tandis que l’on discute encore pour savoir si la République populaire de Chine est toujours un pays en développement ou un pays puissant.
JOURNALISTE : Quoi qu’il en soit, la République populaire de Chine est confrontée quotidiennement à des problèmes de pollution atmosphérique.
N. KOTZIAS : Comme j’ai pu le constater lors de mon dernier voyage, la Chine présente une contradiction. D’un côté, il y a des villes, comme Pékin, avec de grands problèmes de Smog, d’un autre côté, des nouvelles villes – des villes vertes – sont créées. J’ai l’impression qu’en Chine se produira ce qui s’est produit avec l’Allemagne, avec le mouvement des verts. Le mouvement des verts est né, il a lutté pour une nouvelle thématique, pour l’environnement dont nous discutons aujourd’hui et l’Allemagne a adapté sa technologie et elle est à la pointe pour les questions de protection de l’environnement. J’ai l’impression qu’il va se passer la même chose en Chine.
JOURNALISTE : En général, en Grèce, nous ne discutons pas de ces questions mondiales, mais vous avez vu aujourd’hui combien ces questions sont importantes. Tous les gros titres aujourd’hui de la presse internationale concernent l’environnement, la décision de Paris sur l’environnement.
N. KOTZIAS : Je dirais en général que les problèmes mondiaux et la politique étrangère revêtent de plus en plus d’importance pour les affaires intérieures des pays.
JOURNALISTE : J’aimerais vous poser une question sur ce gros problème auquel nous sommes confrontés et qui a également trait à vos actions puisque vous participez souvent aux réunions. Je veux parler des réfugiés. Le monde est très préoccupé à ce sujet et pense que 2016 sera une année très difficile pour les îles et notre tourisme. Nous observons d’ailleurs une certaine baisse des réservations.
N. KOTZIAS : J’ai vu qu’en 2015 nous aurons 26 millions de touristes, soit 4 millions de plus ainsi qu’une augmentation des recettes de 2,5 milliards. Je pense que le problème concerne davantage les îles, où arrivent les réfugiés depuis les côtes turques et nous devons lancer une campagne spéciale. Je pense que la ministre compétente, Elena Koundoura prend des mesures dans ce sens.
JOURNALISTE : Que disons-nous aux habitants des îles ? Il y aura toujours ces afflux massifs de migrants ?
N. KOTZIAS : Tout d’abord je pense que notre pays, tout comme les autres pays, paye pour des décisions qui ont été prises par des tiers. Nous ne faisons pas la guerre en Syrie, ni en Irak, ni ne voulions intervenir. Nous avions certes nos opinions sur les gouvernements, mais malheureusement d’autres décident de faire la guerre, d’autres en payent le prix et c’est ce que nous essayons d’expliquer à nos partenaires. La deuxième chose est que nous devons nous mettre d’accord avec la Turquie. Comme vous avez vu, à la Valette et lors de la rencontre que nous avons eue à Istanbul et à Ankara avec la classe dirigeante de la Turquie, nous sommes convenus d’une série de mesures et d’ailleurs je vous dirais que nous avons eu récemment, vendredi dernier, une rencontre des groupes techniques à Istanbul, qui essaient de gérer la question. Certes…
JOURNALISTE : Quoi qu’il en soit, le Premier ministre a dit, vendredi dernier au Parlement, que certes l’accord UE – Turquie a été passé, mais lui-même craint que cela ne reste lettre morte. Il a d’ailleurs dit espérer « être démenti ». Jusqu’à présent, rien n’a été fait.
N. KOTZIAS : Comme je disais, nous savons tout d’abord que les Européens n’appliquent pas ce qu’ils décident concernant la question des réfugiés. Je vous rappelle que s’agissant de la répartition des réfugiés, il avait été convenu de prendre 150 000 personnes de Grèce et ils en ont pris 30 au Luxembourg, et 100 000 d’Italie et ils en ont pris 176. Les Etats-Unis avaient parlé de 100 000 personnes et ce chiffre a été réduit à 10 000. La deuxième chose est qu’il n’y a pas d’aide financière. J’estime à 1,8 – 2 millions les frais engagés, directs ou indirects, par la Grèce pendant toute l’année. C’est mon estimation, ce ne sont pas des chiffres officiels, mais les transports, l’hébergement, l’habillement, les repas…
JOURNALISTE : Est-ce l’argent de la Grèce ? Ou bien cet argent vient-il d’ailleurs ?
N. KOTZIAS : Nous sommes convenus de recevoir 450 millions, au cours des prochains mois…
JOURNALISTE : Imaginez maintenant la Turquie, de la négociation avec Erdogan…
N. KOTZIAS : La Turquie est supposée recevoir 3 milliards, nous devons voir cela, mais au-delà des partenaires européens, qui n’appliquent pas les décisions mais se plaignent et en Grèce je dois dire que nous manquons réellement de…
JOURNALISTE : Qu’elle sortira de la zone Schengen…
N. KOTZIAS : … car il n’y avait pas de mécanisme, personne n’avait prévu qu’un million de personnes passeraient par le pays. La deuxième question concerne les Turcs. Les Turcs sont comme dans un souk d’orient que les Européens ne comprennent pas très bien. Nous voulons une relation amicale, mais à mon sens il faudrait faire quelque chose de plus simple. Arrêter les flux de réfugiés aux frontières mêmes de la Turquie. Permettez-moi de vous dire quelque chose. J’ai vu hier matin que nous avons un problème spécifique ayant trait à la « qualité » des migrants économiques qui viennent du Maroc, avec de nombreux éléments criminels. Ils prennent un vol d’Alger et du Maroc à destination d’Istanbul pour 50 euros seulement et de là ils traversent la mer. Ceux-là, il ne faut pas les laisser à l’aéroport d’Istanbul.
JOURNALISTE : Pourquoi est-ce que nous ne pourrions pas nous mettre d’accord – puisqu’il y a eu l’accord avec la Turquie – que la FRONTEX contrôle le flux des migrants sur les côtes turques plutôt que de faire un contrôle a posteriori aux frontières maritimes européennes, à savoir nos frontières ?
N. KOTZIAS : Je partage tout à fait votre avis mais la FRONTEX…
JOURNALISTE : Pourquoi n’avons-nous pas essayé de faire passer cela ?
N. KOTZIAS : Nous essayons. Par ailleurs, nous avons proposé que les hot spots soient en Turquie même et cela fait l’objet de négociation. Par ailleurs, la Turquie négocie la chose suivante : construire une zone sans avions et conflits militaires au sein même de la Syrie. Donc, elle négocie toute la situation…
JOURNALISTE : En Syrie même ?
N. KOTZIAS : Oui, car je vous rappelle que la Turquie avait pris Alexandrette à la Syrie en utilisant les mêmes méthodes dans les années 30.
JOURNALISTE : Maintenant que nous avons dit cela, la FRONTEX vient fermer les frontières entre la Grèce et l’ARYM car ils craignent que les réfugiés restent chez nous à nos frontières avec l’ARYM.
N. KOTZIAS : L’Allemagne a pris une décision, à savoir que ceux ne provenant pas des trois pays suivants (Irak, Syrie, Afghanistan) ne devront pas demander l’asile politique car ils ne sont pas des réfugiés mais des migrants économiques. Notre estimation est que certainement les flux diminueront lorsque ces personnes comprendront qu’elles ne pourront pas gagner le nord de l’Europe. La FRONTEX a un problème juridique que nous avons soulevé auprès de la Commission elle-même, qui répond sans doute pouvoir, que ses statuts prévoient d’empêcher l’entrée dans un pays et non la sortie.
JOURNALISTE : Aviez-vous votre mot à dire dans le retard pris par la demande pour la FRONTEX ? Notre question porte sur l’interview accordée aujourd’hui par le chef de la FRONTEX au quotidien « Kathimerini » qui dit qu’ils étaient prêts depuis octobre mais que la Grèce a pris du retard.
N. KOTZIAS : Oui mais je vous répondrai que la FRONTEX ne travaillait pas toute la journée. Au lieu de cela, elle fermait à 2h de l’après-midi et ne travaillait pas les week-ends. Nous avons demandé la présence de la FRONTEX et d’ailleurs nous avons demandé un plus grand nombre d’effectifs que ce qu’ils nous ont finalement envoyé et ils n’ont pas réussi à atteindre ce nombre. Pour les îles, nous avons demandé 780 et ils nous ont envoyé 434 ou 431 à l’heure actuelle.
JOURNALISTE : Nous parlons de l’histoire des frontières avec l’ARYM.
N. KOTZIAS : C’est une autre question. Ce qui est sûr est que les effectifs de la FRONTEX dans les îles est la moitié de ce que nous avions demandé et que la situation serait différente si nous avions eu le nombre demandé. Par ailleurs, ils travaillaient selon un horaire défini, ce qu’ils ont cessé de faire après nos interventions. Les réfugiés ne disent pas « tiens, il est 2h, je ne vais pas traverser la mer ».
JOURNALISTE : Ils travaillent comme notre personnel à nous ?
N. KOTZIAS : Nos hommes à nous travaillent très durement. Nous avons des gens remarquables dans les autorités portuaires et je tiens à souligner…
JOURNALISTE : Et après parlez-nous de cette rencontre dont parle le journal « Real News » dans la deuxième quinzaine du mois de juillet, la rencontre Tsipras – Merkel – Erdogan à Chios.
N. KOTZIAS : Il y a trois pays qui manifestent un intérêt accru pour la question des réfugiés. Le premier est la Turquie qui a le plus grand nombre de réfugiés et d’où passent les réfugiés avant de partir en Europe, le deuxième est la Grèce qui a une position géographique particulière avec ses nombreuses îles et le troisième est l’Allemagne qui a accueilli les trois quarts de tous les réfugiés. Nous allons prendre une initiative, nous en avons parlé, il s’agit d’une initiative du Premier ministre que nous soutenons concrètement en tant que ministère des Affaires étrangères. Nous convoquerons à Chios une réunion entre Merkel, Erdogan et nous-mêmes. Et d’ailleurs, nous planifions de nous rendre en face, à Izmir, pour voir les deux parties. Mais l’invitation viendra de nous et ce sera dans l’une de nos îles…
JOURNALISTE : Ont-ils accepté l’invitation ?
N. KOTZIAS : Aucune date n’a été fixée pour le moment, mais oralement ils ont accepté.
JOURNALISTE : C'est-à-dire la réunion tripartite se tiendra-t-elle en janvier?
N. KOTZIAS : Elle pourrait aussi avoir lieu début février. Nombreux sont ceux qui ne comprennent pas notre approche à l'égard de la Turquie. Nous voulons nous entretenir directement avec ce pays et non pas par l'intermédiaire des tiers lesquels agissent, avant tout, en fonction de leurs propres intérêts.
JOURNALISTE : Et, puisque nous parlons de la Turquie, est-ce qu'on a fini avec cette histoire des patrouilles communes? Car on entend dire que certains essayent de faire passer cet accord par la porte arrière.
Ν. N. KOTZIAS : On en a fini avec cette histoire des patrouilles communes pour ce qui est des Conseils européens, de la réunion au sommet ou d'autres réunions auxquelles participe le Premier ministre. De plus, Mme Merkel a eu la gentillesse de déclarer qu'après les explications qu'elle a eues de la part du Premier ministre, elle a tout fait compris cette question. Toutefois, certains au sein de la Commission qui sont en train d'élaborer ce plan sur la mise en place de ce nouveau corps de garde-côtes, pensent que ce dernier pourrait mener des patrouilles communes. Mais on ne le permettra pas. De fait, la négociation sur ce nouveau document relatif au garde-côte que la Commission est en train d'élaborer, durera longtemps, de dix mois à deux ans.
JOURNALISTE : Par conséquent, cela constitue pour nous une ligne rouge.
N. KOTZIAS : Bien évidemment. Nous sommes en faveur de la coopération, nous promouvons la coopération, mais il n'y aura en aucun cas de coordination, car nous avons à faire face à tous ces problèmes que tout le monde connaît. Et je pense que le point que j'ai tout à l’heure évoqué concernant la Turquie, est très important. Nous devons nous entretenir directement avec la Turquie et non pas par l'intermédiaire des tiers car ces derniers n'agissent pas en fonction de nos intérêts, mais en fonction de leurs propres intérêts.
JOURNALISTE : Cette question ne sera-t-elle pas donc soulevée lors des négociations avec Merkel et Erdogan?
N. KOTZIAS : Il n'est pas question que ce dossier soit soulevé lors du Conseil. La Commission le souhaiterait, mais elle ne parviendra à le soulever au niveau du Conseil.
JOURNALISTE : Pour ce qui est maintenant de la question des réfugiés, pourriez-vous nous dire quels sont les progrès réalisés par le gouvernement?
N. KOTZIAS : Je pense que le gouvernement a fait beaucoup plus de progrès par rapport aux gouvernements précédents. Le gouvernement dispose de capacités grâce d'une part aux expériences acquises et d'autre part grâce à ce système que j'appelle en anglais "adoptive system", c'est-à-dire un système axé sur l'apprentissage, l'assimilation et l'application des expériences acquises. Je pense qu'au fur et à mesure que le temps passe, les choses seront meilleures.
JOURNALISTE : Puisque nous parlons de politique, je voudrais vous posez une question? Vous étiez dans le passé un ami proche de Georges Papandréou.
N. KOTZIAS : J'ai été consultant expert de Georges Papandréou et j'ai terminé mon mandat, sous le gouvernement de la Nouvelle Démocratie, en tant qu'ambassadeur au ministère des Affaires étrangères et en cette qualité j'ai été un proche collaborateur de lui.
JOURNALISTE : Avec ce changement de politique opéré après le mois de septembre, c'est-à-dire, après la réalisation qu'un troisième mémorandum était nécessaire et que le parcours européen du pays était nécessaire, pensez-vous que, à posteriori, le choix fait par Georges Papandréou en 2010 est justifié?
N. KOTZIAS : Non. Je pense ce que je disais à l'époque, à savoir que si on n’avait pas eu cet accord de 2010, on n'aurait pas ces problèmes aujourd'hui. Nous avons pris des engagements à l’égard d'un très grand nombre de questions.
JOURNALISTE : Par conséquent, la source de nos maux a été le premier mémorandum. Est-ce que vous le croyez toujours?
N. KOTZIAS : Je pense que le parlement hellénique devrait procéder d’abord à un allègement de la dette et par la suite examiner les mesures qui devraient être prises. C'est la première leçon qu'apprend un étudiant de première année en économie internationale. Mais ici c'est l'inverse qui s'est produit. On a pris d’abord les mesures et beaucoup plus tard on a procédé à l’allègement de la dette.
JOURNALISTE : Revenons un peu sur le gouvernement actuel. Comment se porte-t-il ce dernier? Craignez-vous que le gouvernement ne parvienne pas à faire passer les lois relatives à la sécurité sociale ou à la taxation des agriculteurs?
N. KOTZIAS : Non, je ne le pense pas. Je n'ai, personnellement, aucune indication à cet égard. Je pense qu'il y aura des mobilisations et je pense qu'il est bon d'avoir des mobilisations car une société muette suscite plus d'inquiétude par rapport à une société qui s'exprime de différentes façons.
JOURNALISTE : Oui, mais s'il y a des mobilisations, par exemple dans la région de Thessalie ou dans le nord de la Grèce, cela n'influera pas sur le choix des députés de cette région? C'est-à-dire ces derniers ne seront-ils pas moins favorables aux mesures proposées?
N. KOTZIAS : Non, je ne le pense pas car tout le monde sait que nombreux aspects de cet accord sont une nécessité et non pas un choix.
JOURNALISTE : Oui, cela est vrai mais il y aura des coupes dans les retraites et la taxation des agriculteurs sera trois fois plus élevée.
N. KOTZIAS : Il n'y aura pas de coupes dans les petites retraites et pour ce qui est des agriculteurs, on envisage de taxer seulement certaines catégories de revenus ruraux.
JOURNALISTE : Qu'est-ce que vous entendez par cela?
N. KOTZIAS : Ce que je veux dire est qu'il y a de nombreux agriculteurs riches qui ne payent pas des impôts.
JOURNALISTE : Par conséquent cela est-il un choix?
N. KOTZIAS : C'est ce que j'estime juste.
JOURNALISTE : Ce que je veux dire est que c'est un choix du gouvernement d'ouvrir ce dossier.
N. KOTZIAS : Ce n'est pas un choix, mais une nécessité car la taxation des agricultures était formulée en termes généraux dans l'accord de l'été.
JOURNALISTE : Pourquoi donc assiste-t-on à cette spéculation d'après laquelle le Premier ministre s'entretient avec ses députés afin d'assurer leur consentement?
N. KOTZIAS : Mais n'est-il pas normal que le Premier ministre s'entretienne avec ses députés? Un Premier ministre n'a pas droit à s'entretenir avec ses députés?
JOURNALISTE : Bon, vous, vous avez l'expérience. C'est une pratique suivie par les ministres lorsqu'ils craignent que l'unité de leur parti ne soit rompue.
N. KOTZIAS : Non, Alexis Tsipras est différent. A mon avis, cette pratique est très correcte. En plus, puisque, comme vous le savez, je n'appartiens pas au parti de SYRIZA, je me demande toujours pourquoi ces processus intérieurs durent aussi longtemps. Par exemple, ce weekend c'était la réunion du comité central du parti. Donc, cela n'a rien à avoir avec cette spéculation.
JOURNALISTE : Vous n'êtes pas membre du parti. N'embrassez-vous pas la politique de SYRIZA?
N. KOTZIAS : J'embrasse la politique du gouvernement. Comme vous le savez, j'appartiens à un mouvement politique, tout comme M. Toskas, qui s'appelle PRATTO au sein duquel l'élément du patriotisme démocratique occupe une place importante.
JOURNALISTE : M. Tsipras ne vous a-t-il persuadé d'adhérer au parti pendant toute cette période?
N. KOTZIAS : M. Tsipras m'a persuadé de son excellent travail en tant que Premier ministre et de l'utilité de mon participation à ce gouvernement. Nous ne faisons pas des discussions de ce genre. Nous avons une autonomie. Mon parcours a été tout à différent par rapport à celui de SYRIZA et depuis 1989 je n'ai adhéré à aucun parti.
JOURNALISTE : Puisque vous avez une différente façon de penser, à votre avis, la participation au gouvernement d'un autre parti, outre celui des Grecs indépendants, pourrait-elle renforcer davantage la majorité du gouvernement? Existe-il cette possibilité?
N. KOTZIAS : Toute puissance politique qui veut soutenir le peuple grec et la politique du gouvernement actuel est la bienvenue. Mais s'il s'agit d'un parti qui veut changer notre politique au profit des tiers, j'en suis pas sûr. Car le débat qui se tient actuellement porte plutôt sur le changement de l'orientation politique.
JOURNALISTE : Ce débat ne comporte-t-il pas cet élément de la nécessité?
N. KOTZIAS : Je ne le pense pas. Le gouvernement jouit d'une majorité.
JOURNALISTE : Je vous dis cela car, d'après des informations qui nous sont parvenues, la puissance politique principale qui est le parti de SYRIZA a lancé un débat sur cette question. Et, comme le parti comprend qu’il sera difficile d’adopter lesdits projets de loi, il fait appel aux partis de l'opposition en vue de parvenir à un consensus.
Ν. N. KOTZIAS : Il invite les partis de l'opposition à participer à un débat. Cela revêt une importance majeure. Car il n’existe plus de dialogue et tout geste de ce genre est considéré comme un subterfuge pour parvenir à une coopération gouvernementale. Je pense que le pays a besoin d'une culture politique de dialogue. Cela est un élément du régime démocratique. Et je suis toujours en faveur de cela.
JOURNALISTE : Quelle force politique pourrait coopérer avec SYRIZA afin d'appliquer cette politique qui est imposée par nécessité ?
N. KOTZIAS : Je pense que les forces qui font aujourd'hui partie du gouvernement ont fait preuve de fermeté et ont accompli un travail solide. Toute force qui pense que cela vaut la peine...
JOURNALISTE : Vous dites que le dialogue et le consensus sont nécessaires. Puisque vous ne faites pas partie du SYRIZA, ne pensez-vous pas que ce parti en tant qu'opposition n'a-t-il pas aussi sa part de responsabilité pour ce qui est de l'absence de cette culture de dialogue et de discussion ?
N. KOTZIAS : Je ne pense pas que cela appartient à la responsabilité de SYRIZA, ni à la vôtre et ni à la mienne. Je pense que la société grecque n'est pas habituée à cette culture et, à cet égard, je pense que toutes les forces politiques, et probablement moi aussi tout comme vous, en tant que journalistes, avons une part de responsabilité. Moi, je suis partisan du dialogue. Je dois avouer qu'au sein du ministère aussi je suis toujours à l'écoute des autres, j'ai mes propres points de vue, j'écoute les points de vue des autres, j'adapte mes points de vue et j'agis par persuasion. Je veux que la politique soit axée sur la discussion.
JOURNALISTE : Monsieur le ministre, personne ne peut oublier les accusations proférées au cours des dernières années - à l'époque où SYRIZA était le parti de l'opposition - contre les autres partis qui étaient qualifiés de collaborateurs allemands. Cela n'est pas facile à oublier.
N. KOTZIAS : Je n'ai jamais appelé personne collaborateur allemand, mais j'ai dit que la Grèce était et demeure une colonie de dette. A savoir qu'il existe un contrôle extérieur lequel est associé à la façon dont évolue l'UE et j'ai dit que cela revêtait certaines caractéristiques propres aux empires. Il s'agit d'un terme scientifique.
JOURNALISTE : Il n'est pas facile d'oublier les accusations proférées contre les partis de l'opposition lorsque ceux-ci étaient au gouvernement.
Ν. N. KOTZIAS : Toutefois, certains hommes politiques, pour le dire de la manière la plus courtoise possible, agissent en fonction de ce que dit une puissance extérieure et non pas en fonction des besoins du pays. Même aujourd'hui. Nous parlons des Grecs et pas des Allemands. La question est de savoir en fonction de quel critère une politique est exercée. Cela revêt une importance majeure pour moi. Tout le monde aime son pays, chacun à sa manière. En outre, j'imagine que tous, au sein du gouvernement ou en tant qu'opposition, ont des difficultés à s'endormir et ils consacrent toute leur énergie à l’atteinte d’une solution à ces problèmes. Toutefois, les critères en fonction desquels on cherche à résoudre les problèmes du pays revêtent une grande importance. Je pense que nos critères sont plus proches de ce que j'appelle patriotisme démocratique. D'autres pensent que le critère le plus important est ce que disent les étrangers. Lorsque quelqu'un emploie les arguments mis en avant par ces étrangers, je ne l'accuse pas de trahison. Je dis tout simplement que le critère qui domine sa pensée est plutôt axé sur son inquiétude à l'égard des étrangers et moins à l'égard de son pays.
JOURNALISTE : Admettriez-vous que si un autre parti était au pouvoir et avait conclu cet accord avec les fonds étrangers sur les prêts aux entreprises, le problème serait plus grave ?
Ν. N. KOTZIAS : Je pense que si un autre parti était au pouvoir, il ne ferait pas cette négociation qu’Alexis Tsipras a menée personnellement et avec une telle persistance et que les résultats seraient différents. La tolérance dont font preuve les gens à l'égard du gouvernement est liée au fait qu'ils pensent que nous livrons notre bataille et que nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir.
JOURNALISTE : La tolérance dont fait preuve la société ou les Européens?
N. KOTZIAS : La société. Pour ce qui est des Européens, nous savons que certains d'entre eux auraient souhaité voir un autre gouvernement au pouvoir, mais certains sont des réalistes et comprennent qu'il n'existe pas d'autre majorité dans le pays.
JOURNALISTE : D'après un article paru dans le journal "TO VIMA", le président du MeS, M. Regling, a affirmé qu'il y avait de la convergence avec le FMI sur le règlement de la dette grecque.
N. KOTZIAS : Mais il ne nous dit pas de quelle convergence s'agit-il.
JOURNALISTE : L'accord sur la convergence présuppose que le fonds participe à l'accord.
N. KOTZIAS : Afin de participer à l'accord, le FMI veut qu'il y ait un accord sur la décote (haircut) de la dette. Le problème auquel nous étions confrontés lors des négociations de 2015 était que le FMI était favorable à l'allègement de la dette et contre les mesures y relatives, tandis que les Européens se montraient plus favorables aux mesures et étaient contre le haircut. Le moment difficile lors de la négociation était lorsqu'ils ont abouti à une convergence sur les aspects négatifs, c'est-à-dire pas d'allègement de la dette et adoption de nombreuses mesures.
JOURNALISTE : Monsieur le ministre, où en est-on avec l'allègement de la dette? Car tel est l'objectif actuellement.
N. KOTZIAS : Cela est sur la table des négociations.
JOURNALISTE : C'est-à-dire en 2016 aura-t-on de bonnes nouvelles pour ce qui est de la dette ?
N. KOTZIAS : Tel est notre objectif et c'est dans ce sens que nous œuvrons.
JOURNALISTE : Pourriez-vous nous donner plus d'informations à cet égard ?
N. KOTZIAS : Je pense qu'il y a des ministres plus compétents en la matière pour vous donner plus d'informations.
JOURNALISTE : Avez-vous regretté ce que vous avez dit au sujet des dhijadistes ?
Ν. KOTZIAS : Pas du tout. Ce sont ceux qui ont altéré mes propos qui doivent regretter. A ma sortie de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN sur la Syrie, une chaîne allemande m’a posé la question de savoir ce qui se passerait si la Grèce était chassée de l’UE et combien de problèmes nous avons. J’ai dit que si la Grèce était déstabilisée – vous savez, il y a cette image que j’ai passée au niveau mondiale, le triangle d’instabilité Ukraine – Libye – Syrie – alors il y aurait une grande vague de migrants et dans cette vague de migrants il pourrait y avoir des personnes qui seraient hors de contrôle. Mes propos ont été déformés et utilisés par des politiciens grecs récemment devant le Parlement. La question de fond est la suivante : lorsqu’en février 2015 j’ai pour la première fois parlé du terrorisme et de la déstabilisation de la Syrie qui entraînera de nouvelles vagues migratoires, nombreux sont ceux qui ont affirmé que mon objectif était de faire diversion par rapport à la crise ukrainienne et que si je l’ai dit c’est parce que j’étais pro-russe et anti-européen, etc. Je pense tout simplement que nous avons une très bonne intuition car nous sentons de plus près ce qui se passe au Moyen-Orient, que le problème approche. Et aujourd’hui, je dis exactement la même chose. Certains en Europe ont de nombreux contacts avec les Frères musulmans en Afrique du Nord. J’ai fait de nombreuses démarches, envoyé de nombreuses lettres et certes, le régime militaire peut ne pas plaire en Egypte, mais on doit réfléchir et voir ce qui pourrait se passer si l’Egypte était déstabilisée, avec ses 96 – 97 millions d’habitants, dont 65 millions ont moins de 27 ans et sont sans emploi et sans perspective d’avenir. Lorsqu’on a également le Soudan derrière avec ses 45 millions d’habitants qui a récemment vécu une guerre civile, la Somalie avec 20 millions d’habitants. Autrement dit, on parle de 160 – 170 millions de personnes. Ce que j’ai dit en février pour la Syrie vaut aujourd’hui pour l’Egypte. Ils doivent cesser de jouer la carte de la déstabilisation de la région. Car ce dont a notamment besoin la région est de sécurité et de stabilité.
JOURNALISTE : Monsieur le ministre. Nous espérons que vous avez passé un bon moment avec nous. Nous avons sorti le journal et devons procéder à la décodification maintenant. Nous vous remercions beaucoup et espérons que vous viendrez plus souvent.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Il est vrai que je suis à l’autre extrême, je suis très concentré dans mon travail et n’accorde pas beaucoup d’interviews. Parfois, il y a des nouvelles très bonnes. Comme par exemple la Grèce qui a été nommée au Conseil exécutif de l’UNESCO, avec le plus grand nombre de voix dans le monde. La Grèce a également été élue à l’OIM. Et pour la première fois un juge, M. Raikos, a été élu à la cour d’appel des Nations unies. Nous avons également, pour la première fois, adopté une résolution à l’ONU sur la protection de notre patrimoine archéologique. Il y a donc de nombreuses nouvelles positives et c’est sans doute de ma faute si ces nouvelles ne sont pas assez diffusées vers l’extérieur.
December 15, 2015