Interview du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias lors de l’émission d’ERT1 «Politiki Epikairotita» avec les journalistes N. Meletis et F. Papathanassiou (09.10.2019)

Interview du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias lors de l’émission d’ERT1 «Politiki Epikairotita» avec les journalistes N. Meletis et F. Papathanassiou (09.10.2019)JOURNALISTE : Mesdames et Messieurs bonsoir. Les évolutions dramatiques suite à l’offensive turque en Syrie et les coulisses diplomatiques en Europe et aux Etats-Unis seront les principaux thèmes de notre émission d’aujourd’hui. Que signifie la rencontre Trump – Erdogan le 13 novembre à la Maison Blanche ? Un rapprochement ? Et comment ces évolutions influent-elles sur nos affaires ?

JOURNALISTE : Bonsoir Mesdames et Messieurs. Nous traversons une semaine très riche en événements et évolutions diplomatiques. Le navire « Yavuz » a pénétré dans la ZEE chypriote, le Secrétaire d’Etat américain Pompeo s’est rendu à Athènes, nous avions la réunion tripartite Grèce – Chypre – Egypte, les palinodies à la Maison Blanche et Erdogan qui saisit aujourd’hui l’occasion de lancer une offensive en Syrie. Je pense que c’est le moment opportun d’accueillir ici, dans le studio de la chaîne ERT, le ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias pour un débat approfondi sur tous ces dossiers. Monsieur le ministre bonjour et bienvenue.

N. DENDIAS : Bonjour.

JOURNALISTE : Cette discussion sera utile et apportera des éléments pour tous ceux qui s’intéressent aux développements ayant trait à la Grèce et au pays voisin.

N. DENDIAS : Notre région.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, que pensez-vous des derniers développements en Syrie. Vous avez rencontré M. Pompeo. Aviez-vous une idée que la partie américaine prendrait une telle décision ?

N. DENDIAS : Nous avions abordé les éventuelles questions. Bien évidemment, il ne nous a pas parlé de la décision du Président Trump ; je ne suis pas sûr d’ailleurs qu’il fût au courant ou que Trump ait pris sa décision au moment où M. Pompeo effectuait sa visite à Athènes. Mais une discussion avait eu lieu avec le gouvernement grec sur une éventuelle offensive turque dans cette région du nord de la Syrie, à l’est de l’Euphrate.

JOURNALISTE : Est-ce que cette évolution vous inquiète ? Le fait qu’Erdogan profite des palinodies des Etats-Unis ou encore de la tolérance de la Russie pour entreprendre cette démarche désespérée d’une offensive en Syrie qui signifie dans la pratique l’occupation du pays ; Et pensez-vous que cela enhardisse la Turquie ? Le fait qu’il soit toléré à Erdogan de faire ce qu’il veut ?

N. DENDIAS : Je vais vous répondre en toute franchise. Tout d’abord, je ne considère pas cela comme une « occasion ». Je pense que la Turquie commet une erreur. Tout comme les nombreuses erreurs – de cette nature – qu’elle ne cesse de répéter ces dernières années. En menant une offensive en Syrie, quel est son but ? De créer une zone lui permettant de transporter des réfugiés de la Syrie et de les réinstaller là-bas. Probablement une zone contre l’élément kurde, avec lequel la Turquie n’a pas réussi à être en de bons termes. Ce qui s’est produit est  illégal. Car le transport de personnes doit répondre à certaines règles de base. Il doit être volontaire et fait dans le respect de la dignité. Ce qui n’est pas le cas ici. Donc, ce que fait la Turquie est contraire aux droits de l’homme, des réfugiés eux-mêmes, qui se trouvent sur le territoire turc. Deuxièmement, elle ouvre un front. Pourquoi le fait-elle ? Quel profit peut-elle en tirer à l’heure actuelle ? Comment pourra-t-elle, en entreprenant de telles actions, assurer son avenir, l’avenir pacifique de sa propre société ? Ne parlons pas de nous, de la Syrie, des Kurdes, des réfugiés, parlons des Turcs eux-mêmes. Les Turcs commettent une grave erreur, ce que j’ai déploré à plusieurs reprises. La Turquie lit le 21e siècle avec un livre de lecture de la fin du 19e siècle, début du 20e. Et elle aboutit à des fausses conclusions et actions.

JOURNALISTE : Au même moment, M. le ministre, nous avons l’attitude des Etats-Unis. Comment percevez-vous ces messages contradictoires que nous avons reçus ces dernières 48 heures de la part des Etats-Unis ?

N. DENDIAS : Je n’ai pas le droit de juger la politique des Etats-Unis, que ce soit de la présidence ou de l’administration, ou encore des corps législatifs, vis-à-vis de la Syrie et de la Turquie. Ce qui m’intéresse, c’est la position des Etats-Unis vis-à-vis de mon pays, la Grèce. J’aspire à établir la relation la plus honnête possible, à optimiser, avec une compréhension mutuelle, les avantages pour les deux parties. Je pense que nos relations sont win-win (donnant-donnant) et cela a été prouvé à mon sens.

JOURNALISTE : Vous parlez de l’accord en matière de défense ?

Ν. DENDIAS : Je me réfère, à ce stade, à l’accord en matière de défense. Je ne le considère toutefois pas comme la clôture d’une coopération, mais comme l’ouverture d’un grand chapitre dans les relations gréco-américaines.

JOURNALISTE : Nous aurons l’occasion, M. le ministre, d’aborder en profondeur l’Accord en matière de défense. En tout cas, nous constatons ces dernières 48 heures une certaine ambigüité de la part des Etats-Unis qui peut être interprétée de plusieurs façons par la communauté internationale. Comment l’interprétez-vous ? Car certains à Athènes s’inquiètent et pense qu’il pourrait se passer la même chose avec nos dossiers.

N. DENDIAS : Nous n’avons rien, jusqu’à présent, aucune indication qui pourrait nous laisser penser cela. En ce qui concerne la Grèce – car j’aimerais être précis – nous avons un très bon accord, un accord exceptionnel selon nous, d’ailleurs tout le monde s’accorde pour le dire. Par la suite, nous pouvons discuter des avantages pour la Grèce. Nous avons eu toute une série de déclarations de la part du Secrétaire d’Etat américain, une première depuis 1974, du moins jusqu’à aujourd’hui. La référence expresse à la Turquie et la condamnation des actions turques, à deux reprises par M. Pompeo à Athènes, est une première.

JOURNALISTE : Quel point exactement avez-vous interprété en tant que tel ?...

N. DENDIAS : Je pense que personne ne le conteste. Il y a deux points qui font référence à la Turquie et la condamnent pour ce qui est de Chypre et de sa tactique plus générale ainsi que de l’effort consenti pour créer une situation anormale dans notre région élargie. J’aimerais dire également une autre chose. Vous avez sans doute remarqué que M. Pompeo ne s’est pas rendu à Ankara. Habituellement, le Secrétaire d’Etat vient à Athènes et par la suite, pour des raisons d’équilibre, il se rend à Ankara. Il est donc venu ici, a fait des déclarations claires en condamnant la Turquie et ne s’est pas rendu à Ankara. Cela en dit long pour la Grèce, il ne faut pas se leurrer. Et aussi, ces choses ne sont pas le fruit du hasard, il faut le dire. M. Pompeo est un diplomate expérimenté, il a été diplômé de l’Académie militaire de West Point, de Harvard, il est le plus ancien collaborateur de Trump ; en réalité, il est son collaborateur le plus puissant dans la conjoncture actuelle. Il vient à Athènes et y reste trois jours. La dernière fois, M. Kerry, alors Secrétaire d’Etat, y était resté trois heures.

JOURNALISTE : Cela veut dire quelque chose, c’est vrai.

N. DENDIAS : Cela joue en notre faveur. Pourquoi donc la Grèce ne serait-elle pas satisfaite des Etats-Unis ?

JOURNALISTE : Elle est satisfaite. La question que posent l’opinion commune et les journalistes et bon nombre de politiques est de savoir si ces déclarations très positives peuvent effectivement être traduites dans les actes lorsque le moment sera venu.

N. DENDIAS : Touchons du bois, M. Meletis.

JOURNALISTE : Pour ce qui est de Chypre, en tout cas, l’heure est venue dans une certaine mesure. Vont-ils avoir une attitude dissuasive ou bien corriger la situation ?

N. DENDIAS : Tout d’abord, nous sommes très soucieux de l’histoire de Chypre, pour être très clairs. La Grèce a également clairement condamné ces actions et aspire à ce que les mesures appropriées soient prises et que toutes les positions s’alignent lors de tous les conseils, le conseil des ministres, le CoRePer, la réunion au sommet à l’Union européenne. Ce que nous recherchons, également, c’est d’isoler la Turquie quant à sa tactique. Que disons-nous alors ? Qu’il n’y a plus de place, si vous voulez, ni en mer, pour l’époque de la canonnière. Ce que fait la Turquie est une plaisanterie. Honnêtement, que pense-t-elle réussir à faire dans la zone où elle creuse ou essaye de creuser ? Car il est peu probable qu’elle ait les capacités techniques de le faire ; elle dépense de l’argent pour le « Yavuz », mais quant à savoir si ce navire peut vraiment effectuer des forages, c’est une autre grande question. Dans cette zone, il est pratiquement certain qu’il n’y a absolument rien. Nous le savons, les Américains le savent, les Turcs le savent aussi.
Qu’essaient donc de faire les Turcs ? Provoquer ? Nous faire réagir de façon excessive et faire en sorte que la communauté internationale pense qu’il s’agit d’une querelle entre pays des Balkans ? C’est ce qu’ils veulent ? Ils ne réussiront pas. J’ai déjà dit clairement au sujet de la Turquie, que ce ne sont pas des choses sérieuses, ce sont des actions insensées, qui sont contraires au droit international. Il y aura une condamnation, contre le droit international. Et sur l’échiquier du droit international, qui est le seul qui compte dans la société du 21e siècle, la Turquie ne cesse de perdre des pions.

JOURNALISTE : Pourquoi, à votre avis, M. Erdogan fait-il cela ? Veut-il gagner des points en vue de la négociation sur le dossier chypriote ?

N. DENDIAS : Je ne peux pas avoir une lecture à ce sujet.

JOURNALISTE : Juste une appréciation.

N. DENDIAS : J’ai l’impression qu’il y analyse la stratégie de la tension. Car une politique de tension permet à un gouvernement, qui a des problèmes, de survivre sur le plan interne. Et il fait une erreur de lecture à mon sens. Car s’il veut que sa société passe au 21e siècle – et c’est le critère du succès – à une perspective européenne, qui devrait être son objectif, en agissant de la sorte, il n’aboutit à rien. Il forme son corps électoral à une analyse du 19e siècle, qui ne le mène nulle part, ni la Turquie, ni la société turque. Et je le dis avec tristesse. Car pour nous qu’est-ce qui serait mieux ? Avoir un pays voisin ami, riche, puissant, démocratique, ouvert. C’est ce que nous voulons. Avoir des relations commerciales, amicales, éducatives.

JOURNALISTE : Et il y a aussi le défi qui se présente à vous de construire, avec M. Cavusoglu, sur des questions de politique basse.  Maintenant, après la rencontre que vous avez eue avec M. Pompeo pour ce qui est de la Turquie, avez-vous eu le sentiment de la part de la partie américaine, de M. Pompeo et des autres hauts fonctionnaires, que la Turquie est dans une position défavorable ? Car l’autre lecture des déclarations de M. Pompeo et lors de l’interview qu’il a accordé à la chaîne ERT est que « il devra y avoir un dialogue stratégique, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour garder la Turquie proche de l’Occident » et cela ressort également de son attitude et de la rencontre qu’aura le Président américain avec le Président turc, le 13 novembre.

N. DENDIAS : Tout d’abord, M. Pompeo, je l’ai vu trois fois. Par conséquent, comme je le lui ai dit, en plaisantant, il doit en avoir marre de me voir devant lui. Il a lui-même dit, à la fondation « Niarchos » qu’ « il n’arrête pas de faire pression sur moi ». Je n’interprète pas ma discussion avec M. Pompeo, comme une discussion dirigée contre un quelconque autre pays, si vous voulez cela ne nous intéresse pas.
La Grèce est un pays animé de confiance, un pays qui sort de la crise, un pays qui a un rôle à jouer. Nous n’avons aucun sentiment d’insécurité vis-à-vis des Turcs. Quel a été le problème lors de la discussion avec M. Pompeo. Nous sommes d’accord sur un point. La Turquie doit passer à une autre étape. Nous voulons que la Turquie se rapproche de l’Occident et nous ne l’entendons pas du point de vue géographique. Et l’Occident, ce n’est pas seulement l’OTAN, l’Occident c’est tout un système d’idées qui a été développé après le Siècle des Lumières et qui comporte des notions comme la démocratie, les droits de l’homme, la tolérance vis-à-vis de la diversité, la notion de protection des citoyens. C’est ce que nous entendons par « Nous voulons que la Turquie se rapproche de l’Occident » et à ce sujet nous avons une lecture commune avec les Européens et les Américains, mais le gouvernement turc ne nous aide pas. Nous pourrions aider les Turcs sur ce cheminement. Car nous sommes passés par-là, en tant que pays…

JOURNALISTE : La Grèce l’a d’ailleurs fait.

N. DENDIAS : La Grèce l’a fait. La Grèce a passé toutes les étapes et elle se trouve déjà à l’étape suivante. La Turquie doit nous imiter si elle veut parvenir à quelque chose de mieux pour ses citoyens et, en définitive, pour toute la région. Telle est la teneur de notre discussion avec les Américains. Et c’est pourquoi je dis que la Grèce peut être un modèle. La Grèce ne tombera pas dans le piège des canonnières. Pour être franc, nous avons des frégates, pas mal de frégates et nous aurions pu envoyer nous aussi une frégate là-bas. Notre frégate se serait promenée, la frégate turque se serait promenée, les chaînes auraient fait des reportages, le public aurait suivi tout cela, nous aurions envoyé des bateaux pneumatiques, montré des hommes en uniforme…. Ce n’est pas comme cela que ça se passe.
Nos forces armées sont là pour défendre notre indépendance, notre intégrité territoriale, et non pas pour provoquer des bagarres dans la région.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre. Pour en revenir à la question de la Syrie : nous avons vu aujourd’hui M. Juncker qui a déclaré : « Nous n’avons pas l’intention de financer les camps militaires dont rêve M. Erdogan ». Je pense que tous les pays européens partagent cette position.

Ν. DENDIAS : Pardonnez-moi, mais l’Union européenne va financer la réinstallation obligatoire de réfugiés de Turquie dans une zone occupée en Syrie ? Je vous ai dit que l’Union européenne, bien entendu, doit aider la Turquie dans la gestion des réfugiés. Mais elle ne doit pas donner de l’argent à l’Etat turc, elle doit donner de l’argent aux organisations, qui aident ces personnes. Et non pas financer l’effort de réinstallation violente de ces personnes. Cela est tout à fait contraire à l’acquis communautaire.

JOURNALISTE : Et l’expérience que nous avons des précédentes offensives de la Turquie sur le territoire syrien et des camps qu’elle a construits là-bas, c’est qu’elle essaie, en mettant en place des infrastructures, de conférer un caractère turc à ces régions avec également le changement de la composition de la population.

Ν. DENDIAS : Cela est-il possible ? Vous pensez vraiment que l’on puisse parvenir à quelque chose ? Rien de tout cela ne va arriver.  La Turquie dépense un argent fou, elle déploie des efforts qui ne produisent aucun effet, salie son image. Car à l’heure actuelle quelle est l’image de la Turquie ? Souvenez-vous que la Turquie a commencé son parcours avec la théorie des problèmes zéros à ses frontières et elle a réussi, en l’espace d’une décennie, à ce que toutes ses frontières, au moindre millimètre près, aient des problèmes. Appelez-vous cela la politique étrangère ? Très honnêtement, je me demande qu’est-ce qui fait que ce gouvernement adopte cette analyse. Nous avons une obligation. Nous n’enseignons rien à personne, mais je dis la vérité aux Turcs ainsi qu’au ministre des Affaires étrangères que je connais depuis de nombreuses années. Je lui dis ce que je vois pour ce qui est de la Turquie et quel serait, selon moi, l’avantage pour nos sociétés. À partir de là, ils peuvent soit entendre ce que je dis, soit ne pas l’entendre.

JOURNALISTE : Suite aux contacts que vous avez eus jusqu’à aujourd’hui, y aura-t-il une réaction unique de la part de l’Union européenne, s’agissant du dossier syrien dans un premier temps ?

Ν. DENDIAS : Bien entendu. Il y a déjà eu une déclaration de condamnation. Il est certain que ce sujet sera abordé lors du Conseil des ministres de lundi, à Luxembourg. Il est certain que l’UE condamnera cette action. Car c’est une action illégale, point final. Nous n’avons pas grand-chose à dire. Il y a un communiqué dans le cadre de la réunion tripartite qui sera publié ce soir, que nous avons très attentivement et minutieusement étudié.

JOURNALISTE : D’où la raison de son retard.

Ν. DENDIAS : Du retard a été pris entre les Egyptiens et nous. Nous étions particulièrement prudents au niveau du vocabulaire utilisé. Celui-ci doit être précis. Nous ne voulons pas que les Turcs nous disent « vous nous condamnez avant même que nous ne commencions » et nous avons attendu qu’ils commencent pour ne pas leur faire de tort. Pas même sur ce plan. Et puisqu’ils ont commencé, nous devions condamner le caractère illégal de leur action. De façon très claire.

JOURNALISTE : En tout cas, M. le ministre, il existe une autre lecture en Grèce, vous l’avez surement entendue, mais aussi en Europe, à savoir que les Turcs savent bien négocier et pour ce qui est des Américains également et Erdogan l’a fait ces derniers temps avec les Européens également. Il s’est assuré de nombreux fonds pour la question migratoire et d’aucuns disent que cette histoire se répètera. Le 13 novembre, il se rendra à la Maison Blanche, où la négociation aura lieu, encore un marchandage à l’oriental !

Ν. DENDIAS : J’entends parler de cette théorie de la diplomatie turque réussie depuis mon plus jeune âge. Je m’en souviens encore ! Les Turcs qui ont une diplomatie réussie et les Grecs qui n’ont pas de diplomatie réussie et qui perdent tout le temps, etc. Nous le croyons, vraiment ? La Grèce est un pays qui, depuis sa création – nous fêterons le 200e anniversaire de son indépendance – ne cesse de grandir. Nous sommes mêmes sortis grandis de nos défaites. Deuxièmement, prenons les dernières années. Y a-t-il plus grand succès que l’entrée de Chypre dans l’UE ? Dites-moi, franchement. Qui a réussit cela ? La Grèce. Grâce à sa diplomatie et avec l’aide et la coopération de la diplomatie de la petite République de Chypre. Nous avons réussi à faire entrer Chypre dans l’Union européenne, alors que la question chypriote était irrésolue !

JOURNALISTE : Envers et contre tous.

N. DENDIAS : Qu’est-ce que la Turquie a réussi ces dernières années ? Et je ne le dis pas méchamment. Je le redis, je veux voir une Turquie prospère, si elle réussit à passer à la prochaine étape de la croissance et nous sommes prêts à l’aider. Mais les choix qu’ils font ne les aident pas.
Mais est-ce que les Turcs ont réussi à faire des choses lorsqu’ils n’ont pas un ami à leurs frontières ? Un ami franc et fidèle ? Quand la Grèce a réussi – outre Chypre – à ce que les pays des Balkans orientaux intègrent la famille européenne, à pousser les pays des Balkans occidentaux à s’européaniser, afin que nous puissions devenir un leader mondial dans les Balkans. Nous sommes d’ores et déjà le pays le plus puissant des Balkans du point de vue économique. Nous devons avoir confiance en nous. Nous ne sommes pas un petit pays balkanique impuissant et sans avenir. Nous sommes un pays sérieux, avec un avenir en Europe. Nous faisons partie des Balkans du point de vue géographique, mais nous faisons désormais partie de l’Europe unie, du projet le plus ambitieux de l’histoire de la planète et nous pouvons faire ressortir notre puissance, une vraie puissance.

JOURNALISTE : Pour ce qui est des questions gréco-turques, M. le ministre, vous avez vous aussi parlé de la relance des relations. Le premier ministre également a parlé de la relance des relations. Dans ces conditions et compte tenu de ce climat, pensez-vous que les conditions soient réunies pour la relance des relations ?

N. DENDIAS : Avec la Turquie ?

JOURNALISTE : Oui.

N. DENDIAS : Si vous me demandez si cela est facile, je répondrai non, ce n’est pas du tout facile et cela devient encore plus difficile, en raison des actions de la Turquie. Car elle diffuse une fausse conception globalement. La Grèce, néanmoins, se doit de toujours essayer. Elle doit toujours jouer – permettez-moi de le dire sans mal interpréter mes propos – un rôle éducatif. Elle doit montrer comment doivent être les choses. Tel est notre rôle dans la région. Lorsque nous affirmons avec fierté – je l’ai dit à M. Pompeo au nom de mon pays – que nous avons « un rôle stabilisateur dans la région et sommes une ancre de stabilité dans la région ». Qu’entendons-nous par-là ? Que nous ne nous laissons pas influencer, que nous pouvons servir d’exemple aux autres pays, que nous entretenons des relations de bon voisinage avec tous les pays, que nous parlons avec tout le monde, que nous aidons lorsque nous le pouvons. Et nous parlerons toujours à la Turquie en des termes de compréhension et de réconciliation et tendrons une main amicale à cette dernière si elle souhaite opter pour cette proposition. Cela dépend d’elle.

JOURNALISTE : Mais ne peut-on pas interpréter cela comme une marque de faiblesse pour ce qui est de Chypre ? Car certains émettent des critiques et disent que la Grèce et Nicosie ont laissé la Turquie déployer des navires de forages tout autour de l’île, sans réagir.

N. DENDIAS : L’a-t-on laissée ? Ce qui se passe, c’est que la Turquie dépense l’argent du contribuable turc, sans aucune raison. C’est ce qui se passe. Et pouvez-vous me dire ce que la Turquie a réussi à faire en appliquant cette politique ? Dites-moi juste une chose qu’elle a réussi à faire. Rien du tout. Elle a dépensé des sommes faramineuses, elle a terni son image dans le monde entier et risque d’abîmer ses relations avec l’UE. Elle perd sans cesse des aides de l’UE, pour gagner quoi ? Creuser dans la boue. A quarante miles à l’est des côtes chypriotes. Et on appelle cela de la politique ? Et vous voulez qu’on en fasse de même ? Vous voulez que je fasse en sorte que mon pays se bagarre avec ses voisins pour des choses similaires ? Bien entendu, la Turquie sait pertinemment que la question chypriote nous préoccupe beaucoup et que sa résolution est bien évidemment un facteur d’amélioration des relations gréco-turques ; c’est la raison pour laquelle nous essayons dans ce sens. Mais je vous le redis : la Turquie doit comprendre que nous sommes sur l’échiquier des droits de l’homme, du droit international, du droit de la mer et non sur l’échiquier de la canonnière. Ça c’est l’ancien jeu qui a été retiré du marché, il y a 1000 ans !

JOURNALISTE : La communauté internationale, la partie américaine, M. Pompeo par exemple à Athènes, s’est à plusieurs reprises référé à la question des provocations de la Turquie en Méditerranée orientale…

N. DENDIAS : Je suis ravi que vous l’ayez remarqué.

JOURNALISTE : Oui. Mais au même moment, il a parlé d’un résultat économique qui serait équitable, en sous-entendant le gaz naturel. Est-ce que cette question vous inquiète ? Vous préoccupe ?

N. DENDIAS : Tout d’abord je ne crois pas qu’il se soit référé à l’Egée.

JOURNALISTE : Non, à la Méditerranée orientale.

N. DENDIAS : Il s’est référé à la Méditerranée orientale et qu’entendait-il en réalité ? Que les Turcs devront tirer également profit de la découverte d’hydrocarbures dans la région élargie. C’est Anastassiadis qui le dit en premier. Nous, les Grecs, ne sommes pas – si je puis m’exprimer ainsi – des « arnaqueurs ». Bien sûr les Chypriotes turcs ont droit à quelque chose et le Président Anastassiadis a dit que les Chypriotes turcs recevront également [quelque chose]. Mais il demande que la Turquie remplisse certaines conditions. La Turquie agit comme si Chypre n’existait pas, vous savez. Elle fait comme si elle n’existait pas. Elle ferme les yeux et dit : « Il  n’y a rien ici ». Ce que font les Turcs est ridicule. Certes, le Président Anastassiadis s’est clairement positionné en faveur de la communauté chypriote turque et de son droit aux hydrocarbures découverts dans la région élargie, sous certaines conditions.

JOURNALISTE : Voyons un peu maintenant les coulisses diplomatiques et les batailles diplomatiques qui seront livrées prochainement.

N. DENDIAS : Ne me faites pas tout dire !

JOURNALISTE : Non, juste un avant-goût. Vous vous êtes rendus à Nicosie et avez rencontré votre ami, M. Christodoulidis.

N. DENDIAS : Un homme exceptionnel, en effet.

JOURNALISTE : Oui, quelqu’un de bien. Vous avez dit, en vue aussi du Conseil des Affaires générales…

N. DENDIAS : J’ai aussi vu mon fils qui est à Chypre.

JOURNALISTE : Je ne le savais pas M. le ministre.

N. DENDIAS : Je vous le dis, pour ne pas que vous pensiez que je vois Chypre de loin.

JOURNALISTE : Il y fait des études ?

N. DENDIAS : Oui.

JOURNALISTE : Vous avez donc coordonné vos actions en vue du Conseil des Affaires générales qui se tiendra mardi et…

N. DENDIAS : Il se tiendra lundi, je crois. L’élargissement ce sera pour mardi.

JOURNALISTE : Vous avez donc coordonné vos actions et avez dit que la question de la provocation de la Turquie sera soulevée auprès des Européens, à l’heure où la question figurant à l’ordre du jour – outre l’élargissement- sera l’offensive turque en Syrie. Comment est-ce que tout cela fonctionnera?  Voyons dans la pratique comment cela influencera les Européens à l’heure où sera brossé un tableau global sur la situation dans la région avec l’offensive turque, la question migratoire et, éventuellement, la position des Européens, et nous qui soulèveront les questions qui nous préoccupent concernant les provocations de la Turquie.

N. DENDIAS : Tout d’abord, des travaux sont effectués, je ne vous le cache pas, à plusieurs niveaux. Au niveau des chefs d’Etat, les conseillers diplomatiques du Premier ministre, le conseiller du Premier ministre en charge des questions européenne et le ministère des Affaires étrangères s’entretiennent avec les partenaires européens.
L’Europe est notre famille. Nous communiquons en permanence. Nous n’attendons pas le Conseil pour entrer dans la salle – comme on faisait avant – cinq dossiers sous le bras, à discuter pendant deux heures afin de nous mettre d’accord ou pas, écrire un texte commun et quitter la salle. C’est un processus permanent. Il y a toute une série d’initiatives, à un autre niveau, le CoRePer, avant d’arriver aux Conseils de la semaine prochaine. Il y aura donc une compréhension à ce stade déjà. Je sais déjà que 14 pays – d’ailleurs nous avons échangé un grand nombre de messages avec M. Christodoulidis aujourd’hui – ont l’intention de condamner l’attitude provocatrice de la Turquie dans la ZEE chypriote.
Quel est le problème ? Le dossier syrien nous désoriente-t-il ? Pas du tout. Bien au contraire ! Car il montre que la Turquie a un certain modus operandi. Elle est un trouble-fête par conviction. Elle ne le fait pas seulement à la République de Chypre, elle le fait à tous ses voisins. Lorsqu’il y a un problème quelque-part, la Turquie est toujours là. Vous avez compris ? Cela ne nous rend pas la tâche difficile. Cela rend la tâche difficile pour la Turquie. La Turquie devait adopter une autre attitude si elle voulait faire son travail, c’est-à-dire nous isoler nous et les Chypriotes pour montrer qu’il s’agit d’un différend régional. Or, la Turquie a choisi de nous impliquer. La Turquie voulait envoyer un navire de guerre grec, pour présenter l’affaire comme un différend entre la Grèce et la Turquie et comme une querelle de voisinage et contraindre ainsi les Américains et les Européens à dire « Reculez tous les deux, désescalade ».Maintenant la Turquie a été prise en flagrant délit de violation des droits de la République de Chypre. La Turquie maintenant doit se débarrasser du pouilleux !

JOURNALISTE: Monsieur le ministre, aussitôt que vous avez assumé vos fonctions, avant même la prestation de serment, vous avez effectué votre premier voyage à Washington.

N. DENDIAS: Oui, c’est vrai, vous vous en souvenez très bien. Vous l’avez bien constaté ! Aucune objection n’a été soulevée par les Américains à cet égard, malgré le fait que je n’avais pas encore prêté serment.

JOURNALISTE : A l’époque, des rumeurs alarmantes circulaient quant à l’intention de la Turquie de se diriger vers les eaux territoriales grecques et même vers la région de Castellorizo. Est-il vrai que cette information circulait ? Si cela était le cas, pourquoi à votre avis la Turquie n’a-t-elle pas mis ses menaces à exécution ? Ou cela faisait-il plutôt partie d’une guerre  hybride à des effets médiatiques qu’elle est en train de mener…

N. DENDIAS : Permettez-moi de ne pas en dire plus. Toutefois, il est vrai que cette information circulait.

JOURNALISTE : Abordons maintenant le dossier chypriote car je voudrais vous demander une chose : Est-ce qu’il y a un revirement  de la part de la Grèce ? Autrement dit, le gouvernement affirmait à ce jour que l’aspect international de la question chypriote concernait la Grèce alors que l’aspect intérieur Chypre. Est-ce qu’il y a actuellement une approche différente, à savoir que tous les aspects doivent être traités moyennant une approche unique ? Au-delà bien évidemment du fait que l’aspect international relève de la responsabilité de la Grèce.

N. DENDIAS : Il est évident que la responsabilité de la Grèce, en dehors aussi du cadre des traités, porte sur l’aspect international et non sur l’aspect intérieur. Bien évidemment, la partie chypriote veut coopérer avec nous dans tous les domaines, elle veut notre point de vue et notre soutien, c’est pourquoi nous sommes là. Ils sont nos frères, notre famille. Il ne faut pas se leurrer à cet égard. Cela dit, nous avons mis en place des coopérations tripartites, des  coopérations à cinq parties. La Turquie ne voulait pas les coopérations tripartites. Coopération tripartite signifie  - pour vos téléspectateurs, car vous, vous le savez – les deux communautés et le Secrétaire général.  Coopération  à cinq parties signifie la Turquie et la Grèce et nous voulons qu’à ce format participe aussi l’Union européenne en tant qu’observateur. La Turquie voulait oublier le format tripartite. Mais il semble que le Secrétaire général ne leur fait pas ce plaisir et on commencera par une coopération tripartite. J’espère que la Turquie participera à la réunion à cinq parties en faisant preuve de sérieux et qu’elle n’influence surtout pas la partie chypriote turque, M. Akinci, ce qui pourrait provoquer des problèmes au niveau de notre coopération tripartite.

JOURNALISTE : Quelles sont nos conditions monsieur le ministre pour avoir une coopération à cinq parties ?

N. DENDIAS : Nous, tout d’abord, ne fixons pas des conditions initiales. Il existe toutefois un cadre. Quel est ce cadre ? Le cadre décrit par les résolutions des Nations Unies. La légalité internationale. La Grèce agit toujours en fonction de la légalité internationale. C’est la seule chose qui puisse nous conférer un avantage dans la conjoncture actuelle et à cette époque. Nous ne nous livrons pas à des analyses imaginaires au-delà du cadre du droit international. Le droit international décrit les résolutions du Conseil de sécurité. Ces résolutions sont là, elles existent depuis des années, la Turquie les connaît, les communautés les connaissent et les Chypriotes turcs aussi. Ils ne peuvent pas faire semblant de ne pas le savoir. C’est donc sur cette base que nous sommes en train de discuter du règlement de la question chypriote. Telle est la base donnée et sur cette base sont axées nos négociations. Nous ne nous livrons pas à des discussions inefficaces et interminables en dehors du cadre de la légalité internationale, des discussions qui ne nous apportent aucune sécurité à partir de ce moment-là.

JOURNALISTE :  S’agissant de ce que M. Cavusoglu a affirmé, à savoir tenir des réunions à cinq parties en vue de discuter de la solution que nous voulons, que pensez-vous à cet égard ?

N. DENDIAS : Mais, excusez-moi, comment pourrait-on faire cela ?  Qui nous donne le droit de faire cela ? Les résolutions du Conseil de sécurité.  Qui me donne en ce moment le droit, alors que j’assume les fonctions de ministre des Affaires étrangères que le Premier ministre m’a confiées, de tout jeter à la poubelle et d’aller discuter de choses absurdes avec M. Cavusoglu ?  Cela est impossible.

JOURNALISTE : De toute façon, les Turcs, M. Cavusoglu lors des rencontres que vous avez, proposent-ils d’autres formes de règlement ?

N. DENDIAS : Bon, regardez, ils ne font pas des propositions, mais pour dire la vérité,  ils les évoquent. En d’autres termes, tout au long de la discussion ils évoquent cela mais nous ne laissons pas la discussion continuer parce que nous savons ce qu’ils vont nous dire. Je lui ai déjà dit ce que je vous dis maintenant, je me suis entretenu avec M. Cavusoglu à New York, je le connais bien. J’ai été son vice-président en Grèce et son successeur à la présidence du Comité sur les migrations du Conseil de l’Europe. Je le connais très bien. Tout d’abord, je ne sais pas jouer au poker, donc je ne bluffe pas. Mon intention n’est pas de le tromper. Nous devons être sincères à cet égard. Je suis toujours très sincère  dans ce que je dis. La Grèce agit toujours de cette manière. Elle est honnête dans les négociations, elle soumet ses positions sur la table et ses positions sont conformes au droit international. Et elle invite la Turquie à négocier sur cette base stable, sur la base du droit international.

JOURNALISTE : Toutefois, la Turquie, comme vous le savez et vous le constatez maintenant vu ce qui se passe actuellement en Syrie, fait étalage de puissance et fait passer au second plan le droit international.

JOURNALISTE : Elle essaye.

N. DENDIAS : Oui, elle essaye. Mais franchement, je vous le dis et vous le verrez vous-mêmes, cette politique est dénuée de tout fondement. Si elle avait eu un fondement, le droit international n’aurait jamais prévalu en tant que moyen de règlement des différends, l’Union européenne n’aurait jamais été fondée, les Nations Unies n’auraient jamais existées. L’humanité a tourné la page. Bien évidemment, il existe encore une marge de puissance, mais à court terme. Et, il faut aussi signaler que la Turquie, pour faire une véritable analyse de la situation, traverse actuellement une période d’avant-crise, elle se bat pour maintenir son taux de croissance, pour assurer la survie de sa société alors que sa démographie est galopante, et elle a besoin d’immenses ressources et de l’importation de devises, même à court terme. La Turquie est sur le fil du rasoir. Ces actions pourraient conduire à l’effondrement de l’économie turque et cela serait dommage, en ce qui me concerne, je ne le veux pas.

JOURNALISTE : Abordons maintenant les points essentiels de nos dossiers, du dossier gréco-turc, pour discuter des résultats de la visite de M. Pompeo concernant l’accord sur la défense. Pensez-vous que cet accord offre une protection en matière de sécurité ? Autrement dit cet accord apporte-t-il des garanties, une meilleure stabilité pour ce qui de notre défense ?

N. DENDIAS : Certainement. Il faut que nous soyons clairs à cet égard. Cet accord - qui porte en réalité sur la mise en place de deux, trois, quatre nouvelles bases et Marathi est un quai, c’est quelque chose de différent par rapport à Souda, c’est différent du point de vue juridique – s’intègre dans le cadre d’une base militaire grecque qui est placée sous le commandement grec et il y a des règles convenues qui régissent toute activité.
Pour toute activité qui n’y est pas incluse, il existe un Comité qui prendra les décisions y relatives. Tout cela relève de la responsabilité grecque. Pour que nous soyons clairs à l’égard des questions portant sur notre souveraineté nationale.
Cela dit toutefois, le fait que les Américains évoquent dans un accord leur présence à Alexandroupolis, accord qu’ils vont mettre en œuvre, qu’est-ce que cela vous évoque ? Cela ne veut-il pas dire élargir leur empreinte dans la région ? Cela n’est-il pas un facteur de stabilité dans la région ? Autrement dit, les Turcs sont-ils contents de cet accord ?

JOURNALISTE : Oui mais nombreux sont ceux qui se demandent monsieur le ministre si dans le cas d’un incident comme celui d’Imia, les Etats-Unis interviendront.

N. DENDIAS : Mais il ne s’agit pas là de savoir s’ils interviendront ou non. La réponse à cette question comporte une erreur. Un pays sérieux et puissant ne doit pas être confronté à des incidents comme celui d’Imia.

JOURNALISTE : La diplomatie grecque n’a pas une très bonne expérience en matière de médiation.

N. DENDIAS : L’incident d’Imia n’était pas un choix politique mais le résultat d’une série d’erreurs. Soyons honnêtes, il ne faut pas se leurrer.  Je ne dis pas qu’il y avait là une mauvaise intention ou qu’il s’agit d’une trahison, mais c’était toutefois une erreur. Non, notre intention ne pas de provoquer un nouvel incident comme celui d’Imia. Et maintenant nous nous trouvons dans une situation différente. La Grèce est beaucoup plus puissante aujourd’hui. Beaucoup plus puissante et avec une empreinte beaucoup plus élargie. La Grèce est une puissance qui joue un rôle de leader dans les Balkans. La plus grande économie dans la région, un pays européen stable, elle est sortie de la crise, elle a une société homogène, elle a le regard tourné vers l’avenir. Savez-vous qu’aujourd’hui l’obligation grecque était à taux d’intérêt négatif ? Qu’est-ce que cela signifie par rapport à celui de la Turquie qui est de 20% ? Qui est donc le pays puissant et qui est le faible ?

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, toute l’attention du gouvernement est actuellement axée sur l’économie. Toutefois, la question est de savoir, et personne ne peut empêcher cela, ce qui va se passer en cas d’un accident dans les airs.

N. DENDIAS : Permettez-moi de vous donner un exemple historique que je n’aime pas citer.  J’ai lu toute une série de livres sur l’Union soviétique dont la plupart étaient écris par une personne très intelligente, par le Président Nixon à l’époque. Il parlait de leur énorme puissance militaire, de leurs capacités, vous vous en souvenez, tout le monde le disait… Qu’est-ce qu’est devenue la Russie ? L’Union soviétique !  Car la Russie se porte très bien, Dieu merci, et nous lui souhaitons tout ce qu’il y a de meilleur.  Qu’est-ce qu’il est arrivé à la Russie ? Où est la suprématie de ses chars, de ses divisions ? Si un pays ne dispose pas d’une société solide et d’une économie solide, et s’il n’entretient pas de bonnes relations avec ses voisins et n’a pas la capacité à exercer une influence à travers ce que l’on appelle la soft power (puissance douce), il n’a aucune chance de survivre dans le monde moderne. Telle est la réalité. Et les Grecs doivent être fiers d’eux. Ils habitent dans un pays qui offre d’excellentes opportunités. Si notre société croit en nos capacités…nous faisons des erreurs, nous avons fait de nombreuses erreurs, nous avons des défauts mais nous avons aussi des qualités exceptionnelles et nous pouvons aller de l’avant et nous n’avons peur de personne. Et personne ne nous conduira là où il veut pour que nous nous engagions dans une confrontation. Nous nous engagerons dans une confrontation là où nous voudrons, au moment où nous voudrons et dans les conditions que nous voudrons. Personne ne nous imposera sa volonté.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, pensez-vous que le Conseil de coopération de haut niveau entre la Grèce et la Turquie pourrait être convoqué en décembre ?

N. DENDIAS : Vu les conditions actuelles, je ne peux pas vous dire que c’est la meilleure période pour le faire. Toutefois, pour la Grèce toutes les options doivent rester ouvertes. Je vous l’ai dit, nous n’excluons pas la Turquie de l’Occident. Nous essayons de jouer le rôle d’aimant pour l’attirer ici, servir d’exemple, ce qui pourrait convaincre le gouvernement turc que cela est le meilleur avenir pour la société turque.
Avez-vous vu combien de Turcs achètent des maisons à Athènes ? Voulez-vous nous dire combien de Grecs, d’Européens achètent des maisons en Turquie ?

JOURNALISTE : Est-ce que cet effort consenti de concert avec M. Cavusoglu, visant à engager une discussion sur des questions dites de basse politique, sur des questions économiques, commerciales a commencé ? Vu les conditions actuelles, est-ce qu’on pourrait avoir une discussion sur le fond ?

N. DENDIAS : Pour vous dire la vérité, à cause de cette histoire à Chypre, une rencontre ne serait pas une bonne idée, car on pourrait échanger des propos amers. Cela dit, nous tenterons à un certain moment de le faire. Tout d’abord leur navire leur coûte beaucoup d’argent chaque jour et il ne pourra pas rester toujours là-bas. Ils collecteront de la boue, ils vont se promener…

JOURNALISTE : Erdogan affirme qu’il en achètera un autre.

N. DENDIAS : Mais excusez-moi, s’ils parviennent à provoquer le naufrage de l’économie turque, en forant tout le sous-sol maritime de la région, je ne pense pas que cela serait un grand exploit. On me dit, je ne le sais, que les capacités techniques de ces navires ne sont pas aussi…

JOURNALISTE : La politique de dissuasion de la République de Chypre avec les mandats d’arrêt a été efficace.

N. DENDIAS : Et Chypre a très bien fait. Chypre procédera à d’autres actions aussi. Mais, il faut signaler que Chypre profite de la légalité internationale et agit au niveau de l’illégalité. Imaginez ce qui arriverait si Chypre tombait dans le piège et envoyait là-bas les deux navires de patrouille dont elle dispose ? Les Européens feraient appel à la désescalade et diraient à tous de quitter la région. Et les mandats d’arrêt ?

JOURNALISTE : De toute façon, la situation sera un peu bizarre. Par exemple, TOTAL a annoncé qu’au début de l’année elle procéderait à des travaux de forage dans la parcelle 7. Il y aura donc dans un coin TOTAL qui mènera des travaux de forage et dans l’autre coin la perceuse turque…

N. DENDIAS : Permettez-moi de dire la chose suivante : TOTAL fait des recherches là où il y a des gisements de gaz.
Les Turcs se trouvent dans la partie du haut pour avoir une distance de sécurité et ils font des recherches là où il n’y a rien, tout le monde le sait. Les Turcs essayent de contester une réalité de la manière la plus naïve. Ils essayent de créer un précédent juridique. Ils se trompent, car ils violent le droit international et ils n’arrivent à rien. Ce sont des actions qui s’adressent à l’opinion publique de la Turquie et concernent leur vie politique intérieure. Mais franchement si la Turquie a un ami vraiment sincère, s’il y en a un, ce dernier doit les conseiller de quitter la région, de se calmer et d’amorcer une désescalade des tensions et de se réconcilier avec la Grèce et la République de Chypre.
JOURNALISTE : Voyons maintenant si cet accord de défense sur les infrastructures apporte des avantages substantiels pour les forces armées grecques.

N. DENDIAS : Bien évidemment.  Permettez-moi de vous expliquer la situation : Les forces armées grecques doivent être dotées des moyens du 21e siècle, elles doivent être modernisées. Telle est la vérité, la technologie contribue au développement rapide des forces armées de tous les pays. Même si les Américains nous donnaient certains systèmes d’armement gratuitement – soyons sincères à cet égard – nous ne disposons pas de l’argent nécessaire pour mettre en place les installations de soutien.  Donc, actuellement ce sont les Américains eux-mêmes qui construisent les installations de soutien des systèmes d’armement de pointe et notre personnel recevra une formation en matière de savoir-faire afin de pouvoir utiliser les armes de la prochaine génération.

JOURNALISTE : Pour les utiliser quand les Américains les utilisent n’est-ce pas ?

N. DENDIAS : Pour les utiliser dans le cadre de l’accord. Soyons honnêtes, il y a aussi des limites. Les Américains ne nous donneront pas accès aussi aux salles de codes, nous le savons bien mais, le fait que tout cela se passe en Grèce et pas ailleurs, revêt, franchement, une importance majeure.

JOURNALISTE : Est-ce que les bases ont été jetées pour la modernisation de l’industrie de défense grecque ?

N. DENDIAS : Nous avons tenu une discussion à cet égard et nous en tiendrons d’autres. Tout d’abord, pour nous il est très important qu’il y ait une industrie de défense et que celle-ci soit modernisée. Il ne faut pas toujours chercher à acquérir de l’étranger les armements les moins chers. On doit avoir notre propre industrie. L’expertise est un domaine délicat. L’Industrie de défense grecque est excellente, elle dispose des ressources humaines aussi excellentes, nous avons fait connaissance avec eux quand nous étions le parti de l’opposition…

JOURNALISTE : Oui, mais que pensez-vous du fait que l’industrie de défense grecque qui est le noyau de l’industrie de défense du pays, relève du ministère des Finances ? Ne devrait-elle pas relever du ministère de la Défense ou du Développement ?

N. DENDIAS : En réalité toutefois, elle a une relation étroite avec le ministère de la Défense. Elle participera à la modernisation des avions de chasse F-16 au standard « viper », si la Grèce procède à l’acquisition des F-35, l’industrie de défense grecque y sera présente. Je pense que l’industrie de défense grecque a un avenir brillant devant elle, tout comme l’avenir de notre pays. Notre pays se trouve dans une région stratégique et nous avons autour de nous un marché de 340 millions.  Nous pouvons facilement transférer le savoir-faire, prêter des services, si vous voulez, aux pays des Balkans, au Moyen-Orient et à la région du Golfe.
La Grèce a retrouvé d’ores et déjà son rôle en tant qu’acteur dans la région. Nous retrouverons notre rôle en tant qu’acteurs en Libye, mais nous le ferons pour aider à la stabilité. Nous retrouverons notre rôle en tant qu’acteurs en Syrie pour aider à la stabilité ainsi que dans la région du Golfe pour aider ces pays. Nous avons des relations étroites avec l’Egypte, les partenariats tripartites sont très efficaces. Nous sommes les alliés les plus étroits d’Israël, nous sommes des amis avec presque tous les pays de la région, à l’exception, semble-t-il, d’un pays qui ne prend pas la décision de revendiquer notre amitié. Nous avons donc mis en place un très large marché et l’industrie de défense grecque a accès à ce marché.

JOURNALISTE : Sur ce point, monsieur le ministre, il faut nous connecter à la salle de rédaction pour parler avec Lida Papadopoulou car il y a eu une incursion des forces terrestres turques.

[Connexion avec la salle de rédaction]

JOURNALISTE : Parmi les conséquences de cette invasion figure aussi la question migratoire. Il y a des indications que l’invasion en Syrie pourrait éventuellement mener à une hausse des flux migratoires.

N. DENDIAS : On le verra. La Turquie a l’obligation vis –à-vis de la communauté internationale de ne pas permettre à des migrants économiques de transiter par son territoire en direction de l’Europe. Est-ce qu’elle honore cette promesse ? Elle ne l’honore qu’en partie. Il y a aussi cette déclaration du Président Erdogan qui a affirmé « qu’il ouvrirait le robinet »! Tout d’abord la déclaration elle-même constitue un déni de l’homme, de la nature humaine, de ses droits. Qu’est-ce que c’est l’homme ? Un liquide que l’on jette quand on veut ? Quoi qu’il en soit, nous devons nous doter d’un système solide pour gérer les flux migratoires. Un système qui défendra à la fois les frontières de notre pays et les droits de l’homme. Je pense que le ministère de la Protection du citoyen, M. Chrisochoidis et M. Koumoutsakos effectuent un travail très rapide. Je pense que si nous profitons des mois de l’hiver que nous avons devant nous, les conditions météorologiques elles-mêmes atténueront ce phénomène et je pense qu’en printemps la Grèce sera tout à fait prête à gérer ce phénomène.

JOURNALISTE : Passons maintenant monsieur le ministre à la question de la Macédoine du Nord. Êtes-vous en retard pour ce qui est de votre implication tant dans le processus lié au respect de l’accord, que dans celui du développement de l’agenda y relatif dont faisait partie l’accord ?  J’ai lu un article de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Nikos Kotzias dans lequel ils vous accusent, pas vous personnellement, mais tout le ministère des Affaires étrangères, d’avoir permis à l’autre partie d’enfreindre l’accord.

N. DENDIAS : Tout d’abord nous avions des objections à l’égard de cet accord et nous l’avions affirmé. Kyriakos Mitsotakis l’a clairement affirmé. Il  avait aussi dit une autre chose, de manière honnête et claire : «  Si cet accord est adopté, je l’appliquerai ». Nous allons donc respecter cet accord. Et je l’ai expliqué à M. Dimitrov qui est le ministre des Affaires étrangères et M. Mitsotakis l’a dit à M. Zaev lors de leur rencontre à New York. Nous allons respecter cet accord. Il existe bien évidemment des questions portant sur les manuels scolaires, sur les dénominations, les marchandises. La question de cette ancienneté artificielle que promeut M. Gruesvki… Le ministère des Affaires étrangères de la Macédoine du Nord se trouve dans une rue appelée « Philippe II le Macédonien ». Et cela n’est pas en l’honneur de la partie grecque, sinon on l’aurait remercié, etc.
Bien évidemment, on suit de près la situation. Le ministère des Affaires étrangères a élaboré un plan d’action dont l’exécution sera confiée au chef de la Direction qui est compétente en la matière.  Notre représentation, notre ambassade en Macédoine du Nord suit de près la situation, de nombreuses démarches ont été faites. Toutefois je veux être sincère à l’égard de la Macédoine du Nord. Je ne dis pas qu’ils sont contents de faire cela, mais je constate, en vue aussi du Conseil sur l’élargissement, un effort de leur part, ils font tout ce qu’ils peuvent. Ils agissent bien évidemment – vous me permettrez d’utiliser ce mot – d’une manière sournoise. Ils cherchent à trouver un chemin plus court, des raccourcis pour y arriver. Mais ils n’y échapperont pas. Et il y a deux questions : l’application de l’accord et son interprétation. Tout texte juridique a une interprétation n’est-ce pas ? Soyons d’accord sur ce point aussi. Ils ne peuvent pas donner les interprétations qu’ils veulent, ils doivent faire l’interprétation appropriée. Nous éprouvons des sentiments amicaux envers la Macédoine du Nord et son peuple. C’est un petit pays et nous pouvons beaucoup les aider. Nous pouvons investir dans ce pays et les faire venir avec nous vers un avenir européen commun. Mais ils doivent eux-aussi respecter les sensibilités du peuple grec et de la société grecque.

JOURNALISTE : Avons-nous toutefois la possibilité – puisque toute notre attention est maintenant axée sur l’autre côté, sur la Méditerranée orientale, la Turquie – d’accorder l’attention nécessaire pour assurer le respect de l’accord ?

N. DENDIAS : Je veux être sincère à cet égard. Il vaudrait mieux que cette question n’existe pas. Cela serait préférable. Mais qu’est-ce que l’on peut faire ? Cette question existe et on doit y faire face car, comme vous le savez, c’est une question nationale. La question de l’appellation des produits par exemple, des produits macédoniens, est un problème. Ce sont des produits grecs, personne ne peut les usurper parce qu’il a conçu une appellation artificielle.

JOURNALISTE : Toutefois, l’accord lui-même pose des problèmes car l’article Premier et notamment l’article 7 permet l’utilisation du terme « macédonien » en tant qu’adjectif et nom pour ce qui est de toutes les autres questions, l’exception à cela étant les instances officielles.

N. DENDIAS : Vous avez raison…

JOURNALISTE : Je lis parfois des messages des téléspectateurs et des lecteurs qui disent : «  Mais ils ont dit Macédoine ». Mais l’accord autorise l’usage du terme « Macédoine », « Macédonien », dans certains cas.

N. DENDIAS : Tous ceux qui nous critiquent en disant que nous ne travaillons pas assez à son application doivent voir cela. Moi, franchement, je vous dis que nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir, tout en étant à la fois conscients de la conjoncture actuelle et de la nécessité d’associer ce petit pays au projet européen commun. Car cela aussi nous intéresse. Nous voulons à notre frontière au nord une Macédoine du Nord favorable à la Grèce. Il faut que nous soyons clairs à cet égard. Nous ne voulons pas encore un ennemi. Nous voulons un ami, un peuple qui nous soit reconnaissant. Mais, bien évidemment, nous devons défendre les droits grecs et macédoniens qui sont importants.
Il faut donc démêler cet écheveau à travers un accord qui est difficile à interpréter et on doit convaincre l’autre partie concernant son interprétation et ce, avec quelle arme ? Celle du processus d’adhésion, il ne faut pas se leurrer. C’est la carotte. Et je ne le dis pas sur un ton négatif. Tout cela donc est extrêmement complexe et difficile. Le ministère est en train de travailler là-dessus. Le ministre délégué aux Affaires étrangères, Miltiadis Varvitsiotis s’est chargé de ce dossier et il y travaille. Rien n’est simple.

JOURNALISTE : Est-ce qu’il y aura ce Comité qui sera chargé des manuels scolaires ? Car cette lacune a eu comme conséquence l’expiration du délai prévu pour apporter des changements aux manuels scolaires et des critiques sont exercées contre le gouvernement à savoir que ce dernier ne veut pas faire des changements dans les livres grecs, car l’accord prévoyait, bien évidemment, des changements mutuels.

N. DENDIAS : Pour vous dire la vérité, pensez-vous qu’il faille changer maintenant les manuels scolaires grecs ? Nous avons tous des enfants, nous savons quel est le programme d’études. Avez-vous jamais vu un livre contenant des éléments irrédentistes contre la Macédoine du Nord ? Ces gens, nos voisins des Balkans – je répète ce que je disais à propos des Turcs – vivent à l’époque de 1907, 1908… Il est vrai que nous étions nous aussi, en tant que société, passés par là. Bien évidemment, le livre de Penelope Delta « Les Secrets du Marais » a été écrit à une époque héroïque pour la Grèce, une époque marquée par des luttes héroïques. Cela appartient désormais au passé. Nous n’avons aucune rivalité quant aux frontières ni avec la Macédoine du Nord, ni avec l’Albanie, ni avec personne. Nous voulons le progrès des peuples et des pays, avec sérieux, dans l’esprit des valeurs du Siècle des Lumières, de l’acquis communautaire et des droits de l’homme. Tout cela doit être fait. Et cela doit être fait avec sérieux et décence.

JOURNALISTE : Compte tenu de l’état actuel des choses monsieur le ministre, est-ce qu’Athènes donnerait le feu vert à la Macédoine du Nord pour l’ouverture des chapitres relatifs aux négociations d’adhésion ?

N. DENDIAS : Il y a encore certaines choses à faire, nous l’avons clarifié. Nous les aiderons s’ils nous aident aussi.  C’est exactement ce que j’ai dit à Dimitrov, ils le savent très bien, ils doivent faire un peu plus d’efforts. Il reste encore quelques jours, telle est la chose la plus juste à faire.

JOURNALISTE : Puisqu’ils ont encore quelques jours à leur disposition, l’Albanie aussi aura un peu de temps encore, pour aborder aussi cette question…

N. DENDIAS : C’est plus difficile. Il faut être honnête à cet égard.

JOURNALISTE : Puisque nous avons encore quelques jours jusqu’à la prise de ces décisions, Kyriakos Mitsotakis a fixé des conditions bien précises. Il a affirmé qu’il fallait procéder à toutes les actions qui devraient être entreprises concernant la minorité ethnique grecque. Il s’agit des questions liées aux biens patrimoniaux, au droit d’auto-identification dans le recensement qui aura lieu, etc. Je ne pense pas que l’Albanie ait procédé à des actions de ce genre au niveau institutionnel.

N. DENDIAS : Vous avez raison.

JOURNALISTE : Cela signifie-t-il que nous nous dirigeons vers l’ouverture des négociations d’adhésion ?

N. DENDIAS : Je vous dirai. Nous voulons que les deux pays avancent dans le parcours vers l’adhésion. Telle est la réalité et cela est dans leur intérêt, dans l’intérêt de la Grèce et de l’Europe. Mais ils doivent remplir les critères et les modalités. Nous avons parlé de la Macédoine du Nord, allons maintenant parler de l’Albanie. M. Mitsotakis s’est entretenu avec M. Rama à New York. Moi aussi j’étais là. Il lui a dit de manière claire : auto-identification de la minorité grecque. Et excusez-moi, cela n’est pas une demande de la Grèce envers l’Albanie mais elle fait partie des droits de l’homme fondamentaux. Est-il possible qu’on nie à une personne qui se considère membre de la minorité ethnique grecque son appartenance à cette dernière ? M. Mitsotakis a expliqué à M. Rama l’évidence. Biens patrimoniaux : est-il possible que quelqu’un essaye d’usurper les biens de ses propres citoyens, si vous voulez, dans la région côtière de Himara ?
Cela ne concerne pas les différends entre la Grèce et l’Albanie mais des droits de l’homme fondamentaux et l’acquis communautaire. Et nous essayons de conduire les Albanais aussi dans cette direction.

JOURNALISTE : Qu’est-ce qu’a exactement affirmé la partie albanaise concernant Himara ?

N. DENDIAS : Ecoutez, les Albanais essayent tout le temps de poser d’énormes difficultés. S’ils ont des difficultés, la partie grecque est prête à leur prêter de l’assistance et à mettre à leur disposition le savoir-faire nécessaire, tout comme l’Union européenne est prête à en faire de même. Par conséquent, tous ces prétextes, permettez-moi de le dire, tout étant très favorablement disposé à cet égard, ne sont que de mauvais prétextes.

JOURNALISTE : Toutefois, sans la suppression des lois adoptées au cours de la dernière année et demi, au cours des deux dernières années, lesquelles portent sur les biens patrimoniaux dans la région côtière, il sera difficile pour l’Albanie d’avancer dans son parcours vers l’adhésion avec le consentement de la Grèce.

N. DENDIAS : Pour nous, il s’agit clairement du « conditionnality » (conditionnalité). La partie albanaise nous a fait une proposition de compromis. Cette proposition n’était pas suffisante. Elle doit faire plus. Et je répète, ce n’est pas nous qui nous imposons cela. Je le dis pour ne pas donner l’impression aux Albanais que la Grèce dresse des obstacles, mais parce que cela est dans l’intérêt de la société albanaise. La minorité grecque participe aux affaires albanaises et peut servir de lien entre la Grèce et l’Albanie. Mais l’Albanie, son gouvernement, doit veiller aux besoins de la minorité car ses membres sont en fin de compte des citoyens albanais.

JOURNALISTE : Et puisque vous évoquez cette question, je vois des messages qui parviennent… dans quelques jours, un an se sera écoulé depuis cet incident tragique, qui s’est produit à Vouliarates, la mort d’un Grec, membre de la minorité, de Konstantinos Katsifas. A l’époque, je me souviens bien, lors de la couverture médiatique de l’incident, on attendait d’un jour à l’autre, d’une semaine à l’autre, les conclusions du rapport concernant les circonstances de sa mort.

N. DENDIAS : D’un mois à l’autre, et maintenant d’une année à l’autre…

JOURNALISTE : Est-ce que les autorités albanaises ont soumis ce rapport ?

N. DENDIAS : Nous, de toute façon, nous ne l’avons pas. Ils ont aussi émis un communiqué, si je ne me trompe pas, allant dans ce sens. En fait, ils tournent autour du pot.

JOURNALISTE : Je pense que nos voisins albanais ont du mal  à respecter la légalité. Est-ce que M. Rama a un rapport quel qu’il soit avec Corfou ?

N. DENDIAS : Je ne voudrais pas entrer davantage dans le détail, je connais parfaitement la situation, car je suis originaire de Corfou, M. Rama ne veut pas s’en rappeler. Ok, moi je respecterai son propre droit d’autodétermination, même si cela n’est pas tout à fait exact, comme on me dit.

JOURNALISTE : Pour ce qui est de l’Albanie, l’accord sur les zones maritimes a été en effet gelé, comme on le sait tous, à cause du recours introduit à l’époque par M. Rama devant la Cour constitutionnelle. Depuis, des pourparlers ont été menés. De plus, M. Kotzias a eu des consultations avec Bushati lesquelles ont par la suite été gelées.  Est-ce qu’il y a des évolutions à cet égard ?

N. DENDIAS : Non. Regardez nous pouvons commencer par les questions de base, créer un bon climat, ce qui va permettre aux Albanais d’entamer un parcours d’adhésion avec sérieux. Et par la suite, on règlera les différentes questions.  Cet accord date de 2009 et il a été conclu sous le gouvernement de Karamanlis et Mme Bakoyannis y avait consenti. Les Albanais ont fait éclater l’accord.  Ils n’ont pas fait preuve d’un comportement correct.
On peut commencer pas à pas.  Parlons des Egyptiens – pour citer un autre exemple positif – nos consultations commencent de nouveau, nous avons mis en place des comités techniques en vue d’aborder de nouveau la discussion, évolution qui s’inscrit dans la suite de la visite de M. Mitsotakis.  Avec M. Shoukry, le ministre égyptien des Affaires étrangères, nous avons développé une très bonne relation. Nous nous sommes rencontrés quatre fois, nous commençons un parcours puisqu’il y a des paramètres. Avec l’Albanie ces paramètres n’ont pas été encore créés, mais l’espoir est encore permis.

JOURNALISTE : Pour ce qui est de la Libye ?

N. DENDIAS : Ecoutez, la Libye ne constitue actuellement pas un Etat. Elle a deux gouvernements, les Turcs ont de nouveau essayé, à travers des manigances, de conclure, un accord sur la ZEE, en négligeant l’existence de la Crète. Ce qui était intéressant est que lorsque j’expliquais cela à M. Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, il m’a dit que cela était « exotique », incroyable.
Quoi qu’il en soit, je me suis entretenu avec le ministre libyen des Affaires étrangères du gouvernement de Tripoli, et ce dernier a compris que cela n’était pas possible. Nous avons aussi parlé avec les Egyptiens, avec les Italiens, avec les Français, et je pense que tous se raisonneront et qu’il n’y aura aucune tentative de procéder à des acrobaties juridiques. Cela, bien évidemment n’aura pas d’impact grave mais nous serons simplement obligés de prendre certaines mesures juridiques. Mais je pense qu’il n’existe aucune raison pour faire quelque chose d’aussi ridicule.

JOURNALISTE : Puisque vous parlez de la ZEE et des zones maritimes, je reviendrai sur les propos de l’ancien ministre des Affaires étrangères, M. Kotzias, qui, le jour de son départ, avait annoncé un plan visant à l’extension des eaux territoriales grecques en Mer ionienne. Bien évidemment, le gouvernement après son départ et sa démission, a gelé ce plan. Est-ce que ce plan fait partie de la planification du ministère des Affaires étrangères ?

N. DENDIAS : Vous me demandez si ce plan fait partie de la planification ou s’il existe en tant que plan ? Car il y a une différence.

JOURNALISTE: S’il fait partie de la planification.

N. DENDIAS : Permettez-moi de ne pas entrer dans le détail. Il existe en tant que plan. Mais en tant que partie de la planification, cela est tout à fait différent.
Je pense que nous avons abordé toutes les questions de manière exhaustive. C’est la première fois que je fais une apparition depuis la prise de mes fonctions à une émission télévisée. Je vous remercie de m’avoir invité, c’est un honneur pour moi.  A mon avis, certaines choses devraient être dites, vu la conjoncture actuelle, l’accord avec les Etats-Unis et les succès majeurs de celui-ci. Toutefois, je pense que vous m’avez fait dire beaucoup de choses.

JOURNALISTE : Nous vous remercions beaucoup, bonne continuation et bon courage.

N. DENDIAS : Je vous remercie.

October 10, 2019