Les services du ministère des Affaires étrangères à Athènes sont répartis dans sept bâtiments situés dans un périmètre inscrit entre les rues Akadimias-Vassilιssis Sofias-Panepistimiou-Kriezotou et Zalokosta.
Le bâtiment central du ministère qui abrite le bureau du ministre, est situé à l’angle de l’avenue Vassilissis Sofias 5 (ancienne avenue Kifissias) et de la rue Zalokosta.
Le bâtiment qui porte également le nom de Résidence Andréas Syngros, dont il fut la demeure, est situé face au côté nord du Parlement hellénique, qui s’est installé dans le Palais d’Othon à partir de 1935.1
L’architecte Nicolia Ioannidou, Docteur en Histoire de l’architecture, a rédigé en 1996 une brève documentation à caractère historique conservée dans les archives de la Direction technique du ministère des Affaires étrangères et qui offre les informations suivantes:
Description du Bâtiment
Le bâtiment central du ministère, comme mentionné ci-dessus, est situé à l’angle de l’avenue Vassilissis Sofias 5 (ancienne avenue Kifissias) et de la rue Zalokosta1.
Le bâtiment classé ouvrage d’art bénéficie de la protection de l’Etat par le truchement du ministère de la Culture en vertu de l’arrêté ministériel 13179/971/19-04-1976 (JO 612/30-04-1976).
La Résidence a été offerte en donation au ministère des Affaires étrangères par Iphigenia Mavrokordatou, épouse d’Andréas Syngros et légataire universelle du patrimoine immobilier de celui-ci, par testament mystique en date du 31/05/192 publié par le Tribunal d’Instance d’Athènes, le 21/06/1921. L’extrait sous-mentionné de l’acte testamentaire stipule : « Je, soussignée, Iphigenia A. Syngrou, lègue la demeure sise à Athènes, à l’angle des avenues Kifissias et Vassileos Konstantinou où je réside, les espaces environnants et les bâtiments y édifiés, à l’Etat hellénique aux fins d’y installer le siège permanent du ministère des Affaires étrangères ». La Fondation d’Etudes Agronomiques «Andréas Syngros» a eu l’amabilité de nous céder une copie du testament d’Iphigénia Syngrou.
La copie manuscrite du testament d’Iphigenia Syngrou, rédigée sur son ordre par les soins de son avocat, Me. Th. Angelopoulos, a été publiée par le Tribunal d’Instance d’Athènes, le 21/06/1921. Après le décès d’Andréas Syngros, son épouse, étant donné que celui-ci n’avait pas eu d’enfant (elle-même avait un fils né d’un précédent mariage), mentionne dans son testament : « A Athènes, en ce lundi 31 mai de l’an 1921, en la demeure, sise avenue Kifissias et Vassileos Konstantinou, où je réside à ce jour, je, soussignée, Iphigenia A. Syngrou, déclare disposer, après mon décès, de mon patrimoine, comme suit : « Je désigne en qualité d’héritier mon fils bien-aimé, Alexandre Antoniadis, auquel je lègue l’ensemble du patrimoine acquis jusqu’au moment de mon décès, à l’exception des biens légués à d’autres héritiers, par le présent testament, à savoir la demeure sise avenue Kifissias et Vassileos Konstantinou, où je réside et dont je fais donation avec les espaces environnants, ainsi que les bâtiments y édifiés à l’Etat hellénique aux fins d’y installer le siège permanent du ministère des Affaires étrangères. Je lègue ma Villa « Anavrita », sise entre Kifissia et Amouroussiou, avec tous les bâtiments y édifiés, et tous les communs et dépendances à la ville d’Athènes et place ladite Villa sous la protection de la Fondation des Etudes agronomiques de Sa Majesté le Roi». Aux termes de son testament olographe en date du 9 juin 18972, jugé «principal» en vertu de l’arrêt 360 du 13/02/1899 du Tribunal d’Instance d’Athènes, Andréas Syngros a transmis sa résidence en héritage à son épouse Iphigenia, sa légataire universelle.
La Résidence couvre aujourd’hui 724 m2 et récemment (1985), elle a été rattachée au bâtiment ultérieurement construit du ministère des Affaires étrangères situé 2, rue Zalokosta. La superficie du terrain où s’élève le bâtiment du 5, avenue Vassilissis Sofias et qui s’étend sur plan jusqu’à la rue Akadimias, est de 2.262 m2 alors que l’ensemble du terrain qui inclut les 3 bâtiments (5, avenue, Vas. Sofias, 2, rue Zalokostas et Akadimias) couvre 4316 m2 dimensions extérieures de l’édifice qui se compose d’un rez-de-chaussée, d’un sous-sol, de deux étages et d’un toit en terrasse (Vas.Sofias et rue Zalokosta respectivement) sont de 33,5 m X 21,6 m. au niveau du rez-de-chaussée.
Comme en témoignent les Mémoires du défunt propriétaire et maître d’ouvrage Andréas Syngros (1899), l’édifice a été construit entre 1872 et 1873 selon les plans élaborés par l’architecte allemand Ernst Ziller. Ces plans ont été modifiés au cours de la construction par le propriétaire lui-même et les travaux, supervisés par l’ingénieur du Génie militaire, Nicolaos Soutsos, ont été achevés en deux ans, dans des délais très courts pour l’époque.
Référence sera faite ci-dessous au plan d’urbanisme concernant cette parcelle. Mentionnons ici que le Palais d’Othon, édifié sur les plans de l’architecte Friedrich Gaertner avait d’ores et déjà été construit entre 1836 et 1842. Selon les photographies de l’époque et plus précisément celles de 1868, publiées par Constantinos Biris3, à la place de la résidence d’Andréas Syngros, se trouvait une petite ferme. Sur le terrain d’une superficie de 5.000 aunes que Syngros avait acheté à la Veuve Ralli pour la somme de 65.000 drachmes anciennes, on distingue, au milieu de la végétation qui recouvre le terrain, une fermette de deux étages couverte d’un toit en pente.
Andréas Syngros4, qui avait déjà loué la maison de Dimitris Soutsos, à Athènes, est arrivé au Pirée le 31/12/1871,
« ..La famille de Dimitris Soutsos à qui appartenait la demeure où elle résidait, m’a indirectement fait savoir qu’elle était disposée à me vendre sa propriété qui, toutefois, ne me convenait pas en tant que résidence principale. Je souhaitais faire construire une maison qui satisferait à la fois mes goûts et mes exigences. J’ai donc chargé un ami de me trouver un terrain qui puisse répondre à ce projet…»
« Sans exagérer, les 2/3 de la ville d’Athènes étaient composés de terrains que l’on pouvait acquérir à des prix qui paraissent aujourd’hui dérisoires»
« ....J’ai choisi et acheté le terrain où se trouve la résidence que j’occupe aujourd’hui à la Veuve Th. Ralli au prix d’environ 13 drachmes anciennes l’aune.5
« Pour ne pas le regretter, j’ai écrit à un ami de louer pour mon compte, à Athènes, une maison meublée. Une fois louée la demeure de Soutsos – aujourd’hui propriété du politicien Dimitrios Rallis – située sur la Place de l’Université, il m’a envoyé la liste des meubles et des ustensiles qui s’y trouvaient afin que je puisse me procurer à Londres ce dont je pourrais avoir besoin. Pour ma part, je pensais que tout me ferait défaut et avec l’aide d’Alekos Ionidos, je me suis rendu dans un de ces immenses magasins de meubles unique en son genre qui proposait toutes sortes d’articles ménagers et même des voitures. Sans la moindre exagération, j’ai acheté en une heure tout ce dont peut avoir besoin un ménage bien tenu et j’ai demandé que le tout soit expédié à Athènes ».6
« ... J’attendais avec la plus grande impatience mon départ pour Athènes que j’ai dû toutefois remettre à plus tard en raison d’une épidémie de choléra qui s’était déclarée à Constantinople et avait contraint le gouvernement hellénique à soumettre à la quarantaine toutes les personnes en provenance de Constantinople… ».7
« ... J’ai écrit à un ami à Athènes pour lui communiquer ma décision et je l’ai prié de veiller à prendre les mesures qui pourraient m’éviter les épreuves de la quarantaine. Ainsi fit-il et on lui attribua sur l’île déserte de « Saint-Georges » près de Salamine, désigné comme lieu de quarantaine, deux chambres que j’ai louées, dans un rez-de-chaussée. Je suis aussitôt parti pour le Pirée en emmenant avec moi mon cuisinier, mon valet de chambre et mon cocher, quatre chevaux et trois voitures. Tant les hommes que les animaux étaient soumis à la mise en quarantaine. » (Il est arrivé le 31 décembre 1871).
« ...Avant de partir pour Athènes, j’avais convenu avec Nicolaos Soutsos, ingénieur du Génie militaire et architecte, qu’il se chargerait de construire une résidence sur le terrain (d’environ 5000 aunes) situé sur la rue Kifissias face au côté nord du Palais, que j’avais acheté à la Veuve Ralli (pour 65.000 drachmes anciennes)… ».
«... Sur les plans dressés par l’architecte Ziller et modifiés par mes soins (ce qui fut la cause de nombreuses maladresses), Soutsos a estimé que le budget nécessaire à l’ensemble de la construction avec les écuries et autres dépendances s’élèverait à 125.000 drachmes. ».8
En 1873, une fois la construction achevée, Andréas Syngros écrit :
«.. Après de multiples péripéties et deux années d’épreuves, la résidence était achevée et les dépenses s’élevaient à environ 320.000 drachmes. Soutsos avait reçu de ma part 200.000 drachmes mais la demeure présentait de nombreuses imperfections, si bien que Piat s’est chargé des finitions et de la décoration intérieure et a perçu le reste de la somme. Certes, 1/3 des dépenses était superflu. Toutefois, je ne me souciai guère des incidents survenus au cours de la construction, et j’ose dire qu’ils m’amusèrent car il est évident que si l’on décide de construire sa maison sans être sur place, les dépassements de budget sont inéluctables… ».9
« ..J’avais constaté que les amis qui avaient fait construire leur maison, avaient, par négligence ou ignorance, gaspillé sans raison des sommes considérables, alors que ceux qui étaient présents et supervisaient les travaux avaient dépensé beaucoup moins… »
« ...Et le travail personnel ne compte-t-il pas ? Admettons que j’aie dépensé 100.000 drachmes de plus pour la construction de ma résidence ; si j’avais été présent pour surveiller le cours des travaux, cela m’aurait coûté beaucoup plus, car les revenus de mon travail personnel, que j’aurais perdus, sont bien supérieurs à 100.000 drachmes. »
« ...C’est toujours ainsi que j’ai envisagé les choses au cours de ma vie active et de ce fait, je n’ai jamais déploré que d’autres s’enrichissent même à mes dépens, car dans mon domaine de spécialité, je peux gagner le centuple… »10
Des recherches ont révélé l’existence de photographies de cette partie de la ville que nous joignons à ce document. Il ressort, en outre, qu’une grande partie de cette région d’Athènes appartenait depuis 1929 au Fonds de la Défense nationale11 du ministère des Affaires militaires. Le Fonds de la Défense nationale a vendu par adjudication en 1940 cette partie qui a été acquise par la Mutuelle de l’Armée.
A titre indicatif, il convient de mentionner qu’à l’angle des avenues Vassilissis Sofias et Akadimias, où se dresse aujourd’hui l’immeuble appartenant également au ministère des Affaires étrangères, se trouvait l’Entrepôt pharmaceutique de l’Armée (ouvrage datant de 1860) qui plus tard est devenu le siège du ministère des Affaires militaires. Le nouvel immeuble du ministère des Affaires étrangères est l’œuvre de l’architecte Ioannis Vikelas et a été construit entre 1973 et 197712. Le palais abritant le siège de la Cour martiale – œuvre de Eugène Troumpe – érigé à l’angle de l’avenue Akadimias et de la rue Kriesotou a été démoli en 1969.
Côté est, à l’angle des avenues Vas. Sofias et Akadimias, l’hôtel particulier Donai – œuvre de l’architecte Anast. Metaxas – propriété de Carolos Merlin, abrite aujourd’hui l’ambassade de France. Le palais Harokopou, (aujourd’hui Musée Benaki), situé à l’angle de l’avenue Vas. Sofias et de la rue Koubari est l’œuvre du même architecte.
Un peu plus haut sur l’avenue Vas.Sofias, entre les rues Sekeri et Merlin, s’élevait l’hôtel particulier d’Irène Stournari-Merlin, ouvrage de Dimitris Zezos, datant vraisemblablement de 1861. La résidence Psycha, à l’angle de l’avenue Vas. Sofias et de la rue Zalokosta, accueille aujourd’hui l’ambassade d’Egypte. La résidence d’Othon Stathatos, à l’angle de l’avenue Vas.Sofias et de la rue Hérodotos, a été édifiée plus tard (1895) par l’architecte Ziller.
Au cours de la deuxième moitié du XIXème siècle, la libération de la Grèce a non seulement marqué un tournant décisif de l’histoire du pays, mais l’a définitivement engagé, du point de vue social et politique, sur la voie du du progressisme urbain. Après la libération, la Grèce n’a pas connu le classicisme révolutionnaire et n’a pas participé à l’effervescence idéologique du Siècle des Lumières.
Le style architectural des édifices urbains du XIXème siècle s’est inspiré du classicisme européen sans toutefois s’écarter, au cours de son évolution, des monuments classiques qui en furent les incomparables modèles.
Le néoclassicisme, vecteur de l’expression artistique de la fin du XVIIIème au début du XIXème siècle, est fortement influencé par la philosophie de l’Idéalisme, l’impétuosité révolutionnaire et les nobles aspirations de la société.
Les chercheurs distinguent deux courants dans le néoclassicisme grec du XIXème siècle : le « classicisme » et le « romantisme ».
L’architecture grecque moderne a fait ses premiers pas au moment de l’instauration du règne d’Othon et plus précisément, jusqu’en 1843, grâce à la présence constante de nombreux ingénieurs et artisans bavarois et aux fréquentes visites d’architectes européens, notamment allemands.13
I. Travlos soulignait que ces architectes participaient aux recherches archéologiques menées par les Ecoles archéologiques étrangères installées en Grèce, ce qui explique que leur travail ait été de toute évidence influencé par le style des monuments classiques.14
L’architecture de Ernst Ziller (1837-1923) est un exemple intéressant de fusion entre le classicisme athénien et le romantisme européen. Le mariage de ces deux courants a donné naissance à des édifices d’une grande beauté qui mêlent le classicisme grec et des éléments de la Renaissance.
Ernst Ziller (1837-1923) a officialisé le lien entre la Renaissance et l’Antiquité, avec de nettes tendances à l’éclectisme, tel que l’avait établi en premier son maître Theophil Hansen. Ziller représente un cas particulier. D’origine allemande, il s’installe définitivement en Grèce en 1861 et collabore avec Th. Hansen pour la construction de l’Académie d’Athènes. Cet architecte étranger, naturalisé grec, qui a mené de multiples activités (fouilles archéologiques, cours à l’Ecole des Arts, Direction des Travaux publics) a profondément marqué de son empreinte l’architecture de son époque (1863-1897).
Ernst Ziller a personnellement contribué à marier des éléments structurels et décoratifs de l’architecture grecque à l’architecture de la Renaissance, afin de répondre aux aspirations idéologiques de la société grecque de l’époque. Ziller est ainsi parvenu à créer des ouvrages d’une qualité comparable à celle des édifices de Vienne ou d’autres villes européennes.
En matière de conception architecturale, l’écart considérable qui sépare la proposition de Schinkel (1834) relative à la construction du Palais d’Othon sur l’Acropole, et celle de Theophil Hansen pour l’édification du Palais Dimitrios, (1842, qui, entièrement reconstruit en 1956, est devenu l’hôtel Grande-Bretagne) n’a pas été perçue par la pensée hellénique. Th. Hansen suscite d’autant plus notre intérêt dans le cas du Palais Dimitrios qu’il y a introduit, manifestement influencé par Schinkel, un élément décoratif insolite pour l’époque et il s’agit peut-être du premier édifice érigé à Athènes qui comportait des éléments manifestes inspirés de la Renaissance. Les porches cintrés, donnant sur la place, le toit bordé de céramiques ornementales, la décoration intérieure, laissaient présager de l’influence déterminante que son élève, Ernst Ziller15 allait exercer durant plusieurs décennies, sur l’architecture. Othon, qui, conformément à la législation de l’époque, supervisait les édifices érigés autour de la place, fut enchanté des plans proposés et ordonna que tous les bâtiments construits dans ce périmètre respectent le même style architectural.16
Faute de pouvoir connaître avec précision le part assumée par chacun des architectes à l’élaboration du projet, l’étude typologique examinera tant l’œuvre de Ernst Ziller que celle des architectes qui supervisèrent les travaux et apportèrent les modifications souhaitées par le propriétaire, A. Syngros, à l’étude initiale, comme ceci a été mentionné ci-dessus.
1. L’étude initiale de l’architecte Ernst Ziller
Sur la base de ce qu’Andréas Syngros écrit lui-même dans ses Mémoires, nous avons examiné le projet initial relatif à cet édifice qui se trouvait sur ce qui s’appelait encore l’avenue Kifissias et, plus précisément, comme le souligne l’auteur, face au côté nord du Palais d’Othon, aujourd’hui Parlement hellénique.
Les photographies publiées à ce jour nous permettent d’imaginer la configuration du bâtiment. La photographie la plus ancienne dont nous disposons – datant malheureusement de 1900 – et d’autres plus récentes, nous montrent un bâtiment de deux étages surmontés d’un toit en terrasse sur lequel se dresse une stucture de faibles dimensions. La façade donnant sur l’avenue Vassilissis Sofias est parcourue d’une arcade en saillie incurvée au niveau de l’entrée. L’arcade s’appuie sur des colonnes ioniques et forme un balcon à l’étage. La façade se distingue par sa sobriété et est ponctuée de pilastres légèrement proéminents aux impostes ioniques.
Une étude topographique du site, datant de 1938 et effectuée par le Fonds de la Défense nationale, permet de distinguer le plan du bâtiment. Le décret-loi 603, publié au JO 366 /29 octobre 1940, stipule : « De la vente du terrain propriété de l’ex-ministère des Affaires militaires, avec tous les bâtiments y édifiés à la Mutuelle de l’Armée ». Ce décret autorise le ministre des Affaires militaires à vendre à la Mutuelle de l’Armée, un terrain de 7.000m2 situé entre les rues Vas.Sofias-Akadimias-Kriezotou et la rue Zalokosta (en ligne brisée). Le ministère des Affaires militaires, la Cour martiale et d’autres services ministériels se trouvaient sur ce terrain.
Le terrain mis en vente, la Résidence A.Syngros située à l’angle des rues Vas. Sofias et Zalokosta, ainsi qu’un autre bâtiment, situé au 3 rue Zalokosta, figurent nettement sur l’étude topographique annexée au Décret.
Selon A. Syngros, le terrain acheté à la Veuve Ralli avait une superficie d’environ 5.000 aunes. Etant donné que le carré de l’aune équivaut à 0,64 X 0,64 = 0,4096 m2 X 5.000 = 2048 m2, il est permis de conclure que A.Syngros a acheté un terrain de 2048m2.
Il est par conséquent évident que deux bâtiments principaux s’élevaient sur le terrain A.Syngros. C’est d’ailleurs ce qu’il ressort tant de son propre testament que de celui de son épouse, Iphigenia qui précise : « ..je lègue la demeure sise à Athènes à l’angle des avenues Kifissias et Vas. Konstantinou, où je réside, avec les espaces environnants et les bâtiments y édifiés à l’Etat hellénique aux fins d’y installer le siège du ministère des Affaires étrangères. »
2. Les modifications apportées par Andréas Syngros au bâtiment initial (1872-1873)17
L’étude initiale de Ernst Ziller a été remaniée à plusieurs reprises, tant par Andréas Syngros que par le ministère des Affaires étrangères, dès que celui-ci est devenu propriétaire de l’édifice. La résidence initiale demeure le noyau du bâtiment actuel.
Des bâtiments ont été ajoutés à la structure centrale de l’étude initiale de Ziller, 10c, si bien que la façade présente une articulation en cinq parties. Un second étage a été érigé, avec une large structure en saillie dont la construction date toutefois d’une époque ultérieure.
Les ouvertures centrales de la façade donnant sur l’avenue Vassilissis Sofias présentent la même configuration. La façade principale donnant sur l’avenue Vassilissis Sofias, initialement articulée en trois parties est aujourd’hui, comme le plan, composée de cinq parties. Cette intervention structurelle différencie le bâtiment actuel de l’ancien édifice.
Les corps de bâtiments latéraux qui ont été rajoutés ont considérablement altéré les volumes de la façade aux dépens de l’élégance du bâtiment. C’est ce même manque d’élégance qu’Andréas Syngros constate au sujet de sa propre demeure, suite aux remaniements que lui-même a imposés au cours de la construction, en supervisant Nicolaos Soutsos, ingénieur militaire, « faisant œuvre d’architecte »..
3. La contribution de l’architecte Piat
Il a déjà été mentionné que c’est l’ingénieur Piat qui était chargé de la décoration intérieure et des finitions de la demeure d’Andréas Syngros. Il ressort de la bibliographie consultée dont nous citons, ci-dessous, certains extraits que Piat18 a exercé à Athènes au cours du dernier quart du XIXème et que ses activités professionnelles ont été maintes fois confondues avec celles de l’ingénieur Eugène Troumpe.19
L’ingénieur Piat a été présenté à Andréas Syngros par des amis français haut-placés comme un ingénieur hautement qualifié, constructeur de chemins de fer, disposant des moyens matériels et de connaissances dans les milieux d’affaires belges. Il était, en outre, recommandé par l’ambassade de France à Athènes qui lui avait confié la construction du bâtiment de l’Ecole française d’Athènes, située à l’angle de la rue Sina et de la rue Didotou, sur étude de l’ingénieur Eugène Troumpe. Ces éléments sont mentionnés par Martin Schmidt dans un article figurant dans le numéro commémoratif du Bulletin de Correspondance Hellénique publié par l’Ecole Française d’Athènes en 1996 à l’occasion des 150 ans de présence en Grèce.20 Les travaux de construction avaient commencé en été 1872 pour s’achever en 1873, quasiment en même temps que la résidence d’Andréas Syngros.
A. Syngros mentionne dans ses mémoires21 « .. Piat allait être chargé de la construction du chemin de fer contre rémunération…Piat m’a dit qu’il n’aurait pas besoin de mon soutien auprès du gouvernement car il était vivement recommandé par l’ambassade de France… »
En outre, il semblerait que Piat ait construit le Palais Skouloudis (là où est situé l’actuel hôtel King George) sur la place Syntagma et le Palais Vouros (là où est situé l’actuel hôtel Athens Plaza) dont les travaux de construction ont commencé en même temps, en août 1873.
4. Les interventions après livraison au ministère des Affaires étrangères
Les documents photographiques témoignent de modifications radicales intervenues après réception du bâtiment par le ministère des Affaires étrangères apparemment entre les années 30 et 40. Malheureusement, en dépit des investigations menées dans les Archives présentées dans les sources de cette étude, il n’a pas été possible de découvrir le nom des architectes et l’étude à l’origine de ces interventions.
La tentative visant à conférer au bâtiment une apparence de classicisme semble être l’intervention majeure qui a modifié toute l’atmosphère de cette résidence aux balcons en arcade. La sobriété de sa configuration a été bouleversée par l’adjonction d’un porche alourdi d’un fronton à la hauteur de l’étage.
Le porche de l’entrée principale élevé au point d’occuper quasiment toute la hauteur du bâtiment, est couronné d’un fronton triangulaire et la décoration a revêtu un semblant austère de classicisme. Les colonnes du porche du rez-de-chaussée servent d’appui à des chapiteaux de style dorique simplifié. Seul le parapet du toit a été conservé tel qu’il était, comme en témoignent les photographies de l’époque.
Le plan de la résidence illustré par Ernst Ziller présente de nombreuses similitudes avec le plan du bâtiment actuel, si l’on fait abstraction des deux parties latérales mentionnées ci-dessus, dans la description de la façade. Le plan de Ziller adopte la forme d’une croix grecque circonscrite dans un cercle que l’on retrouve dans l’articulation en trois parties de la façade. Aujourd’hui le plan conserve la configuration circulaire – entourant un espace central – en forme de croix circonscrite La cage d’escalier centrale qui assure la communication entre les étages occupe aujourd’hui, comme sur le plan de Ziller, la branche postérieure de la croix.
La Pinacothèque nationale d’Athènes conserve dans ses archives les plans conçus par Ziller et plus particulièrement l’aquarelle numéro 131, intitulée «Résidence Andréas Syngros ». Il s’agit tout simplement du plan et de la façade de la villa « Anavrita » située dans le domaine Andréas Syngros. Il suffit de comparer les plans et la façade de la résidence principale d’Andréas Syngros avec les aquarelles de Ziller représentant la Villa « Anavrita » du domaine, pour en déduire qu’il existe des ressemblances évidentes.
Nous pouvons conclure sans peine que le plan de la Villa conçu par Ziller pour Andréas Syngros, a servi de modèle tant pour la résidence principale que pour la résidence secondaire.
- Nicolia Ioannidou, « La Résidence Andréas Syngros, siège actuel du ministère des Affaires étrangères située 5, avenue Vassilissis Sofias », 1997 VI 3 Direction Technique du ministère des Affaires étrangères (en cours de publication).
- Tribunal d’Instance d’Athènes : Le testament d’Andréas Syngros, en date du 9 juin 1897, modifiant son testament du 23 février 1896, et jugée « principal » par le Tribunal d’Instance d’Athènes en vertu de l’arrêt 360 du 13/2 /1899. «Aux termes du testament d’Andréas Syngros en date du 9/6/1897 : " A Athènes, en ce vendredi 9 mai de l’an 1897, en ma demeure située avenue Kifissias, sain de corps et d’esprit, souhaitant apporter à mon testament en date du 12 février 1896, certaines modifications qui me paraissent indispensables, j’ai rédigé le présent codicille ci-inclus et ci-joint sous ce pli au testament susnommé dont il fera désormais partie intégrante » Il révoque le legs de différentes sommes mais non de son patrimoine foncier et il désigne son épouse en qualité de légataire universelle. « Je, soussigné, A.Syngros, citoyen hellène, résident de la commune d’Ermoupolis, né à Istanbul, fils de Domenicos (Kyriakos) Syngros et de Mondini Nicoletta, née Nomikou, en ma demeure sise rue Kifissias, sain de corps et d’esprit, ai décidé de rédiger le présent testament énonçant mes dernières volontés et j’entends disposer de ma fortune après ma mort, comme suit : je désigne et je nomme en qualité de légataire légitime et universelle, mon épouse Iphigenia, née Mavrokordatou, à laquelle je suis lié par les liens du mariage. Je lui lègue, de mon propre gré et sans contrainte, la somme de soixante mille livres sterling (60 000) prélevée sur ma fortune personnelle, ainsi que ma demeure susmentionnée, sise à Athènes, avenue Kifissias, avec les espaces environnants et les dépendances et en sus les meubles, les objets et ustensiles en argent et autre, et d’une façon générale tout ce que contiendra ladite demeure au jour et à l’heure de mon décès.. »
- Biris Kostas, à Athènes (1830-1900) du XIXème au XXème siècle, t.7-2 Athènes 1966
- Syngros Andréas (1830-1899), Mémoires, t.1-3, Librairie « Estia », Athènes 1908, t.1 p.27. « …Mon frère aîné Giorgos est né en 1828…Je suis né le 12 octobre 1830. Ma mère n’a donné naissance à aucun autre enfant après moi. Je suis né à Stavrodromio, dans le quartier Menmatakia (Contantinople), dans la demeure qui appartient aujourd’hui à mon ami Evstasios Evgenidis… »
- idem. Syngros Andréas, Mémoires, t.3, p. 18
- Syngros Andréas (1830-1899), Mémoires, t.1-3, Librairie « Estia », Athènes 1908, p. 136
- Syngros Andréas (1830-1899), Mémoires, t.1-3, Librairie « Estia », Athènes 1908, p. 17
- idem Syngros Andréas (1830-1899), Mémoires, t.3, p. 97-98
- idem Syngros Andréas (1830-1899), Mémoires, t.3, p. 98-99
- idem Syngros Andréas (1830-1899), Mémoires, t.3, p. 98-99
- Le Fonds de la Défense nationale a été créé en 1929 par la loi 4407. Le patrimoine foncier de la Défense aérienne ainsi que « tous les biens immobiliers appartenant au Service des Affaires militaires, sans préjudice de la décision éventuelle du Conseil ministériel visant à allouer lesdits biens à d’autres besoins de l’Etat » sont transférés au Fonds de la Défense nationale.
- Philippidis Dimitris, Architecture néo-hellénique, Editions Melissa 1984, p. 338
- idem Philippidis Dimitris, Architecture néo-hellénique,…p. 69-70
- Travlos Ioannis, Architecture néoclassique en Grèce, Editions de la Banque Commerciale de Grèce (Emporiki Bank), Athènes 1967
- idem Philippidis Dimitris, Architecture néo-hellénique…, p. 80
- idem Kostas Biris, à Athènes (1830-1900)…., t.1 Athènes 1966, p. 129
- idem Andréas Syngros Mémoires…., t3, pg . 97
- Athènes, Affaire européenne, Athènes, capitale européenne de la Culture, Athènes 1985, p. 118, « …Théâtre municipal, Fondations : 1873, achèvement des travaux : 1888, Architectes : première étude : Piat, deuxième étude : Girard, étude finale : Ziller.
- Marie-Laure Blanchon - Hatzignatiou, les architectes français en Grèce, Athènes Ville Capitale, Athènes 1985. Deux ingénieurs ou architectes français se trouvent à Athènes au cours du dernier quart du XIXème siècle (Piat – Troumpe) et soulèvent un problème d’identité. En effet, les hôtels particuliers et les édifices publics sont généralement attribués à Troumpe ; toutefois, de récentes fouilles et des entreprises de démolition ont mis à jour des plaques de marbre posées à l’occasion de l’inauguration des travaux, portant le nom de l’architecte. Or, c’est le nom de Piat qui est gravé dans le marbre.
- Β.C.H 120 (1996) , Bulletin de Correspondance Hellénique, Μartin Schmidt : Les bâtiments de l'Ecole française d'Athènes, p.127-151, Athènes 1996 p.129, « …Du projet conçu par l'architecte Eugène Troumpe, l'EFA conserve un calque, sur lequel sont représentés à l’encre les plans du sous-sol, du rez -de-chaussée et du premier étage à l'échelle 1:100… »
- idem. Syngros Andréas (1830-1899), t. 3, p. 90-93, «… les deux faits ci-dessus concernent la voie ferrée, Le Pirée-Lamia : voilà comment les choses se sont passées. A l’époque où je m’occupais des installations de Lavrion, un Français du nom de Piat, qui m’était jusqu’alors totalement inconnu, et porteur d’une lettre de recommandation provenant du Marquis de Ploeuc et de Salvador, deux de mes amis résidant à Paris…, Tous deux me recommandaient Piat, comme étant un ingénieur hautement qualifié, constructeur de chemins de fer, ayant des relations haut-placées dans les milieux d’affaires belges et disposant du matériel nécessaire…Piat allait être chargé de la construction du chemin de fer contre rémunération…j’ai signé la contrat relatif concernant la construction et l’exploitation des Chemins de Fer Athènes-Lamia, les termes devant faire l’objet d’une approbation de la part des personnes se trouvant à Paris…qui ont décliné, toutefois, toute responsabilité au-delà de la somme de 300.000 francs, p.97… » « …Les projets ont été envoyés et le Gouvernement a confisqué la caution de 300.000 francs, en nous déclarant déchus de nos droits…