« Cette journée consacrée à la célébration de la langue grecque n’est pas simplement un rappel de la continuité de notre langue à travers les temps, mais aussi une reconnaissance de sa longue contribution aux changements qui s’opèrent sur la scène internationale. C’est justement en cette reconnaissance que réside l’instauration de cette journée de célébration annuelle.
La langue grecque dans sa forme préhellénique - qui se situe à peu près en 3 000 av. J.-C. - a plus de cinq mille ans d’existence à ce jour. En dépit des nombreuses transformations qu’elle a subies à travers les siècles, elle constitue le fil qui unit des moments ponctuels datant depuis des milliers d’années en formant une ligne temporelle historique unique. Son historicité date depuis des temps aussi reculés que l’on peut indéniablement la considérer comme étant la première langue à codifier des références lexicales supérieures pour représenter des notions tant abstraites que techniques, la première aussi à établir des valeurs œcuméniques et à fonder et façonner les notions de la civilisation occidentale. D’après Jacqueline De Romilly, académicienne et helléniste, « si la Grèce nous demandait d’enlever de notre langue les mots grecs qu’elle nous a prêtés, la civilisation occidentale s’effondrerait ». Cet héritage constitue le multiplicateur irréfutable de la puissance douce mais structurelle de notre pays.
La langue grecque est un sentiment. Elle est étroitement liée à l’identité nationale grecque, au cœur et à l’esprit des Grecs qui ont découvert en ses mots un moyen d’expression magique de leur état d’âme. Ses mots leur ont montré la façon de s’établir dans le temps et leur ont donné le goût de la création. La langue grecque est une langue poétique. La Grèce est de longue date fière des deux prix Nobel que lui ont offert Georges Séféris et Odysseas Elytis, qui avaient un talent unique de tailler les mots.
La langue grecque est la langue de Dionysios Solomos qui nous a offert notre hymne national, l’hymne « à la liberté ». Chaque année, le 9 février, nous honorons la mémoire de notre poète national et nous remémorons ses propos : « Ai-je autre chose dans mon esprit que la liberté et la langue ? ».
Sa connaissance parfaite de la langue italienne et son long séjour en Italie n’ont pas fait obstacle à la narration de son parcours esthétique et linguistique ainsi qu’à ses expériences vécues en grec. Une narration qui a marqué de son empreinte la naissance de la Grèce moderne. Les millions de Grecs et les nombreux philhellènes omniprésents dans le monde entier constituent l’exemple vivant de son unique prestige.
La caractéristique, pourtant, qui rend notre langue unique est le fait qu’elle constitue une attitude de vie. Dans leur effort d’interpréter le monde, les Grecs ont créé des mots susceptibles de donner du sens à l’existence, de conduire à la constatation du réel et du transcendant. Des mots qui expriment avec exactitude des notions, des idées et des valeurs bien distinctes. La démo-cratie, la philo-sophie, le dia-logue, la charité. Cette caractéristique accompagne la langue grecque tout au long de son parcours historique.
C’est à travers la langue grecque, la langue des évangiles et des ouvrages patristiques de l’église, qu’a été diffusé et continue d’être diffusé à ce jour le message œcuménique de la vérité, de la foi, de l’amour et de la paix.
« Depuis l’époque de la langue homérique jusqu’à nos jours, on parle, on respire et on chante dans la même langue », écrit Georges Séféris, en exprimant de manière sobre et éloquente le caractère intemporel, la richesse des sentiments et l’attitude à l’égard de la vie et de ce qui est essentiel dans celle-ci, tel que tous ces éléments sont reflétés dans la langue grecque. Son enseignement est notre devoir pour préserver et diffuser la civilisation grecque ».
February 8, 2021