A. PAPAIOANNOU : Bonjour à tous. Je vous prie de m’excuser de mon retard. Il y a eu un imprévu. Je commence par la séance d’information.
Tout d’abord deux choses avant de parler du programme, en ce qui concerne la semaine passée.
Le premier point que j’aimerais mentionner brièvement est la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN qui s’est tenue mardi dernier. J’ai trois choses à dire à ce sujet.
Premièrement, contrairement à un grand nombre de rencontres ministérielles de l’OTAN que j’ai pu suivre dans le passé, celle-là était particulièrement intéressante. Habituellement, les rencontres ministérielles de l’OTAN sont caractérisées par des interventions toutes prêtes que les ministres participants lisent, car tous les textes ont été préalablement convenus et les décisions prises sont juste ratifiées. Or, la rencontre de mardi était assez « vivante ». Ce qui par ailleurs était particulièrement intéressant – je suis les rencontres à l’OTAN depuis 10 ans et cela n’a jamais été aussi fort – c’est la référence claire qui a été faite, la critique je dirais à l’encontre d’un pays allié qu’un bon nombre de ministres ont nommé. C’était un développement très intéressant je pense.
Ce que je voulais donc souligner, c’est ce changement. Les ministres ne se sont pas seulement focalisés sur les points de l’ordre du jour, qui étaient en fait le processus de réflexion de l’OTAN, l’Afghanistan et la Russie. Mais ils ont abordé des questions plus larges, ce qui est inhabituel.
C’était une expérience très enrichissante pour moi. Nous pourrons en parler tout à l’heure. Voilà pour ce qui est de l’OTAN.
L’autre question que je voulais souligner est que, comme vous le savez, le ministre des Affaires étrangères, M. Dendias a eu – et continue d’avoir – un marathon d’entretiens téléphoniques avec ses homologues de pays membres de l’UE et de l’OTAN. Il s’est entretenu avec son homologue islandais hier. En ce qui concerne ses homologues européens, comme vous pouvez vous en douter, il les a informés des évolutions en Méditerranée orientale et le principal sujet de discussion était d’une part le prochain Conseil des Affaires étrangères qui se tiendra lundi et le Conseil européen qui se tiendra les 10 et 11 décembre prochains. En tant que remarque générale, j’aimerais dire que ces entretiens téléphoniques se sont déroulés dans un climat très cordial et le fait qu’il y avait une compréhension concernant les défis auxquels nous devons faire face, était particulièrement encourageant. Le ministre a réitéré nos positions communes pour ce qui est de l’attitude provocatrice et infractionnelle de la Turquie. Et il continuera ses contacts, comme je vous l’ai dit.
Je continue avec le programme. Tout d’abord, le ministre des Affaires étrangères. Aujourd’hui, à 13h00, nous avons la cérémonie de prestation de serment du Secrétaire générale des relations économiques internationales et de l’extraversion, M. Smyrlis, ici au ministère des Affaires étrangères. Bien entendu, les mesures de protection appropriées seront prises. Demain, le ministre des Affaires étrangères se rendra à Nicosie, où il rencontrera d’abord le Président de la République de Chypre, M. Anastassiadis et par la suite son homologue, M. Christodoulidis. Pendant qu’il se trouvera à Nicosie, le ministre participera, en ligne, à la réunion ministérielle de l’OSCE. Et un peu plus tard, le même jour, il participera à la réunion du Dialogue méditerranéen, organisée par l’Italie.
Lundi, il se rendra à Bruxelles, où il participera au Conseil des Affaires étrangères, qui se fera en présentiel, ce qui constitue une évolution importante. Par la suite, est prévue – nous verrons si cela se fera lundi ou mardi – la rencontre tripartite Grèce – Chypre et Jordanie au niveau des ministres des Affaires étrangères à Amman, en Jordanie.
Mercredi, le ministre prononcera une allocution, par visioconférence, lors de la Conférence internationale sur la liberté de la presse organisée par les Pays-Bas. Voilà pour ce qui est du programme du ministre de la semaine prochaine.
Le ministre délégué aux Affaires étrangères, M. Miltiadis Varvitsiotis, en ligne, au Conseil des Affaires générales qui se tiendra mardi 8 décembre et il accompagnera le premier ministre au Conseil européen, jeudi et vendredi.
Le Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, M. Fragogiannnis dirigera, pendant la période du 8 au 10 décembre, le 4e tour du plan d’action gréco-allemand qui sera dirigé, côté allemand, par l’ambassadeur Berger, Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères par intérim. Du côté grec participeront 10 ministres au total des ministères des Affaires étrangères, de l’Immigration et de l’Asile, de l’Education et des Cultes, du Travail et des Affaires sociales, de l’Environnement et de l’Energie, du Développement et des Investissements, de la Protection du citoyen et de la Culture. Il y aura un grand nombre de rencontres par secteurs et à la fin une séance plénière. Mais en raison des circonstances, elle se tiendra en ligne.
Le Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, M. Vlassis participera, mercredi prochain, en ligne toujours, à la 2e Conférence de la diplomatie religieuse sur le thème : « Les religions et les défis de cette nouvelle décennie », organisée par l’Institut des Affaires extérieures et l’Université nationale et Capodistrienne d’Athènes, avec le soutien de la version hellénique du Foreign Affairs.
Voilà pour ce qui est du programme de la direction politique. Un dernier point que j’aimerais mentionner. Le Secrétaire général du ministère a eu hier une rencontre avec l’envoyée spéciale du SG de l’ONU pour Chypre, Mme Lute.
Sur ces mots, je conclus mon introduction et comme la semaine passée, je vais prendre vos questions.
S. SIDERIS : La fuite, provenant du ministère selon des sources diplomatiques à l’Agence de presse athénienne sur l’intervention Pompeo pendant la réunion de l’OTAN, n’est pas confirmée par d’autres sources. J’ai parlé avec un grand nombre de ministères et ministres des Affaires étrangères, de pays appartenant à l’OTAN, et ils ne m’ont pas confirmé les informations qui ont fuité. Que se passe-t-il finalement ?
A. PAPAIOANNOU : Tout d’abord, je n’aimerais pas faire des commentaires « on the record » sur ce qui est dit lors des réunions ministérielles de l’OTAN. Je n’ai pas le droit de m’exprimer à ce sujet.
S. SIDERIS : Mais la fuite provenait du ministère.
A. PAPAIOANNOU : Je vous remercie M. Sideris.
CH. KRATSI : Je voulais poser la question suivante : la partie grecque a déclaré à plusieurs reprises qu’elle n’a pas l’intention de s’asseoir à la table du dialogue avec la Turquie si cette dernière ne cesse pas ses actions provocatrices dans le temps et non de manière occasionnelle. Que signifie ce « dans le temps » ? C’est combien ? Un mois ? deux mois ? Trois ? Six ? Comment le définissons-nous ?
Autrement dit, combien de temps doit s’écouler pour que la partie grecque sente qu’elle peut s’asseoir à la même table que la Turquie ?
A. PAPAIOANNOU : Tout d’abord, ce « dans le temps » signifie que le retrait soudain de l’Oruc Reis ne suffit pas. Si après 3, 5, 10 jours ils nous provoquent, comment pourrons-nous dire qu’il ne s’est rien passé ? Je l’avais déjà dit la fois passée. La dernière fois que le ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias a rencontré M. Cavusoglu, c’était à Bratislava, le 8 octobre, où le ministre turc des Affaires étrangères lui a dit : « je vais vous donner des dates pour les [contacts] exploratoires et au lieu de cela nous avons eu six NAVTEX et le « pique-nique » à Varosha. Et bien sûr cette attitude était tout sauf constructive.
En ce qui concerne ce que vous m’avez demandé, ce « dans le temps ». Tout d’abord, la décision est politique. Lorsque l’on jugera qu’une période de temps suffisante se sera écoulée pendant laquelle la Turquie aura évité des actions provocatrices. Je ne peux à l’heure actuelle définir cette période de temps. Mais ce devrait être un délai raisonnable. Et je le souligne, ce n’est pas quelque chose que je peux définir en ce moment, je ne peux, ni ne suis habilité à dire à combien correspond ce « dans le temps ». Mais de mon avis personnel, je pense que ce sera une période de quelques semaines. Ce n’est pas dix ou quinze jours. Par exemple, ce pourrait être deux mois, mais comme je vous l’ai dit, c’est une décision politique. Le principal est que la Turquie devra faire preuve de continuité et de constance dans la désescalade. C’est la principale préoccupation à l’heure actuelle. Il faudra donc que la Turquie montre concrètement qu’elle souhaite réellement que nous allions vers un dialogue constructif sur la base du droit international.
A. MANGIRIADIS : Bonjour. Avec quelle décision du Conseil européen la semaine prochaine, la partie grecque sera-t-elle satisfaite ?
A. PAPAIOANNOU : Je vous remercie de votre question. À l’heure actuelle, nous entrons dans une phase de négociation. Pas seulement nous, mais les 27 Etats membres. Nous entrons dans une phase de négociation où chacun a ses propres positions sur ce qu’il veut tirer de ce Conseil européen. Et permettez à ce stade de souligner que ce Conseil européen n’abordera pas seulement la question de la Turquie, mais d’autres questions. Donc chaque pays a une position de négociation, sur toutes les questions. Certaines l’intéressent plus, d’autres moins.
Dans ce contexte, bien sûr, notre pays a préparé sa position de négociation, comme toujours. Cela ne concerne pas seulement ce Conseil européen, mais toutes les négociations et nous regardons toujours quel sera le résultat optimal que nous souhaiterions atteindre. Cela étant, nous faisons toujours une planification, à savoir le minimum que nous pourrions accepter. Cela est le cadre de négociation dans lequel notre pays agit.
Et tout le monde le fait, pas seulement nous, je le souligne. Ce cadre de négociation, nous le mettons en œuvre à l’heure actuelle au ministère des Affaires étrangères, et le ministre est bien entendu en coopération et en coordination avec le Premier ministre. Je tiens à souligner que cela se fait toujours en coordination. Dans ce cadre, nous allons définir les axes sur lesquels nous allons avancer.
Bien sûr, permettez-moi de dire que je ne peux entrer dans le détail, concernant ce cadre. Car je ne peux révéler publiquement – pas seulement moi, mais personne – quelle sera notre position de négociation car nous avons devant nous une négociation difficile. La révéler reviendrait à miner notre position.
Mais je vous redis encore que nous avons une image globale de la situation ; le ministre s’est entretenu avec ses homologues des autres Etats membres de l’Union européenne. Le Premier ministre a également eu une série de contacts et ces contacts se poursuivront, à tous les niveaux.
Plus nous nous rapprochons du Conseil européen, plus le ministre des Affaires étrangères continuera ses contacts en personne lors du Conseil des Affaires étrangères, où la question de la Turquie sera abordée. Aucune décision concernant la Turquie ne sera prise lors du Conseil des Affaires étrangères de lundi, mais un débat aura lieu afin que nous puissions voir où nous allons. Et bien entendu, en marge de la rencontre, il aura la possibilité de présenter de nouveau nos positions.
Le plus important, si vous me le permettez, est qu’à l’heure actuelle le défi que représente la Turquie n'est pas un problème entre la Grèce et la Turquie ou entre Chypre et la Turquie. Et je le dis et le redis car cela doit être bien compris de tous. C’est un problème européen, plus large, et ce problème devra être envisagé par tous les Européens. Qu’il y ait une compréhension commune et sur la base de cette compréhension commune qu’il y ait une réponse commune qui devra, bien entendu, se baser sur les conclusions d’octobre dernier. Avec les conclusions d’octobre dernier, je rappelle brièvement que les chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union européenne ont offert une chance à la Turquie. La Turquie a malheureusement fait exactement le contraire. C’est la première chose.
La deuxième, nous avons dit qu’il y a des perspectives d’agenda positif si la Turquie se comporte de façon positive. A l’heure actuelle, toute possibilité d’agenda positif a été écartée, je dirais, compte tenu des circonstances actuelles.
Et troisièmement, en octobre au Conseil européen, ils ont décidé qu’au plus tard jusqu’au Conseil européen de décembre, la semaine prochaine donc, ils devront examiner d’une part la situation, d’autre part prendre les décisions nécessaires.
En dernière analyse, nous souhaitons que le Conseil européen prenne les décisions sur la base de l’attitude adoptée par la Turquie au cours de ces derniers mois.
P. TZANETAKOS : Bonjour. Nous avons entendu, il y a deux jours si je ne m’abuse, le nouveau leader des Chypriotes turcs soulever, devant l’envoyée spéciale du SG des Nations Unies pour Chypre, la question de la solution des deux Etats, laissant en fait de côté la fédération bicommunautaire, bizonale. Comment voyez-vous cette évolution et que fera Athènes si elle est appelée à négocier – assistant Chypre de toute évidence – la solution des deux Etats ?
A. PAPAIOANNOU : Le principal message, que nous avons transmis hier concernant la question chypriote, comporte deux points. Le premier est que, dès lors que nous serons invités à une conférence informelle à cinq parties, 5+1 car le SG de l’ONU sera également présent, nous serons prêts à participer. Nous ne pensons pas qu’un débat de fond aura lieu lors de cette rencontre. C’est une première chose.
Je le répète, nous sommes ouverts si nous sommes invités. Et nous pensons que cette rencontre informelle se fera les prochaines semaines, probablement au début de la nouvelle année. Et cela bien entendu dépend du Secrétaire général de l’ONU et non de nous.
Le deuxième point est que nous – et pas seulement nous, j’insiste, car tous les membres du Conseil de sécurité de l’ONU l’ont répété publiquement – nous demeurons attachés à une solution durable de la question chypriote, dans le cadre d’une fédération bizonale, bicommunautaire sur la base des décisions du Conseil de sécurité de l’ONU et en tenant bien entendu compte de l’acquis communautaire. Cela ne change pas, c’est notre position immuable. Par ailleurs, j’aimerais répéter encore une fois que, si les négociations redémarrent, elles devront reprendre là où elles se sont arrêtées, en 2017 à Crans Montana comme chacun sait.
K. TSAMOURI : Bonjour. Dans le cas où le Conseil européen ne prend pas les mesures ou ne va pas dans le sens souhaité, les 10 et 11 décembre, quel sera le prochain pas d’Athènes ?
A. PAPAIOANNOU : Tout d’abord, à l’heure actuelle notre attention est axée sur la préparation du Conseil européen. C’est notre principale orientation à l’heure actuelle. Et comme je l’ai dit tout à l’heure, lorsque nous allons à une négociation, une négociation difficile, nous commençons, chaque Etat membre commence avec ses positions. Nous sommes l’un des 27. Nous commençons avec un scénario que nous qualifierions d’idéal, qui est le but que nous aimerions idéalement atteindre, mais en même temps nous avons certaines lignes que nous ne pouvons pas dépasser. Tel est notre cadre de négociation.
Je répète, le Conseil européen c’est aussi nous. Le Premier ministre est membre du Conseil européen, il devra donc donner aussi son consentement pour qu’une décision soit prise. Donc, notre principale préoccupation à l’heure actuelle est que la discussion s’inscrive dans un cadre que nous considérons comme acceptable. Grâce à nos arguments et aux efforts que nous déployons vis-à-vis de tous nos homologues européens, mais aussi les institutions européennes – il ne faut pas les oublier, car elles jouent également un rôle important et je veux parler du Président du Conseil européen avec lequel s’est entretenu le Premier ministre, de la Présidente de la Commission européenne, du haut représentant / vice-président de la Commission – nous essayons de créer un climat approprié pour que le résultat du Conseil européen soit le meilleur, le plus satisfaisant possible. Mais là encore, je redis que les décisions sont prises avec les autres. Autrement dit, certains pays ne vont pas prendre des décisions à notre insu. Cela n’est pas possible, de par la force des choses.
M. GASIAMIS : Outre la cessation des actions provocatrices, est-ce que la partie grecque a l’intention d’envoyer un message disant qu’elle ne discute pas si le casus belli n’est pas levé ?
A. PAPAIOANNOU : Là, il est question d’un autre sujet. Le casus belli est sur la table, malheureusement, depuis 25 ans. C’est un fait. Quel est ce casus belli : c’est la menace de guerre en violation d’une disposition fondamentale de la Charte des Nations Unies, à savoir l’article 2 paragraphe 4, traitant du non-recours à la force ou à la menace de recours à la force contre les autres Etats membres de l’ONU. Et pourquoi ? Pour ne pas permettre à la Grèce d’exercer un droit inaliénable sur la base du droit international, du droit international de la mer que la majorité des pays de l’ONU ont ratifié, que l’UE elle-même a ratifié et qui constitue une règle de droit coutumier. Autrement dit, la Turquie viole de manière claire la Charte des Nations Unies. Cette question est pour nous particulièrement importante, elle est fondamentale et nous continuerons de la soulever. Ce n’est pas quelque chose que nous oublions, c’est toujours sur la table. Et nous soulèverons cette question non seulement auprès de la partie turque, mais aussi de tous nos interlocuteurs, à commencer par les Européens et nos autres partenaires.
K. ALATZAS : Bonjour.
A. PAPAIOANNOU : Bonjour.
K. ALATZAS : J’aimerais vous poser la question suivante : Est-ce que nous attendons lors de ce Conseil européen des propositions écrites de la part du Haut représentant de l’UE, M. Borrell ? Car l’été dernier, nous avions une série de propositions sur d’éventuelles sanctions si la Turquie ne se conformait pas, mais c’était oralement. Attendons-nous quelque chose d’écrit à ce Conseil ?
Et comme vous avez dit tout à l’heure que ce n’est pas seulement une question de différends gréco-turcs et de relations gréco-turques, que la question est euro-turque, est-ce que nos partenaires en Europe perçoivent de la même façon que nous l’attitude provocatrice de la Turquie ?
J’ai une troisième question, mais je la poserais tout à l’heure pour laisser mes collègues journalistes poser les leurs.
A. PAPAIOANNOU : Non allez-y.
K. ALATZAS : Très bien. Si la proposition des partenaires ne nous satisfait pas – car vous avez dit que nous ne quitterons pas la table si nous ne sommes pas satisfaits par la proposition – sommes-nous prêts à exercer notre droit de veto ? Merci.
A. PAPAIOANNOU : Une question concernait la façon dont les partenaires voient les choses, l’autre question portait sur le veto et la première concernait la liste Borrell.
K. ALATZAS : Si nous attendons les propositions écrites de Borrell.
A. PAPAIOANNOU : Je vais commencer dans l’ordre dans lequel vous avez posé vos questions. Tout d’abord, oui une discussion avait eu lieu lors du Conseil informel des ministres des Affaires étrangères (Gymnich) en août dernier à Berlin, où M. Borrell avait parlé d’une liste informelle. Depuis, il y a eu des évolutions et toute la discussion revêt une dynamique. Je ne vais pas m’en tenir à cette liste. Ce sur quoi j’aimerais insister, ce sont les conclusions du Conseil européen d’octobre, qui parlent très clairement de mesures. C’est pourquoi je dis qu’il s’agit d’une discussion dynamique. Vous me permettez de relire le texte : « ... l’Union européenne utilisera tous les moyens et les choix qu’elle a à sa disposition, entre autres conformément à l’article 29 du traité sur l’Union européenne et à l’article 215 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, afin de défendre ses intérêts et les intérêts de ses Etats membres ».
Ce qui est important c’est la partie politique ici, que cela a été soulevé et que les décisions seront prises sur cette base.
K. ALATZAS : Je n’ai pas compris si nous attendons quelque chose. Je comprends que nous attendons quelque chose sur la base des décisions du Conseil dernier, mais il n’est pas exclu qu’il y ait quelque chose ici, si vous me le permettez, je n’ai pas bien compris. Y aura-t-il un document ou bien ne le savons-nous pas encore ?
A. PAPAIOANNOU : Je vous dis que la forme que cela revêtira est une décision politique. Dans les conclusions du Conseil européen, nous voyons le cadre dans lequel seront prises les décisions. Et nous voulons l’application des conclusions du Conseil européen d’octobre, qui précisent que si la Turquie ne fait pas des pas en avant vers la désescalade, si elle continue ses actions provocatrices unilatérales en violation du droit international, nous utiliserons ces moyens en tant qu’Union européenne. C’est ce que disent les chefs d’Etats et de gouvernements.
Maintenant à savoir comment cela se traduira-t-il, je dirais qu’il est prématuré d’en parler, cela fait partie de la discussion. Ce qui est important et que j’aimerais souligner, c'est la décision politique.
En ce qui concerne le mot « veto ». Lorsque les décisions sont prises à l’unanimité, la question pour un pays d’exercer son droit de veto ne se pose pas. Pour prendre une décision à l’unanimité, il faut que tout le monde soit d’accord. Donc moi, le mot veto ne me plait pas. Je vais vous donner un autre exemple qui n’a aucun rapport avec nos affaires. Deux Etats membres de l’UE – nous savons très bien lesquels – ne sont pas d’accord avec la proposition qui est à l’heure actuelle sur la table, pour ce qui est du cadre budgétaire pluriannuel, pour des raisons que nous connaissons – je ne vais pas entrer dans le détail. Ces deux pays n’ont pas opposé leur veto à une décision prise. Simplement à l’heure où nous parlons, nous n’avons pas réussi à atteindre l’unanimité sur cette question. C’est pourquoi je dis que je n’aime pas le mot veto. Les décisions sont prises par tout le monde, ensemble.
Ce que tout le monde, tous les Européens disent concernant la question de la Turquie – je veux parler de la discussion sur les décisions que prendra le Conseil européen sur cette question – la principale préoccupation est la cohésion de l’UE. Que nous parlions tous d’une même voix, que nous maintenions la cohésion et la crédibilité de l’UE et là je pense que nous sommes tous sur la même longueur d’onde. Maintenant à savoir comment tout cela évoluera sur le plan de la négociation c’est une toute autre histoire. Mais c’est l’objectif que nous souhaitons tous atteindre. Aucun pays ne souhaite isoler un autre pays. Ici nous essayons de voir comment tous les 27, unis, réussiront à envoyer un message commun à la Turquie sur la question, une décision commune.
La dernière question, comment les partenaires voient cela. Je vais vous dire quelque chose qui va vous sembler étrange, voire naïf. Mais de par la force des choses et vu la position géographique de nos divers partenaires, leur compréhension des provocations turques ne peut être la même que nous depuis le début. Être voisins directs [de la Turquie] et faire directement les frais de son comportement est une chose et être à l’autre bout de l’Europe en est une autre. Il est entendu que la position initiale sur la compréhension de l’attitude provocatrice de la Turquie de la part des 27, le point de départ, n’est pas nécessairement le même que nous ou que Chypre. Cela est indéniable, cela est vrai. Et c’est notre principale préoccupation, notre effort et c’est pourquoi la direction politique, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères font ce marathon diplomatique, pour expliquer et aider à ce que les choses soient mieux comprises et les rallier à notre position.
Et je dois admettre que cela change, même de la part de pays qui sans doute ne s’intéressaient pas toujours au fait que la Turquie constitue une menace car ils considéraient cela comme une question régionale qui ne concerne que quelques Etats membres de l’UE. Bien entendu, cela ne change pas du jour au lendemain. Il faut déployer beaucoup d’efforts, avancer des arguments convaincants. Nous avons besoin d’expliquer et de présenter nos arguments et leur dire : « écoutez, vous ne pouvez pas rester indifférents, car ce qui se passe dans ce qui est pour vous une région de l’Europe a, en fait, des répercussions sur vous et cela devrait vous préoccuper ». C’est ce qui constitue une victoire diplomatique : une meilleure compréhension.
Car à travers la meilleure compréhension, ils pourront dire par la suite « en effet, vous avez raison, donc nous devrons prendre certaines décisions justement pour pouvoir faire face à ce défi et cette menace ».
K. ALATZAS : Je vous remercie.
A. PAPAIOANNOU : Merci.
S. RISTOVSKA : Pouvez-vous nous donner quelques détails sur la communication téléphonique hier entre M. Dendias et Mme Zakharieva concernant le Balkans occidentaux, du fait que nous connaissons la position de la Bulgarie sur la perspective européenne de la Macédoine du Nord. Y a-t-il un changement ? Ou des détails ? Merci.
A. PAPAIOANNOU : C’est moi qui vous remercie. Hier, le ministre des Affaires étrangères s’est entretenu avec son homologue bulgare, Mme Zakharieva. La principale question abordée était les évolutions en Méditerranée du sud-est et de manière générale l’attitude provocatrice de la Turquie.
Dans ce contexte, bien entendu, comme l’on peut s’y attendre, les discussions portent sur la perspective européenne des Balkans occidentaux. Cela est une condition sine qua non. Je n’ai rien d’autre à ajouter pour le moment. Merci beaucoup.
M. RIGOU : Bonjour à tous. Lors de la réunion de l’OTAN que vous avez mentionnée et vous avez dit que vous y reviendrez, outre la « souplesse » par rapport aux réunions précédentes, autrement dit le fait qu’ils ne s’en soit pas strictement tenus à certains textes, si j’ai bien compris, référence a été faite à la Turquie et à son comportement provocateur. Pourriez-vous être plus précis et quelle est leur importance, sur le plan pratique, pour nous ?
A. PAPAIOANNOU : Lorsque vous parlez de « souplesse », dans quel sens l’entendez-vous ? Selon quelle logique ?
M. RIGOU : Qu’ils sont sortis du texte, c’est ce que j’ai compris.
A. PAPAIOANNOU : Oui, habituellement, comme je disais, lors des rencontres ministérielles de l’OTAN, les négociations sur les textes qui devront être convenus et approuvés par les ministres, ont été finalisées au niveau des groupes de travail et des ambassadeurs et en fait lorsque le moment de la rencontre ministérielle ou du sommet arrive, les textes sont arrêtés, ils ont été approuvés et les ministres, qu’ils soient des Affaires étrangères, de la Défense, ou les chefs d’Etats et de gouvernement, donnent en fait leur aval, apposent en quelque sorte « leur sceau » sur les textes déjà approuvés. Et ce qui se passe habituellement, c’est qu’il n’y a pas d’échange de vues, mais 30 ou 40 monologues. Chaque ministre, chaque chef d’Etat ou de gouvernement – je l’ai vécu de près – entre dans la salle, lit son intervention, remercie ses collègues de leur présence et sort. Parfois, lorsqu’il y a un déjeuner ou un dîner de travail, une discussion plus stratégique a lieu et là ils sortent sans doute des sentiers battus.
Lors de cette rencontre des ministres des Affaires étrangères, du moins lors de la première réunion – que j’ai suivie par visioconférence ce qui restreint malheureusement les possibilités que nous avons de vivre pleinement l’ambiance, ce que nous appelons le langage corporel des différents participants – ce que j’ai remarqué et qui a vraiment fait une impression sur moi est qu’un grand nombre de ceux qui ont fait une intervention sont sortis des sentiers battus et ont dit des choses qui vraisemblablement n’étaient pas dans le texte.
Je ne vais pas nommer les pays, je le redis. Je suis lié par l’obligation de confidentialité s’agissant de ces discussions. Je ne peux parler officiellement de pays, dire exactement qui a dit quoi, sauf si les représentants de ces pays souhaitent le faire eux-mêmes publiquement.
Ce que je vais répéter est que le fait qu’il était particulièrement intéressant de voir qu’une référence claire a été faite, à commencer par un ministre des Affaires étrangères – d’un pays de grande importance – au sein de l’OTAN, qui était le premier à prendre la parole et parce qu’il était le premier à prendre la parole, il a donné le ton de la discussion. Il a dit ouvertement des choses, des choses dont on parlait au sein de l’OTAN mais qui ne sortaient pas, du moins pas si fort lors d’une réunion ministérielle. D’ailleurs, il a accusé ouvertement un autre pays allié – qui porte le nom [d’allié] du moins – de saper l’Organisation par ses actes, la cohésion de cette Organisation et qu’en achetant du matériel militaire à des pays tiers, qu’il a nommés, il sape la sécurité de cette organisation également.
Pour moi c’était une première dans les annales de l’OTAN.
Cette intervention a créé une certaine dynamique. Il y a eu d’autres pays qui ont parlé et ont réitéré ces points, peut-être pas de manière aussi étendue.
Ce que j’ai également remarqué et qui était particulièrement important était que le ministre des Affaires étrangères du pays qui était la cible de ces critiques virulentes, alors qu’au début il commençait à lire sur les points de l’ordre du jour, l’Afghanistan, la Russie, en disant ce que fait son pays pour toutes ces régions et combien il aide, manifestement irrité par la suite – à en juger par sa voix– et peut-être aussi embarrassé, il a essayé, d’une manière assez agressive, de réfuter ce qui avait été dit plus tôt. Mon point de vue personnel, peut-être que je me trompe, cela a fait une impression encore pire parmi les personnes présentes, même par visioconférence. En fait, il a mis en avant ce que l’on reproche à ce pays, non pas à lui personnellement, cette critique n’était pas personnelle et il n’a jamais été question de noms. Cela portait clairement sur la politique des pays. De ce point de vue, c’était une discussion particulièrement vivante et intéressante. Et là encore, je ne vais pas entrer dans de plus amples détails, sur ce qui a dit quoi. Nul besoin d’en dire plus.
M. RIGOU : D’un autre côté, il y a eu des prises de positions de la part de ministres des Affaires étrangères de pays auxquels vous ne vous attendiez pas ? Autrement dit, un changement de position qui avait finalement de l’importance ?
A. PAPAIOANNOU : Un changement de position ? Je répète, ce qui était important était justement cette prise de position et cette intervention de certains pays devant tout le monde. Et je vous dis que cela n’est pas coutume – du moins d’après ma courte expérience – pour l’OTAN.
Autrement dit, les discussions lors de rencontres ministérielles, du moins celles que j’ai vues, étaient assez « aseptisées » et les ministres évitaient explicitement de se référer à un autre pays et d’émettre des critiques sur la politique d’un autre pays qui se trouve à la table. Par contre ce qui se passait en coulisses était une autre affaire, mais sur la table, dans la salle de réunion cela ne se faisait pas dans le passé. Donc de ce point de vue, c’était une évolution particulièrement intéressante.
Permettez-moi de passer aux autres collègues qui n’ont pas pris la parole. M. Agrolampos s’il vous plaît.
B. AGROLAMPOS : Bonjour. Lors de la téléconférence hier entre Mme Merkel et des commissions du parlement européen, sa déception concernant le cadre politique et les défis de la Turquie, son agressivité, etc., était visible. Ce que je n’ai pas compris s’agissant de la question migratoire et de la reconnaissance que doit l’UE, comme la dit la chancelière, à la Turquie, est-ce qu’il y a un nouveau cadre de financement, en d’autres termes une mise à jour de l’accord, une proposition de mise à jour de l’accord de mars 2016 ? Y a-t-il sur la table du Conseil un montant, un calendrier, un horizon ?
Et puisque nous parlons de l’agenda turc, le visa, est-ce que le retrait progressif qui était supposé être dans l’agenda turc, est toujours en place pour les ressortissants turcs ?
A. PAPAIOANNOU : Nous pourrions en parler pendant des heures. Tout d’abord en ce qui concerne la déclaration de mars 2016. Si vous me le permettez, je ne voudrais pas entrer dans la sphère de compétences des autres ministères. Le ministère de l’Immigration et de l’Asile a un rôle de premier plan pour ce qui est de la dimension internationale de la question des migrants et des réfugiés.
Mais brièvement, j’aimerais dire au sujet de la déclaration du 8 mars 2016 entre l’Union européenne et la Turquie, la déclaration bien connue sur la question migratoire et des réfugiés, qu’il n’y a – à ma connaissance du moins – aucune proposition sur la table faisant état d’un quelconque changement ou modification de cette déclaration, ou autre.
La Turquie devra appliquer pleinement ses obligations assumées par cette déclaration. Par exemple, l’une de ces obligations est de ne pas autoriser de nouveaux flux migratoires. Une autre consiste à stopper et à prendre des mesures pour réduire les flux des candidats migrants vers l’Europe.
Sur ces points, la Turquie n’a pas fait ce qu’elle devait faire. Bien au contraire, comme nous avons pu le constater dans de nombreux cas. Je ne parle pas des derniers mois, où les flux migratoires ont été réduits dans une large mesure. Je pense que ce résultat est aussi dû à la pandémie. Mais je me souviens qu’en été 2019, en août, septembre, octobre et novembre nous avions environ 9 000 – 10 000 arrivées en Grèce.
Un autre point que j’aimerais souligner ici est que la Turquie ne doit pas créer de nouvelles voies de migration. Qu’elles soient maritimes, terrestres ou encore aériennes. C’est un problème qui nous préoccupe, tant nous que Chypre, et que nous ne manquons de souligner.
En ce qui concerne le « FRIT 2 » - c’est apparemment ce à quoi vous vous référiez -, à savoir le Fonds pour les réfugiés en Turquie et qui concerne le financement non pas à la Turquie, mais des programmes pour les réfugiés qui se trouvent en Turquie, initialement 3 milliards avaient été prévus en 2016. Par la suite, l’UE a prévu 3 autres milliards pour le financement de diverses actions. Sans vouloir encore entrer dans des détails, si je me souviens bien, il y a quelques mois il a été décidé de couvrir certains besoins en apportant de nouveaux fonds jusqu’à la fin de l’année. Mais cela était pour des raisons purement humanitaires, car ces fonds sont utilisés, par exemple, pour des questions d’éducation des enfants de réfugiés ou des soins médicaux. Ce qui est valable, en tant que principe de base, est que pour tout soutien financier des réfugiés se trouvant en Turquie, les fonds vont aux organismes qui mettent en œuvre ces projets. Non pas au gouvernement turc, à l’Etat turc et je le répète. Ces fonds ne sont pas destinés à la Turquie.
En ce qui concerne la question de la libéralisation des visas. C’est une longue histoire. La Commission européenne a défini un certain nombre de critères, que la Turquie devra remplir, afin que cela avance. La situation en est ainsi depuis longtemps, bien avant la discussion du Conseil européen d’octobre.
La Turquie n’a pas satisfait assez de critères, notamment l’un de ceux-ci, et dans ce contexte la Commission européenne, indépendamment du cadre des relations telles qu’elles sont aujourd’hui, n’a jamais été en mesure de proposer au Conseil la libéralisation des visas pour les ressortissants turcs. Voilà où nous en sommes. Et cela n’a pas changé. Et là, je le répète, c’est une question relevant de l’Union européenne, non de la Grèce. La Commission européenne précise qu’il y a certains critères techniques définis. Et dès lors que ces critères techniques – qui sont bien connus – ne sont pas remplis, le processus ne peut continuer.
Cela étant, concernant la question de l’agenda positif, je répète que l’on ne peut parler d’agenda positif lorsque la Turquie fait ce qu’elle fait. Et indépendamment de tout cela, il y a aussi la dimension technique.
D. MANOLIS : Bonjour. Comment la Grèce perçoit-elle le changement de rhétorique de la Turquie ces derniers jours après le départ de l’Oruc Reis et en vue du Conseil européen ? Et est-ce que vous pensez que cela va influencer la position des partenaires lors de la réunion au sommet.
A. PAPAIOANNOU : Nous avons été clairs à ce sujet. Nous avons dit que ces agissements, l’intérêt tardif que la Turquie manifeste soudainement – du moins qu’elle essaie de montrer – ses bonnes intentions ne suffisent pas pour couvrir, cacher, ce qu’elle a fait récemment. Je ne me réfère qu’aux deux derniers mois, depuis le Conseil européen d’octobre, pour ne pas aller encore plus en arrière, car c’est lors de ce conseil que les décisions ont été prises.
Et le Conseil européen dit : nous donnons une chance à la Turquie le 1er octobre. Et depuis, que fait la Turquie ? Elle a émis six NAVTEX, elle a fait le fameux « pique-nique » à Varosha etc.
Et je ne parle pas de toutes les déclarations que nous pouvons trouver sur les sites officiels du gouvernement turc, à savoir les déclarations faites par des hauts fonctionnaires turcs contre l’Europe et dans certains cas contre des chefs d’Etats et de gouvernements de pays européens, qui étaient totalement irrespectueuses.
Et donc, comme vous le comprenez bien, nous ne pouvons négliger ce fait et ce n’est pas parce que le navire Oruc Reis est soudainement parti – d’ailleurs comme je l’ai dit il est parti le 29 novembre – que c’est un signe de bonne volonté. Nous serions naïfs de le croire.
Dans le même temps, l’Union européenne, j’entends nos homologues européens l’admettent également. Autrement dit, ils ne sont pas naïfs pour dire que soudainement la Turquie fait preuve de bonne volonté. Ils voient les choses. Et les choses sont désormais évidentes, on ne peut les cacher. Et il n’y a personne à l’heure actuelle pour dire « la Turquie en ce moment est bonne ».
Actuellement, les actions de la Turquie arrivent trop tard. J’ai lu des articles disant qu’une annonce sera faite le jour du Conseil européen concernant des réformes et je le dis sous toutes réserves car j’ai vu ces articles mais je ne sais pas si ces informations sont confirmées. Cela étant, tout cela est « too little too late » si vous me permettez d’utiliser une expression anglaise.
A. ZACHARIADIS : Pour quelle raison Mme Lute n’a pas rencontré M. le ministre mais a vu M. Demiris ? Deuxièmement, que voulez-vous dire quand vous dîtes que lors de la conférence à cinq parties il n’y aura pas de discussion substantielle ?
A. PAPAIOANNOU : Il a été décidé que Mme Lute rencontre le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, ce qui a été fait. Hier, M. Demiris et Mme Lute ont eu une longue discussion et ont abordé les dernières évolutions concernant le dossier chypriote.
En ce qui concerne votre deuxième question, lorsque je dis « il n’y aura pas de discussion substantielle », j’entends par-là qu’il s’agit d’une rencontre informelle. Nous n’y allons pas pour tenir une discussion substantielle, mais une réunion informelle à cinq parties, pour voir où nous en sommes. Et je le redis, dès lors que nous déciderons que les pourparlers devront recommencer, ils reprendront au point où ils se sont arrêtés. Je m’excuse de le répéter, pour moi c’est fondamental. Telle est notre position et c’est ce que nous avons dit hier à Mme Lute.
G. MANDALIDIS : Bonjour à tous. Si, dans le cadre de la position allemande au sujet d’un agenda positif lors de la conférence au sommet sur la Turquie, la question de la conférence multipartite sur la Méditerranée orientale proposée par la Turquie est posée, quelle sera la position de la Grèce ?
Et pour ne pas y revenir, j’aimerais poser une seconde question que je n’ai pas écrite. Voyez-vous une certaine préoccupation au sujet des pays qui ne sont pas directement impliqués en Méditerranée orientale, s’ils posent des obstacles ou opposent leur veto aux sanctions à l’encontre de la Turquie, je veux parler par exemple de la Hongrie ou probablement de la Finlande et d’autres pays qui ne sont pas directement impliqués en Méditerranée orientale, mais qui sont favorables à la Turquie. Je vous remercie.
A. PAPAIOANNOU : C’est moi qui vous remercie. Tout d’abord permettez-moi de dire que le cadre pour un agenda positif, la possibilité d’avoir un agenda positif pour être précis, n’est pas quelque chose que l’Allemagne a mentionné. C’est quelque chose que le Conseil européen a dit, à savoir que nous voulons créer le cadre pour un agenda positif et dans ce contexte, la proposition d’une Conférence pour la Méditerranée était tombée sur la table.
Cela s’est passé en octobre. Mais à une condition essentielle : que la Turquie adopte une bonne attitude. Ce qui va de soi. Qu’elle respecte le droit international, cesse les provocations, cesse de menacer. Nous ne demandons pas des choses irréalistes en tant qu’Union européenne.
C’est ce qu’elle a demandé et d’ailleurs, la tâche avait été confiée au haut représentant et vice-présentant de la Commission européenne, M. Borrell d’examiner le cadre de cette Conférence pour la Méditerranée. A l’heure où nous parlons je redirai qu’il n’y a pas de dynamique permettant la concrétisation d’une quelconque idée ayant été mise sur la table à propos d’un agenda positif, qui plus est pour la Conférence pour la Méditerranée.
Et ce n’est pas seulement un problème de la Grèce. Je veux dire par-là que ce n’est pas que nous, en tant que pays, qui sommes opposés et que tous les autres sont en faveur. Il n’existe pas de dynamique pour cette conférence. Il faut garder cela en tête au sein de l’Union européenne.
Permettez-moi ici d’ajouter également qu’il n’y a pas de dynamique et de l’intérêt, pour ainsi dire, pour cette Conférence dans cette conjoncture actuelle de la part également des autres pays, des pays tiers, non membres de l’UE qui, éventuellement auraient été invités à cette conférence.
Les perspectives d’un quelconque agenda positif, la discussion sur une conférence pour la Méditerranée en est actuellement au point mort, je dirais. Et encore une fois, je vous dis, j’évite d’utiliser le mot « veto », je n’aime pas utiliser ce mot, car le mot veto signifie que tout le monde est d’accord. Qu’il faut un consensus.
Vous vous êtes référé à certains pays. Le ministre des Affaires étrangères a parlé avec son homologue hongrois et d’ailleurs c’est la deuxième fois qu’ils se sont entretenus au cours de ces dernières semaines. Il y avait eu une autre discussion, un entretien téléphonique après le séisme meurtrier à Samos. Je ne veux pas ici entrer dans la position de négociation d’autres pays membres de l’Union européenne.
Mais ce que j’aimerais souligner, de nouveau, est qu’il existe une approche plus générale de la part des Etats membres de l’Union européenne que l’enjeu à l’heure actuelle pour l’Union européenne est le maintien de sa cohésion et de pouvoir sortir unis de ce Conseil européen avec un message.
Dans ce contexte, chacun vient avec ses priorités, ses positions qu’il mettra bien entendu sur la table.
M. GASIAMIS : Le vice-ministre turc de l’intérieur, M. Ismail Catakli parle de phénomènes accrus de « push-backs » (refoulement) de migrants sur la partie grecque en Egée. Avez-vous un commentaire ?
A. PAPAIOANNOU : Non aucun commentaire. Le ministère de la Protection du citoyen, le ministère de l’Immigration et de l’Asile, le ministère de la Marine marchande se sont référés à plusieurs reprises à cette question, je n’ai rien d’autre à ajouter.
TH. ARGYRAKIS : Bonjour. Vous avez dit tout à l’heure qu’on a estimé que Mme Lute devait rencontrer M. Demiris. D’après ce que je me souviens, les envoyés spéciaux de l’ONU pour Chypre rencontraient toujours le ministre des Affaires étrangères. La question est la suivante : pour quelle raison a-t-on estimé que cette fois Mme Lute devait rencontrer M. Demiris ?
Et une deuxième question : A ma connaissance, il y a un rapport en suspens de l’UNESCO concernant la basilique de Sainte-Sophie. Y a-t-il du nouveau à ce sujet ? Et est-ce que la partie grecque a fait pression sur l’UNESCO pour que celle-ci donne de plus amples explications ? Merci beaucoup.
A. PAPAIOANNOU : Permettez-moi de commencer par la deuxième question et merci beaucoup tout d’abord. En ce qui concerne le rapport d’inspection de l’UNESCO, permettez-moi de vous renvoyer à l’UNESCO à ce sujet. Il va sans dire que la partie grecque, tant à Athènes qu’à Paris a, depuis juillet déjà mais aussi avant, fait toutes les actions et démarches nécessaires auprès de l’UNESCO concernant la basilique de Sainte-Sophie et nous continuons, cela est sûr. Mais en ce qui concerne ce que vous m’avez demandé je vais vous renvoyer à l’UNESCO.
En ce qui concerne Mme Lute, je réitèrerais que cette dernière a rencontré le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. Ils ont eu une discussion très intéressante qui a duré assez longtemps, lors de laquelle la partie grecque a réitéré nos positions bien connues. Je n’ai rien d’autre à ajouter. Je vous remercie beaucoup.
G. KOUTSOMITIS : Bonjours à tous. Une question sur l’OTAN. Je comprends bien que vous ne pouvez dévoiler les discussions au sein du Conseil, mais hier soir nous avons eu un communiqué officiel de la Présidence de la République française sur un entretien entre M. Macron et M. Stoltenberg, entretien lors duquel M. Macron a dit que les « choix stratégiques faits par la Turquie nécessitent une clarification au moyen d’une discussion franche au sein de l’Alliance dans le nouveau contexte transatlantique ». A ce stade, étant donné qu’il est désormais dit publiquement qu’il y a un problème avec la Turquie au sein de l’Alliance, la Grèce va-t-elle se positionner à ce sujet ?
Deuxièmement, sur la base du plan, de l’étude, du rapport des experts présenté aux ministres, quelle position prend la Grèce à ce sujet ? Y a-t-il une proposition grecque sur l’avenir de l’Alliance ? Je vous remercie.
A. PAPAIOANNOU : Je vous remercie beaucoup. Votre deuxième question nécessite beaucoup d’explications. La position grecque sur l’avenir de l’Alliance. Mais avant je vais répondre à votre première question sur la déclaration de M. Macron.
Tout d’abord, je ne vais pas commenter les propos échangés entre le Président de la République française et le Secrétaire général de l’OTAN, cela n’entre pas dans le champ de mes compétences.
A savoir si notre pays soulève la question de la Turquie, de son comportement vis-à-vis des autres pays alliés, comme la Grèce, nous le faisons toujours. Depuis des décennies je dirais à l’OTAN, tant auprès du Secrétaire général, que de nos alliés, au sein de l’Alliance. Cela n’est pas nouveau. J’aimerais vous dire par exemple, que régulièrement, très régulièrement, nous faisons des démarches et informons le Secrétaire général de l’OTAN par exemple sur les violations de notre espace aérien national par la Turquie.
Au Conseil de l’OTAN, qui tient séance au moins une fois par semaine, nous avons à maintes reprises soulevé des questions ayant trait au comportement infractionnel de la Turquie et permettez-moi de dire que d’autres pays alliés ont également fait des interventions, au niveau des ambassadeurs, des discussions détaillées ont été engagées, des discussions assez animées en ce qui concerne la question, dans le passé.
Je ne vais pas nommer les autres pays qui ont soulevé la question, je pense que c’est évident.
En ce qui concerne l’avenir de l’Alliance, permettez-moi ici de dire que souvent en Grèce on parle de l’OTAN en disant « l’OTAN a fait ci, l’OTAN a fait ça », etc. Permettez-moi de vous dire que l’OTAN est composée de 30 Etats membres, les décisions sont toujours prises à l’unanimité, ce qui n’a pas l’intention de changer, ce qui, à notre sens, doit continuer.
C’est ce que l’on appelle en anglais consensus (consensus) et non unanimity (unanimité). Je le dis car le terme unanimité signifie que quelqu’un peut très bien s’abstenir. À l’OTAN, il n’y a pas de droit d’abstention. Soit on vote pour, soit on vote contre. En grec, ces deux mots se traduisent par « unanimité ».
Si je le dis, c’est parce que nous, en 1952, depuis 69 ans, sommes alliés, c’est comme cela que l’on appelle un Etat membre de l’OTAN. Donc l’OTAN c’est nous aussi. L’OTAN ne prend aucune décision sans notre consentement. En ce qui concerne l’avenir de l’Alliance, il devra s’adapter à la nouvelle donne, aux nouvelles menaces émergentes en général. Ce que nous soulignons tout le temps, en ce qui concerne notre position à l’OTAN, est qu’elle devra rester attachée, tous ses Etats membres, aux valeurs fondamentales régissant l’Organisation, qui sont visées, si je ne m’abuse, à l’article 1 du Traité de Washington, le traité fondateur de l’OTAN. Ces valeurs sont le respect de la démocratie, des droits de l’homme, de l’Etat de droit, etc.
Cela est un critère de base, fondamental. Nous estimons que l’OTAN est un canal principal pour le maintien du lien transatlantique que nous considérons comme très important et un autre dernier point que j’aimerais souligner est que nous sommes en faveur du renforcement de la relation entre l’Alliance euro-atlantique, entre l’OTAN et l’UE, mais toujours dans le cadre de la complémentarité. Mais cela devra se faire sans aucune exclusion pour aucun pays de l’Union européenne dans le cadre de la coopération OTAN – UE. A bon entendeur salut.
Et bien entendu, l’autonomie de chaque organisation devra être respectée. Nous parlons de deux organisations totalement différentes, nous sommes en faveur de l’approfondissement des relations, mais nous conservons l’autonomie et cela nous l’appelons le statut institutionnel des deux organisations.
Mais comme pays nous, en tant qu’Etat membre de l’OTAN depuis 68 ans, comme je vous l’ai dit, nous participons et continuerons de contribuer à la réflexion sur l’avenir de l’alliance. Et dans ce cadre, bien entendu, nous aspirons à un sommet de l’OTAN avec la nouvelle administration américaine, dans le courant de l’année prochaine.
TH. ARGYRAKIS : Il y a quelques jours, M. Stoltenberg a annoncé qu’il souhaitait faire avancer le mécanisme de désescalade entre la Grèce et la Turquie et d’ailleurs il a dit qu’il a parlé avec Athènes et Ankara. Est-ce qu’une proposition précise sur ce que veut faire M. Stoltenberg vous sera donnée ?
A. PAPAIOANNOU : Je ne suis pas au courant d’une telle chose. Il s’est toutefois entretenu avec le ministre des Affaires étrangères, la semaine passée, mais la principale question soulevée par M. Stoltenberg était l’ordre du jour de la réunion ministérielle de l’OTAN, qui s’est tenue au début de cette semaine.
Et comme je l’avais dit la fois passée, le ministre des Affaires étrangères a parlé au Secrétaire général en détail de l’attitude provocatrice et infractionnelle de la Turquie en Méditerranée orientale. Cela étant dit, les conclusions vont de soi.
SP. SIDERIS : L’ancien ministre des Affaires étrangères, M. Kotzias, hier, dans un article publié en quasiment 5 langues, traite du conflit entre la Bulgarie et la Macédoine du Nord, accusant indirectement le gouvernement grec et le ministère des Affaires étrangères de se positionner en faveur de la Bulgarie, créant et renforçant ainsi le « chauvinisme grand-Bulgare ».
Comme vous l’avez vu sur twitter – qui est désormais devenu le seul moyen nous permettant de communiquer avec le ministère des Affaires étrangères et d’avoir une mise à jour car les mises à jour ne sortent que sur twitter – il semblerait que le ministre se soit entretenu avec Mme Zakharieva. Va-t-il s’entretenir avec le ministre de la Macédoine du Nord, M. Osmani ? Ma première question.
La deuxième : avec Di Maio, ont-ils abordé la question des 12 milles nautiques ?
Troisième question : dans les nouveaux statuts par rapport auxquels nous – un certain nombre d’employés de l’ancien secrétariat général de l’Information et de la Communication - avons exprimé notre opposition, pour ce qui est du tableau d’avancement, est-ce que ce tableau d’avancement sera valable comme pour les autres branches ou bien la progression des employés suivra un nouveau plan ?
Certains articles dernièrement font état d’un désaccord entre le cabinet du Premier ministre et le ministère des Affaires étrangères, à savoir qu’il y a deux lignes différentes pour ce qui est de la politique étrangère. Est-ce que cela est vrai ?
Et dernier point, en ce qui concerne ce que j’ai dit tout à l’heure, indirectement, sur twitter : y aura-t-il une communication d’informations avec certaines notes libres (non papers) concernant soit les entretiens du ministre, soit la politique étrangère de la Grèce, comme ce fut le cas jusque récemment et ne pas attendre les fuites à l’Agence de presse athénienne ou une déclaration que pourrait faire le ministre on camera afin que nous soyons informés ? Nous sommes des journalistes professionnels et attendons du ministère des Affaires étrangères qu’il nous traite comme des professionnels. Je vous remercie.
A. PAPAIOANNOU : Vous êtes des professionnels, tout comme nous sommes tous des professionnels et nous le respectons et il va sans dire que nous essayons de faire notre devoir de la meilleure façon qui soit, dans un respect absolu.
SP. SIDERIS : Pardonnez-moi mais cela ne transparaît pas du tout.
A. PAPAIOANNOU : Je vous remercie beaucoup de votre remarque. Je le répète, nous sommes tous des professionnels, et nous faisons de notre mieux. Merci beaucoup pour vos questions, je vais y répondre volontiers.
Tout d’abord, concernant votre dernière question. Je souhaiterais souligner qu’il existe une coordination absolue entre le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères sur toutes les questions relevant de la politique étrangère. La réponse à votre question est bien évidemment « non ». Il n’y a aucune divergence mais une coordination absolue entre le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères.
En ce qui concerne la question des statuts du ministère des Affaires étrangères, le projet, à ma connaissance, sera soumis au Parlement. Il a fait l’objet d’un débat public du 1er au 31 août.
Puisque vous me demandez pour le secteur de la diplomatie publique, il y aura, à ma connaissance, une équivalence pour ce qui est des grades et des salaires avec la branche diplomatique.
Avec M. Di Maio, ils ont abordé les évolutions en Méditerranée orientale et en Libye, comme je vous l’ai dit, la semaine passée. Ce fut une discussion très constructive comme toujours. M. Dendias entretient d’excellentes relations avec M. Di Maio.
En ce qui son homologue bulgare, Mme Zakharieva, comme je l’ai dit tout à l’heure, ils ont abordé les évolutions dans la région. Le ministre, en vue du Conseil des Affaires étrangères et du Conseil européen, a décliné les défis auxquels notre pays est confronté et le défi européen que pose la Turquie. Dans ce contexte, il y a eu une discussion sur la perspective européenne des Balkans occidentaux.
Permettez-moi de faire une remarque concernant twitter. C’est l’un des moyens de communication du ministère des Affaires étrangères avec vous tous et c’est, à mon sens, un outil utile pour une communication immédiate des informations. D’ailleurs, ce n’est pas seulement notre ministère, mais tous les ministères qui utilisent twitter en Grèce et à l’étranger. Mais ce n’est pas notre unique moyen de communication. Permettez-moi de vous informer que nous publions très régulièrement toutes sortes de communiqués, nous avons le briefing et, comme je vous l’ai déjà dit, je suis bien entendu toujours à votre disposition.
En ce qui concerne l’article de l’ancien ministère des Affaires étrangères, le professeur M. Kotzias, je l’ai vu et je ne le commenterai pas. M. Kotzias exprime ses points de vue personnels. La position de notre pays est toujours le soutien du parcours d’adhésion des pays des Balkans occidentaux.
SP. SIDERIS : Vous ne m’avez pas répondu au sujet des 12 milles marins avec Di Maio et est-ce que le ministre communiquera avec Osmani.
A. PAPAIOANNOU : S’agissant de Di Maio, je vous ai répondu. Merci beaucoup. En ce qui concerne Osmani, à l’heure actuelle, l’entretien avec Mme Zakharieva s’est fait dans le cadre de la préparation du Conseil des Affaires étrangères du Conseil européen, dans le cadre des entretiens qu’a eus le ministre des Affaires étrangères avec ses homologues des Etats membres de l’Union européenne.
Je vous remercie beaucoup pour votre temps. Nous nous reverrons jeudi matin, sauf imprévu. Bonne journée.
December 3, 2020