A l'issue de la session extraordinaire du Conseil des Affaires étrangères de l'UE sur l'Ukraine, le ministre des Affaires étrangères, Nikos Kotzias a tenu une conférence de presse à l'intention des journalistes grecs et étrangers.
Nous vous communiquons ci-dessous le texte intégral de la première prise de position du ministre:
Bonjour mesdames et messieurs,
Une longue négociation vient d'être terminée et un bon compromis a été trouvé au profit de l'Europe et du pays. Tous ces derniers jours des efforts inlassables ont été consentis par nos diplomates à Athènes et notamment par la Représentation permanente de la Grèce auprès de l'Union européenne ainsi que dans le cadre du Comité des Représentants permanents (Coreper). Aujourd'hui, lors du Conseil extraordinaire des Affaires étrangères, ils ont contribué à la prise d'une bonne et raisonnable décision. Je pense que la négociation menée ces derniers jours a atteint ses objectifs pour notre pays et a contribué à l'adoption d'une attitude plus raisonnable de la part de l'Europe. Fort de mon expérience en matière de négociations, je peux dire que ces négociations exigent de notre part ainsi que de celle des analystes de la patience et des nerfs solides. Car les commentaires hâtifs et les comportements exagérés, quelle que soit leur origine, ne sont guère utiles.
Mme Federica Mogherini elle-même, Haute Représentante de l'UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, s'est référée au ton du texte amendé qui a été convenu. Elle a répondu de la meilleure façon. Interrogée par la presse sur la satisfaction des demandes de la Grèce, Mme Mogherini a répondu : « Mais vous avez vu ce qui a été supprimé de la version antérieure de l'avant-projet ». Bien évidemment, elle a été également interrogée sur la délégation grecque et elle a eu la gentillesse, comme elle a eu également la gentillesse de me souhaiter la bienvenue, d'expliquer que la délégation grecque, tout en défendant fermement ses points de vues dans un esprit européen, avait contribué à l'atteinte d'un bon compromis.
La majorité de nos observations a été acceptée. Tout d'abord, je voudrais vous dire que la référence faite à la déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement du 27 janvier a été supprimée du texte initial qui était sur la table des négociations à ce jour. Cela revêt une très grande importance car, comme vous le savez, conformément à la position du gouvernement grec, cet accord n'était pas conforme aux règles européennes. Un communiqué a été émis par le Bureau du Président du Conseil visant à restituer les questions dans le contexte du communiqué émis par le Premier ministre du pays, M. Tsipras. La suppression de la référence faite à cette décision montre que l'absence d'unanimité a été en faite reconnue car la Grèce n'avait pas participé au processus d'approbation y relatif.
Le texte invite toutes les parties à assumer leurs responsabilités. Une référence particulière a été faite à la Russie. Cette référence porte sur les responsabilités de cette dernière à l'égard de ses relations avec les séparatistes. Il n'y a pas eu de référence directe à la responsabilité de la Russie.
La principale proposition que nous voudrions supprimer – et pour ce faire nous avons livré une bataille qui a duré deux heures, à savoir la moitié de la durée de la session consacrée à cette question – a été celle qui portait sur les nouvelles sanctions. La négociation sur cette question a été bien évidemment très difficile, Nombreux ont été les ministres qui ont pris la parole deux, trois et même quatre fois ce qui ne constitue pas une pratique habituelle. Cette phrase qui prévoyait de nouvelles sanctions contre la Russie a été supprimée. A travers mon intervention, nous avons expliqué que les sanctions n'apportaient pas de résultats parce que - comme il a été prouvé par les sanctions imposées contre d'autres pays tels que l'Iran, l'Irak, Cuba ainsi que récemment contre la Russie - n'ont pas pu empêcher ce qu'elles étaient censées empêcher.
Nous avons invité le Conseil des ministres à réfléchir d'une façon stratégique et sur le long terme, sur les objectifs que nous voulons atteindre à travers notre politique à l'égard de l'Ukraine et de la Russie. A savoir, si nous voulons une Russie brisée ce qui entrainerait bien des malheurs pour toute l'Europe. Car, comme la délégation grecque l'a souligné, notre pays se trouve au milieu d'un triangle de déstabilisation, le triangle étant l'Ukraine au nord, la Libye à l'est et la région du Moyen-Orient à l'ouest. Pour notre part, en dépit de nos moyens limités, une vague de stabilisation est lancée depuis la Grèce. Mais, tout effort visant à la déstabilisation, pourrait déstabiliser aussi notre région. Les problèmes de déstabilisation provenant de la Russie, de l'Ukraine et de l'Afrique du nord sont immenses et personne ne peut prévoir les dangers imminents.
Dans ce contexte, nous avons invité le Conseil actuel à ne pas imposer de nouvelles sanctions contre la Russie. Force est de signaler qu'un pays a opposé son veto mais ce n'était pas nous, comme la presse internationale s'y attendait. Le veto a été mis sur la suppression de cette phrase et nous avons tenu un débat d'une heure et demie sur cette question. La délégation grecque a clairement expliqué que faute de suppression de cette phrase, les travaux de la séance ne pourraient être poursuivis. Ce pays s'est isolé des autres et à la fin, il a consenti, dans un esprit constructif, à un texte qui ne prévoirait pas de lourdes sanctions ou de nouvelles sanctions contre la Russie. Ce qui est prévue est l'extension des sanctions prises dans le passé, lesquelles au lieu d'être prolongées jusqu'à la fin de l'année seront réexaminées en septembre. Il a été également convenu que le Conseil examinerait et réfléchirait sur une nouvelle liste de personnalités. Cela sera probablement débattu lors de la prochaine session. Mais ces listes doivent être approuvées et ratifiées par chaque pays et nous ne voudrions pas que dans ces listes figurent des individus dont nous n'acceptons pas l'inclusion.
En outre, depuis hier la protection des minorités nationales de l'Ukraine a été incluse dans le projet de conclusions. L'introduction de cette phrase vise à la protection de la minorité grecque à Marioupol qui subit les conséquences de l'état de guerre actuel. Cet ajout atteste de notre sensibilité à l'égard de la communauté grecque.
Il a été également convenu au sein du Conseil, conformément à notre approche fondamentale, que l'Europe devrait œuvrer en faveur de l'application des accords de Minsk à travers un dialogue avec la Russie - et que nous devons faire en sorte que ce partenaire soit ramené à la table des négociations – et non pas à travers des sanctions. On a opté pour la voie du dialogue et non pas pour celle de nouvelles sanctions.
Je pense que notre principal objectif a été atteint, nous avons prouvé le caractère européen de notre pays ainsi que la politique responsable du gouvernement grec et de son Premier ministre, Alexis Tsipras. L'orientation du personnel politique et administratif du ministère des Affaires étrangères vers une politique étrangère responsable et vers une politique responsable à l'égard de l'Europe a été également confirmée par les affirmations de la Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité. En outre, il a été confirmé qu'il fallait négocier en dépit des pressions multiples.
Personnellement, je dois vous dire que les articles de presse calomnieux publiés en Grèce mais aussi à l'étranger attestent de l'ignorance qui existe à l'égard de la notion de négociation. Certains milieux d'Athènes pensent que la négociation est synonyme de l'adoption sans réflexion d'un texte envoyé par Bruxelles et que la soumission aux points de vues des autres est une preuve d'européanisme. Cette perception est complètement erronée. L'européanisme de la Grèce ne consiste pas à se soumettre aux points de vue des tiers mais à adopter une approche consensuelle dans un esprit constructif. Cette approche est avant tout axée sur la perception selon laquelle le pays doit avoir sa propre opinion à l'égard de ce qui est bon et juste pour l'Europe. Nous avons entamé cette négociation il y a quatre jours. La conclusion fondamentale de cette négociation qui s'est terminée aujourd'hui est que la paix et la stabilisation en Ukraine tout en évitant de creuser des fossés entre la Russie et l'UE était dans l'intérêt de l'Europe.
Force est également de souligner que les objectifs que nous nous sommes fixés ont été élaborés de concert avec le service diplomatique de notre ministère ainsi qu'en coopération avec la Représentation permanente de la Grèce auprès de l'UE. Nous disposons de bons diplomates, je le répète, des diplomates munis d'esprit critique et nous avons nous aussi beaucoup à apprendre d'eux. Cette coopération et la manière dont la négociation a été menée atteste de notre capacité à contribuer à l'avenir de l'Europe en fonction aussi de nos propres intérêts fondamentaux.
Je vous remercie beaucoup.
January 30, 2015