Réponse du ministre des Affaires étrangères, M. D. Avramopoulos à une question d’actualité du parti SYRIZA

Monsieur le Président,
Chers collègues,

Permettez-moi tout d’abord de souhaiter la bienvenue au Parlement hellénique à mon collègue, le ministre des Affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine, M. Lagumdzija avec lequel j’aurai aujourd’hui une rencontre portant sur des questions relevant des relations bilatérales des deux pays. Je lui souhaite donc la bienvenue au temple de la République hellénique qui est aussi le temple de la démocratie mondiale car c’est depuis cette ville qu’a commencé cette belle aventure du monde qui a permis aux peuples de l’Europe de vivre la démocratie dans la pratique, selon des principes et des valeurs qui ont pris naissance ici. Encore une fois je vous souhaite la bienvenue.

Chers collègues,

J’ai ecoute avec une grande attention les positions de mes collegues ainsi que celle du President du SYRIZA, M. Tsipras. Permettez-moi d’exprimer tout d’abord ma joie a la tenue des discours serieux et responsables au sein de cette chambre. Je tiens a remercier M. Glezos pour avoir accepte de changer la date de cette reunion et de la remettre a un peu plus tard afin que je puisse y assister egalement. Car il s’agit d’un debat tres important qui nous donne l’opportunite, surtout a nous, membres du gouvernement, d’informer le parlement et d’ecouter les points de vue des partis sur une question qui, en depit des decennies qui se sont ecoulees, demeure toujours en suspens.

Il y a un an environ, et plus particulièrement en mars 2013, a été tenue la première réunion conjointe des Comités permanents des affaires économiques et étrangères du parlement, en vue d’engager un débat à fond sur la question des réparations. Cette discussion nous a fait beaucoup réfléchir.

De cette discussion, je retiendrais trois éléments principaux. Premièrement, l’absence d’un aperçu clair et des données disponibles. Deuxièmement, l’absence de volonté politique et troisièmement, une composante commune adoptée par tous les partis, ce qui pourrait normalement conduire à un consensus. Et, apparemment, l’évolution de la discussion actuelle ira également dans le même sens. Je comprends tout à fait les questions que vous soulevez, notamment pour ce qui est du rétablissement de la justice et de la vérité pour les maux qui ont affligé le peuple grec durant les années de l’occupation, une période difficile durant laquelle le peuple grec a souffert de la famine et a été victime du plus grand pillage qu’ait jamais connu un pays au cours de la Seconde guerre mondiale.

Cela est bien connu non seulement de nous tous qui en tant que pays et peuple, avons supporte les maux de la guerre, la pauvrete, la famine, les atrocites, le vol et la destruction de notre patrimoine culturel, les incendies et les horreurs qui nous ont ete affliges par les occupants, mais de l’Europe tout entiere aussi et meme au-dela de ses frontieres, dans le monde entier. Certes, il s’agit d’epoques differentes qu’il ne faut pas comparer, mais ces souvenirs sont graves dans notre memoire. Depuis, d’important pas en avant ont ete realises. L’Europe s’est reunie, ceux qui etaient des adversaires a l’epoque, cooperent et coexistent actuellement au sein de l’Europe. La paix qui a ete consolidee en Europe a travers des difficultes qui ont atteint leur point culminant avec la crise economique generalisee, ne cesse d’etre le destin commun de tous les peuples de l’Europe.

Toutefois, tandis que de grands chapitres de cette periode dramatique ont ete fermes, la question des reparations n’a pas ete reglee de maniere mutuellement acceptable. Le fait qu’a ce jour aucun gouvernement n’ait renonce a ces pretentions vient le confirmer. C’est pourquoi nous revendiquons ce qui nous appartient d’une maniere legitime et a cette fin nous procedons a toutes les actions necessaires et il n’y aucun doute a cet egard. Par ailleurs, selon la position immuable de l’Etat grec, la question des reparations de guerre est un dossier qui demeure en suspens et c’est pourquoi nous avons toujours le droit ainsi que les capacites de gerer cette question afin qu’il y ait une issue favorable pour notre pays.

Il ne fait par ailleurs aucun doute que la question des réparations allemandes présente une certaine complexité dans le cadre du droit international. Il y a toutefois une autre dimension, très importante de la question, qui est sa dimension éthique et historique qui va droit au cœur des Grecs. Il est vrai également que cette question aurait dû être réglée plus tôt. Mais vous conviendrez également que l’histoire parfois ne juge pas par le temps, mais les actions. En aucun cas, la nouvelle soumission de cette question ne devra être considérée comme un acte hostile envers un peuple avec lequel nous avançons au sein de la famille européenne.

Les citoyens allemands eux-mêmes ont condamné les atrocités du régime nazi et aujourd’hui, avec tous les peuples européens, ils vivent l’ère de la démocratie. Je suis certain qu’ils comprennent la position des Grecs, laquelle n'identifie en aucun cas la République allemande actuelle avec le régime nazi. Bien au contraire, de concert avec l’Allemagne et avec tous les pays démocratiques d’Europe, nous avons une présence dynamique au côté des peuples qui luttent en faveur de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit.

Certains ont essayé de lier l’adaptation budgétaire nécessaire de notre pays et les grandes réformes appliquées, avec la question des réparations. Cela est faux et ce, parce qu’une question demeurée en suspens depuis 60 ans ne peut être inclue dans l’agenda de la crise budgétaire. Bien au contraire, le règlement de cette question permet d’effacer le dernier point sombre de l’histoire et annonce un nouveau chapitre dans nos relations.

Le ministère des Finances, sur instruction du Premier ministre Antonis Samaras, a recueilli, enregistré et analysé les archives disponibles. Je rappelle que dans le passé, la question des réparations allemandes avait été soulevée à plusieurs reprises. Le Président de la République actuelle l’avait soulevée alors en qualité de ministre des Affaires étrangères. La question était donc ouverte mais pas close. Maintenant je vous assure que cette question ouverte sera close et que la justice triomphera.

En ce qui concerne l’enquête effectuée dans les archives économiques de l’Etats, mon collègue, le secrétaire d’Etat aux Finances, M. Staïkouras, pourra vous fournir de plus amples informations. Le rapport qui a été transmis au ministère des Affaires étrangères et qui effectivement est le fruit d'un travail aussi systématique que laborieux fourni par le comité compétent qui avait été défini lors de sa rédaction, a été envoyé au Conseil juridique de l'Etat qui doit rendre son avis afin qu'il y ait une base juridique solide pour les prochains pas à entreprendre. Et ce, car comme vous le comprenez, toute bataille qui sera livrée revêtira également une dimension juridique, notamment dans la perspective de saisir la justice internationale.

Très certainement, nous ne pouvons préjuger de la teneur du rapport. Cela dit, il sera décisif pour nos prochaines actions.

A ce stade, j’aimerais vous rappeler que le rapport a été transmis au ministère des affaires étrangères sous la classification confidentiel, une classification, Monsieur Tsipras, donnée par les personnes mêmes qui traitent ce dossier et que vous avez, très justement, félicité tout à l'heure pour leur mission. Et ils l'ont fait - sans qu'aucune instruction ne leur soit donnée - pour une simple et bonne raison.

Le contenu de ce rapport contient des éléments qui devraient être protégés contre une éventuelle exploitation qui pourrait nuire au traitement de ces éléments du point de vue politique, diplomatique et juridique. En cet instant présent, le Conseil juridique de l'Etat procède au traitement juridique, à l’évaluation et à la justification du contenu de ce rapport confidentiel et par extension des prétentions de l’Etat grec. Nous en sommes donc à ce stade.

Mes chers collègues,

J’en viens maintenant à la deuxième condition que j’ai mentionnée tout à l’heure, qui est la volonté politique. La volonté politique du gouvernement a été exprimée de manière tout aussi claire que catégorique, grâce à ces actions, des actions qui, pour la première fois dans la période de l'après-guerre, jettent les bases du règlement final de la question. C’est une décision de responsabilité politique et nationale, vous l'avez dit tout à l'heure vous-mêmes, et elle exprime le peuple grec dans son ensemble.

C’est cette voie que nous avons choisie et nous épuiserons toutes les possibilités existantes pour arriver à des résultats et ce, pour le temps qu’il faudra et même au-delà de la conjoncture actuelle.

Le fait que cela exprime le peuple grec dans son ensemble, nous mène au troisième point qui est le consensus national. Pour cette raison, nous ne devons pas permettre des positions et des attitudes qui affaibliraient la ligne et position nationale unie nécessaire. Et à ce stade, des propos extrémistes ou tendant à diviser n'ont pas leur place, ce que les précédents intervenants ont à juste titre souligné. La contribution de tous, sans exception, par leurs propos, positions ou propositions, peut conduire au résultat nécessaire, qui à son tour nous servira de base politique et nationale.

A ce stade, j’aimerais rendre hommage à tous ceux, hommes politiques et citoyens, qui indépendamment de leurs fonctions et des partis qu'ils représentent, ont su garder vivante cette question et n'ont jamais cessé de lutter pour son règlement définitif. Bon nombre de ces personnes sont aujourd'hui parmi nous aujourd'hui, Monsieur Glezos, Monsieur Linaios et d'éminents professeurs. Mais permettez-moi de dire qu'un grand nombre de ceux-là ne sont plus aujourd'hui des nôtres car ils ont fermé les yeux avant que cette heure n’arrive. Force est aujourd’hui de rappeler à notre mémoire tous ceux qui ont gardé cette question vivante et qui nous offrent aujourd'hui la possibilité d'ouvrir à nouveau ce dossier, en leur nom, mais aussi au nom des grands combats du peuple grec.

Mesdames et Messieurs les députés,

Il y a quelques jours, quand cette question a vu le jour, j'avais dit que le fait que nos generations n'ont pas vecu ce qu'ont vecu les generations anterieures d'Europeens ne veut pas dire que nous n'avons pas tire les lecons de l’histoire. Aujourd’hui, ce qu’est entrain de vivre l’Europe est une nouvelle forme de guerre, a la difference que cette guerre ne detruit pas des batiments, elle ne fait pas de morts, mais elle tue les reves et les conquetes de la generation de l'apres-guerre. Notre conquete commune est et demeure le projet europeen. Notre decision est de le renforcer devant toute forme de crise et de menace et cela est dans l'interet de la Grece, de notre nation et de notre peuple et de tous les peuples de l'Europe.

J’ai dit tout à l’heure que le peuple allemand et le peuple grec coexistent, coopèrent et avancent ensemble au sein de l’Europe unie. Deux peuples qui se découvrent au fur et à mesure, avec des centaines de milliers de Grecs qui vivent et travaillent en Allemagne, avec deux générations de Grecs qui sont nés, étudient et travaillent dans ce pays, mais aussi avec des centaines de milliers d’Allemands qui visitent chaque année notre pays, car ils y trouvent un environnement hospitalier et amical. Ainsi, nous continuerons, en renforçant dans le même temps nos relations dans nos domaines d’intérêts communs.

Toutefois, il ne faut pas confondre ces deux choses. Le règlement final de cette question en suspens ne touchera pas le noyau des relations entre nos deux peuples et nos deux pays et il est certain qu'au processus choisi s'ajouteront la compréhension et l'entente.

Mes chers collègues,

Nous avons le devoir de prouver à tout le monde que la Grèce revendique ce qui lui est dû, tout en étant unie, et que devant cette question, on n'est pas plus ou moins patriote. Notre volonté commune est de revendiquer ce qui nous est dû. Ce débat d'aujourd'hui doit apporter un message d’unité vers un objectif commun. Notre gouvernement a de nouveau soulevé cette question et nous ne revendiquons pas la première place, ce que vous avez également si justement dit aussi tout à l’heure. Nos pensées, nos actions expriment l’ensemble du peuple grec. Le gouvernement a ouvert la voie qui mènera à la résolution définitive de cette question. Je suis certain que grâce au soutien et à l’assistance de toutes les forces politiques, la volonté et l’attente du peuple grec sera exprimée de manière authentique et justice sera rendue à notre pays, car la justice, comme l’a très bien dit Manolis Glezos, est avant tout une question d’éthique.

Je vous remercie.

April 24, 2013