D. DROUTSAS : « Nous ne pouvons, en tant que pays, faire comme si ces événements avaient lieu à l’autre bout du monde. Nous avons nos propres préoccupations, nos hommes, nos communautés, les ressortissants grecs y travaillant, nos institutions religieuses majeures, toute notre présence historique dans la région. Nous avons des investissements et des intérêts économiques. C’est pourquoi nous ne pouvons rester les bras croisés.»
Points principaux :
· Une vague de mécontentement populaire sans précédent déferle sur le monde arabe, en ébranlant des régimes depuis longtemps au pouvoir. Des régimes qui, jusqu’à peu, semblaient intouchable. Je ne sais pas jusqu’où cela peut aller et quelles seront les conséquences. Mais nous savons que le nouvel Etat de choses créé aura une influence directe sur la Grèce et son environnement géopolitique.
· Notre pays, qui entretient des relations tout aussi étroites qu'historiques avec tous les pays de la région, participe activement à la prise de décisions, tout en étant guidé par le soutien des peuples qui luttent pour leur droit à un avenir meilleur. Permettez-moi de souligner ce mot : soutien. Tel est le principal guide de toutes nos actions.
· [Concernant la Libye :] Nous suivons les développements minutes par minutes, nous coordonnons nos actions et nous préparons à toute éventualité, à toute initiative possible susceptible de mettre fin à la violence. L’arme la plus puissante dans tout cet effort est l’unité de la communauté internationale. Le Conseil de sécurité des Nations Unies en est son garant.
· [Concernant les développements plus généraux en Afrique du Nord et au Moyen-Orient :] Nous, en tant que pays, ne pouvons faire comme si ces événements avaient lieu à l’autre bout du monde. Nous avons nos propres préoccupations, nos hommes, nos communautés, les ressortissants grecs y travaillant, nos institutions religieuses majeures, toute notre présence historique dans la région. Nous avons des investissements et des intérêts économiques. C’est pourquoi nous ne pouvons rester les bras croisés.
· Nous sommes en contact avec les dirigeants de la région de tous les partis ainsi qu’avec nos partenaires et alliés et, lorsque les conditions l’ont permis, nous avons été les premiers à envoyer en Egypte des hauts fonctionnaires comme le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, l’ambassadeur M. Zepos, en vue d’obtenir des informations détaillées et complètes tandis que l’Union européenne était en train de façonner sa politique à l’égard de cette question.
· Au sein de l’UE, nous sommes d’ores et déjà en train d’élaborer un plan global pour assister de manière substantielle les pays de la Méditerranée du sud dans leur parcours vers la consolidation de la démocratie.
· Nous devons mettre en place un « plan Marshall européen» qui concernera tous les aspects de la vie économique, sociale et politique des pays de la région.
· Nous devons donner priorité aux actions relatives à la création d’institutions démocratiques et à la bonne gouvernance, des actions qui répondront aux demandes exigeantes et justes de la société civile.
Texte intégral du discours :
Mesdames et Messieurs les députés,
Tunisie, Egypte, Libye. Mais aussi d’autres pays dans notre voisinage direct.
Une vague de mécontentement populaire sans précédent déferle sur le monde arabe, en ébranlant des régimes depuis longtemps au pouvoir.
Des régimes qui, jusqu’à peu, semblaient intouchables.
Je ne sais pas jusqu’où cela peut aller et quelles seront les conséquences.
Mais nous savons que le nouvel Etat de choses créé aura une influence directe sur la Grèce et son environnement géopolitique.
La fin de cet « enchaînement » de soulèvements et de renversements étant difficile à prévoir, la communauté internationale suit la situation avec une grande inquiétude.
Notre pays, qui entretient des relations tout aussi étroites qu'historiques avec tous les pays de la région, participe activement à la prise de décisions, tout en étant guidé par le soutien des peuples qui luttent pour leur droit à un avenir meilleur.
Permettez-moi de souligner ce mot : soutien.
Tel est le principal guide de toutes nos actions, ce que j’aurai l’occasion d’analyser durant notre discussion.
Soutien à un parcours que les peuples des pays de la région ont décidé d'entamer.
Soutien dans le sens qu’eux-mêmes – et non les autres pour leur compte – décideront de suivre.
Personne ne doit s’imaginer pouvoir ou devoir manipuler ces mouvements.
Tous doivent respecter la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale de ces pays.
Respecter les combats en faveur de la liberté, de la démocratie et de la solidarité sociale.
Qu’en est-il toutefois de ces développements actuels ?
La Tunisie s’efforce de trouver un nouvel équilibre, mais elle avance lentement.
L’exigence des insurgés pour la disparition de toute trace du régime Ben Ali et la création d’un Etat démocratique est tout aussi intense que persistante, ce qui donne lieu à des bouleversements.
Le nouveau gouvernement de transition doit préparer le terrain et organiser des élections dans des conditions de transparence totale et de respect de la volonté du peuple.
En Egypte, dont le poids au niveau régional est déterminant, la stabilisation semble être sans heurts.
Le processus de la transition politique avance, puisque la proposition de la commission ad hoc sur la réforme constitutionnelle a déjà été préparée, réforme qui permettra la participation démocratique des partis et des candidats.
Le calendrier annoncé semble être respecté.
Mais le temps n’est pas un paramètre crucial, ce sont les changements eux-mêmes qui le sont ainsi que la satisfaction des conditions pour des élections justes.
En Libye, l’ancien régime livre une bataille sanglante d’arrière garde.
Le Premier ministre et moi-même condamnons fermement la violence, les extrémismes et les souffrances que le régime de Kadhafi inflige à son pays, à l’heure même où nous parlons.
Nous l’avons exhorté, avec la communauté internationale, à mettre de suite fin à la violence et à répondre à l’appel du peuple pour un avenir meilleur et nous nous rallions à la décision 1970 adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui impose, entre autres, des sanctions au régime Kadhafi.
Avec nos partenaires, nous sommes prêts à assister le peuple libyen.
Nous suivons les développements minutes par minutes, nous coordonnons nos actions et nous préparons à toute éventualité, à toute initiative possible qui pourra mettre fin à la violence.
L’arme la plus puissante dans tout cet effort est l’unité de la communauté internationale. Le Conseil de sécurité des Nations Unies en est son garant.
Mesdames et Messieurs les députés,
Il est évident que les gouvernements provisoires ne peuvent pas faire grand-chose pour pouvoir satisfaire les demandes sociales des manifestants.
Car la jeunesse du monde arabe ne s’est pas seulement révoltée pour défendre la démocratie, les droits politiques et les libertés individuelles.
Il est clair qu’après l’établissement des institutions démocratiques, le peuple révolté exigera – il l’exige déjà – des droits sociaux évidents : des emplois, une protection sociale, la santé et l'éducation pour tous, des perspectives et l'espoir d'un avenir humain.
Et là, c’est-à-dire bientôt, l’intérêt sera plus marqué vis-à-vis de ce que l’Union européenne peut faire en tant que tout, mais aussi chaque Etat membre séparément, pour pouvoir aider à la stabilisation non seulement de la Tunisie, de l'Egypte ou de la Libye, mais aussi de la région tout entière, car les demandes sont universelles et horizontales, non localisées, et elles nous concernent tous.
Les défis que nous devrons relever seront immenses, et je me réfère ici à la vague migratoire quasiment certaine qui en découlera, au risque d'échec du processus de paix au Moyen-Orient et à une montée éventuelle de l'Islamisme radical favorisé par le changement démocratique qui s’opère.
Nous, en tant que pays, ne pouvons faire comme si ces événements avaient lieu à l’autre bout du monde.
Nous avons nos propres préoccupations, nos hommes, nos communautés, les ressortissants grecs y travaillant, nos institutions religieuses majeures, toute notre présence historique dans la région.
Nous avons des investissements et des intérêts économiques.
Il ne faut pas oublier que notre présence économique dans les trois pays susmentionnés dépasse largement, en termes de capital investi, un milliard de dollars.
C’est pourquoi nous ne pouvons rester les bras croisés.
Tout d’abord, l’opération de rapatriement de nos compatriotes a été couronnée de succès. Nous avons rapatrié environ 200 personnes d’Egypte et plus encore de Libye tandis que parmi les personnes évacuées ont également figuré des ressortissants chypriotes. Cette opération a été menée dans des conditions extrêmement difficiles.
Comme l’a également affirmé, M. Dollis et à cette occasion je voudrais depuis cette tribune le féliciter et le remercier, « nous avons été très courageux mais nous avons eu aussi de la chance ».
De nombreux pays, en appréciant non seulement notre position géographique mais aussi le savoir faire de la Grèce qui a fait ses preuves dans le passé, ont demandé notre assistance pour utiliser les ports et les aéroports en tant que centres de transit de leurs citoyens rapatriés de Libye.
La marine grecque a de nouveau joué le rôle de point de sauvetage pour des milliers de personnes.
Le succès de cette opération d’évacuation, la plus difficile opération qui n’ait jamais été menée par le ministère des Affaires étrangères, est venue confirmer le rôle de la Grèce dans la région en tant que pôle de stabilité et point de référence.
Nous avons eu une coopération étroite dans le cadre des organisations internationales et au niveau bilatéral en vue de façonner notre position commune face à cette nouvelle réalité.
Nous sommes en contact avec les dirigeants de la région de tous les partis ainsi qu’avec nos partenaires et alliés et, lorsque les conditions l’ont permis, nous avons été les premiers à envoyer en Egypte des hauts fonctionnaires comme le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, l’ambassadeur M. Zepos, en vue d’obtenir des informations détaillées et complètes tandis que l’Union européenne était en train de façonner sa politique à l’égard de cette question.
Dans ce contexte, le Conseil européen du 4 février a confié à la Haute Représente de l’UE en charge des Affaires extérieures la tâche d’élaborer un train de mesures visant tout d’abord à renforcer l’Egypte et la Tunisie et à trouver les modalités d’interconnexion des politiques existantes de l’Union, à savoir la Politique européenne de voisinage pour la Méditerranée.
Le 21 février, les 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union ont jeté les bases d’une politique européenne globale en vue de lutter contre la crise.
Le Président du Conseil européen a convoqué pour le 11 mars une réunion au sommet extraordinaire.
Comme je l’ai tout à l’heure affirmé, la Grèce participe de manière active à ce processus et a soumis des propositions précises avec cinq autres Etats de la Méditerranée (France, Espagne, Malte, Chypre, Slovénie).
Permettez-moi de vous présenter les grandes lignes de notre approche :
- Tout d’abord, une approche globale de la situation actuelle prévalant tout au long des côtes de la Méditerranée du sud en vue d’établir un nouveau partenariat.
- Dans ce même esprit, nous considérons qu’il est important d’établir des synergies entre les divers instruments politiques et financiers européens et d’élaborer une stratégie spéciale pour la Méditerranée.
- Deuxièmement, nous considérons qu’il est opportun de réviser les priorités de la Politique européenne de voisinage.
- Notre premier objectif doit être désormais le renforcement des actions visant à l’établissement de la démocratie dans les Etats voisins du sud et au renforcement de la société civile.
- Troisièmement, la promotion du développement social et économique de nos partenaires du sud.
A cet égard aussi, les actions européennes proposées doivent prendre en considération les priorités et les demandes formulées par les peuples eux-mêmes de la Méditerranée du sud.
Quatrièmement, afin de réaliser les objectifs que je vous ai présentés, les instruments financiers doivent être convenablement réadaptés.
Par exemple les fonds de la Banque européenne d’investissements doivent et peuvent financer aussi des actions en Méditerranée du sud ou, autrement, nous pourrions créer une Banque européenne pour la Méditerranée.
- Cinquièmement, l’Union pour la Méditerranée et son instance nouvellement créée, le Secrétariat. Par le biais de ce dispositif, nous pouvons promouvoir des programmes de développement dans des domaines clés tels que l’économie, la société, l’environnement et les médias, la mobilité, y compris, bien entendu, le domaine de l’Energie dont la responsabilité, de la part du Secrétariat, revient à notre pays.
Nous devons adopter une approche globale, dynamique et audacieuse.
Nous devons assumer nos responsabilités.
Nous devons mettre en place un « plan Marshall européen» qui concernera tous les aspects de la vie économique, sociale et politique des pays de la région.
Nous devons donner la priorité aux actions relatives à la création des institutions démocratiques et à la bonne gouvernance, des actions qui répondront aux demandes exigeantes et justes de la société civile.
A ce stade, je voudrais évoquer la proposition du Premier ministre concernant la création d’un Centre de démocratie en Grèce.
La Grèce est le berceau de la démocratie.
Il s’agit d’un symbolisme très puissant et d’un héritage politique essentiel sur lequel nous pouvons axer notre contribution à la transition démocratique des peuples de la région.
L’idée est de créer un forum qui rassemblera les jeunes et aspirants de la scène politique ainsi que leurs homologues de la région euro-atlantique et du monde entier.
Un forum qui donnera l’opportunité d’échanger des vues sur le développement de la démocratie.
Et pour être plus clair : personne ne veut « implanter » un modèle démocratique occidental dans les pays arabes.
Ces peuples, je le répète, doivent trouver tous seuls le chemin approprié. Autrement, l’expérience sera vouée à l’échec.
C’est pourquoi nous parlons d’un forum, de l’institution du dialogue qui aidera nos partenaires au sud à établir leur propre démocratie, une démocratie respectueuse des droits de l’homme universels.
Mesdames et messieurs les députés,
Le rôle du parlement hellénique déterminera le succès de cette entreprise.
Nous avons une démocratie puissante et ouverte et sur ses fondements est axée l’institution sacrée de notre parlement.
Une démocratie qui est aussi marquée par des divergences et des oppositions mais guidée par notre profonde croyance en la démocratie.
Je vous invite tous à soutenir et à participer à cette entreprise.
Je vous invite à enrichir cet effort par votre expérience et vos idées.
Vous pouvez y contribuer de manière décisive afin que les liens de la Grèce avec le monde arabe, le nouveau monde arabe qui émerge, deviennent encore plus profonds et plus puissants.
La Grèce peut bénéficier de sa crédibilité pour atteindre cet objectif.
Elle est un partenaire de longue date et entretient des liens traditionnels de compréhension et de respect mutuels avec le monde arabe.
Elle connaît les sensibilités et la fierté des peuples de la région.
La Grèce, j’ose dire, et j’y crois fermement, est une voix crédible dans la région.
Il est de notre devoir en ces moments difficiles de faire entendre notre voix.
Merci.
March 4, 2011