Séance d’information devant le Comité permanent «Défense nationale et Affaires étrangères» par le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, E. Vénizélos sur les évolutions dans la bande de Gaza

Séance d’information devant le Comité permanent «Défense nationale et Affaires étrangères» par le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, E. Vénizélos sur les évolutions dans la bande de GazaVeillez trouvez ci-dessous le texte de l’intervention du vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Evangelos Vénizélos devant le Comité « Défense nationale et Affaires étrangères » du parlement hellénique au sujet des évolutions dans la bande de Gaza :

E. VENIZELOS : Madame la Présidente, je voudrais remercier vous et le Comité pour la sensibilité dont vous avez fait preuve à l’égard de cet énorme problème à Gaza et pour l’invitation que vous m’avez adressée en ma qualité de ministre des Affaires étrangères.

Tout d’abord, il y a une heureuse conjoncture. Il y a quelques heures, comme vous le savez, l’entrée en vigueur d’une trêve temporaire a été finalement convenue et nous espérons que celle-ci sera respectée et se transformera en trêve durable. Les derniers jours, malheureusement, nous avons à plusieurs reprises vécu cette expérience de l’annonce d’un accord sur la trêve laquelle par la suite se rompait et par conséquent nous nous montrons très réticents et dans le même temps nous devons tous, en tant que communauté internationale, exercer des pressions dans le sens de l’instauration d’une trêve.

Je tiens donc à exprimer, au nom du gouvernement grec, notre satisfaction, car mieux vaut tard que jamais, pour cette trêve temporaire qui a été consentie. Nous formons notre profond souhait que cette trêve soit respectée et nous poursuivons, de concert avec l’Union européenne et la communauté internationale les efforts afin de parvenir à une trêve permanente et d’autant plus à un accord sur le règlement de la question du Moyen-Orient dans le cadre que nous nous connaissons tous et qui constitue la position ferme grecque ainsi qu’européenne, une solution à deux Etats qui respectera le droit des Palestiniens à un Etat palestinien, qui respectera l’Etat d’Israël et le droit de ce dernier à la sécurité, qui respectera les frontières de 1967 et, bien évidemment, une solution qui devra être soutenue par la communauté internationale et notamment par l’Organisation des Nations Unies.

Dans cette région tourmentée ces dernières deux semaines, nous assistons tout d’abord à une énorme crise humanitaire sans précédent, une crise humanitaire tragique, faisant chaque jour de nombreuses victimes parmi la population civile, surtout des femmes et des enfants qui sont les victimes les plus tragiques de la crise. Toutes les données politiques, stratégiques et militaires cèdent devant la souffrance humaine et la nécessité de respecter les droits de l’homme fondamentaux, le droit à la vie, à la sécurité, le droit de chaque enfant à la vie.

Nous devons également faire une distinction très claire entre la population de Gaza et la direction de Hamas. On ne doit pas confondre la population, les citoyens, les familles, les enfants avec l’organisation de Hamas car si l’on adopte cette approche erronée, la sensibilité et la priorité humanitaire - qui sont bien évidentes à cet égard - vont reculer.

Nous avons malheureusement assisté à un enchaînement d’événements qui a conduit à ces phénomènes tragiques, tandis que les mois précédents avaient été créées toutes les conditions favorables à une négociation qui pourrait résulter à un accord.

Force est de rappeler très brièvement l’initiative systématique et constante du Secrétaire d’Etat américain, John Kerry et le fait que les négociations avait étaient entamées car tant le gouvernement israélien et le Premier ministre à titre personnel, M. Netanyahu, que, bien évidemment, la partie palestinienne et le Président Mahmud Abbas personnellement, avaient exprimé leur volonté politique ferme dans ce sens.

Les négociations ont été difficiles car des conditions devraient être remplies, des conditions qui à nos yeux semblent simples, mais, apparemment, très difficiles pour les parties impliquées, comme la libération des prisonniers.

Nous avons eu l’occasion en tant que Grèce de participer deux fois au groupe restreint des Etats membres de la communauté internationale qui suit de près les évolutions au Moyen-Orient, à travers des initiatives de l’Institut international pour la Paix, qui organise une fois par semestre au moins une réunion y relative à l’initiative du Luxembourg et des Emirats arabes unis.

J’ai eu l’occasion les derniers mois de participer à deux réunions similaires, à New York et à Luxembourg. Malheureusement, les pourparlers ont été suspendus. Nous avons eu l’occasion de parler de toutes ces questions en octobre lors de la visite que nous avons effectuée avec le Premier ministre et la délégation gouvernementale à Jérusalem. En outre, j’ai eu personnellement une rencontre avec Mme Tzipi Livni, ministre de la justice et négociateur de la part d’Israël et par la suite, je suis resté encore un jour dans le pays après le départ de la délégation gouvernementale en vue de visiter Ramallah. Lors de notre discussion avec le Président M. Abbas, nous avons répété les mêmes choses.
J’ai me suis entretenu à plusieurs reprises avec mon homologue palestinien, la dernière fois étant ici à Athènes, le 10 juin, dans le cadre de la réunion entre les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne et de la Ligue arabe, une des grandes initiatives de la Présidence hellénique du Conseil de l’UE au cours du semestre précédent. Nous avons des contacts téléphoniques continus avec le ministre des Affaires étrangères de la Palestine et d’Israël. Ce dernier n’avait pas encore assumé ses fonctions en octobre et il vient de les assumer actuellement. Et il y avait ce bon augure, à savoir la formation d’un gouvernement palestinien d’unité nationale, dont la composition était essentiellement technocratique mais avec le même Premier ministre et le même ministre des Affaires étrangères. A savoir, en réalité, nous avons un gouvernement accepté par le Hamas, mais contrôlé par le Fatah, en dépit du fait que la contrepartie est que le Hamas exerce réellement le contrôle sur Gaza et non pas le gouvernement.

Toutefois, cela a provoqué une grande réaction de la part d’Israël et après on a eu l’enchaînement d’événements très tragiques qui ont servi de prétexte, à savoir l’enlèvement de trois jeunes israéliens, l’assassinat d’un jeune palestinien, l’opération militaire israélienne visant à la destruction des tunnels reliant Gaza à Israël. Nous savons très bien qu’il existe des phénomènes similaires – à savoir un grand nombre de tunnels - à Rafah près de l’Egypte, ce qui préoccupe vivement notre pays car cela pèse sur la sécurité élargie de la péninsule du Sinaï et sur celle du monastère Sainte-Catherine. Cela à conduit à l’escalade des opérations depuis déjà le 9 juillet.

L’Egypte a présenté une initiative visant à l’instauration d’une trêve et à la réouverture des pourparlers à la deuxième phase, une initiative soutenue de manière unanime par la Ligue arabe – cela revêt une importance cruciale – et la Grèce a également soutenu cette initiative en tant que pays ami de l’Egypte, du monde arabe, entretenant aussi de très bonnes relations avec Israël. Le ministre des Affaires étrangères de l’Egypte lorsque je l’ai déjà contacté à l’époque afin de lui dire que la Grèce était à ses côtés et à sa disposition, nous a demandé de communiquer cette initiative au niveau communautaire. Et, en effet, la Représentation permanente de la Grèce en coopération avec la Représentation permanente de la France, a inscrit de manière claire dans les Conclusions du Conseil des Affaires étrangères et du Conseil européen l’initiative égyptienne.

Malheureusement, l’initiative égyptienne n’a pas été soutenue par tous, elle n’a pas été acceptée par le Hamas et par la suite, il y a eu une autre initiative parallèle - pour ne pas dire une initiative s’opposant à celle de l’Egypte - laquelle a été promue par les gouvernements du Qatar et de la Turquie et a été prise au sérieux par l’administration américaine aussi. Les visites successives de M. Kerry dans la région et notamment au Caire ont été transférées à Paris avec la participation des gouvernements du Qatar et de la Turquie. Toutefois, il n’y a eu aucun résultat et tous les efforts visant au retour de la trêve de 2012 ont échoué. Actuellement, il y a à peine quelques heures une trêve a été finalement consentie. Dans l’intervalle, nous assistons à un échange de tirs de roquettes, à des bombardements faisant des victimes chaque jour surtout des enfants ce qui nous attriste profondément.

Nous avons également essayé d’aider le Patriarcat de Jérusalem lequel dispose de moyens très limités – et ses demandes sont minimes – afin que le monastère de Saint Porphyre à Gaza puisse servir de refuge tant que cela puisse être possible. La population chrétienne et notamment orthodoxe de Gaza n’est pas nombreuse mais, comme vous le comprenez, si les parties impliquées dans les opérations militaires ne font pas preuve d’une volonté réelle, cette trêve ne pourra pas être consolidée.

Heureusement, la rencontre au Caire a apporté ses fruits. Toutes les autres initiatives revêtent, pour parler sans réticence, un caractère symbolique et médiatique. Dans ces conditions et tant que des personnes innocentes, des civils, trouvent la mort, il est inutile de prendre des initiatives à caractère médiatique.

Malheureusement, encore une fois nous voyons les limites de l’UE, en tant qu’entité politique et en tant qu’acteur sur la scène internationale, devant les grandes questions en suspens de notre région et de notre époque. Même les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU qui sont membres de l’UE, n’ont pas su élaborer une initiative efficace, mais dans le cas en question, le problème est le fonctionnement de l’Organisation des Nations Unies qui a participé aux opérations dans le sens où ses écoles sont visées, indépendamment de ce qui se passe réellement dans ces écoles, ce que nous ne pouvons plus contrôler actuellement. C’est qui est important est le fait qu’il s’agit des institutions au-dessus desquelles flotte le drapeau de l’ONU. En Yougoslavie s’est passée la même chose lors de la première étape. La grande faiblesse consiste en l’incapacité institutionnelle du Conseil de Sécurité car il pourrait y avoir une résolution du Conseil de sécurité ce qu’il n’a pas été le cas, que celle-ci serait respectée ou non. Les résolutions du Conseil de sécurité conformément au droit international, doivent être respectées. Tous les Etats membres de l’ONU ont l’obligation légale de respecter et d’appliquer les résolutions du Conseil de sécurité. Toutefois, aucune résolution y relative n’a pas été adoptée. Des discussions ont été tenues, des communiqués ont été émis, une volonté politique a été exprimée mais il n’y a pas eu de résolution.

D. AVGERINOPOULOU : Monsieur le vice-Premier ministre, est-ce que l’une des superpuissances participant au Conseil de sécurité a mis un veto à cet égard ?

E. VENIZELOS : Non, aucune résolution n’a été soumise au vote mais cela aussi a une signification comme vous le comprenez. Puisque vous m’avez interrompu et vous me donnez cette occasion, il suffit de vous dire que la partie palestinienne elle-même est en faveur de l’atteinte d’une solution laquelle définirait une zone de protection, une zone tampon, qui sera mise sous le contrôle de l’OTAN. Permettez-moi de vous donner un exemple concernant l’étape dans laquelle se trouvent actuellement les discussions sur la question de la sécurité. L’initiative américaine a un avantage qu’aucune autre initiative n’avait pas – y compris le dit « quartet » qui est en vigueur depuis longtemps dans la région – à savoir que celle-ci était accompagnée d’un plan de sécurité militaire élaboré par les forces armées américaines à l’aide de l’expertise dont elle disposaient.

Et, bien évidemment, hier, M. Liberman a lui-même proposé de mettre Gaza sous contrôle de l’ONU, ce qui signifie que cette dernière peut encore prendre d’initiatives à cet égard. Toutefois, la seule initiative pour l’instauration de la trêve est celle de l’Egypte, avec le soutien des Etats-Unis, et la seule initiative pour entamer des pourparlers, si l’on surmonte la crise et on revient au stade où nous nous trouvions il y a quelques mois, est celle qui a été élaborée par M. Kerry, si nous voulons adopter une approche pratique et sérieuse à l’égard de la région et de ses problèmes.

Et tout cela se passe dans un environnement qui subit d’énormes pressions et où la situation ne cesse de se détériorer. Car nous devons faire face à la dissolution de la Syrie et à la pleine incapacité d’appliquer les accords de « Genève I » et de « Genève II ».

Force est de rappeler que la Grèce n’avait pas participé au processus de « Genève I » mais elle a été appelée à participer à celui de « Genève II ».

Le processus de remplacement de M. Brahimi qui était le médiateur commun de l’ONU et de la Ligue arabe a pris un retard considérable. Désormais, le nouveau médiateur, un diplomate italo-suédois – et par conséquent ça manque l’élément arabe - n’a pas en réalité assumé ses fonctions. Et, pour être réalistes, la situation en Syrie a donné naissance à l’armée islamique en Irak et au Levant et cela vient désormais élargir l’étendue de ce cette crise car l’unité et la qualité d’Etat de la Syrie sont contestées ce qui a donné lieu aux conséquences que vous savez.
Seule la Grèce a accueilli depuis le début de la guerre 25 000 personnes lesquelles revendiquent le statut de réfugié, même si, officiellement, un très petit nombre de ces personnes ont soumis une demande y relative.

La Jordanie supporte le poids mais combien de poids peut-elle encore supporter ? Elle supportait traditionnellement le poids énorme des réfugiés palestiniens et maintenant celui des Syriens. Toutefois, la Jordanie tient bon, elle est une enclave de sécurité et de stabilité. L’unité et la qualité d’Etat de l’Irak sont contestées ce qui, comme vous le comprenez, génère une situation totalement différente pour ce qui est du rôle de l’Irak dans la région. Le Liban subit encore une fois les répercussions de la crise syrienne tout en supportant de manière permanente le poids des camps accueillant les réfugiés palestiniens. La Libye est au bord d’effondrement complet où avant-hier nous avons mené une opération importante du point de vue militaire et politique en vue d’évacuer le personnel de l’ambassade, les citoyens grecs ainsi que des citoyens d’autres pays amis que nous avons transportés en Grèce à bord d’une frégate. Mais cela était une goutte d’eau dans l’océan (moins de 200 personnes ont été évacuées) par rapport à ce qui se passe en Tunisie du point de vue du nombre de personnes qui doivent être évacuées.
A titre d’exemple, actuellement, l’Egypte demande notre aide pour transporter 6 000 égyptiens qui ont trouvé refuge en Tunisie et veulent se rendre par la mer en Egypte. Seule la Chine doit évacuer 1 500 personnes tandis que les Philippines 7 000 personnes.

Et bien évidemment, nous devons aussi voir ce qui se passe dans les pays qui maintiennent actuellement leur stabilité. Le point névralgique demeure toujours l’Egypte, ce grand pays de 80 millions d’habitants, la source de toutes les situations dans le monde arabe et africain et la Jordanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie qui constituent un axe idéal de stabilité qui doit être maintenu.

Puisque il y a aura éventuellement certaines questions de la part des collègues, force est de rappeler que nous avons pris position en tant que gouvernement et pays – car nous devons être conscients du réel rapport des forces et ne pas faire bercer nos interlocuteurs internationaux d’illusions – nous avons d’emblée soutenu l’initiative égyptienne et nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir au sein de l’UE afin que les déclarations faites par Mme Ashton et MM. Barroso et Rompuy soient les meilleures qu’elles puissent être. Et j’ai suis en contact continu, comme je l’ai tout à l’heure dit, avec le ministre égyptien et le gouvernement égyptien afin que ces efforts soient couronnés de succès. Et il est vrai qu’ils nous considèrent comme un canal de communication avec l’UE. Je m’arrête là pour ce qui est de la question de Gaza et si vous voulez, au fil de la discussion nous aborderons également d’autres questions.

August 6, 2014