E. VENIZELOS : Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue en Grèce, à Athènes à l'heure de l'ouverture de la Présidence hellénique du Conseil de l'Union européenne.
C'est la 5e présidence du Conseil après l'adhésion de la Grèce aux Communautés européennes en 1981.
Les acquis des présidences précédentes et notamment celles de 1994 et de 2003 sont très importants tout comme la "mémoire institutionnelle" dont disposent l'administration publique grecque et notamment le ministère grec des Affaires étrangères pour ce qui est de l'institution de la Présidence du Conseil.
L'acquis des Présidences helléniques précédentes porte notamment sur deux questions majeures. La première est l'élargissement de l'Union européenne. Car les grandes vagues de l'élargissement ont été assimilées aux deux Présidences helléniques précédentes. En 1994, lorsque la Présidence hellénique a atteint son point culminant, le nombre d'Etats membres de l'Union est passé de 12 à 15. L'Europe compterait 16 Etats membres si le résultat du référendum tenu en Norvège était positif. Et en 2003, notre Présidence qui a culminé avec la réunion au sommet de Thessalonique/Halkidiki, a été marquée par une très grande vague d'élargissement - la cérémonie a eu lieu ici à Athènes - et l'Europe a accueilli dix nouveaux Etats membres, en devenant l'Europe des 27. Notre présidence a été également marquée par la politique d'élargissement en faveur de la perspective européenne, et plus précisément, de la perspective euro-atlantique de tous les Etats des Balkans occidentaux.
Le deuxième acquis d'importance majeure porte sur les progrès réalisés dans le sens de l'intégration institutionnelle de l'Union européenne, puisque notre précédente présidence de 2003 a été assimilée aux efforts consentis concernant ladite Constitution européenne, un projet qui n'a pas été finalement concrétisé, mais qui a donné lieu au Traité réformateur de Lisbonne, à savoir à l'architecture institutionnelle actuelle de l'Union européenne.
L'exercice de la Présidence hellénique constitue un devoir institutionnel de la Grèce en sa qualité d'Etat membre de l'Union européenne.
L'exercice de la Présidence n'est pas un choix. C'est un devoir. Cela est une réponse à certains qui se posent la question, dans une bonne intention toutefois, de savoir comment est-il possible que la Grèce de la crise, la Grèce du mémorandum, la Grèce qui demande de l'aide à ses partenaires européens, exerce la présidence du Conseil de l'Union européenne.
Le fondement de l'existence et du fonctionnement de l'Union européenne est le principe de l'égalité institutionnelle des Etats membres, l'institution de la Présidence tournante du Conseil étant le symbole de cette égalité institutionnelle des Etats membres et par conséquent de leur souveraineté.
Par conséquent, la Grèce honore cette obligation et se présente comme un pays européen normal, se trouvant sur le même pied d'égalité que les autres pays et qui a joué historiquement un rôle important, à mon sens, dans les processus de l'intégration européenne.
La Présidence hellénique du Conseil de l'Union européenne est justement européenne. Nous sommes pleinement conscients du caractère européen de cette mission et par conséquent nous ne considérons pas que cette mission revête un caractère national.
Nous n'assimilons pas nos priorités nationales - des priorités bien évidentes et liées à la sortie de la crise - aux priorités européennes que nous devons promouvoir en tant que Présidence.
En tant que Présidence, nous suivrons l'agenda du Conseil de l'Union européenne, en coopération avec les Présidences permanentes lesquelles jouent d'ores et déjà un rôle très important, la Présidence permanente du Conseil européen, la Haute représentante et par conséquent la présidence permanente du Conseil "Affaires étrangères" et la présidence permanente de l'Eurogroupe pour les pays participant à la zone euro.
Nous procèderons en coopération avec le Secrétariat général du Conseil, en coopération étroite avec la Commission européenne et, bien évidemment, en coopération très étroite avec le Parlement européen, dont nous respectons pleinement les compétences et le rôle.
Notre coopération a été d'ores et déjà organisée d'une manière à mon sens très efficace. En outre, nous savons que la Grèce en exerçant la présidence au cours du premier semestre de 2014, assume une très grande responsabilité puisqu’il s'agit d'une période préélectorale.
C'est le semestre qui mènera aux élections européennes de mai pour l'élection du nouveau parlement européen et au grand débat sur la nomination des personnes qui occuperont les postes politiques et institutionnels au sein de l'architecture européenne.
Un débat sera engagé sur le poste de Président du Conseil européen, le poste de Président de la Commission européenne et de Haut représentant. Par conséquent, il est très important qu'un pays exerce la Présidence au cours de ce semestre préélectoral dont le calendrier sera court car le mandat du Parlement européen s'achèvera plus tôt en vue de la tenue des élections européennes.
Par conséquent, nous avons à notre disposition quatre mois à peu près afin de valoriser les processus législatifs ainsi que les processus liés au contrôle législatif. Toutefois, ce semestre sera très intense et dense du point de vue politique car un grand débat s'ouvre sur l'avenir de l'Europe, en vue de donner une réponse à la poussée de l'euroscepticisme et aux jeunes citoyens européens qui veulent un travail, des opportunités de développement et une Europe qui influera de manière positive sur leur vie.
Bien évidemment, il est évident que ce semestre est très critique pour nous, en tant que pays, au niveau national car il s'agit du semestre qui sera marqué par un tournant vers la sortie définitive de la crise, après tout ce que nous avons réussi. Mais cette question ne concerne que le gouvernement grec en tant que gouvernement d'un Etat membre, quel qu’il soit, et non la Présidence du Conseil.
Vous êtes au courant des quatre grandes priorités de la Présidence à travers les documents que vous avez étudiés et les séances d'information auxquelles vous avez assisté.
Il existe, bien évidemment, des priorités plus spécifiques au niveau de chaque formation dans laquelle siège le Conseil, des priorités qui ont été fixées en coopération avec la Commission et les Commissions parlementaires du Parlement européen compétentes en la matière.
Je voudrais évoquer à titre indicatif les grandes priorités de la Présidence, des priorités qu'ont tous les citoyens européens et toutes les sociétés européennes.
La première priorité est la croissance, la création d'emplois, notamment pour les jeunes et la protection de la cohésion sociale et de la dimension sociale de l'Union européenne. Cette question est en fait abordée à chaque réunion du Conseil européen.
La deuxième grande priorité est obligatoire et porte sur l'intégration des institutions de la gouvernance économique au sein de l'Union européenne et de la zone euro, les questions majeures étant l'union bancaire, le mécanisme de surveillance, le mécanisme de liquidation ainsi que le mécanisme paneuropéen de garantie des dépôts en vue d'instaurer un marché bancaire européen véritablement ouvert.
La troisième priorité est la protection des frontières européennes et la gestion des flux migratoires. Cette priorité concerne avant tout les pays ayant des frontières extérieures, tels que la Grèce, les pays du Sud et de la Méditerranée ayant un long littoral, tels que la Grèce et l'Italie, ou les pays insulaires tels que Malte et Chypre. Comme vous le savez, de nombreuses initiatives d'importance majeure sont prises au niveau du Conseil et du Conseil européen.
La quatrième priorité porte sur la politique maritime intégrée. Une politique en faveur de la croissance bleue, de l'environnement, de l'énergie, des sources d'énergie renouvelables, de la pêche, de la planification de l'espace maritime ainsi que des zones maritimes, conformément au droit international de la mer.
Sur le plan technique, nous sommes prêts. Vous aurez l'occasion de visiter le Zappeion Megaron où sont organisées presque toutes les manifestations à Athènes. Notre Présidence est sobre, elle a un budget limité, le budget le plus modeste par rapport à toutes les présidences précédentes.
Nous voulons être pratiques, précis, nous voulons honorer notre devoir institutionnel avec efficacité, afin de passer par la suite le relais à la présidence italienne qui nous succèdera, avec laquelle nous avons une concertation très étroite car les présidences hellénique et italienne, forment ladite Année méditerranéenne de l'Union européenne.
C'est sur ces mots que je vous souhaite la bienvenue encore une fois à Athènes et nous sommes prêts à répondre à vos questions.
QUESTION: Du journal Guardian. Depuis 2010, pensez-vous que Berlin a adopté des politiques appropriées pour contrer la crise? Pouvez-nous nous parlez de votre expérience? Du premier plan de sauvetage en général?
Deuxième question. Vous vous êtes référés aux élections, et plus précisément aux élections européennes de mai. Nous nous attendons à ce que des voix extrémistes soient exprimées. Nous pensons donc que les partis politiques les plus extrémistes enregistreront des taux plus élevés. Qu'en pensez-vous?
E. VENIZELOS : Je commencerais par la deuxième question. En effet, dans presque tous les pays membres de l'Union européenne une nouvelle vague d'extrémisme fait son apparition et dans de nombreux pays et en Grèce l'extrême droite gagne du terrain.
Il y a des partis qui sont ouvertement pro-nazis. Il y a des forces politiques qui formulent des positions racistes et xénophobes. Le Conseil européen, les gouvernements des Etats membres, les partis politiques européens doivent faire face à ce problème en l'érigeant en première priorité politique.
A mon sens, l'Union européenne, l'intégration européenne ont besoin d'un nouveau récit, d'un récit attrayant. Pour un grand nombre de sociétés européennes, l'Europe est assimilée à des politiques qui conduisent de grands groupes de la population au chômage et à la réduction de leurs revenus.
Le modèle de croissance européen, le modèle européen productif est mis à l'épreuve. La compétitivité européenne est mise à l'épreuve.
L'Europe est, de toute façon, un continent qui vieillit du point de vue démographique. Sa part au sein de l'économie mondiale se restreint. Par conséquent, nous devons de nouveau engager un débat sur toutes les questions majeures. Nous devons de nouveau parler de l'Europe de la démocratie, de la civilisation, de l'histoire, du pluralisme, de la tolérance, de l'innovation.
Nous devons envisager sous un angle différent ledit modèle social européen. Trouver les moyens qui nous permettrons de contrer la crise budgétaire et démographique.
Cela est un problème pour la Grèce aussi qui constitue un exemple extrême d'un pays en crise et en récession au cours des sept dernières années, mais c'est un problème aussi pour les économies puissantes de l'Europe, telles que l'Allemagne.
Maintenant, pour ce qui est notamment de la Grèce, les élections européennes tout comme dans un grand nombre d'autres pays, sont, si vous voulez, une manière d'enregistrer les tendances du corps électoral.
Les élections européennes revêtent partout une dimension intérieure. Ici en Grèce notamment, se tiendront en mai parallèlement aux élections européennes, les élections municipales et régionales.
Par conséquent, le peuple grec s'exprimera à plusieurs niveaux et cela signifie que les deux partis qui participent au gouvernement de coalition et les autres partis politiques grecs consulteront le peuple grec non seulement pour ce qui est des questions européennes mais aussi des grandes questions nationales qui font l'objet d'un grand débat public.
Il est très important d'apporter des résultats, de donner des preuves pour ce qui est de la sécurité, des perspectives et des données budgétaires du pays. Le fait que nous soyons parvenus à une adaptation budgétaire impressionnante et que nous ayons enregistré un meilleur excédent primaire, à titre nominatif et structurel, nous aide à parler sur l'avenir.
Pour ce qui est maintenant de votre première question. Forte de sa position en tant que plus grande puissance économie de l'Union européenne, l'Allemagne joue un rôle très important pour ce qui est des choix politiques et par conséquent des choix relatifs à la gestion de la crise.
En 2009 et en 2010, deux années très critiques pour le cas grec, l'Union européenne et plus précisément la zone euro n'avaient pas mis en place des mécanismes spéciaux en matière de gestion de la crise.
Lorsqu'a éclaté la crise financière au niveau national et par la suite la crise budgétaire après 2007, l'Union européenne n'a pas réagi avec la rapidité et l'efficace appropriées. Elle n'a pas mis en place les mécanismes nécessaires.
Quoi qu'il en soit, le projet historique de la zone euro, et de l'euro a été d'emblée organisé dans des conditions normales. La zone euro n'a pas été conçue pour fonctionner dans une conjoncture marquée par des crises et des défis.
Ces mécanismes ont été conçus vers la fin de 2009, au début de 2010, ce qui explique la raison pour laquelle la zone euro a recouru au Fonds monétaire international afin de mettre en place des mécanismes de gestion de crise. Et tout cela, comme vous le comprenez, a un prix. Les choix n’ont pas été toujours bons, efficaces ou équitables.
Les choix ont toujours été faits avec rapidité afin qu’ils sont également matérialisés avec rapidité. Et cela est un prix payé par la société grecque et l’économie grecque.
QUESTION : En ce qui concerne la question de l’immigration, j’aimerais savoir précisément quels sont vos objectifs et ceux que vous aimeriez atteindre d’ici la fin de la présidence ? Allez-vous mettre l’accent sur les questions humanitaires surtout ou sur des questions liées au renforcement de la protection des frontières? Quels objectifs finaux voulez-vous atteindre après les réunions du Conseil ? Et quelle est notamment la position de la Grèce sur la répartition des charges ?
M. VENIZELOS: Merci beaucoup pour votre question concernant la gestion des flux migratoires, car c’est un grand problème, comme vous l’avez si bien dit, un problème humanitaire, qui a été révélé dans toute son ampleur après la tragédie de Lampedusa, mais aussi un problème de sécurité européenne.
Il y a les réfugiés qui proviennent notamment des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du nord, il y a des hommes, des femmes, des enfants, des personnes malades qui ont droit à un traitement humain. Mais on peut aussi avoir un transfert de personnes qui posent des problèmes de sécurité pour les citoyens européens, les peuples européens.
C’est un problème pour des pays comme la Grèce, l’Italie, Malte ou Chypre ou encore la Bulgarie dans ses frontières terrestres, car nous sommes des pays aux frontières extérieures de l’Union européenne, avec un long littoral, comme je l’ai dit, ou des pays insulaires.
Il y a un grave problème de solidarité communautaire et de répartition équitable des charges car la Grèce, par exemple, avec actuellement une population de 10 millions d’habitants, accueille une population d’immigrés qui s’élève à plus de 1,5 millions de personnes, ce qui constitue un pourcentage important par rapport à notre population.
Il y a les mécanismes classiques que vous connaissez. Il y a l’effort considérable consenti par la Commission européenne, Mme Malstrom, qui coopère étroitement avec le gouvernement grec. Il y a la Frontex, qui a fait preuve d’efficacité en Grèce en matière de surveillance des frontières extérieures. Il y a des institutions comme l’Eurosur et nous voulons qu’elles fonctionnent efficacement. Récemment, lors du Conseil européen, neuf pays ont pris l’initiative de proposer un train de mesures supplémentaires pour pouvoir lutter contre ces problèmes. Nous avons mis de nouveau sur pied, en marge du dernier Conseil Affaires étrangères, le groupe méditerranéen Med Group, à l’initiative de Chypre, de l’Espagne et avec la participation de la France, de l’Italie, du Portugal, de la Grèce et de Malte.
Mais bien entendu, la question de la répartition équitable des charges est toujours ouverte car la pression est très grande et elle continuera de l’être, dès lors que tout notre voisinage sud est confronté à un si grand problème et que l’Union européenne ne peut, en tant qu’entité politique au niveau de la politique étrangère, en coopération avec les Etats-Unis, l’Organisation des Nations unies et la Fédération de Russie, intervenir de manière décisive dans les foyers de crise, comme la Syrie, le Liban ou la Libye, qui sont de très grands foyers de crise ouverts.
C’est donc, de par la force des choses, une priorité fondamentale de l’Union européenne, du Conseil qui est lié non seulement à la question des flux migratoires, mais aussi à celle de la politique étrangère de l’Union, à l’aide au développement de l’Union et au rôle mondial de l’Union en tant qu’entité politique.
QUESTION : Du Daily Telegraph. Vous avez dit tout à l’heure que la Grèce rencontre un problème en raison du faible degré de réactivité la part de l’Union européenne. Et la Grèce doit relever un grand nombre de défis, des défis qui sont également politiques.
Que peut donc faire l’Union européenne, que peut-elle faire pour aider davantage la Grèce et contribuer ainsi à l’effort consenti pour réduire la dette ? Selon vous, qu’est-ce qui devrait être fait pour faciliter par exemple votre vie en Grèce ?
Et, pour faire suite à la première question, concernant votre parti, le PASOK a sans doute payé le plus lourd tribut. Et à l’heure actuelle, il semble être pratiquement détruit. Ainsi, la classe politique a changé globalement en Grèce.
Que peut-donc faire l’Union européenne pour que vous puissiez venir à bout de ces pressions ?
M. VENIZELOS : Je vous remercie pour ces questions.
Permettez-moi, tout d’abord, d’expliquer très brièvement notre relation avec nos partenaires de l’Union européenne et de la zone euro, pour ce qui est de la lutte contre la crise, qui est une crise budgétaire, une crise financière et une crise du modèle même de compétitivité et de croissance.
En 2009, la Grèce et d’autres pays se sont retrouvés avec un déficit budgétaire excessif, le déficit budgétaire grec atteignait 15,7% du PIB, une dette publique très élevée avec des difficultés de financement de la part du marché en raison des taux d’intérêts élevés et bien entendu un déficit de compétitivité. Notre déficit au niveau de la balance des transactions courantes atteignait 15%.
Je répète, d’autres pays étaient dans la même situation, voire dans une situation similaire ou comparable.
Nous sommes reconnaissants à nos partenaires de l’Union européenne et aux institutions de l’Union européenne, car ils se sont empressés d’aider la Grèce. Le programme d’adaptation grec a été financé par l’Union européenne et de manière complémentaire par le Fonds monétaire international, au moyen d’un prêt atteignant 250 milliards d’euros.
Par ailleurs, l’aide octroyée par la Banque centrale européenne à toutes les banques de l’Union européenne et aux banques grecques, dans le cadre de ses initiatives, est très importante.
Par ailleurs, avec l’aide de l’Union européenne et du Fonds monétaire international, sur une base bénévole nous avons réussi à convenir avec le secteur privé international, autrement dit avec des banques et des funds qui détenaient des obligations de l’Etat grec, d’une décote radicale, d’une restructuration de la dette grecque, qui en tenant compte du rachat d’une partie des obligations de l’Etat grec atteint environ 125 milliards d’euros, soit environ 65% du PIB de la Grèce.
Bien entendu par la suite, nous avons utilisé une partie du prêt pour recapitaliser les banques systémiques grecques.
Nous avons consacré 50 milliards à cette fin, car la décision prise à un moment donné par le Conseil européen sur la recapitalisation directe des banques par le MES n’a pas fonctionné.
Mais, même si l’on tient compte des sommes que nous avons consacrées à la recapitalisation des banques, dont une partie nous sera retournée par la reprise de l’économie grecque, la décote de la dette qui a été faite entre les mains des privés au niveau mondial est de 50% du PIB environ. Ce résultat est impressionnant et nous le devons à notre bonne coopération avec nos partenaires européens.
Toutefois, j’aimerais préciser que ces prêts sont servis par la Grèce. Les Etats membres de la zone euro ont garanti ces prêts, qui sont remboursés normalement.
Par conséquent, aucun Etat membre de la zone euro n’a été accablé à cause de la Grèce, il n’a rien perdu par rapport à son budget, par rapport à son déficit ou par rapport à sa dette publique et aucun contribuable européen n’a eu à payer quoi que ce soit.
Il existe un rapport sur la Grèce et la Grèce avance bien. Elle a fait une adaptation budgétaire impressionnante. Le programme est en cours de parachèvement. La Grèce s’acquitte de ses obligations et un chapitre très important de cette réussite budgétaire, qui nous a conduits à l’excédent primaire impressionnant que le pays affiche actuellement, est que notre dette n’a pas seulement été réduite, elle a été restructurée et est totalement différente de 2010.
La dette publique grecque est importante en tant que pourcentage du PIB, mais c’est une dette à long terme. Une dette que nous devons aux institutions européennes et internationales et aux Etats membre. Nous ne la devons pas aux privés, même pour un petit pourcentage.
Nous avons de très bonnes dates d’échéance et des taux d’intérêt peu élevés. Comme a eu l’occasion de l’expliquer maintes fois M. Regling, directeur du MES, lors de ses entretiens, lorsque nous étudions la dette publique grecque et sa viabilité, nous devons tenir compte de tous ces éléments. Non seulement du pourcentage de la dette par rapport au PIB, mais aussi de la structure de la dette.
C’est donc un cadre très important pour la viabilité de la dette, qui – à notre avis – sera vite confirmée très facilement ce semestre, car les chiffres le confirment.
La dette publique grecque, en tant que valeur actuelle nette, comme l’a souligné M. Regling, est particulièrement gérable et viable, plus viable que la dette publique d’autres pays européens, qui n’ont pas fait l’expérience de la crise.
Donc, nous ne demandons pas quelque chose qui soit en rapport avec la dette, qui créé problème ou un contraste avec d’autres pays membres, avec leurs parlements, leurs gouvernements et leurs peuples.
Nous ne voulons pas accabler le citoyen européen en Allemagne, en Finlande ou dans tout autre pays. Nous ne demandons pas de faveurs politiques. Nous ne voulons pas une discussion « politique » qui signifierait une discussion basée sur des chiffres.
Au contraire, nous voulons une discussion sérieuse, avec les partenaires institutionnels, qui comprennent et interprètent correctement les chiffres enregistrés par l’économique grecque aujourd’hui.
D’un autre côté, il est vrai que l’économie grecque n’a pas été avantagée par le premier programme, le premier programme de soutien de mai 2010. Ce programme était très bref, insuffisant car le montant du prêt était inférieur à nos besoins et il ne prévoyait pas d’intervention au niveau de la dette.
Et étant donné que, comme vous le savez, il y a eu une évaluation erronée des conséquences macro-économiques du programme et des conséquences au niveau du développement – une évaluation erronée dont ont beaucoup parlé le Fonds monétaire international, la Banque centrale européenne et la Commission européenne par rapport aux fameux multiplicateurs budgétaires, la vérité est que la crise a fait venir le mémorandum et la troïka en Grèce. Et ce ne sont pas le mémorandum et la crise qui ont provoqué la crise.
Or, la façon dont la crise a été gérée lors de la première phase n’a fait que l’exacerber. Elle a provoqué une plus forte récession, elle a aggravé le chômage. Et c’est un cercle vicieux. Et notre principal objectif est de briser ce cercle vicieux.
Et, si vous voulez, mon principal devoir, lorsque j’ai assumé les fonctions de ministre des Finances lors de la deuxième phase et que j’ai mené les négociations sur le deuxième programme, sur le PSI, la restructuration de la dette, était de corriger ces faiblesses pour parvenir à une solution globale.
Tout cela a un coût politique, comme vous l’avez si bien dit dans votre question. Le coût politique est immense et c’est principalement mon parti qui en a fait les frais, le parti que je dirige, le PASOK, le parti socialiste grec. Un parti qui a remporté 44% du scrutin en 2009 et 12,4% lors des élections de mai 2012, car une grande partie de l’électorat a exprimé son mécontentement suite à la baisse des salaires, des retraites et des prestations et à la hausse du chômage.
En Grèce, il est très difficile pour le peuple de comprendre que si nous n’avions pas fait ce choix, nous allions tout droit vers la catastrophe. La faillite désordonnée. Mais le citoyen grec ne connaît que son propre problème, le problème de sa famille, de son enfant. Il sait quel est la hauteur de son revenu, quelles sont ses priorités.
Et bien sûr, nos priorités, sont des priorités nationales et non des priorités propres à chaque parti. Nous devons accomplir un devoir national. Et le devoir national passe également par la perspective européenne stable. Notre choix est un choix pro-européen, que la Grèce reste dans la famille européenne, dans la zone euro.
Vous comprenez donc que nous devons assumer le coût de tout cela. C’est un coût historique et nous pensons que l’histoire nous rendra justice. Le résultat final nous rendra justice. Et nous sommes particulièrement heureux du fait que le parti de la Nouvelle Démocratie avec lequel nous coopérons aujourd’hui et dont le dirigeant est le Premier ministre Antonis Samaras, a adhéré par la suite à cette conception. Au début la Nouvelle Démocratie était contre le programme d’adaptation, mais aujourd’hui nos vues convergent sur la stratégie nationale à adopter.
QUESTION : Du quotidien allemand Handelsblatt. Monsieur Vénizélos, vous avez parlé d’une éventuelle seconde décote. A l’heure actuelle, la dette publique n’appartient plus au secteur privé, mais au secteur public. Une nouvelle décote signifierait que les citoyens seront à l’avenir appelés à payer pour la Grèce et perdront beaucoup d’argent.
Comment pourrons-nous le faire porter à l’actif des contribuables des autres pays européens, des pays de la zone euro ?
M. VENIZELOS : Permettez-moi de redire ce que j’ai dit. Jusqu’à présent, aucun pays membre de l’Union européenne et plus particulièrement de la zone euro et aucun contribuable européen n’a payé pour la Grèce.
Le contribuable allemand, que je respecte pleinement, n’a rien payé pour la Grèce. Le premier prêt, était un prêt conclu entre la Grèce et les 16 autres pays de la zone euro. Dans le cas de l’Allemagne, le prêt a été conclu entre le gouvernement grec et KfW, la Banque publique d’investissement allemande, avec la garantie du secteur public.
Par la suite, lorsque nous sommes passés du premier prêt au second, ce dernier a été conclu entre le FESF et le gouvernement grec. Le FESF est une institution à laquelle participent les Etats membres en tant qu’actionnaires et garants.
Ces prêts, lesquels ont été unifiés en tant que prêts du FESF, du MES maintenant, à la Grèce, sont servis normalement. Rien n’a été perdu. Et l’Allemagne en particulier n’a rien déboursé de son budget pour payer à la Grèce. Elle s’est juste porté garante pour le prêt accordé par la KfW, qui est servi. Ce qui signifie donc que les contribuables allemands n’ont rien perdu.
Si la Grèce fait faillite, si elle sort théoriquement de la zone euro, si elle va vers une situation incontrôlable, alors cela veut dire que les Etats membres perdront aussi et les contribuables allemands aussi. Mais la Grèce se dirige vers la porte de sortie de la crise. Elle enregistre un succès budgétaire. Elle sortira de nouveau sur les marchés, le plus rapidement possible, avec l’aide de la BCE et du MES.
Le programme européen sera une réussite pour la zone euro. Et dans ce cas, tout le monde sortira gagnant. Et comme l’a dit tout à l’heure votre collègue, la Grèce ne demande pas un « haircut » des prêts. La Grèce demande qu’une discussion sérieuse soit engagée pour confirmer la viabilité de sa dette, comme l’a dit l’Eurogroupe et le Conseil européen.
Quelle est la décision en vigueur de l’Eurogroupe et du Conseil européen ? La décision est que, à partir du moment où la Grèce enregistrera un excédent primaire, les autres pays européens discuteront avec elle la confirmation de la viabilité à long terme de sa dette publique. Et nous en sommes là.
La Grèce a enregistré le meilleur excédent primaire en Europe, l’un des meilleurs excédents primaires structurels au monde, meilleur que celui de Singapour. Et maintenant que ces données sont confirmées par l’Eurostat, l’Eurogroupe pourra confirmer la viabilité de la dette publique.
Et comme je l’ai dit tout à l’heure, cela ne peut se faire d’une manière simpliste, en ne regardant que le ratio, le rapport entre la dette et le PIB, mais nous devons aussi voir la structure. Ce qu’a dit M. Regling. Et pour ne pas citer mes propres mots, je vous renvoie aux derniers entretiens qu’il a donnés, celui du 27 septembre 2013 au Wall Street Journal, où il présente de façon technique la bonne approche concernant la dette publique. Je ne pense pas qu’il y ait de personne plus compétente, car le MES est notre créancier et notre principal partenaire.
Donc toute cette discussion « fabuleuse » - si je puis m’exprimer ainsi – sur le « haircut » de la dette, le danger encouru par le contribuable européen à cause de la Grèce, est une approche erronée, qui est en quelque sorte insultante pour la Grèce, car la Grèce ne vit pas au détriment de ses partenaires. Elle honore ses obligations vis-à-vis de ses partenaires.
QUESTION : Jean Jacques Mevel. J’en reviens aux relations politiques entre votre gouvernement et la troïka, en tant qu’incarnation de l’Union européenne.
A l’heure actuelle, des audiences sont tenues au Conseil européen et la critique fait rage. Une critique disant que la troïka n’a jusqu’à présent pas tenu compte des particularités de votre pays.
J’aimerais savoir quelles sont les particularités de la Grèce par rapport à la question de la dette, au problème de la dette. Vous pensez que l’on tient davantage compte aujourd’hui de ces particularités et pour en revenir à la question précédente, lorsque l’on parle du retour de la Grèce sur les marchés, est-ce que ce retour est selon l’exemple de l’Irlande ou bien s’agit-il simplement d’une réduction de la dette envers les créanciers ?
M. VENIZELOS : C’est la volonté des Etats membres. Permettez-moi de vous rappeler très brièvement ce qu’est la troïka.
La troïka a un caractère institutionnel « hybride ». La troïka n’est pas prévue par le droit primaire de l’Union européenne. Elle n’est pas prévue par les institutions de la zone euro.
Quel est le problème de la troïka ? Le problème de la troïka est la participation du FMI. Car les deux autres partenaires de la troïka sont la Commission européenne et la Banque centrale européenne.
La Commission européenne est l’organe institutionnel central de l’UE. La Banque centrale européenne est également une institution européenne qui se trouve au cœur de la zone euro.
La Commission européenne a évidemment son propre champ de compétences et évidemment elle coopère avec le Conseil de l’Union européenne et le Parlement et la Banque centrale européenne, dans le cadre de son indépendance, coopère également avec l’Eurogroupe et en partie avec le Parlement européen.
Le Fonds monétaire international est l’élément nouveau. Le Fonds monétaire international, historiquement, a été mis en place pour aider notamment les pays en développement et non les pays puissants développés de la zone euro.
Comment s’est-il retrouvé à l’intérieur de la zone euro ? Il s’y est retrouvé car la zone euro n’avait pas créé de mécanismes de gestion de la crise et parce qu’elle a recouru à l’aide technique du Fonds monétaire international, qui est utile notamment en la qualité d’expert de ce dernier et moins en sa qualité de créancier.
Car sa participation aux prêts est très limitée. D’ailleurs, comme vous vous en souvenez, à un moment donné le Conseil européen avait décidé que l’Europe finance le FMI à titre de 200 milliards pour que ce dernier puisse les mettre à disposition de l’Europe selon ses propres critères.
Donc, la présence du Fonds monétaire international au cœur de l’Union européenne et de la zone euro est un problème.
Tout d’abord, cela a montré que les gouvernements européens, notamment les gouvernements puissants, étaient méfiants vis-à-vis de la Commission européenne. Car la commission européenne n’a pas affronté la crise jusqu’en 2010, elle ne l’a pas prévu, elle n’a pas tiré la sonnette d’alarme pour de nombreux pays.
Cela créé un problème. Au début, la troïka a fonctionné comme le représentant des trois institutions : la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le Fonds monétaire international.
A à un moment donné, elle a commencé à fonctionner comme le mandataire des gouvernements par le biais de l’Eurogroupe. Les gouvernements disent, jusqu’à maintenant, nous voulons l’avis de la troïka et nous lui faisons confiance pour quelle nous dise ce que nous devons faire et la troïka attend un signe de la part des gouvernements ou des directives sur ce qui doit être fait
Cela créé une contradiction. C’est un problème. Et en réalité, le Parlement européen ne participe pas à ce trio. Il y a donc un problème institutionnel avec la troïka.
Par ailleurs, comme vous le comprenez, la troïka qui comprend des cadres très compétents, comprend des cadres dirigeants de ces trois institutions qui viennent discuter avec le Président de la République de Chypre, le Premier ministre de la Grèce, le ministre des Finances. Ils participent à une discussion politique qui influence les sociétés, les peuples, les citoyens. Donc, ils doivent soulever un fardeau politique très gros, ce qui engendre un problème institutionnel très grave. Un problème de démocratie. Un problème de politique. Un problème de légalisation. Et cela fait l’objet du rapport du Parlement européen sur le fonctionnement de la troïka. Car c’est un problème.
Nous avons mené de nombreuses discussions et nous avons une très bonne coopération avec la troïka et cette dernière a aidé la Grèce. Mais il est très difficile pour des hauts fonctionnaires de comprendre des priorités politiques, des sensibilités sociales ou encore les résistances de l’économie.
Et j’aimerais vous l’expliquer très brièvement du point de vue technique. Toute la discussion sur le moyen pour la Grèce de sortir du programme a comme point de départ ce que l’on appelle la viabilité de la dette, que j’ai évoquée tout à l’heure. La viabilité de la dette fait l’objet d’une étude, ladite DSA, Dept Sustainability Analysis, menée par la troïka, notamment le Fonds monétaire international.
L’évaluation sur la viabilité de la dette tient compte de deux facteurs principaux : l’excédent primaire en tant qu’objectif budgétaire, mais aussi le rythme de croissance très positif, en tant qu’objectif macroéconomique et de développement.
La dette publique, comme toute autre dette, est viable lorsque nous avons environ 4,5% d’excédent primaire à long terme, mais aussi un rythme de croissance positif qui est supérieur à 2,5%. Lorsque nous prenons des mesures qui mènent à la réalisation de l’objectif budgétaire de l’excédent primaire, mais engendrent une récession et le chômage et au lieu d’avoir une croissance, nous avons une réduction du PIB, l’étude de viabilité n’est pas confirmée. Et nous entrons donc dans un cercle vicieux.
Les objectifs sont macroéconomiques, ce ne sont pas des objectifs simplement budgétaires. Nous ne pouvons avoir comme objectif, l’excédent primaire seulement et non la croissance, car sinon il n’y a pas d’équilibre au niveau du dénominateur et du numérateur avec comme résultat la réduction et le contrôle de la dette publique. C’est simple.
Nous voulons donc que la discussion avec nos partenaires soient une discussion sur le numérateur, l’excédent primaire et le dénominateur, qui est le rythme de croissance positif de l’économie grecque. Voilà toute la question.
Nous voulons une discussion sur toute la fraction, le numérateur et le dénominateur et non seulement le numérateur. Car au niveau du numérateur, nous avons réussi. La Grèce a un excédent primaire et notre déficit budgétaire sera de 2,1%, soit en-dessous du seuil de 3% qui est la limite européenne du Pacte de stabilité.
Donc, lorsque l’on parle de sortir du programme, cela veut dire confirmer la viabilité de la dette pour que la Grèce revienne petit à petit sur les marchés avec le soutien des institutions existantes, à savoir la Banque centrale européenne et le MES.
S’agissant de la question de la nouvelle décote, j’ai répondu tout à l’heure à deux reprises et je pense avoir été clair.
QUESTION : Je vous remercie. Du magazine allemand Spiegel. Vous avez donné une interview la semaine passée aux médias allemands et vous avez sous-entendu que le gouvernement grec pourrait être dissout si les créanciers internationaux ne répondent pas à notre demande de taux d’intérêt plus bas. Vous avez évoqué Klaus Regling à plusieurs reprises et lui-même a rejeté cette éventualité. Voudriez-vous développer ce sujet ?
Pourriez-vous dans un premier temps nous dire de manière plus approfondie ce qui se passera si le gouvernement grec est dissout ? Et deuxièmement, que pensez-vous des déclarations de M. Regling ?
M. VENIZELOS : Ce qu’a dit M. Regling, avec lequel j’ai coopéré très étroitement en tant que ministre des Finances et avec lequel j’ai signé l’accord sur le prêt contracté par la Grèce, est très simple.
Il dit que le taux moyen de service de la dette grecque est très réduit. Le taux moyen que paye la Grèce pour sa dette est de 2,1%. C’est un taux très avantageux. Donc, comme dit M. Regling, il ne faut pas seulement voir le volume de la dette, mais aussi le coût de service, la durée. Nous prêtons, dit M. Regling, pour 30 ans. Nous ne prêtons pas pour dix ans.
Regardez les échéances. Regardez la valeur nette. Donc, ce que l’on peut faire pour ce qui est des autres paramètres de la dette est, sans qu’il n’y ait de perdant, de voir certaines améliorations en coopération avec nos partenaires. Mais cela ne serait négatif pour aucun pays, pour aucune institution. Personne n’y perdra.
Vous savez, lorsqu’il y a eu le PSI, lorsqu’il y a eu la décote de la dette des banques privées et des funds, les obligations que la Banque centrale européenne et la Banque européenne d’investissement avaient entre leurs mains ont été exemptées. La dette publique institutionnelle grecque n’a pas été réduite, non seulement en raison du prêt que nous avons contracté, pas même la dette précédente, celle d’avant la crise, la dette qu’avaient les institutions entre leurs mains, des institutions comme la Banque centrale européenne, elle n’a pas été réduite justement pour ne pas que les Etats membres et les contribuables perdent.
Maintenant, il y a également une autre question liée aux taux d’intérêt, si vous me le permettez. Il y a la question des taux d’intérêt des banques commerciales. Car bien naturellement, les entreprises grecques empruntent aux banques grecques à des taux plus élevés que ceux auxquels une banque allemande emprunte en Allemagne. Cela créé donc une inégalité, un problème d’accès aux mécanismes de financement.
C’est une autre question qui apparaît dans de nombreux pays de l’Union européenne. Elle concerne les perspectives de croissance, les inégalités profondes en matière de développement à l’Union européenne car naturellement le coût de l’argent est un élément déterminant pour tout. Cela ne concerne pas la crise grecque, mais le fonctionnement d’un marché bancaire vraiment unique. Et cela est lié à ce que nous avons dit sur l’union bancaire. Cela n’a rien à voir avec la discussion sur le programme grec et la dette publique grecque.
QUESTION : La Stampa, Italie. En ce qui concerne l’immigration, nous voyons ce qui se passe en Syrie, au Liban, en Egypte, en Erythrée, en Somalie, en Tunisie etc., craignez-vous une grande vague d’immigration au printemps prochain ? Et est-ce que à ce moment là les mesures prises s’avèreront inutiles ?
Autrement dit, craignez vous que les mesures qui pourraient être prises pour gérer l’immigration soient inutiles ? Et ici en Méditerranée, puisque vous êtes voisins avec l’Italie, êtes-vous préoccupé de l’instabilité politique en Italie qui pourrait sans doute avoir des répercussions négatives sur votre pays pendant l’exercice de la présidence ?
M. VENIZELOS : Nous avons une étroite coopération avec le gouvernement italien.
Cette coopération est une coopération intergouvernementale, une coopération entre deux Etats, indépendamment du visage politique de chaque gouvernement, mais avec le Premier ministre italien, M. Letta, nous avons une relation personnelle très étroite, car lui-même était Secrétaire adjoint du parti démocratique. Le PASOK avait traditionnellement une coopération très bonne avec le parti démocratique, avec M. Bersani, à qui j’envoie mes vœux de prompt rétablissement. Donc le Premier ministre, M. Samaras, et moi-même, avons personnellement la possibilité d’avoir une communication avec le Premier ministre italien, avec Emma Bonino et avec le ministre aux Affaires européennes.
Nous avons donc vu que nos approches sont communes, nos priorités communes. Les priorités de la Présidence hellénique sont acceptées par l’Italie également, car ce sont des priorités européennes également et nous établissons donc cette année méditerranéenne.
Nous avons également des objectifs plus pratiques, comme par exemple faire de la région adriatique – ionienne une macro-région. Nous avons des initiatives énergétiques communes très importantes, en raison du gazoduc TAP (Trans Adriatic Pipeline), qui nous offre une nouvelle possibilité pour le gaz naturel azéri et nous voulons que soit construite la branche adriatique du TAP
Ce sont des initiatives très importantes et nous avons une très bonne coopération également dans le cadre du Med Group, du groupe méditerranéen, et une coopération bilatérale très étroite concernant les zones maritimes en Méditerranée.
Nous avons discuté avec le gouvernement italien de manière détaillée et avec le ministre italien de la Défense de la question des flux migratoires et des pressions en raison de la crise.
Il ne fait aucun doute que la crise en Syrie, qui est liée à la crise au Liban, l’instabilité qui se poursuit en Libye, créent des vagues de réfugiés, de nouveaux flux migratoires, de nouvelles pressions.
Et nous en faisons l’expérience au quotidien. Nous voyons tous les jours ce qui se passe en Méditerranée. Et ce problème ne peut être affronté par l’Italie toute seule, la Grèce toute seule ou Malte toute seule.
C’est un problème européen et nous voulons que cette question soit toujours à l’ordre du jour du Conseil et du Conseil européen. Car si la situation ne change pas à sa source, s’il n’y a pas une évolution importante en Syrie, laquelle à l’heure actuelle influence toutes les données, nous n’aurons bien naturellement pas un changement des situations réelles en Méditerranée par rapport aux flux migratoires.
Maintenant, si vous me demandez la position de la politique étrangère grecque sur toutes ces questions, je vous répondrais très simplement que la Grèce participe au « main stream », au courant dominant européen. Nous acceptons les positions européennes. Nous les soutenons, nous les défendons. Nous entretenons de très bonnes relations avec le monde arabe, de très bonnes relations avec Israël. Nous sommes présents partout.
Nous essayons d’apporter notre aide dans la crise humanitaire en Syrie. Nous entretenons de très bonnes relations avec le gouvernement égyptien. Nous essayons toujours d’avoir une communication productive avec la Libye, où la situation est particulièrement instable.
Nous sommes en faveur de la formation d’un gouvernement au Liban et nous comprenons que tous les fronts sont ouverts. Tous les fronts. Et l’Union européenne est invitée à mettre en œuvre des initiatives plus efficaces, plus productives et plus pratiques dans le domaine de sa politique étrangère.
Cela n’est pas facile. Cela n’est pas facile, ni en coopération avec les Etats-Unis, la Russie, les autres Etats membres permanents du Conseil de sécurité, car ce sont des problèmes profonds, historiques. Ce sont des grands problèmes historiques qui sont recyclés au Moyen-Orient et en Afrique du nord. Il y a donc beaucoup d’agitation dans le voisinage sud de l’Union européenne, qui influence les flux migratoires.
QUESTION : Concernant cette question des Affaires étrangères, j’aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de la situation en Syrie, en Libye. Nous avons l’impression que l’Europe aujourd’hui ne réagit qu’avec les moyens qu’elle utilisait dans le passé.
En ce qui concerne l’aide humanitaire, il n’y a aucune initiative européenne. Est-ce qu’une telle initiative est prévue ? Est-ce que vous pensez que l’Europe peut prendre cela en charge ?
M. VENIZELOS : Ma réponse institutionnelle est que ces questions sont traitées par la Haute Représentante, Mme Ashton, avec laquelle nous coopérons étroitement dans le cadre du Conseil Affaires étrangères.
Nous coopérons également avec le Service européen pour l’action extérieure et toutes nos priorités au Conseil Affaires étrangères vont dans le sens d’une mise en œuvre d’initiatives plus importantes, plus efficaces de la part de l’Union européenne, non seulement pour la crise humanitaire, mais pour le problème politique par excellence et le problème militaire que rencontrent ces pays.
Bien entendu, au niveau international, l’organe compétent pour la prise de décisions et la création du cadre dans lequel agit la communauté internationale, est le Conseil de sécurité des Nations unies et non l’Union européenne et le Conseil Affaires étrangères de l’Union européenne.
Et la garantie de la compétence du Conseil de sécurité des Nations unies est une priorité de l’Europe et nous en sommes ravis car après une période d’inertie et de torpeur, le Conseil de sécurité a pu réagir pour ce qui est de la Syrie. Et beaucoup de choses dépendent de cela. Car, comme nous l’avons vu, cela influence directement la situation au Liban, la situation en Jordanie, la situation en Egypte qui est un pays déterminant à tous les niveaux.
Il est donc très important que nous agissions en coordination avec le Conseil de sécurité, que l’Union européenne ne soit pas « mise à l’écart » pour ce qui est des initiatives prises par les Etats-Unis et la Russie, car nous constatons que pour toutes les grandes questions, comme la Syrie ou encore l’Iran, c’est le couple Etats-Unis – Fédération de Russie qui a pris les grandes décisions ces derniers temps.
Nous soutenons donc cet effort d’une Europe qui assure une présence dynamique et qui a voix au chapitre, mais en coopération avec Mme Ashton, qui a mis en œuvre d’excellentes initiatives, comme l’atteste cette période.
January 8, 2014