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M. Dimitri Kourkoulas, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, en charge de la présidence grecque de l’Union européenne, répond aux questions de Dominique Baillard et de Caroline de Camaret

Monday, 20 January 2014

M. Dimitri Kourkoulas, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, en charge de la présidence grecque de l’Union européenne, répond aux questions de Dominique Baillard et de Caroline de Camaret.

Emission "Ici l'Europe"

17 janvier 2014 sur RFI

et 18 janvier 2014 sur France24


JOURNALISTE : Votre premier ministre a parlé d’une Europe qui fonctionne, qui travaille. C’est de l’humour..

KOURKOULAS : Au contraire : On veut que la Grèce soit l’exemple de la sortie de la crise, pas seulement de la crise grecque, et c’est vrai que mon pays était à l’épicentre de la crise et les dégâts sont grands, lourds, mais la crise était européenne. Il y a d’autres pays qui ont souffert, certains un peu plus ou un peu moins, alors que nous voulons que notre semestre, la présidence grecque, soit le tournant de la sortie de la crise de toute l’UE et on va travailler pour ça. 

JOURNALISTE : C’est tout de même compliqué, parce que votre pays revient de loin et le public, les citoyens européens s’interrogent comment prendre la présidence de l’UE quand on n’est plus souverain chez soi.

KOURKOULAS : Vous avez raison que pendant les quatre, cinq dernières années mon pays a beaucoup souffert et on a du faire appel à la solidarité de nos partenaires, qui ont répondu, et c’est toujours le cas, mais nous espérons qu’en sortant de la crise très prochainement on va regagner notre souveraineté financière. Je vous rappelle qu’on a fait un ajustement fiscal qui n’a été jamais fait par aucun pays de l’OCDE depuis la deuxième guerre mondiale. On a réussi en trois ans de ramener notre déficit qui était de 15% en 2009 à moins de 3% aujourd’hui et cette année, en 2014, on va avoir un excédant primaire qui va être important. 

JOURNALISTE : Hors service de la dette. Il y un chiffre qui est intéressant. Depuis six ans vous êtes en récession et vous affichez maintenant une petite croissance 0,6%. Est-ce que pour vous le bout du tunnel est en vue ?

KOURKOULAS : C’est en vue mais il faut être prudent, il faut encore travailler. Le chemin est encore difficile, mais, selon les prévisions, cette année on va avoir pour la première fois après six ans consécutifs de récession, on va avoir une croissance,  pas très importante. Moi, je pense qu’avec tous les ajustements structurels, les reformes, qui ont êtes introduites, qui devaient être introduites beaucoup plus tôt, mais on a tardé. 

JOURNALISTE : Pourquoi ?

KOURKOULAS : Pour des raisons politiques, quand on pensait que les choses vont bien, depuis notre entrée dans la zone euro on pensait qu’il ne faut pas continuer l’effort des reformes et on a perdu notre compétitivité. Mais maintenant avec ces ajustements structurels on a regagné plus de 80% de  notre compétitivité. Ça c’est reflété dans la croissance de nos exportations, aussi 2013 était une année record pour notre tourisme, nous espérons que 2014 sera encore mieux. Alors il y a des signes, il y a un intérêt croissant des investisseurs et à partir du moment où le débat pour la sortie de la Grèce de la zone euro est arrêté – c’était un débat mortel, personne ne va investir en euros ou en drachmes dans une économie où on ne sait pas quelle monnaie on va avoir dans quelques jours.  Alors, c’est très bien que maintenant, avec le programme qui a été développé avec nos partenaires européens il y a un chemin de la sortie de la crise. 

JOURNALISTE : Alors, tout ça c’est très bien mais la crise a fait de ravages. Six ans de récession, c’est 25% du PIB en moins et les Grecs paient très cher la cure d’austérité (reportage).

JOURNALISTE : Pour ce chômage, qui peut être mortel pour les jeunes, qui est responsable ?

KOURKOULAS : C est la crise, c’est le fait que mon pays a perdu 25% de son produit national, qu’on a eu une récession pendant 6 ans. En même temps, pour faire face à la dette et au déficit, le gouvernement était obligé d’augmenter les taxes. Alors, on a en même temps une diminution des salaires et une augmentation des taxes. C’est vraiment très difficile, les sacrifices sont énormes, mais moi, je continue à croire et à dire qu’on a évité le pire. 

JOURNALISTE : Vous êtes soucieux de la troïka. Alors, plusieurs ministres de votre gouvernement d’union nationale, de droite comme de gauche, sont montés au créneau pour dénoncer les erreurs de la troïka et dire qu’elle était trop dogmatique. Vous êtes d’accord ?

KOURKOULAS : Le gouvernement est en dialogue avec la troïka presque tous les jours sur plusieurs questions. C’est vrai qu’il y a des divergences. Nous, nous  avons essayé de faire comprendre à nos interlocuteurs qu’il y a certaines limites, il y a certaines lignes rouges qu’il ne faut pas dépasser. Par exemple, on ne peut pas accepter de réduire les salaires encore. La réduction est déjà très importante. Nous voulons mettre l’accent sur le développement du tissu social qui va protéger tous ces gens qui ont perdu leur travail. Ce n’est pas facile, mais la solution, disons viable, pour l’avenir c’est la croissance. 

JOURNALISTE : Vous avez dit qu’il n’est pas facile de recomposer ce tissu social. Vous avez un excédent cette année de 800 millions, c’est une vraie prouesse, mais vous avez encore un endettement massif et vous allez, sans doute, faire à nouveau appel à l’UE, à vos partenaires de la troïka. C’est indispensable ?

KOURKOULAS : On a eu un excédent de 800 millions l’année passée, qui va être confirmé cette année par Eurostat, et la décision a été déjà prise de donner le 70% de cet excédent aux groupes de la population qui ont été les plus touchés par la crise. Et nous espérons avoir un excédent encore plus important en 2014, donc être en mesure d’augmenter la part du budget qui va dans les actions sociales. A partir du moment où l’excédent budgétaire grec sera confirmé et sera viable, et nous espérons que ça sera le cas en avril, nos partenaires vont rediscuter avec nous la viabilité de la dette grecque. Jusqu’à maintenant, on a payé chaque euro de nos dettes. On a toujours honoré notre signature. Aucun euro qui a été donné par le contribuable européen n’a pas été perdu jusqu’à maintenant et tant que l’économie de Grèce reste débout, ça sera le cas et on va sortir de la crise. Il n’y a aucun danger, aucun risque pour le remboursement de notre dette. 

JOURNALISTE : Vous parlez de vos partenaires et particulière de l’Allemagne, où vous avez étudié et que vous connaissez. Vous pensez que vous étiez victime de préjugés des Allemands auprès les grecs et peut-être aussi victime de la politique très rigoriste de la chancelière Angela Merkel ?

KOURKOULAS : Des préjugés il y avait des deux cotés. Il y avait des divergences sur la politique, ça c’est vrai, mais moi je vois que maintenant, avec la formation du nouveau gouvernement à Berlin il y a une nouvelle approche. Même les crétiens-democrats, je pense que tout le monde comprend maintenant qu’il n’y a pas de sortie de la crise européenne sans soutenir la croissance. Bien sûr il faut continuer les mesures de l’ajustement fiscal. Je dois dire aussi que pendant cette crise profonde la France s’est montrée solidaire à plusieurs reprises et ça c’est quelque chose que le peuple grec reconnaît parce que c’est pendant des difficultés qu’on reconnaît nos amis. 

JOURNALISTE : Nous revenons en Grèce. Les salariés, les fonctionnaires ont été les plus touchés par la crise, mais on a le sentiment que pas beaucoup de choses n’ont changé pour les privilégiés, les protégés, je pense à l’armée, l’église, les armateurs qui bénéficient toujours des mêmes privilèges. Est-ce n’est pas ça aussi un problème grec que les grecs eux-mêmes doivent résoudre ?

KOURKOULAS : Je pense qu’il y a des malentendus ici. Tous les fonctionnaires ont perdu, y compris les fonctionnaires de l’armée, de la police, les salaires ont été réduits drastiquement … 

JOURNALISTE ; Mais le budget de défense, lui n’a pas beaucoup souffert.

KOURKOULAS : Oui, mais il suffit de regarder la carte géographique pour voir – on a réduit notre budget de défense. Mais quand on est dans la région où on est, je pense qu’il y a certaines limites et c’est dans l’intérêt de tous que la sécurité de notre pays soit assurée. Mais on a aussi réduit drastiquement le budget de défense. Les grandes victimes de la crise sont les chômeurs. Ils ne sont ni les employés ni les fonctionnaires. 

JOURNALISTE : La crise a fait monter le populisme, l’euroscepticisme en Grèce et c’est sur cette question que la directrice de l’Institut de l’Europe voulait vous interroger.

QUESTION : On se réjouit que la Grèce sorte de la crise mais tout cela a fait de dégâts et on s’aperçoit qu’une forte partie de la population grecque appuie  les parties les plus extrémistes et les plus antieuropéens. Encore plus inquiétant dans votre pays c’est qu’un parti, Aube Dorée, un parti qui se déclare ouvertement néonazi, est en train de devenir la troisième force politique grecque. Alors je me demande si votre gouvernement ne devrait prendre des mesures beaucoup plus drastiques et si pour une fois vous ne devriez pas suivre l’exemple de la France où notre ministre de l’intérieur vient, avec succès, et avec l’aval des juges français, d’interdire le spectacle d’un humoriste qui en réalité était ouvertement antisémite. Est-ce que vous ne devriez pas essayer de vous libérer de ce groupe aube dorée en l’interdisant ou en prenant des mesures ?

JOURNALISTE : Pourquoi ne pas interdire ce parti aube dorée ?

KOURKOULAS : Notre système constitutionnel ne prévoit pas l’interdiction d’un parti même si c’est un parti qui n’est pas démocratique. Il y a des raisons historiques. Parce qu’on avait une histoire après la guerre civile où les partis politiques pourraient essayer d’exclure leurs adversaires politiques par des mesures judiciaires. Alors, notre système ne prévoit pas ça. Il faut faire face à ce phénomène inacceptable de l’aube dorée par des moyens politiques. Les procédures judiciaires ne sont pas une question politique. C’est notre système juridique, judiciaire indépendant qui a découvert des preuves des actions criminelles et qui a lancé cette procédure. Nous, tous les partis démocratiques, que ce soit de gauche ou de droite on a un front très solide pour faire barrage à cette idéologie nazi, fasciste, raciste qui n’a pas de place dans la société grecque. 

JOURNALISTE : Alors, il y a un autre parti politique qui est lui démocratique mais qui fait partie de cette vague d’euroscepticisme, SYRIZA, il est en tête, me semble-t-il des intentions de vote pour les élections parlementaires. Alexis Tsipras est le candidat de gauche radicale européenne pour mener la campagne. Il est donc crédible, d’après vous, pour prendre la tête de la Commission ?

KOURKOULAS : Je pense que chaque candidature pour la présidence de la Commission est plutôt symbolique mais si on revient sur la substance de la matière, SYRIZA n’a pas présenté jusqu’à maintenant un programme alternatif de la sortie de la crise. Il a investi à la souffrance et aux sacrifices des gens qui sont réelles , qui sont là, mais il n’est pas capable de proposer une autre alternative. Nous, nous sommes persuadé qu’il faut qu’on reste dans la zone euro, dans l’UE, on croit et on est persuadé que nous sommes très proche de la sortie de la crise et c’est pour ça que je pense qu’à la fin les partis clairement proeuropéens vont gagner les élections européennes. 

JOURNALISTE : En mai prochain vous n’avez pas peur être marginalisé ?

KOURKOULAS : Non. Je pense que le peuple grec est très ancré à l’idée européenne, à l’intégration européenne, malgré les problèmes qu’on a vécus récemment et on sait que notre avenir est avec nos partenaires européens. 

JOURNALISTE : Cette présidence grecque est condensée  à cause des élections européennes. Parmi les priorités que vous avez fixées, la priorité des priorités pour vous ?

KOURKOULAS : La priorité des priorités est la croissance et le chômage, la création des emplois. Deuxième priorité très important est de compléter l’union monétaire et l’union bancaire. Ça c’est très important. Ce n’est pas théorique, comme il parait. Une union bancaire réelle, efficace, peut avoir des aspects très positifs pour les petites et moyennes entreprises, pour l’accès de ces entreprises à l’argent aussi pour la croissance. Aussi on a une autre priorité qui est évidente, parce qu’on pense aussi aux problèmes de tous les états membres, c’est la gestion du phénomène de la migration. On est la seule région du monde développé où on n’a pas une approche globale pour la migration. 

JOURNALISTE : Et la drame de Lampedusa n’a pas vraiment changé la donne dans la volonté d’avoir une politique cohérente, peut-être de moins construire la forteresse  Europe ?

KOURKOULAS : Nous, nous avons proposé cette priorité même avant Lampedusa, mais Lampedusa a aidé dans le sens où elle a aidé d’ouvrir les yeux de ceux qui étaient réticents. On ne peut pas faire face à pays par pays. C’est un problème pour toute l’Europe. Toute l’Europe doit être plus active. 

JOURNALISTE ; Faut-il accepter ces vagues d’immigration ? Parce que beaucoup de dirigeants européens sont anti-immigration.

KOURKOULAS : Moi, je ne suis pas d’anti-immigration. Je parle d’immigration illégale, je parle de ces circuits criminelles des trafiquants des immigrants qui mettent en danger la vie de ces pauvres gens, femmes et enfants et je pense qu’il faut travailler surtout dans le pays tiers qui sont des pays d’origine ou de transit pour les aider à combattre ces réseaux criminels qui ont des chiffres d’affaires à l’ordre des milliards et qui nous amènent dans des situations très dangereuses, dans de petits bateaux des dizaines, des centaines des immigrés. Il faut gérer le phénomène. Le phénomène va continuer. On est réaliste. Mais il faut le gérer mieux. 

JOURNALISTE : François Hollande dans sa conférence de presse a peu parlait d’un pacte de croissance franco-allemand. Ca vous inquiète le volontarisme du leadership européen en matière de croissance, pour doper la croissance pour toute l’Europe en 2014 ?

KOURKOULAS : Nous, nous espérons, nous essayons aussi de persuader nos partenaires de faire plus. Maintenant il y a des échéances européennes assez importantes. Il y a le Conseil Européen du mois de mars qui va discuter des dossiers importants comme la politique industrielle … 

JOURNALISTE ; Vous sentez la volonté politique ?

KOURKOULAS : Oui, je  pense que c’est mieux maintenant qu’il y a un an, mais je pense qu’on doit faire plus vite pour montrer à nos citoyens qu’on a des instruments de faire sortir nos économies de la crise. 

JOURNALISTE : Merci.