Discours du Premier ministre, Alexis Tsipras, à la 26ème Conférence Économique Annuelle de la Chambre de Commerce greco-américaine « Investment & Growth : Building a National Plan »
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie de l’invitation honorifique à prendre la parole à votre conférence.
Une conférence qui, au fil des ans, est devenue une référence dans la vie économique du pays.
Votre invitation me permet de me référer, pas tant aux évolutions de l’année qui s’achève.
Sur cela, sans nul doute, les historiens du futur auront beaucoup de choses à écrire.
Je me réfèrerai principalement au projet politique du gouvernement pour les années à venir.
Parce que, à l’inverse de ce qui se pratiquait dans le passé, avec les gouvernements du PASOK et de la Nouvelle Démocratie, la politique et le projet politique de ce gouvernement vont au-delà de l’accord avec les créanciers.
Je vais vous le dire brièvement : si 2015 était l’année de la stabilisation du pays dans la zone euro, l’année de la fin du « Grexit », 2016 sera le point de départ de la sortie de la crise.
Cela sera l’année où la stabilité politique, économique et sociale se consolidera à long terme dans notre pays.
Parce que la seule, rigoureuse et irremplaçable condition pour la stabilité économique est le respect du verdict populaire récent, qui s’est exprimé à trois reprises cette année, autrement dit, du choix persistant de notre peuple à enfin tourner la page.
Avec cette donnée, 2016 marquera le retour de la croissance et de la restauration de la justice sociale.
Justice sociale, qui sera consolidée, en priorité, pour les couches sociales les plus défavorisées.
Pour ceux que l’on appelle en langage codé « les défavorisés ».
Mesdames et Messieurs,
Cette année, quoique assez riche en incidents, s’achève sur un signe positif pour l’économie grecque.
Malgré les grandes difficultés rencontrées lors de la dure négociation nous avons réalisé des performances dans l’économie et nous avons fait mentir toux ceux qui annonçaient une catastrophe.
Nous avons fait taire les Cassandres qui prévoyaient cet été une récession, allant même jusqu’à deux chiffres.
2015 se termine avec zéro récession, c'est-à-dire en stagnation.
Nous avons fait taire les Cassandres, qui, il y a encore quelques jours, prévoyaient une décote des dépôts bancaires des citoyens – l’infâme bail-in.
Récemment, la recapitalisation du système bancaire a été réalisée dans les temps et avec succès.
Dissocier de la première évaluation, et, pour la première fois en prenant en compte les prêts dits rouges.
Les banques grecques ont réussi à attirer d’importants capitaux de l’étranger.
Et ceci, apporte la preuve du rétablissement de la confiance de la communauté internationale des investisseurs envers notre pays.
Les banques systémiques se trouvent désormais en tête de liste de l’Europe en terme de suffisance de capitaux.
Elles couvrent aussi bien le plus simple scénario de risque que les scénarios les plus extrêmes de besoins de capitaux.
Et elles sont les premières banques paneuropéennes qui couvrent très largement les exigences de suffisance de capitaux, tel que défini par le traité de Bâle III.
Nous avons également réussi à trouver une solution au problème des prêts rouges, tout en protégeant la résidence principale de la grande majorité des emprunteurs.
Ceux, dont les ressources correspondaient aux critères de revenus des couches sociales basses et moyennes.
La mise en œuvre de seulement 1/5 du montant pré-budgété de 25 milliards prouve le succès de la recapitalisation.
Ainsi, une étape importante a été franchie dans la récupération par les banques de leur raison d’exister.
C'est-à-dire, faire circuler des liquidités dans l’économie, en aidant le processus de croissance.
Mais, mettre aussi un terme aux restrictions dans les transferts de capitaux courant 2016.
De plus, ce mois-ci, nous allons voter pour le second paquet des conditions préalables qui font partie de la première évaluation de l’accord.
Dans le même temps, le budget pour 2016 prévoit, pour la première fois depuis 2008, une augmentation du Programme d’Investissements Publics de 350 millions d’euros.
Ainsi que la redistribution de ressources pour soutenir les plus économiquement démunis et les politiques sociales, avec le renforcement du budget pour la santé et l’augmentation des crédits pour les hôpitaux de l’ordre de 300 euros.
En deux mots, malgré le fait qu’il s’agisse une fois encore d’un budget établi dans un cadre de rigueur financière, pour la première fois, tout de même, la notion de redistribution en faveur des plus faibles, des couches sociales les plus vulnérables est prévue.
Ainsi, nous créons les conditions de reprise économique et sociale pour l’année à venir.
Une année où, au second semestre, nous retrouverons des taux positifs de croissance.
Une année où nous mettrons en œuvre notre plan visant à compenser les effets sociaux négatifs de l’accord du 12 juillet.
À lutter contre le chômage et à créer les conditions d’un redressement stable et durable de l’économie.
La profondeur et la viabilité de la dynamique de croissance de l’économie grecque sont déterminées par trois choix stratégiques :
La dette, les réformes structurelles nécessaires et les investissements.
1. La restructuration de la dette publique, qui, comme nous l’avons convenu avec les partenaires le 12 juillet, sera discutée immédiatement après l’achèvement de la première évaluation.
Le rétablissement de la viabilité et le service normal de la dette sont les signes nécessaires pour le retour de la Grèce sur les marchés.
Le signe nécessaire que la cause initiale de la crise – le surendettement – a été éliminée.
Et que la perspective financière du pays a changé.
Une condition préalable à l’ouverture du débat sur la dette est la réussite de la première évaluation.
L’objectif du gouvernement est d’aboutir le plus rapidement possible, tout en gardant stables les lignes de défense pour la protection des plus faibles, de sorte à ne pas blesser davantage les catégories sociales qui ont déjà payé un lourd tribut à cause de la crise, comme par exemple les retraités.
Et nous sommes convaincus que cela est possible. Cela aurait été encore plus facile si sur ce point évident il existait un accord général du système politique.
Mais au-delà du système politique qui souffre d’une crise de crédibilité, il y a aussi la société grecque qui sans aucun doute s’identifie complètement à l’objectif stratégique national que vise à mettre en œuvre le gouvernement.
2. En ce qui concerne les réformes structurelles, je voudrais en mentionner quelques unes sans lesquelles il n’y a pas d’avenir pour le pays :
- La lutte contre la corruption et les intérêts est une condition pour la survie du pays. Elle constitue l’arrière-plan de la crise. Elle est, donc, la condition pour une rupture totale avec le passé et la sortie durable de la crise.
- Et la Grèce ne peut avoir des structures de contre-pouvoir et d’économie parallèle comme s’il s’agissait d’un pays du tiers monde.
- Dans ce domaine, notre travail, même s’il en est encore à son balbutiement, est déjà visible.
- L’élaboration de la législation sur la transparence du financement des partis politiques, l’unification et l’amélioration des mécanismes de contrôles contre la corruption ont été accélérées.
- Le contrôle des listes répertoriant les noms des grands déposants à l’étranger a été accéléré, elles n’avaient pas été vérifiées depuis des années.
- Avec des procédures expéditives sans précédent prises par les autorités fiscales de l’Etat fédéral du Nord Rhénanie-Westphalie, une liste avec les 10.588 grecs ayant un compte bancaire à l’étranger a été remise pour contrôle aux autorités judiciaires compétentes.
- En outre, nous avons légiféré pour réglementer le paysage audiovisuel et les licences pour les chaînes de télévision, afin de mettre un terme à l’impunité, consolider la légitimité et sauvegarder l’intérêt public.
- La répression contre les réseaux clientélistes, le piston, l’absence de méritocratie et la bureaucratie dans l’administration publique est le moyen déterminant pour en finir avec le système de reproduction du pouvoir politico-économique vicieux qui a été battu à trois reprises en 2015.
Nous légiférons sur :
- Un nouveau système d’évaluation des fonctionnaires qui garantira la transparence, l’équité et la responsabilité sociale,
- La création du Registre National pour les cadres de l’administration publique ayant des qualifications supérieures. Ce répertoire servira à pourvoir les postes de direction dans le secteur public et les Personnes Morales,
- Un nouveau cadre institutionnel pour le choix des directeurs, du chef de département au directeur général, avec des critères d’objectivité et de méritocratie,
- L’élaboration d’un nouveau système de mobilité interne avec la création simultanée d’une plateforme électronique qui permettra d’accélérer les procédures, de garantir la transparence et de combiner efficacement l’offre et la demande.
- La simplification des procédures existantes pour les détachements et les mutations prévus, en priorité dans les secteurs de la Santé et de l’Éducation.
- La revalorisation du Centre National de l’Administration Publique et des Collectivités Locales et lui transférer le rôle d’état-major dans le soutien des réformes en utilisant le savoir-faire dont il dispose.
- La garantie de la pérennité du système d’assurance que nous nous devons de laisser aux générations futures.
Et ce, indépendamment, de nos engagements extérieurs.
Pour que les générations futures aient des pensions de retraites décentes.
Nous prendrons toutes les initiatives nécessaires d’élargissement de la base financière du système d’assurance.
De sorte, ainsi, à ce que le nouveau système d’assurance soit réellement durable.
Autrement dit, que son noyau ne soit pas des retraites réduites et basses.
Je tiens à rappeler, une fois encore, que notre gouvernement est le seul à n’avoir aucune responsabilité dans la situation actuelle du système d’assurance.
Nous essayons de gérer avec une sensibilité sociale et équitable la faillite des précédents gouvernements.
Le pillage des réserves des caisses d’assurances.
Le chômage élevé et le marché du travail non-réglementé.
Le travail non déclaré et illégal, le travail au noir, qui soustraient des ressources au système d’assurance.
Cependant, aujourd’hui, l’heure n’est plus de savoir qui est responsable.
La question est de savoir comment trouver des solutions.
Des solutions économiquement viables mais aussi socialement justes.
Et nous les trouverons.
- Enfin, la réforme progressive du système fiscal est indispensable pour la réforme structurelle.
De plus, avec la répression impitoyable de l’évasion fiscale, le citoyen et l’investisseur, d’ici la fin 2016, auront, enfin, un système fiscal simple, transparent, stable et équitable.
3. Le troisième pilier de la dynamique de croissance du pays est, comme je l’ai dit, les investissements.
La croissance sans des investissements directs ne peut exister.
Par conséquent, l’objectif de notre gouvernement, qui sera enregistré dans le Projet National de Reconstruction Productive que nous présenterons au printemps prochain, sera le coup d’arrêt au terrorisme anti-investissement qui a conduit à la profonde récession de la dernière décennie.
Depuis 2007 ont été perdus par l’économie grecque des investissements d’une valeur approximative de 30 milliards d’euros ou 65% de leur valeur totale.
En particulier la baisse des investissements privés entre 2009 et 2014 avoisine les 67%.
Avec une augmentation des investissements, publics et principalement privés nous ferons face au manque dramatique de liquidité de l’économie grecque.
Nous allons stimuler l’emploi, profitant de l’avantage comparatif de notre pays.
Les jeunes, les jeunes scientifiques qui ont, avec des capacités exceptionnelles, une haute formation technique et professionnelle.
Et qui aujourd’hui profitent aux pays où ils ont émigrés.
Dans cette direction, notre gouvernement, en coopération avec la Commission Européenne, a réussi à améliorer le cadre de l’absorption des fonds communautaires et la refonte des programmes respectifs.
En collaboration avec la Banque Européenne des Investissements nous étudions les meilleures techniques pour l’intégration de grands projets d’infrastructure dans le programme European Plan for Strategic Investments, plus connu comme Plan Juncker, de sorte à attirer des capitaux privés.
Dans le même temps, en 2016, le nouveau fonds de valorisation des biens publics fonctionnera.
Il s’agit d’une institution qui devrait contribuer à une gestion efficace des biens publics et à l’attraction d’investissements, sous la forme de collaboration, tandis qu’une partie de ses recettes sera réinvestie.
Mesdames, Messieurs,
Il est de notoriété publique, maintenant, que le problème économique grec est par extension européen.
L’Europe au début de la crise ne semblait pas prête à résoudre rapidement et efficacement la problème dans sa maison.
En comparant les interventions réussies des autres pays, comme par exemple les Etats-Unis, il a été perceptible que les faiblesses du projet européen étaient structurelles.
Ces dernières années des mesures rectificatives ont été adoptées – quoique incomplètes et fragmentaires.
Le Mécanisme Européen de Stabilité et l’union bancaire sont des initiatives importantes.
Cependant, beaucoup d’autres choses sont nécessaires et dans des directions différentes.
La réciprocité de la gestion de la dette grecque, l’extension du rôle de la BCE en tant que prêteur de dernier recours et la garantie paneuropéenne des dépôts, sont quelques unes des propositions que nous avons déposées par le passé.
Nous considérons que le moment est venu pour qu’elles soient adoptées par les dirigeants politiques européens.
Si, vraiment, ils souhaitent renforcer la capacité de l’Europe à répondre collectivement avec efficacité et solidarité aux défis actuels et futurs.
Et la crise économique de la zone euro n’est pas la seule qui nécessite une approche collective et solidaire.
Il y a aussi la crise des réfugiés, la plus importante depuis la Seconde Guerre Mondiale, que notre pays, comme frontière extérieure de l’Union Européenne, vit très intensément.
Entre parenthèses, je veux souligner à ce stade, que nous devons éviter la corrélation entre la question des réfugiés et le terrorisme.
Parce que si nous le faisons, nous risquons de glisser vers des chemins dangereux ne répondant pas aux valeurs intemporelles et originelles de l’Europe.
L’Europe de l’Humanisme, de la Liberté, de la Solidarité, des Lumières.
Nous devons, tout d’abord, affronter de manière coordonnée la cause de ces flux massifs de réfugiés.
Il s’agit de la guerre en Syrie et de la gestion pacifique des crises dans les autres pays d’Asie.
Dans le même temps, cependant, l’installation et la réinstallation des réfugiés exigent des solutions collectives et des coopérations transfrontalières.
Les clôtures et les fils de fer barbelés ne sont pas une solution. Ils sont la cause de la détérioration globale de la crise.
Dans la région instable environnante de la Méditerranée orientale, la Grèce est et restera un îlot de stabilité.
Et ceci constitue un avantage stratégique pour l’ensemble de l’Union Européenne.
Un avantage stratégique qui peut être préservé et renforcé seulement si les étapes essentielles pour la sortie du pays de la crise économique qui la tourmente depuis de nombreuses années.
Toutes nos actions tendent à préserver cet avantage.
Dans ce contexte, nous continuons à rechercher des ententes plus larges et des collaborations économiques et commerciales au niveau local et international.
La valorisation des ressources énergétiques, le passage de pipelines, la coopération économique avec les pays voisins, le renforcement du tourisme, constituent pour nous une priorité.
Mesdames , Messieurs,
L’un des pères fondateurs de la démocratie américaine, Thomas Jefferson, a réussi à introduire dans la rédaction du texte de la Déclaration d’Indépendance Américaine en 1776, l’article qui stipule comme un droit fondamental du citoyen Américain, la poursuite du bonheur.
Il est moins connu qu’il a été influencé par le philosophe grec Epicure qui a consacré tout son travail à atteindre une vie heureuse.
Je ne sais pas si la conquête du bonheur est possible, mais nous essayons et nous réussirons à redonner optimisme, sourire et espoir aux citoyens grecs.
Je ne suis pas économiste mais je suis profondément convaincu qu’avant tous les indicateurs économiques, la condition préalable avant toute chose pour le redressement est : la Psychologie.
Et le seul mal que l’attaque orchestrée des médias ces derniers jours contre le gouvernement fait, c’est d’anéantir la psychologie du monde, en le surchargeant d’exagérations et d’alarmisme.
Cela suffit tant de catastrophe.
Il est temps de voir avec optimisme l’avenir de ce pays.
Nous avons la force de réussir et nous réussirons.
Je vous remercie.