Interview de N. Kotzias, ministre des Affaires étrangères, à la chaîne de télévision Euronews (16 janvier 2017)
JOURNALISTE : Monsieur le ministre, commençons par les dernières
évolutions après la Conférence de Genève, les propos prononcés à votre
sujet par votre homologue turc, M. Çavuşoğlu lequel a affirmé que
c’était vous qui aviez quitté la table des négociations et l’article
publié dernièrement par un réseau de presse international, lequel a eu
un important écho et a été largement diffusé concernant le rôle que vous
aurez désormais à jouer au cours des négociations.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS :
Chacun sait que le gouvernement grec et moi personnellement en ma
qualité de ministre des Affaires étrangères, nous nous employons sans
relâche à l’atteinte d’une solution à la question chypriote. Ce que nous
faisons également avec insistance est de définir ce que signifie un
règlement de la question chypriote. Notre intention n’est pas de
résoudre une équation mathématique, ni de voir comment on bâtira une
maison.
Nous allons régler un problème politique international
qui est né de l’occupation illégale de Chypre par l’armée turque en
1974. Par conséquent, le règlement de la question chypriote signifie le
retrait de l’armée turque à travers un processus que nous avons proposé
et abordé et la suppression du régime qu’invoque la Turquie, sur la base
des Traités de Zurich et de Londres, d’après lequel – selon eux et de
manière illégale – les Turcs peuvent intervenir à Chypre à leur guise en
leur qualité de puissance garante.
Cette question, les
garanties, l’interventionnisme et le maintien de l’armée sont le cœur
même de la question chypriote. Chacun sait que le gouvernement grec veut
le règlement de la question chypriote et cela signifie, entre autres,
qu’il faut accorder le maximum de droits possibles aux Chypriotes turcs
et le plus grand sentiment de sécurité possible aux Chypriotes grecs.
Autrement dit, il faut que l’armée se retire. Nombreux sont ceux qui
n’aiment pas cela. C’est pourquoi chaque fois qu’il y a une réunion sur
Chypre, ils m’accusent de soutenir cette ligne qui est la ligne du
gouvernement grec en concertation avec les Chypriotes.
JOURNALISTE : Vous parlez des Turcs ? De la partie turque ?
Ν.
ΚΟΤΖΙΑS : Ce n’est pas seulement la partie turque, il existe d’autres
acteurs internationaux qui considèrent qu’il est bon d’avoir une sorte
d’occupation à Chypre car leurs intérêts sont identiques à ceux des
Turcs.
JOURNALISTE : À qui vous référerez-vous ?
Ν.
ΚΟΤΖΙΑS : Cela est facile. Vous êtes un bon journaliste, vous pouvez
comprendre ce que je veux dire. Ce qui se passe en vérité est que ces
personnes s' expriment à travers ces articles, comme ceux auxquels vous
vous êtes référés. Et il est très important pour nous de faire la
différence. Nous avons une invitation pour nous rendre à Genève et mener
des consultations politiques sur la question chypriote jeudi et
vendredi.
À notre arrivée jeudi, l’ONU nous envoie un texte
portant sur le type de consultations politiques de vendredi. Et soudain
ils nous disent vendredi que nous ne pouvons pas mener des consultations
politiques mais des consultations avec les groupes techniques.
Nous
leur avons répondu que pour que les groupes techniques puissent se
réunir, il faut d’abord que les directions politiques - à savoir les
directions des ministères des Affaires étrangères et les dirigeants des
deux communautés de Chypre, le leader chypriote turc et le Président de
la République de Chypre – se mettent d’accord sur la méthode de travail
de ces groupes, sur le contenu des débats, les questions à aborder et
l’objectif à atteindre.
Et tout d’un coup, M. Çavuşoğlu répond –
je n’ai pas très bien compris – qu’il avait prévu de partir. Nous leur
avons dit qu’il ne devait pas partir vendredi mais rester pour discuter
pendant deux ou trois heures, selon le programme convenu. Il est parti à
Ankara et a affirmé que c’était nous qui avions quitté les négociations
– alors que nous étions encore à Genève en train de discuter – et qu'il
a fait un grand exploit.
JOURNALISTE : Je veux m’arrêter un peu
sur la question des garanties. Vous dites d’emblée – et c’est la
position politique immuable de la Grèce – que l’armée d’occupation doit
se retirer. Monsieur Erdogan a toutefois affirmé après la conférence que
cela n’arrivera jamais. Par conséquent, pensez-vous qu’il y ait encore
une marge de manœuvre pour continuer les pourparlers ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Il existe une proverbe qui dit qu’ « il ne faut jamais dire jamais »…
JOURNALISTE
: Mais il l’a dit. Par conséquent ces déclarations attestent-elles de
la volonté de la Turquie de parvenir à une solution à ce stade ?
Ν.
ΚΟΤΖΙΑS : C’est à la table des négociations qu’ils montreront combien
ils souhaitent parvenir à une solution. Et je dois vous dire, fort de
mon expérience acquise au cours des négociations auxquelles j’ai
participé depuis des décennies et de mes connaissances sur Chypre, que
quand quelqu’un veut une solution, il le montre au moment du débat sur
le cœur du problème. Quand quelqu’un ne veut pas de solution, il est
très probable qu’il ne laisse pas les discussions en arriver à ce point
afin de ne pas montrer ses vraies intentions. Nous en arriverons à ce
point et la Turquie doit montrer ses vraies intentions. Souhaite-t-elle
une solution ou une couverture légale pour ses actes illégaux ?