Interview du ministre des Affaire étrangères, N. Kotzias à la station radio «Alpha», «Prosopa tou SK» - propos recueillis par la journaliste M. Nikoltsiou
M. NIKOLTSIOU : Monsieur le ministre bonjour et merci d’être venu.
N. KOTZIAS : Bonjour de Kozani, j’espère que vous passez un bon samedi.
M. NIKOLTSIOU : En espérant que les pluies cessent. Monsieur le ministre, beaucoup de choses se sont produites durant ces derniers jours: nous avons eu la visite de Trump en Arabie Saoudite et, tout de suite après, l’isolement du Qatar.
N. KOTZIAS : Ecoutez, la politique internationale est comme un cœur qui bat vingt-quatre heures sur vingt-quatre et donne, à chacun de nous, des tâches à accomplir. Pour que vous compreniez, la dernière discussion que j’ai eue avec le ministre des Affaires étrangères d’un pays ami était à quatre heures du matin, un ministre de la région du Golfe. D’ailleurs, j’ai parlé à tout le monde mais en raison des célébrations religieuses, les discussions ont lieu après minuit jusqu’au petit matin.
M. NIKOLTSIOU : Et permettez-moi de vous demander ce qui a émané de cette discussion ?
N. KOTZIAS : Ecoutez, tout d’abord, nous sommes un pays qui a de très bonnes relations avec le monde arabe et nous nous efforçons de garder le juste équilibre, tout en soulignant que notre pays n’a jamais été une force coloniale et que notre intérêt est la stabilité et la sécurité dans la région. Tous les pays impliqués dans cette crise se sont réunis il y a quelques semaines à Rhodes et ont contribué au succès de la Conférence de Rhodes et à la création d’une organisation spéciale de sécurité et de stabilité pour la Méditerranée orientale. Et par conséquent, c’est sur cette base que nous avançons. Bien entendu, il y a des pays avec lesquels nous entretenons d’excellentes relations. A preuve, l’Egypte nous a demandé de représenter ses intérêts diplomatiques, politiques et consulaires au Qatar, parce qu’il il y a plus de 250 000 employés égyptiens. Je pense qu’il en sera de même avec un autre pays, mais il serait prématuré pour moi de l’annoncer.
M. NIKOLTSIOU : Nous attendons donc que vous nous l’annonciez. Monsieur le ministre, comment interprétez-vous ces évolutions qui sont si rapides ? Est-ce que la carte dans la région est réécrite ?
N. KOTZIAS : Ces évolutions ont une histoire datant de 15-20 ans je dirais. C’est une discussion sur les relations du monde arabe avec l’Iran, sur la source du terrorisme et sur l’attitude conjointe que pourraient avoir ou pas les Etats arabes. Je vous rappelle qu’en 2014, il y a eu une intervention similaire, pas aussi importante et intense, au moment du changement du chef de la famille royale au Qatar, lorsque trois successeurs ont été dépassés dans l’ordre de succession, pour enfin retenir le suivant comme l’actuel chef de l’Etat du Qatar. D’après les déclarations faites par les personnes impliquées de l’autre côté, leur problème n’est pas le changement de personne, mais le changement de politique. Autrement dit, que le Qatar s’aligne plus sur la politique étrangère commune des autres pays, qui sont essentiellement les Emirats arabes unis, l’Arabie Saoudite et l’Egypte, mais, comme vous l’avez vu, d’autres pays ont aussi pris position. Le dernier en date étant le Djibouti.
M. NIKOLTSIOU : Quel peut être le rôle de la Turquie et celui d’Erdogan? Parce que nous voyons qu’il essaie…
N. KOTZIAS : Erdogan et la Turquie veulent se faire passer pour des médiateurs, un rôle que nous avons, mais ils ne peuvent pas avoir car ils font partie des pays qui se trouvent de l’autre côté, s’identifiant au Qatar et aux Frères Musulmans.
M. NIKOLTSIOU : Un Etat kurde va-t-il être créé? Car nous voyons les déclarations provenant des Etats-Unis – non pas «si» mais «quand», ont dit les Américains.
N. KOTZIAS : La question kurde s’articule autour de deux composantes à l’heure actuelle. D’un côté le Kurdistan au nord de l’Irak, où l’Union européenne recherche l’unité du pays, mais comme vous le savez l’unité du pays doit résulter du souhait de ses citoyens et non pas de tiers. Nous verrons. Un référendum a été proclamé pour le mois de septembre dans le nord du Kurdistan, à savoir le nord de l’Irak. Ce référendum, je vous rappelle, était prévu par l’accord constitutionnel initial de l’Irak, mais jamais le choix d’exercer ce référendum n’a été fait. Il y a aussi la question de la zone des Kurdes au nord de la Syrie, qui est un très gros problème pour la Turquie elle-même.
Les pays occidentaux ne veulent pas que se brise l’unité de la Syrie, car à l’heure actuelle nous nous positionnons tous en faveur de la défaite des forces islamo-fascistes réactionnaires, en faveur de la défaite de l’autoritarisme à l’intérieur de la Syrie. Il existe un plan constitutionnel de la part de certaines puissances occidentales qui n’a pas été publié, tout comme un plan constitutionnel de la part de la Russie qui a été publié et qui prévoit de faire de la Syrie un Etat fédéral avec un Etat kurde comme l’une de ses composantes. De manière générale, je veux dire que – étant donné que la Turquie s’oppose à tout cela, c’est son droit et le choix de sa politique étrangère – que dans tous ces pays les Kurdes aient les droits que la République chypriote a l’intention d’octroyer à la communauté chypriote turque. Car à un moment donné il faudra comparer ce que revendiquent certains à Chypre et ce qu’ils sont prêts à donner à leurs plus grandes communautés dans leur pays.
M. NIKOLTSIOU : Avant de vous quitter, Monsieur le ministre, nous aimerions vous remercier pour votre temps et nous aimerions un commentaire concernant les résultats des élections au Royaume-Uni ?
N. KOTZIAS : Ces dernières années, les élections jouent des tours au niveau des sondages. Je vous rappelle que les sondages avaient prévu une longueur d’avance de 20% pour le parti conservateur mais ils se sont complètement trompés. Ceci doit être gardé à l’esprit par ceux qui pensent que la longueur d’avance du parti de l’opposition grec donnée par les maisons de sondage est vraie et se reflètera lors des prochaines élections. Qu’ils ne se pressent pas, les élections auront lieu à temps et le résultat les surprendra, tant bien eux que les maisons de sondage qui les soutiennent.
La deuxième chose, plus substantielle je pense, est que la question britannique et le Brexit deviendra plus complexe. Mme May s’est présentée aux élections en demandant une majorité plus forte afin de négocier le Brexit d’une position de force. D’après ce que nous avons pu voir, cela n’a pas été possible. Les électeurs britanniques ne lui ont pas donné cette possibilité et je pense qu’elle devra opter pour un Brexit plus souple. Et il faudra voir quel gouvernement de coalition sera formé car il n’y a pas de majorités absolues.
M. NIKOLTSIOU : Il semblerait qu’elle forme un gouvernement avec les unionistes de l’Irlande du Nord.
N. KOTZIAS : Eux négocient, mais un troisième point a aussi une importance: vous savez le système électoral de la Grande Bretagne est le système de vote majoritaire le plus extrême. Avec 30% on peut obtenir 70% des sièges. Cela montre que dans les moments de l’histoire où nous avons des bouleversements et changements majeurs sur la scène politique, la scène politique internationale, pas même les lois de vote majoritaire les plus extrêmes ne peuvent donner une majorité à un parti.
M. NIKOLTSIOU : Pour la Grèce, le résultat des élections en Grande-Bretagne peut-il avoir une influence ? S’agissant de nos revendications pour la dette, dans quelle mesure le rôle de la Grande-Bretagne…
N. KOTZIAS : Le rôle de la Grande-Bretagne s’agissant de la question de la dette n’est pas aussi puissant que son économie au sein de l’Union européenne, car elle n’appartient pas à la zone euro. Ce qui est important, je pense, est que la revendication du Brexit sera plus souple – ou bien il serait plus réaliste qu’elle soit plus souple. Les Britanniques ne doivent jamais oublier ce que je leur dis, à savoir que notre manière de gérer certaines affaires qui sont dans leur intérêt dépendra de leur position vis-à-vis de la question chypriote.
M. NIKOLTSIOU : Et sur ce plan, puisque vous en parlez, aurons-nous des évolutions ?
N. KOTZIAS : Oui, mais c’est un long débat. Merci beaucoup.
M. NIKOLTSIOU : Merci à vous Monsieur le ministre.
N. KOTZIAS : Bon week-end.
M. NIKOLTSIOU : Merci beaucoup.