Déclarations du Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Alexis Tsipras à l’issue des travaux du 5e Sommet des pays du Sud de l’UE (Nicosie, 29 janvier 2019)
« Je tiens à remercier le Président de la République de Chypre et cher ami, Nikos Anastasiadis pour son accueil. Je voudrais aussi bien évidemment remercier Emmanuel ainsi que tous les collègues de leurs aimables propos concernant ce succès important remporté par l’Europe - à mon avis – et non pas par la Grèce et la Macédoine du Nord, dans le règlement d’un différend très important.
Permettez-moi de signaler que pour moi la chose la plus importante et la nouvelle la plus importante est le fait que nous nous retrouvons tous les sept après environ un an. Et encore plus important est le fait que les pays du sud de l’Europe se rencontrent à Chypre, l’extrémité sud-est de l’Europe. Et nous transmettons un message d’unité et de détermination, notre volonté étant de défendre, en dépit de nos différends – et il est vrai que nous avons des différends politiques – les valeurs fondamentales européennes, de défendre la perspective de l’intégration européenne et de défendre aussi le droit international, en jouant, dans la période à venir, un rôle catalyseur dans les développements qui concernent l’Europe elle-même ainsi que dans les développements régionaux.
Sans aucun doute, les pays de l’Europe du sud ont connu au cours de la période précédente les crises les plus graves de l’Union européenne. La crise économique mais aussi la crise migratoire et des réfugiés.
Par conséquent, nous avons une raison de plus d’aller dans ce sens, forts aussi de notre expérience acquise par la lutte commune que nous livrons en vue de faire face aux inégalités régionales au sein de l’Union européenne dans une perspective de convergence sociale et de convergence entre les pays, entre les Etats membres. Mais bien évidemment nous avons tout lieu de vouloir faire face à la crise migratoire sur la base du principe de la solidarité et de la répartition des responsabilités et non pas sur la base d’une approche qui consiste à faire face aux problèmes à titre individuel, qui plus est lorsqu’il s’agit des problèmes qui affectent l’ensemble de l’Union européenne.
Je suis fermement convaincu que les pays du sud européen, notamment au cours d’une période marquée par l’isolement, le repli national, à une époque où le racisme et la xénophobie deviennent un discours politique dominant, peuvent à travers aussi leur tradition et leur culture mais aussi leur attachement à des objectifs différents, transmettre un message. Un message de coopération et un message montrant que des solutions européennes existent à tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Je voudrais m’en tenir un peu plus à la question de la crise migratoire. Par ailleurs, nous avons consacré la plupart du temps de notre discussion à cette question. Nous avons signalé la nécessité de mettre en place en Europe un système d’asile européen commun, sur la base de la solidarité et de la répartition équitable des responsabilités. Toutefois, nous ne pouvons pas parler de solidarité sans en faire preuve, à savoir sans la mise en place d’un mécanisme de redistribution des demandeurs d’asile entre les Etats membres. Et par conséquent la révision du Traité de Dublin constitue pour nous une priorité très importante dans la période à venir.
Nous sommes également convenus, pour passer maintenant aux questions qui ont été abordées lors de notre réunion et qui portent sur l’avenir de la zone euro et les réformes nécessaires au sein de l’Union européenne et la zone euro plus particulièrement, de la nécessité de lutter, de revendiquer au sein de l’Union européenne, la perspective d’un budget de la zone euro, l’achèvement de l’union bancaire ainsi que l’orientation vers la lutte contre les inégalités sociales et la mise en place d’un fonds européen pour lutter contre le chômage.
Nous avons bien évidemment parlé aussi des évolutions régionales, question inévitable puisque nous nous trouvons à Chypre et aussi de la Turquie. De l’importance que revêtent la coopération et le dialogue de l’UE avec la Turquie dans une série de domaines, allant de l’économie, de l’énergie jusqu’à l’immigration ainsi que des évolutions au Moyen-Orient. L’occasion me sera offerte de me trouver à Istanbul et de m’entretenir avec le Président Erdogan. Outre mes propres réflexions, je lui transmettrai aussi le climat de la rencontre d’aujourd’hui, car je pense que tous les sept pays ici s’accordent à dire que les relations de chaque pays mais aussi de l’UE avec la Turquie doivent être axées sur le respect mutuel et avant tout sur le respect du droit international. La Turquie doit respecter le droit international, tant en Méditerranée orientale qu’en mer Egée.
Dans ce contexte, il va de soi que nous soutenons tous la perspective d’une solution équitable et durable à la question chypriote, sur la base des décisions de l’ONU et de l’acquis européen. Ce qui signifie que cette solution ne peut comporter l’intervention de tiers, de tiers garants, ni de forces d’occupation.
D’un autre côté, j’aimerais souligner que toute solution sera et devra être – et nous nous employons à cela – dans l’intérêt du peuple chypriote dans son ensemble. A savoir des Chypriotes grecs et des Chypriotes turcs. Tout comme je pense que les avantages, quels qu’ils soient, émanant de la valorisation des ressources naturelles, qui sont un droit souverain de la République de Chypre – et nous l’avons à maintes reprises souligné – devront être des avantages que se partageront les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs de manière équitable.
Bien entendu, nous avons discuté des questions énergétiques et continuerons nos discussions lors du dîner. J’aimerais à ce titre dire que le gazoduc East Med est un projet énergétique revêtant une importance géopolitique particulière pour le transport des ressources énergétiques de la région de la Méditerranée orientale en Europe et nous devons tous œuvrer à sa mise en œuvre et assurer le transport en toute sécurité des ressources énergétiques de la Méditerranée orientale dans l’espace européen, dans le cadre, bien entendu, de la diversité des sources et routes énergétiques, un principe que nous soutenons tous.
C’est sur ces pensées que je voudrais, encore une fois, remercier le Président Anastasiadis, mon ami Niko, pour son accueil et réitérer le message que nous transmettons aujourd’hui ici, à savoir un message d’accompagnement dans le sens de la recherche de solutions européennes communes. Le message transmis par l’effort réussi que avons eu concernant le désaccord – datant de trente ans – sur le nom, avec la Macédoine du Nord ou encore le message permettant de constater l’existence de solutions européennes par le biais du dialogue et de la compréhension mutuelle. Nous croyons en une Europe qui peut apporter des solutions, au lieu de se plonger dans l’introversion. Et bien entendu, nous croyons en une Europe qui sera plus efficace et dans le même temps plus démocratique et sociale. En une Europe qui pourra, outre le fait de résoudre ses propres problèmes, jouer un rôle substantiel sur la scène internationale en tant que pilier de paix et de stabilité.
J’aimerais réitérer que notre effort, à nous sept, particulièrement ici à Chypre, atteste du fait que nous sommes déterminés à œuvrer en faveur de la paix et de la stabilité dans cette région déstabilisée de l’Europe qu’est la Méditerranée du sud-est.
Sur ces pensées, je remercie encore le Président Anastasiadis pour son accueil ».