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Discours d’ouverture de N. Kotzias, ministre des Affaires étrangères, à l’occasion de la Conférence sur la sécurité et la stabilité (Rhodes, 8 septembre 2016)

Friday, 09 September 2016

Je tiens à vous remercier d’avoir répondu à cette invitation d’assister à la conférence de Rhodes afin de débattre des problèmes qui affectent la Méditerranée orientale. Une région où règnent à la fois la guerre et la paix, l’esprit de coopération et les dissensions, des fractures profondes et l’amitié.

A notre conférence participent les Etats du Moyen-Orient situés au-dessus ou juste à côté du bassin méditerranéen. Des Etats qui sont le cœur même du monde arabe. La Méditerranée et les Arabes : un mariage qui date depuis des siècles. Du côté européen participent les Etats-membres de l’UE situés dans la partie sud-est de l’Union, ainsi que les Etats de l’Europe du Sud-est qui sont candidats à l’adhésion à l’UE. Enfin, mon cher ami Miroslav, président du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’UE participe également à cette conférence.

En effet, il s’agit de la première conférence entre les Etats de l’Europe du Sud-est et les Etats arabes. Les Balkans et la Méditerranée orientale constituent une continuité géographique commune. Par cette région « transite » une multitude de problèmes, mais aussi de possibilités et d’opportunités : réfugiés, commerce, transports, migrants économiques. Nous avons beaucoup en commun et pouvons faire beaucoup de choses encore et progresser davantage.

La stabilité de chaque Etat de la région influe directement sur les autres Etats. La sécurité de chacun d’entre nous est étroitement liée à la sécurité des autres. Nous vivons dans un monde marqué par une multitude d’interactions et d’interdépendances. Dans un monde où même un événement fortuit peut avoir de multiples répercussions sur nos citoyens.

L’interconnexion et l’interdépendance sont le fondement sur lequel sera axée notre recherche en vue de parvenir à des positions et à des solutions communes face aux problèmes qui affectent la région. Un fondement aussi sur lequel seront axées nos initiatives en vue d’œuvrer en faveur de notre intérêt commun.

Dans notre région, un grand nombre de puissances ayant leurs propres intérêts se font concurrence. Parfois leurs intérêts coïncident avec les nôtres et d’autres fois encore nos intérêts ne sont pas exactement les mêmes. Or, l’objectif n’est pas de définir notre position à l’égard de ces puissances, mais de partir de nos intérêts communs et en fonction de ces ceux-ci de juger de l’attitude des autres.

Une coopération de ce genre doit être axée sur les bonnes relations entre la Grèce et le monde arabe. Des relations historiques, culturelles et économiques. Des relations de confiance que nous voulons étendre dans toute l’Europe du Sud-est.

Quel est à mon avis le bien fondamental pour notre région ? La paix. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour instaurer la paix dans notre région. Mais pour instaurer la paix il faut avoir de la stabilité. La stabilité dépend dans une large mesure de la guerre contre le terrorisme. Toute personne qui veut la paix, doit lutter contre le terrorisme. Défendre les droits de l’homme, les droits sociaux, les intérêts des peuples. Promouvoir la coopération internationale.
La paix, c’est mettre fin à la situation chaotique en Libye. Le renversement des régimes qui n’est pas suivi par des solutions substantielles et justes est loin d’être un geste prudent. Nous devons aider à l’instauration d’un gouvernement national en Libye. Afin d’y parvenir, la condition préalable est la participation de toutes les forces qui luttent contre le chaos et le terrorisme.

La paix, c’est faire cesser la guerre en Syrie mais aussi en Irak. C’est parvenir à un traité de paix qui permettra à la population de la région de rentrer dans ses foyers et bâtir un avenir qui lui offrira des perspectives d’avenir, des aspirations et de l’espoir pour elle-même et ses enfants. C’est élaborer un grand programme rationnel de reconstruction pour tous ces pays.

C’est stabiliser les régions d’instabilité et parvenir à un règlement de la question kurde d’une manière pacifique et durable.

La paix c’est reconnaitre les grands efforts consentis par la Jordanie et le Liban afin de faire face aux répercussions de la guerre menée dans la région sur les grands groupes de population. La paix c’est octroyer une aide financière à ces deux Etats, notamment de la part de l’UE. L’objectif n’est pas seulement d’accueillir les grandes populations de réfugiés, mais aussi de mettre en place de nouvelles infrastructures économiques, des zones agricoles et de production, ainsi que des zones industrielles afin de faire face au chômage qui affecte ces populations.

Le monde doit s’incliner devant ces deux Etats pour la façon dont ils sont parvenus à gérer les flux des réfugiés et les soutenir. Ces deux pays payent le prix pour des choix qu’ont fait d’autres pays. Ces derniers doivent assumer leurs responsabilités et assister ces Etats dans l’accomplissent de ce travail.

Les questions liées à la protection de l’environnement et à la sécurité environnementale vont de pair avec la paix. La Méditerranée est en fait une mer fermée et sa capacité à résister à toute sorte de charge environnementale n’est pas illimitée. Nous devons prendre de concert des mesures, mettre en place des règlements et des dispositions afin de mettre fin à ces charges environnementales incontrôlées de la part du secteur public et privé. Nous devons contribuer au maintien de l’excellent climat de notre région. Nous devons assurer les meilleures conditions de vie possibles pour toutes les espèces maritimes et non maritimes.

Je propose l’élaboration d’actions communes, la réalisation de recherches et le développement des technologies vertes pour la protection de l’environnement maritime mais aussi pour la production de l’énergie et le transport des sources d’énergie traditionnelles.

Les autres pays de l’Afrique du nord et notamment l’Egypte jouent un rôle très important pour la stabilité et la sécurité de la région. Les pays du Golfe jouent également un rôle important. A l’heure actuelle, la stabilité est la condition nécessaire pour consolider les droits de l’homme et répondre aux besoins de la nouvelle génération.

L’Afrique du Nord-est, les Balkans, le Moyen-Orient constituent un ensemble géostratégique et forment un espace particulier, celui de la Méditerranée orientale et de sa périphérie. Un espace qui est le berceau de grandes civilisations, des religions les plus importantes du monde actuel. Cet espace a aussi développé depuis des siècles, plus que nul autre – à l’exception de la Chine – les sciences, les lettres, le commerce et la production.

La stratégie pour la sécurité maritime de l’UE (EU Maritime Security Strategy – EUMSS) est liée à la sécurité en Méditerranée. Ladite stratégie a été élaborée sous la présidence hellénique en juin 2014 et elle est devenue opérationnelle à travers le plan d’action élaboré par la présidence italienne en décembre 2015. Cette action est soutenue par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM).

La sécurité des transports dans notre région élargie ainsi que le développement d’un réseau de transports moderne constituent une question spécifique. Les exigences en matière de sécurité maritime mettent en évidence l’importance de cette question.

Quarante pour cent des réserves énergétiques transitent par la région de la Méditerranée qui constitue l’un des plus importants carrefours maritimes, du canal de Suez au détroit de Gibraltar, en passant par le détroit d’Ormuz et le Golfe d’Aden. La Grèce et la Turquie constituent le flanc sud-est de l’OTAN et Chypre le flanc équivalent de l’UE, tout en étant la limite mais aussi l’anneau qui connecte les deux sous-systèmes, l’Europe du Sud-est et le Moyen-Orient. C’est la région qui peut approvisionner en énergie et diversifier les sources de gaz naturel pour l’UE.

Cet espace a historiquement démontré sa capacité à accomplir de grandes choses, grâce à la synergie des cultures et des religions les plus différentes. L’islamisme n’est pas l’ennemi du christianisme tout comme le christianisme n’est pas l’ennemi de l’islamisme. L’ennemi c’est le fanatisme dans toute religion, ou encore le fanatisme de certains athées. Nous tous devons contribuer davantage à cultiver la coexistence entre les différentes religions et à développer davantage le dialogue entre elles. C’est pourquoi, quiconque le souhaite peut contribuer à la préparation de la deuxième conférence internationale pour la protection des communautés culturelles et religieuses au Moyen-Orient qui sera organisée dans la lignée de la première conférence internationale tenue en octobre 2015 à Athènes.

Je suis persuadé que les religions de la région sont profondément humanistes, qu’elles s’inspirent de grandes valeurs et sont porteuses de principes. Elles peuvent contribuer à la résolution des problèmes sociaux et devenir une source d’inspiration pour un meilleur lendemain et non pour un présent marqué par les catastrophes.

C’est pourquoi je pense qu’au-delà des coopérations et des alliances que chacun peut avoir dans chaque région, la mise en œuvre d’actions et de projets communs ainsi que de perspectives communes peut produire des effets positifs pour nous tous.

Aujourd’hui, les pays des Balkans, avec la question des réfugiés, font les frais d’une guerre à laquelle ils n’ont pas participé. Nous n’avons ni commencé cette guerre, ni ne l’avons décidée, ni ne la menons.

La question des réfugiés et des migrants économiques est l’une des plus grandes questions du 21e siècle. Des millions de personnes se déplacent afin de trouver de meilleures conditions de vie ou encore pour sauver leur vie.

La plus grande majorité de réfugiés se trouve en Turquie qui porte un lourd fardeau. Ou encore au Liban et en Jordanie. Il est nécessaire de soutenir ensemble l’aide financière octroyée par les Nations Unies et l’UE à ces deux pays ainsi que la création de nouvelles structures économiques et zones industrielles.

Je propose la création d’une équipe de recherche et d’action conjointe concernant la question des réfugiés, chargée de coordonner les demandes et les pratiques de la région. Afin que nous ayons un rôle actif et non passif dans les politiques internationales ayant trait aux migrants et aux réfugiés.

Les réfugiés et les migrants économiques ont des besoins qui ne peuvent être couverts que par le biais du développement.

Je propose de mieux organiser la coordination de nos autorités compétentes, afin que des programmes transfrontaliers puissent être proposés, approuvés et mis en œuvre. De mettre en place des coopérations spéciales régionales et internationales élargies dans un sens précis. De faire, lorsque cela est possible, des propositions à l’UE et à l’ONU, notamment dans les domaines en proie à des crises humanitaires.

Je propose que les pays appartenant à l’UE puissent avoir la possibilité de promouvoir des projets communs par le biais de l’UE, que nous contribuions et orientions l’UE vers des actions et des choix qui s’inscriront dans l’esprit de nos discussions, qui serviront nos objectifs communs.

Notre région est très riche en matières premières, industries et ressources humaines. Nous devons trouver un moyen de valoriser davantage ces ressources existantes et d’en attirer d’autres.

Je propose de renforcer notre coopération, de la coopération de nos universités et centres de recherche au renforcement et à l’organisation de nouvelles méthodes de production.

Ce choix stratégique peut être promu à travers l’élaboration et la mise en œuvre de programmes régionaux et transfrontaliers communs avec le soutien de l’UE et autres organisations internationales. Nous pouvons et devons rétablir les réseaux économiques et sociaux entre les deux régions. Des réseaux énergétiques, pétroliers, gaziers ainsi que des réseaux de transport. Il est nécessaire de créer des infrastructures importantes et stables d’interconnexion des parties de notre région.

Notre région, nous le savons tous, connaît d’autres types de réseaux qui souvent valorisent d’une façon particulière les nouvelles capacités offertes par l’économie mondiale et le système d’information. Des réseaux par le biais desquels circulent illégalement des terroristes, des armes et autres matières explosives, des hommes et des organes humains, des stupéfiants et des produits provenant du trafic d’antiquités. Le terrorisme, mais aussi des formes de crime organisé, nécessitent des réponses dures.

Je propose la coopération entre les services d’information de nos Etats, l’échange d’informations et autres documents ainsi que des actions communes de nos polices. Il faudra réfléchir à une meilleure coordination des Etats de notre région s’agissant de cette question.

Plus particulièrement, le terrorisme trouve son origine dans de nombreux problèmes sociaux et politiques de notre région. De grands peuples ne possèdent pas leur propre Etat. Je me réfère avant tout à la Palestine et à la nécessité de créer deux Etats au Moyen-Orient qui vivront en paix et en sécurité, dans le respect de la dignité humaine et de la différence, je veux parler d’Israël et de la Palestine.

Le terrorisme dans notre région a été lié à la violence massive et aux conceptions extrémistes. D’ailleurs, aujourd’hui à l’époque de la mondialisation, il a « trouvé » la voie et le moyen de se répandre sur tous les continents. Mais le plus inquiétant c’est que les vecteurs du terrorisme sont même les jeunes enfants. Nous risquons de voir périr toute une génération vivant dans la haine, le mensonge et une vie sans perspectives.

Je propose de trouver les moyens d’une coopération pacifique de la nouvelle génération de la région tout entière, de développer l’amitié et la coopération, notamment dans les domaines de la culture, du sport et de l’éducation. Recherchons dans notre débat de deux jours de nouvelles formes de coopération régionale qui seront instaurées sur le long terme.

Encore faudra-t-il développer des possibilités communes de diffusion de messages de coopération et de paix, d’actions alternatives qui seront contraires à la haine et à la violence.

Nous devons nous attaquer aux origines de la haine et de la violence religieuse, raciale et nationaliste. Nous devons contribuer au développement social et économique équilibré.

Pendant les guerres du Moyen-Orient, est apparue la nécessité de protéger l’ensemble des communautés culturelles et religieuses de la région.

Notre région était une région dans laquelle ont souvent coexisté les sociétés multiculturelles et multiconfessionnelles. C’était une réalité dans notre région, notamment au Moyen-Orient. Et il est certain que ces sociétés auraient survécu s’il n’y avait pas eu l’ingérence et les interventions des pays qui aujourd’hui réprimandent de nombreux Etats de la région.

Car même lorsqu’il n’y avait pas d’institutions similaires, en nature ou en nombre, à celles de la démocratie en Occident, ces sociétés étaient des sociétés ouvertes respectant la différence. Et cela ne doit pas se perdre. Quiconque de vous tous le souhaite, peut participer à l’observatoire sur ces questions qui a été créé après la conférence internationale d’Athènes qui a déjà accompli beaucoup de travail, tandis que la deuxième conférence qui se tiendra à l’automne 2017 est en cours de préparation. Vous y êtes tous conviés.

Le point central de notre philosophie est que personne ne doit envisager notre région du point de vue seulement du problème du Moyen-Orient, mais des possibilités offertes, de sa dynamique.

Une dynamique qui est confirmée par sa grande contribution en tant que berceau des civilisations, des grandes religions monothéistes et de la démocratie.

Les problèmes de la région ne peuvent être résolus de l’extérieur. De tels efforts ont toujours été voués à l’échec. Au contraire, les politiques élaborées par les citoyens eux-mêmes et les institutions de nos pays ont été couronnées de succès. Nos citoyens et institutions doivent organiser le dialogue, la coopération et la collaboration. Les choix doivent leur incomber. Des choix auxquels des tiers peuvent contribuer en assurant leur mise en œuvre et leur soutien, tant du point de vue matériel qu’intellectuel. Et non pas le contraire.

C’est la raison pour laquelle nous affirmons : pas d’ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat, quel qu’il soit, car cela mène souvent à des tensions. Promotion d’une culture de coopération à tous les niveaux. Si cela n’est pas de suite possible, création de réseaux de coopération et mesures de confiance dans de nombreux domaines.

Nos actions et le développement ultérieur de notre coopération sont fondés sur le droit international, l’ONU, l’UE et la coopération qu’ont entre eux les pays arabes, les institutions de cette coopération. Notre force motrice est la vision que nous pouvons forger conjointement pour une Méditerranée orientale sure et stable. Une région de développement des synergies et de la paix.

C’est pourquoi je propose que notre conférence devienne une institution permanente de dialogue de paix et de sécurité pour l’ensemble de la région.